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Shaun Simpson « préparer des pilotes à monter en MX2 chez KTM »

Image: @Ray Archer / Gabriel SS24 KTM

Fin 2023 et après que VRT ait stoppé sa collaboration avec les Autrichiens pour reprendre le contrat Yamaha, KTM se retrouvait sans structure officielle sur l’Europe 250. De fait, l’équipe Gabriel SS24 managée par Shaun Simpson avait pu bénéficier d’un soutien des Autrichiens pour faire évoluer Cas Valk sur l’Europe 250, tout en alignant Josh Gilbert sur le mondial MXGP. Un an plus tard et après restructuration, la structure Gabriel SS24 est devenue team officiel KTM sur l’Europe 250, championnat sur laquelle elle concentrera exclusivement ses efforts avec Maximilian Werner et Gyan Doensen. À l’aube de l’ouverture du championnat en Espagne, Shaun Simpson se livre à notre confrère Andy McKinstry. Micro.

Shaun, un mot sur la saison 2024. Vous n’avez pas remporté le titre de champion d’Europe avec Cas Valk, mais il y a eu beaucoup de positif et un titre de champion d’Angleterre en MX2 à la clef. C’était comment de travailler avec Cas ? Il a montré son potentiel en Argentine pour l’ouverture de la saison de mondial !

On était dans une configuration un peu spéciale avant d’aborder la saison 2024 car avec Simon Gabriel, on voulait signer un pilote MXGP et un pilote MX2. Comme tu le sais probablement, on n’a pas été en mesure de trouver de pilote MX2…

On a signé Josh Gilbert assez tôt pour faire le mondial MXGP. On était contents. Puis Cas Valk est apparu sur nos radars après avoir été approché par KTM, suite aux changements dans leur programme. On l’a signé, et on a été très contents de remporter le championnat britannique avec lui. Je pense vraiment qu’on a fait une bonne saison ensemble : Cas est professionnel, très investi dans son travail, il s’entraîne dur, roule fort; il est talentueux. C’était vraiment bien de travailler avec lui. C’était probablement l’une des premières fois que je travaillais avec un pilote qui, surtout le week-end, m’écoutait vraiment. C’est un point avec lequel j’ai toujours eu du mal, car je n’aime pas être le mec qui dit « tu devrais vraiment faire comme ça » ou « moi je faisais plutôt ça ». Je me contentais de lui donner des astuces et des conseils glanés au fil de ma carrière.

J’ai vraiment pris plaisir à travailler avec Cas, car on pouvait voir qu’il ouvrait grand les oreilles et qu’il écoutait attentivement ce que je disais. À plusieurs reprises, on a fait des petites stratégies qui se sont avérées payantes la saison dernière. Malheureusement, on n’a pas été en mesure de décrocher le titre Européen, mais Mathis Valin et Valerio Lata ont été très forts. Tous les trois sont désormais montés en MX2 et sont clairement des pilotes capables de jouer du top 10, voire du top 5.

L’année dernière, l’équipe a également signé Josh Gilbert en MXGP. Comment s’est passée la gestion des deux catégories, et la collaboration avec Josh ?

On était contents d’avoir signé Josh. On avait vu son potentiel et on pensait pouvoir viser le titre britannique avec lui. On était convaincus qu’il pouvait intégrer le top 15 du championnat du monde MXGP, et même intégrer le top 10 en fin de saison. Malheureusement, l’année a été entachée par des blessures. On a travaillé dur avec Josh, mais dès le départ et tout au long de l’année, il n’a jamais vraiment réussi à s’adapter complètement à la KTM. Il ne se sentait pas à l’aise sur la moto. Je pense qu’il aurait probablement dû s’exprimer davantage à ce sujet, et on aurait fait en sorte de faire plus de testing pour l’aider à se sentir mieux dessus. Mais Josh est plutôt du genre à dire « ça ira, je vais faire avec», ce qui est une de ses qualités au passage. Il aime aller de l’avant coûte que coûte, mais au final, il ne se sentait pas assez en confiance sur la moto, et ça a vraiment compromis ses chances – comme les nôtres – en MXGP. Finir troisième du championnat britannique n’est évidemment pas une mauvaise performance, surtout avec les blessures contractées, et le fait que Jeffrey Herlings ait remporté le championnat devant Conrad Mewse. Globalement, 2024 a quand même été une saison difficile avec Josh, mais on a réussi à la gérer.

