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Valentin Guillod “Il faut se réveiller”

Valentin Guillod “Il faut se réveiller”

Après une année d’absence, Valentin Guillod fait son retour à temps plein en mondial MXGP. Signé par la structure SR Honda Motoblouz de Josse Sallefranque à l’intersaison pour évoluer aux côtés de Jeremy Van Horebeek, Valentin ne connaît pas un retour aux affaires de tout repos. Blessé à la jambe avant le début de saison, le pilote Suisse a profité du confinement pour se refaire une santé et préparer le retour des compétitions. Sur la réserve à Kegums, Valentin n’a pas rencontré la réussite escomptée en Lettonie en terminant 29ème, 22ème et 23ème des épreuves. Place au travail mental.

Valentin, je t’ai croisé à Valkenswaard, tu m’annonçais t’être blessé à la jambe. Un début de saison compliqué et finalement, le confinement …

Après le Touquet, j’ai pris deux ou trois jours de récupération avant de reprendre le sport. Le 15 février, j’ai ressenti une grosse douleur au niveau de la jambe – à ne plus pouvoir en marcher – on a fait des scanners, des IRM, et on a vu qu’il y avait une fracture de fatigue.

Depuis le 15 février, je suis resté couché sur mon canapé à ne pas pouvoir faire grand-chose mais j’ai décidé d’aller en Angleterre et à Valkenswaard quand même.

En Angleterre, ça ne s’est pas trop mal passé (16-25), c’était plus compliqué à Valkenswaard (28-29); j’ai fait une erreur de débutant en préparant mes lunettes en première manche et j’ai dû m’arrêter pour en récupérer une paire, je termine hors des points. En seconde manche, alors que j’étais aux alentours de la 16ème place, je casse le moteur.

Le problème, c’est surtout que je roulais sur une jambe à cause de la fracture de fatigue même si le sable, ça n’a jamais été mon fort. On avait pas mal roulé dans le sable pour préparer la saison, mais on roulait dans le sable de plage. Jeremy Van Horebeek préparait le Touquet et je l’accompagnais plutôt que de rouler dans mon coin. Ça changeait aussi de rouler dans ces conditions avec des grosses vagues. Problème, le sable de plage n’a rien à voir avec ce qu’on rencontre en mondial.

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Après, on a été confiné. Finalement, heureusement qu’il y a eu ce confinement car avec ma jambe, ça n’aurait pas été possible de continuer et d’enchaîner toutes les courses de la saison. J’ai pu me soigner. À partir de début avril, j’avais vraiment bien repris le sport après un mois de mars tranquille pour que tout se reconsolide et en avril, j’ai repris le home-trainer, le vélo de route, avant de reprendre la moto fin mai. Mon mécanicien est venu 10 jours en Suisse et début Juin, j’étais avec le team en France.

@Niek Kamper

Infront Racing dévoile le nouveau calendrier avec 3 épreuves à Kegums et 3 épreuves à Lommel, tu t’es dit quoi en voyant ça ? Tu as fait quoi en sortie de confinement ?

Quand le calendrier est sorti, je me suis dit que c’était top, une occasion de montrer que je savais rouler dans le sable. Dès la mi-juin, on a commencé à rouler en Belgique mais c’était compliqué car ils étaient à moitié confiné là-bas. On pouvait rouler le mardi à Honda Park et le vendredi à Lommel. On partait tôt le matin, on faisait 4 heures de route, je mangeais, je faisais mes deux manches de 30 minutes et on rentrait à la maison à 21h30; il fallait s’inscrire sur une liste d’attente. Compliqué, fatiguant.

J’ai roulé à Arnhem lors de l’international Hollandais, un terrain glissant, mou dessus et dur-dessous. J’ai eu de bonnes sensations, ça c’était bien passé, je fais 9-9 et il y avait une quinzaine de pilotes de grands prix, du positif.

Magescq, compliqué, dommage. Le weekend d’avant, je fais deux manches correctes en Hollande donc c’était encourageant. Malheureusement, je n’ai pas réussi à claquer de bons chronos aux essais. En première manche, la moto s’arrête au bout de deux virages; ça commençait mal. Entre les essais et la deuxième manche à 17 heures, la piste avait changé de malade et depuis 10heures du matin, j’avais eu le temps de me refroidir. Une seconde manche très compliquée, pas dans le rythme, pas dans les traces, j’ai subi.

