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Story: Dis Clément, ça se passe comment au Togo ?

Quand la passion n’a pas de frontière.

Quand Clément Caillat m’a annoncé qu’il partait au Togo pour participer à une course de motocross en plein centre de la capitale, j’ai difficilement pu contenir mon étonnement. Sur le papier, on était bien loin de la Californie, destination prisée par tous les passionnés de Motocross. Mais si Clément avait décidé de casser les préjugés pour partir à l’aventure, pourquoi pas moi ?

L’étonnement a donc laissé place à la curiosité. Quand l’opportunité se présente, il faut savoir la saisir; en voilà une  occasion inédite de connaître la scène du Motocross au Togo. J’ai longuement discuté avec Clément lors de son retour afin de pouvoir écrire un article sur son séjour, et en quelques jours, le tout était dans la boîte.

J’espère que vous parviendrez à vous immerger à votre tour dans le récit d’une histoire qui m’aura, moi, fait voyager; pendant quelques instants.

En grille !

Pssst ! l'article continue ci-dessous :)

Clément Caillat: “Moi, c’est Clément Caillat, j’ai 24 ans et j’ai commencé la moto à l’âge de 6 ans. Mon père en faisait et comme beaucoup j’ai vite attrapé le virus. Je roule en Supercross depuis 7 ans maintenant et je me battais pour accéder en finale SX1 l’an dernier. Cette année [2019] j’ai donc décidé de redescendre en SX2 pour la Pro Hexis Cup et le SX Tour.

Je fais des études, je suis actuellement en Master MEEF pour devenir professeur des écoles. J’essaye de jongler entre la moto et les études. Je suis également moniteur à Cross Up. Conscient de ne pas être le futur Dylan Ferrandis, j’ai fait le choix d’une carrière plutôt exotique et je n’hésite pas à aller à l’étranger pour rouler.

J’ai déjà été rouler en Slovaquie, en Pologne, en Espagne, en Suisse, en Finlande, en Italie ….

Là, je reviens tout juste du Togo, j’y ai passé une semaine et c’était un vrai choc culturel.

Laissez moi vous raconter …

En route vers le Togo

Toute l’histoire a commencé quand j’ai rencontré la famille Voigt – Amine et Adam. Ces derniers font de temps en temps le déplacement depuis le Togo pour faire des stages à Cross Up pendant l’été. Pendant une discussion, ils m’ont laissé entendre qu’il y avait une course à Lomé, la capitale du Togo. Aventurier de nature, j’étais intéressé.

On a pas mal échangé avec l’organisateur de la course sur place et on a trouvé un accord :  si j’entraînais les pilotes Togolais avant et après la course, l’organisateur me payait les frais de déplacement. Le nom de Cross Up n’est plus à faire sur place. Quelques semaines plus tard, tout était organisé et j’ai pris l’avion direction le Togo.

J’ai logé pendant toute la semaine chez les Voigt. J’habitais au milieu des résidences présidentielles et des ambassades, c’était plutôt calme, en plus les gens ici sont très respectueux. J’ai pu aller dans un hôtel hyper sélect où les chefs d’Êtat vont, moi, je m’y suis fait masser !

J’ai fait de la moto à bloc pendant une semaine complète, et de temps en temps, je mettais des raclées à FIFA aux petits jeunes. Le sport n’est pas très présent en général au Togo, c’est très pauvre.

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Un jour de course au Togo

Au Togo, la richesse côtoie la pauvreté, j’ai vu des enfants venir me demander de l’eau pendant que je m’entraînais, le contraste entre les deux extrêmes est assez frappant.

Côté moto, la famille Beuchet, originaire du Bénin, m’a prêté un 450 Enduro, une EXC de 2015 si mes souvenirs sont bons. Ils avaient amené une 350 et une 450 pour que je puisse faire mon choix. J’ai pris la 450, j’ai resserré les suspensions à fond et je me suis acheté un nouveau pneu arrière sur place, qui m’aura tout de même coûté 80€.