Gérer les deux catégories n’a pas été facile, j’ai souvent partagé mon temps avec l’un, puis l’autre pilote. Les mécaniciens et toute l’équipe ont fait un excellent travail pour gérer la situation, mais je dirais que se concentrer sur une seule catégorie va vraiment faciliter les choses cette année. Mettre tous nos efforts dans une seule cylindrée permettra davantage à l’équipe de travailler dans la même direction. Ce sera bénéfique pour tout le monde.

Cas Valk a été l’un des gros clients de l’Europe 250 l’an dernier @Gabriel SS24 KTM

Quand KTM vous a proposé de vous concentrer sur l’Europe 250, la décision était-elle facile à prendre ?  Se concentrer sur une seule catégorie, c’est plus simple, non ?

Se concentrer sur une seule catégorie sera moins stressant, ce sera aussi plus simple à gérer lors des épreuves. On se pointera sur l’épreuve, on regardera nos pilotes rouler, on se concentrera sur la piste, on établira des stratégies et toute l’équipe sera concentrée sur une seule et même chose à la fois. Les mécaniciens pourront travailler ensemble, je pourrai donner mes retours via les radios aux mécanos, et on pourra vraiment se concentrer correctement avant de retourner au camion pour faire un débriefing et préparer la séance suivante. De ce point de vue, ce sera beaucoup plus simple pour nous cette année.

Il n’y aura que des 250 dans le camion, avec les mêmes pièces. Même si beaucoup de pièces des 250 et 450 SX-F sont identiques, il y avait quand même quelques différences. L’an dernier, les moteurs de Josh étaient préparés par Evotech au Royaume-Uni, alors que tous les moteurs de Cas étaient préparés par KTM en Autriche. Il y avait donc quelques différences de ce côté-là.

Je pense qu’avec Simon Gabriel, on a vu ça comme une excellente opportunité pour notre équipe, surtout qu’on avait des ressources et un budget légèrement inférieurs à ceux des grosses structures présentes en mondial. On a estimé qu’avec notre budget, nos partenaires et nos sponsors, le championnat d’Europe était le championnat idéal pour nous. On pouvait ambitionner de devenir l’une des meilleures équipes du championnat, et viser le titre. On a donc sauté sur l’occasion. On est vraiment contents de bosser avec des jeunes pilotes qui, potentiellement, pourraient devenir champions du monde. Notre objectif ultime est de préparer des pilotes à monter en MX2 chez KTM, avec des pilotes qui seraient préalablement issus de l’équipe EMX125 Factory du groupe. On les ferait évoluer dans notre équipe avec un soutien de l’usine, avant de les faire monter chez Red Bull KTM. Avec un peu de chance, dans quelques années, on pourra serrer la main du champion du monde MX2 tout en sachant qu’on l’a aidé à arriver jusque là.

Est-ce que vous recevez plus de soutien de la part de KTM en 2025 ?

Je dirais que le soutien est simplement plus ciblé sur les catégories Européennes. Tout le travail sur les moteurs est désormais effectué en Autriche pour nos deux pilotes. L’usine nous a fourni un meilleur package moteur/électronique pour Gyan et Max. Ils ont également réalisé tout le développement lié aux normes de bruit, ce qui a été un véritable avantage pour nous : on n’a pas eu besoin de s’occuper de tout ça, et on sait que le package dont on dispose est performant, et a déjà fait ses preuves.

Je ne dirais pas qu’il y a forcément plus de soutien de la part de KTM, mais plutôt un lien plus étroit entre ce que nous faisons actuellement et ce dont KTM a besoin pour l’avenir, à savoir faire émerger des jeunes pilotes à travers le programme de développement de KTM. Le soutien que nous avons eu l’année dernière était déjà très correct, et je suis ravi de l’aide dont on dispose pour 2025 mais aussi 2026, puisqu’on a signé un contrat de deux ans. Il n’y a pas nécessairement plus de soutien en termes de budget ou de matériel, mais simplement une connexion plus forte entre le team et l’usine.