Jeremy & Valentin – Magescq 2020 – @EliteMotocross

Arrive la première épreuve en Lettonie.

On arrive motivé en Lettonie. Malheureusement, première épreuve, première manche, je tombe et je casse le levier d’embrayage. Une 450 sans embrayage, c’est compliqué à contrôler … En seconde manche, je suis 18ème, je me bats bien, et à 8 minutes de la fin, j’explose complet physiquement. Stressé toute la journée, des crampes, j’ai dégringolé.

Comment ça se passe aux chronos pour toi ?

Lors des essais chronos, ça se passe très mal pour moi. Les autres, c’est des fous complet. Pour une place aux chronos, ils vendraient leur mère je pense [rires], des malades. Pendant les chronos, ils font des tours à fond, pendu au guidon en se retenant à l’embrayage, c’est fou. Déjà que j’étais super tendu, je roulais à 60% … Quand les autres font des chronos à 110% à fond, faire mieux que le 25ème temps, c’est impossible.

C’est un problème que je dois régler, je n’ai pas réussi à me libérer, j’étais trop tendu. Lors du dernier grand prix ça allait mieux, moins d’appréhension, moins de peur. Les gens ne se rendent pas compte de l’état de la piste, c’était un truc de dingue. Je ne peux pas dire que c’était dangereux car on peut se faire mal sur n’importe quelle piste mais je ne me sentais pas en sécurité. À n’importe quel moment, on pouvait se prendre un gros coup de raquette, glisser des deux roues, on atterrissait des tables dans des ornières, c’était très chaud. J’étais tendu, pas en confiance, en Lettonie, c’était compliqué.

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Je travaille dur depuis début avril mais je pense que je n’étais pas prêt à tout risquer sur les premières épreuves, le côté mental m’a un peu bloqué.

@Niek Kamper

Du mieux quand même entre le premier et le troisième GP.

Sur le papier, les résultats sont nuls et ce n’est pas ce que je veux. Si on regarde le positif, on voit qu’entre le premier grand prix Letton et le dernier, ça va dans la bonne direction et ça progresse. En début de saison, l’objectif était d’être autour du top 15, la première étape, avant de s’approcher des 10-12 en fin de grand prix. 10-12, c’est un super résultat, en faisant ces résultats, tu es la première moto privée avec 13 motos d’usine autour de toi.

L’an dernier, tu reviens faire une pige sans préparation particulière pour KMP Honda en Allemagne et tu rentres dans le top 15 (13-15). Qu’est-ce qui fait que cette saison, c’est plus difficile ?

L’Allemagne, c’est un terrain que j’apprécie, sur lequel je suis plus dans mon élément. Un terrain assez dur, avec des sauts, des portions techniques. La Lettonie, c’est un terrain très technique mais il faut être très fort physiquement, et être capable de débrancher pour aller encore plus vite. Il faut être fort physiquement pour tenir la moto à Kegums. D’un tour à l’autre, dans la même trace, rien ne se passe de la même façon; tu pars à gauche, à droite, tu te retrouves avec les pieds au-dessus de la selle sans savoir pourquoi.

Valentin Guillod en Allemagne en 2019 avec KMP Honda

Pendant la pause, tu vas travailler sur quoi ? Sur la moto, sur le bonhomme ?

Sur la moto, je n’ai pas grand-chose à changer. On fait quelques améliorations et ça va dans la bonne direction; on a une ou deux petites pièces à tester mais la moto va très bien; c’est plus le pilote qui doit bosser. Mon objectif, c’est de rouler à 100% de mes capacités sur les prochaines épreuves, et pas à 60% comme en Lettonie, mais ça, c’est dans la tête.

Le calendrier doit être dévoilé prochainement, mais visiblement, vous allez rouler majoritairement en Italie.

En Italie, il faudra se méfier. Car si on va s’entraîner aujourd’hui à Faenza, ce sera béton, noir, lisse et sans trous … Le jour du grand-prix, ce sera griffé sur 40cm, des ornières et des trous énormes, et ça n’aura rien à voir avec les conditions qu’on aura rencontrées à l’entraînement. Ce sera difficile de s’entraîner pour préparer ces épreuves. Tout dépend de la préparation des terrains, mais il risque de faire chaud. Les organisateurs veulent éviter la poussière et préfèrent inonder le terrain. Là, tu te retrouves avec une trace principale très profonde avant qu’on commence à élargir, tu retrouves des ornières énormes, des trous de 30CM, des plaques glissantes et sèches de 20 mètres en sortie de virage. Difficile de trouver ce genre de conditions ici.