J’ai un peu roulé sur la route avec la moto mais j’étais terrorisé car personne ne respecte le Code de la route. Les feux tricolores font de la figuration et les priorités ne sont jamais respectées, les jeunes locaux ont tellement l’habitude qu’ils n’y font plus attention, ils s’amusent même à faire des wheelings sur route ouverte.

Frôler un poids lourd pour doubler est un exercice courant, et tu te demandes quand la roue du camion va se détacher tellement elle vibre, j’ai vu ma vie défiler et je ne faisais pas le fier.

Thomas et Simon Beuchet 🙂

Au niveau de la scène MX au Togo, le niveau est bien moins relevé qu’en France, mais il y a des catégories pour les quelques pilotes qui roulent. Les jeunes en 50 et 65 roulent ensemble, les espoirs et débutants sont regroupés en 85 et 125, et il y a une catégorie pros qui réunit toutes les autres cylindrées. Il doit y avoir 15 pilotes de motocross au Togo, autant au Burkina Faso, et 7 au Bénin, il y avait également quelques pilotes de Côte d’Ivoire.

Les pilotes du Burkina Faso viennent en avion et des chauffeurs amènent leurs motos par la route, il y a de gros problèmes avec les pirates sur les routes là-bas, il est donc vivement conseillé de se déplacer en avion entre les deux pays.

Durant le séjour, j’ai vu une enseigne KTM, c’était plus un atelier mécanique qu’une concession, le propriétaire se débrouillait pour faire venir des motos pour les locaux.

Au Togo, il y a 2 circuits de motocross, un officiel pour la course, et un sauvage en sable au milieu d’un complexe hôtelier abandonné, qui va d’ailleurs prochainement accueillir une épreuve.

Le circuit en friche sur le terrain d’un ancien hôtel abandonné

Ici, il n’y a pas de fédération, pas de licence, pas de contrôle administratif ou technique, il y avait quand même des commissaires de piste le jour de la course, ouf ! Au Togo, si vous vous présentez au club avec une moto, vous pouvez rouler.

Le circuit sur lequel j’ai roulé pour la course est en plein centre de la capitale, je pouvais voir les pilotes locaux arriver par la route, directement sur leurs motos. Niveau réglementation, on est bien loin de la France. Pour vous donner une petite idée, j’ai même pu donner un stage de pilotage sur la plage, j’avais placé des quilles sur le sol pour faire des virages, et quand un pilote prenait trop large, il finissait dans la mer [rires]. On s’est fait quelques frayeurs.

Avec ces pilotes, j’ai repris quelques bases de pilotage car la technique n’était pas parfaite, les freinages, les virages, les départs, etc.

Je suis moi-même encadré par Olivier Nitard, William Poll et Laurent Dhor pour les cours de pilotage et je bénéficie de leur expérience; expérience que j’ai pu transmettre aux pilotes sur place.

Il fait très chaud, tous les jours … 35°

Le jour de la course, c’était vraiment relax, un peu trop à mon goût, la preuve, on est arrivé sur la piste avec presque 2 heures de retard. J’étais en panique, j’avais peur de louper la course, mais Amine n’arrêtait pas de me dire de me calmer, que tout le monde était toujours en retard au Togo. Arrivé sur le circuit, je me suis rendu compte que c’était vrai, tout a commencé avec 2 heures de retard.

J’ai été très surpris quand les essais chronos ont commencé. Les chronos sont littéralement faits à la main. Un chronomètre à la main, la personne en charge déclenche le chronomètre quand vous passez devant elle et votre temps chrono dépend aussi de son temps de réaction, on est bien loin des transpondeurs, pas vrai ?

L’ambiance était dingue et n’avait absolument rien à envier aux courses en Europe. Il y avait pas moins de 19.000 personnes autour du circuit et tout s’est déroulé dans une ambiance bon enfant, 100 CRS étaient tout de même présents pour assurer la sécurité de l’événement, et tout s’est déroulé sans encombres.

Une foule venue en masse, le circuit est en plein centre de la capitale !

Le public encourageait les pilotes Togolais à pleins poumons car ils voulaient les voir battre les pilotes du Burkina Faso, la rivalité est plutôt bon enfant.