Pour la saison 2025, l’équipe fera évoluer Max Werner et Gyan Doensen. Vous avez votre mot à dire sur la composition de l’équipe avec Simon Gabriel, ou KTM vous impose les pilotes ?

Gyan faisait partie des pilotes KTM sur l’Europe 125 l’an dernier, donc il était assez évident dès le milieu de la saison qu’il deviendrait notre premier pilote pour la saison 2025. On a eu une certaine influence sur le choix du deuxième pilote. On a vraiment aimé ce qu’on voyait chez Max Werner en termes de vitesse, de technique, de style et de potentiel. On a donc proposé cette option, en parallèle d’autres propositions de KTM, et au final, nous avons signé Max, ce qui nous convenait parfaitement. C’est un pilote avec lequel on travaille bien, et on voit clairement qu’il a du potentiel.

À l’avenir, il y aura probablement un véritable système pyramidal chez KTM. D’abord avec les jeunes du 125cc qui passeront ensuite par notre équipe. C’est une structure que KTM a mise en place dernièrement. On verra probablement les résultats concrets dans quelques années, lorsque ce processus aura vraiment pris forme à travers ces différentes équipes. Dès l’année prochaine, on récupèrera très probablement un pilote par saison en provenance de l’équipe EMX125 de KTM. Par exemple, Gyan Doensen, qui n’a que 16 ans, pourrait rester deux ans dans notre équipe avant de monter sur le mondial MX2, et chaque année on, pourrait accueillir un nouveau pilote issu du team 125cc.

S’il y a une opportunité de signer un garçon qui n’a encore jamais roulé sur une KTM, on le fera aussi. Il n’existe pas de chemin tout tracé vers le succès, mais si ces pilotes performent dans leurs catégories respectives au sein de la famille KTM, ça va créer un lien très fort entre le pilote, l’équipe et la marque. Si l’un d’entre eux devient champion du monde un jour, ce serait une belle histoire, et c’est vraiment génial de pouvoir faire partie de cette histoire.

Le groupe KTM n’a plus remporté l’Europe 250 depuis le sacre de Kjer Olsen (Husqvarna), en 2016 @Ray Archer / Gabriel SS24 KTM

Je crois que Max a eu quelques soucis à Lierop. Il sera prêt pour l’ouverture de l’Europe à Cozar ce week-end ?

Malheureusement, Max et Gyan sont tous les deux tombés dans le premier virage de la première manche à Lierop. Gyan s’est relevé et a pu repartir mais malheureusement, Max s’est légèrement blessé à l’épaule, suffisamment pour devoir abandonner pour la journée. On lui a fait passer une IRM le lundi suivant, qui n’a révélé aucune blessure, fracture ou déchirure. On lui a accordé quelques jours de repos, sans faire de moto, il a travaillé dur avec son kiné et son entraîneur Yanis d’Olympus Pro, et on le retrouve à 100% juste à temps pour Cozar ce week-end. Tout est prêt, on est à bloc et impatients d’attaquer la première épreuve de la saison Européenne ce week-end !

Comment se passe la collaboration avec Gyan et Max jusqu’à présent ?

Tout se passe bien. Gyan a 16 ans et Max en a 19, donc ce sont deux jeunes pleins d’énergie. On aime s’amuser un peu en dehors de la moto, mais on reste sérieux quand on est sur la piste. Les deux sont prêts à travailler dur. Gyan et Max ont tous les deux un talent naturel sur la moto, une bonne éthique de travail, et chacun a des caractéristiques uniques en termes de technique, de style et de personnalité qui pourraient les mener très loin dans leur carrière.

C’est très intéressant de faire partie de cette aventure et de voir où leur avenir les mènera, mais comme dans n’importe quel sport de haut niveau, c’est l’athlète qui trace son destin. On peut amener un cheval jusqu’à l’eau, mais ce sera bien à lui de boire. En fin de compte, c’est au pilote, une fois le casque enfilé, de faire le travail et de s’accrocher malgré la douleur, l’épuisement, les difficultés comme les succès. C’est un tout qui fait un champion, et surtout en motocross.