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Entre ta première saison en MXGP en 2016 et cette saison, comment le niveau a-t-il évolué ?

En 2016, pour ma première saison en MXGP, on devait être 12-13 bons pilotes, maintenant, on est 22 bons pilotes, le niveau a vraiment évolué. Le niveau se resserre. Avant, il y avait encore un écart entre la 16ème et la 25ème place. Aujourd’hui, tu peux faire 21ème en première manche et 9ème en seconde manche, c’est vraiment homogène, il faut un bon départ et rester dans le rythme, un niveau de malade.

En me qualifiant 25ème, je pars autour de la 25ème place, je force pour revenir 17 ou 18ème, mais le travail est différent que si tu pars 15ème pour te battre avec le 13ème avant de finir 16ème. Tu dépenses beaucoup d’énergie juste pour rentrer dans les points.

Photo

Valentin Guillod – 2016

Ce nouveau format sur un jour semble faire l’unanimité, tu en penses quoi ?

Le format sur un jour est vraiment cool. Tu arrives frais le dimanche. Il faut être honnête, quand tu fais une qualif à Lommel le samedi, le lendemain, c’est déjà difficile de sortir du lit. Là, tu arrives frais, bien, prêt pour tout donner pendant deux manches de 30 minutes. La qualification du samedi, c’est une manche qui ne compte pour rien, mais où tout le monde roule à 100%, on est des compétiteurs. Je ne connais personne qui se dit “ce n’est pas grave, ce n’est que la manche qualificative”.

Si on prend le sport pur, en termes de résultat, je pense qu’Infront sera assez intelligent pour voir que les pilotes sont à 100% avec ce format, ils ne lâchent rien, il n’y avait pas autant d’intensité sur deux jours. Le problème, c’est que pour l’organisateur, si on ne roule pas le samedi, ils ne vendront pas de places, même si le gars qui vient voir les courses le samedi, il viendra forcément le dimanche.

Et disputer trois GP en une semaine, niveau récupération, c’était comment ?

J’aurais pensé que disputer 3 grands prix en une semaine aurait été plus compliqué physiquement. Mais ça, c’est parce que normalement, un grand prix se dispute sur deux jours. Il y a des choses positives, tu ne prends pas l’avion, tu rentres chez toi, tu te douches, tu manges et tu es déjà au lit a 21h, et ça, c’est top. Le lendemain, déjà sur place, tu n’as pas besoin de faire 1000KM ou des heures d’avion.

Je n’ai pas roulé entre les épreuves. Herlings, Vialle, Prado, Coldenhoff & Co ont roulé eux. Moi, j’ai demandé à l’équipe de prendre mon vélo de route et mon home-trainer, je faisais de la récupération entre les grands-prix et je travaillais sur le physique. Riga, j’y vais depuis 2011, tu arrives le vendredi, tu roules le samedi et le dimanche et tu repars le lundi matin à 7 heures . Là, pour la première fois, j’ai eu le temps de visiter la ville, d’aller voir la mer, de profiter un peu pour voir certaines choses dans une ambiance plus calme.

@Niek Kamper

Tu penses à 2021 ? Comment ça se passe avec l’équipe et Josse en ce moment ?

Je ne réfléchis pas trop pour 2021, mais si je continue à rouler comme je viens de le faire lors des 3 grands prix en Lettonie, je sais que je ne serais plus en MXGP l’an prochain. Il faut se réveiller, il faut bien bosser pendant les prochaines semaines et arriver prêt en Italie. Je veux me concentrer pour retrouver mon niveau, rouler à 100% et commencer à faire des performances.

Avec le team, ça se passe vraiment bien. Josse ne me met pas la pression au niveau des résultats car il sait que je dois me reconstruire, après, au niveau de la manière, on est content de voir comment ça a évolué entre le premier et le troisième grand prix. Forcément, il y a de la déception car Josse vient à l’entraînement avec Jeremy & moi et il voit ce que je fais la semaine sur la moto, il voit ce que je fais physiquement, mais le jour de la course, je suis bloqué et je subis. Quand on est sur la terre, je roule à une ou deux secondes de Jeremy, sur un Lommel bien défoncé, je suis à 3 ou 4 secondes. À Kegums, j’ai pris une sacrée valise …


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