On a fait 3 manches de 9 tours, sous 35 degrés … C’était une fournaise. J’ai dû boire 7 litres d’eau le jour de la course et pourtant, j’étais complètement desséché. Lors des essais chronos, je n’ai fait que 2 tours au ralenti pour me préserver pour les manches, j’ai vraiment souffert de la chaleur. Certains parents avaient amené des ventilateurs pour se rafraîchir et si je n’étais pas sur la moto, j’étais devant mon ventilateur.

Durant la journée de course, j’ai pris 3 bons départs et j’ai géré mes manches, je roulais plutôt tranquille, je ne pouvais pas non plus me permettre de prendre des risques et de me blesser, il n’y avait aucun enjeu pour moi, à part celui de prendre du plaisir. Se faire soigner en cas de blessure en Afrique, c’est très difficile. On m’a même dit « Quand tu fais une course en Afrique, l’hôpital le plus proche, c’est Paris », ça donne la couleur et forcément, ça calme les ardeurs.

Pour vous donner une idée de l’ampleur de l’évènement, je me suis fait entourer par la presse, les caméras et les spectateurs après ma victoire, ça fait bizarre . J’ai même dû me faire escorter du podium jusqu’à la voiture – en signant quelques autographes au passage – chose qui ne risque pas d’arriver en France [rires]

J’ai aussi eu l’occasion d’assister à une course de « ZEM », c’était dingue. Étant donné que le Togo est un pays très pauvre, peu de citoyens possèdent une voiture et beaucoup se déplacent à moto. Il y a donc une catégorie « ZEM », les motos locales que les Togolais utilisent pour se déplacer ou pour faire le taxi, rien à voir avec les motos de cross de chez nous, les courses sont divertissantes, c’est le moins que je puisse dire. Ils se tirent la bourre sur le même circuit que nous et y mettent tout leur cœur, le vainqueur gagne une « Zem », des images incroyables qui resteront gravées dans ma mémoire.

Prêt pour une course de Zem ?

La vidéo de la course, par le Togo Moto Club

Après la course, tous les pilotes se sont réunis pour faire une énorme fête, tous les parents étaient aussi présents, que du bonheur. Le jour suivant, on s’est reposé et on a récupéré un peu avant d’attaquer les dernières leçons de pilotage.

Déjà, mon séjour au Togo touchait à sa fin, c’est dingue comme le temps passe vite quand on s’éclate. Sur le départ, les enfants m’ont offert un drapeau de leur pays avec plein de messages écrits dessus, c’était très émouvant. Au final, je repars de ma semaine au Togo avec une grosse coupe, une nouvelle expérience de vie, le cœur lourd et un paquet de souvenirs. Dans l’avion me ramenant en France, j’ai eu l’étrange sentiment de laisser une famille derrière moi.

J’ai rencontré des personnes formidables et c’est toujours difficile de dire au revoir.

Soyez en sûr, je reviendrais.

Le trophée souvenir.

Suite à cette enrichissante aventure, j’ai eu l’opportunité de rentrer en contact avec le motoclub Etalon au Burkina Faso, qui organise une course le 1er juillet sur un circuit créé par Olivier Nitard lui-même. J’espère donc pouvoir me rendre sur place afin d’entraîner à nouveau des jeunes du pays.

Je souhaite remercier de tout cœur le motoclub de Lomé qui a tout mis en place pour que je puisse venir rouler, la famille Voigt pour leur accueil formidable, la famille Beuchet pour leur généreux prêt de la moto et je passe le bonjour à toutes les personnes que j’ai pu rencontrer le long de mon séjour et qui liront ce récit.”

Le site du motoclub du togo

Les cours de pilotage de CrossUp s’exportent au Togo

On part tout de même derrière une grille

Le sable est très profond, ça tient tout seul. Vu la déco ? Vu le numéro de plaque avant Fait maison ?

Du Motocross sur la plage, à la cool ?

On montre l’exemple

On s’autorise une petite pause

Holeshot ?

Les dernières minutes

Tout est organisé de façon pro.

Une ambiance au top

L’entraide fait chaud au coeur

L’accueil est plutôt chaleureux 🙂

On se détend entre pilotes 🙂

On se rend sur la piste via la route directement

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