Il y a énormément de facteurs qui entrent en jeu, et j’essaie juste de leur transmettre tous les conseils et astuces que j’ai appris au fil des années. C’est quelque chose dont j’aurais aimé bénéficier quand j’étais plus jeune, même si j’avais mon père. Il venait d’une autre époque, il avait une mentalité à l’ancienne, mais je n’aurais jamais réussi sans lui et sans ma famille. Le motocross a beaucoup évolué, mais notre rôle est de rassembler toutes les pièces du puzzle pour les pilotes. Ensuite, c’est à eux de faire le job sur les épreuves.

Max a déjà fait une saison d’Europe 250. Ce sera la première de Gyan. Il peut apprendre de son coéquipier ?

Je pense que ce sera intéressant de comparer les deux cette année, sachant que Max a déjà une année d’expérience dans la catégorie. Il connaît beaucoup de pilotes qui seront en piste. Il sait à quoi s’attendre et aura probablement confiance en ses capacités à rouler devant, à monter sur le podium et, pourquoi pas, à viser le titre cette année.

De son côté, Gyan ne semble pas être impressionné par quoi que ce soit. Il est prêt, il est dans les starting-blocks. Il est surmotivé et prêt à en découdre; ce qui me plaît beaucoup et me rappelle quand j’avais son âge. Il ne regarde pas trop autour de lui, il garde son cap, reste concentré et est prêt à faire ce qui sera nécessaire. La saison s’annonce passionnante. Je pense qu’on a deux pilotes capables de faire du très bon travail, et j’ai hâte de voir ce que ça va donner.

Pilote JM Honda l’an dernier, Max Werner est désormais pilote du team officiel KTM sur l’Europe 250 @Ray Archer / Gabriel SS24 KTM

Quels sont leurs objectifs, finalement ?

Les objectifs cette année sont assez simples : être réguliers et, du côté de l’équipe, s’assurer qu’on ne rencontre aucun problème. Pour les pilotes, il s’agit de bien commencer la saison et de faire preuve de régularité. Si on commence avec un top 5 le premier week-end, un podium le suivant, puis quelques victoires en manches et sur certaines épreuves, ce sera parfait. L’accent est vraiment mis sur la régularité cette saison. Mathis Valin était très rapide l’an dernier; il a remporté de nombreuses épreuves & manches. Son pire résultat de manche a été une cinquième place, donc il alliait vitesse et régularité. On veut marquer des gros points lors des premières épreuves, être réguliers et – si possible – décrocher des victoires, des podiums et jouer le titre jusqu’à la dernière épreuve avec un, sinon nos deux pilotes.

Pour finir, tu étais présent lors de l’International de Lierop. C’était comment ? Tu dois avoir de très beaux souvenirs de 2013 qui sont revenus…

Lierop, c’était vraiment spécial. Évidemment, l’épreuve était un peu différente de l’époque quand j’ai remporté ma toute première victoire en Grand Prix. Mais c’était super de retourner là-bas. Il a fait super beau, l’ambiance était au top et le public était au rendez-vous. J’ai fait le tour du circuit en regardant les manches, et ça m’a clairement replongé dans mes souvenirs. Beaucoup de gens me demandent si, parfois, j’aimerais encore être sur la piste. Honnêtement, maintenant que j’ai 37 ans, il y a très peu de moments où je me dis que j’aimerais prendre part à ces courses. La plupart du temps, les circuits sont défoncés et je ne suis évidemment plus aussi en forme qu’avant. En général, ça ne me démange pas trop, mais à Lierop, j’avais quand même vraiment envie de rouler de nouveau.

Il y avait ces grandes vagues bien profondes, une multitude de trajectoires possibles, le genre de truc qui te fait vraiment utiliser ta matière grise. En tant que pilote, c’était ce que j’aimais le plus : arriver dans une section sans trop savoir où aller, devoir s’adapter à chaque tour, analyser les virages et sections qui venaient à moi, placer la moto au bon endroit et utiliser son physique et son style à son avantage pour prendre les bonnes trajectoires. Sur un seul et même tour, tu avais l’impression d’évoluer sur une centaine de terrains en même temps, les options étaient infinies. C’est ce qui me plaisait beaucoup à l’époque, et surtout sur des circuits comme ça, sablonneux.

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