Team-manager de l’équipe Red Bull KTM cette année, Joël Smets était un homme heureux à Teutschenthal après les victoires de ses deux pilotes, Andrea Adamo et Jeffrey Herlings. Alors que le premier s’empare du leadership du championnat du monde MX2, le second fait son retour sur la plus haute marche du podium MXGP après quelques mois pour le moins compliqué. Notre collègue Andy McKinstry s’est entretenu avec l’homme aux manettes du team Red Bull KTM avant la seconde moitié de saison; instructif.
«À l’époque, quand on avait Antonio en MX1 et Jeffrey en MX2 – ou même Jorge – c’était plus courant qu’on domine les deux championnats » admet Joël Smets, qui n’avait plus vu ses pilotes remporter la catégorie MX2 & MXGP depuis le GP de Lettonie, en juin 2024. « Mais je dirais que, presque heureusement, le sport a évolué de manière à ce que plus de marques et de constructeurs soient impliqués. Ce n’est plus aussi facile qu’avant. Honnêtement, avant, ça paraissait presque trop facile de gagner. Ce n’est clairement plus le cas aujourd’hui, et c’est aussi pour ça que, quand on vit un week-end comme celui-là, on profite vraiment de l’instant présent. »
Pour son premier mandat sous les couleurs du team Red Bull KTM en 2023, Andrea Adamo avait surpris tout le monde en décrochant le titre de champion du monde MX2. En difficultés l’année suivante, le pilote Italien semble avoir franchi un nouveau cap cette saison. Plus solide mentalement, plus affûté physiquement, Andrea fait preuve de maturité et de régularité; il reprend la plaque rouge de leader du championnat à la mi-saison. Objectif: un second titre mondial.
« Andrea est devenu un meilleur pilote cette année, un pilote plus fort » analyse Joël Smets. « Physiquement, il s’est renforcé, et mentalement aussi. Bien sûr, ça vient aussi avec les années, mais certains n’auront jamais ce qu’il faut, alors que pour d’autres ça vient très vite. On le voit aussi avec Lucas Coenen, ce qu’il fait à 18 ans, c’est tout simplement extraordinaire. Je pense qu’en 2023, Andréa n’avait aucune pression. Tout allait bien, il était vraiment détendu, mais il a beaucoup appris, surtout des moments difficiles traversés l’an dernier. On entend cette phrase un peu cliché qui dit que l’adversité nous renforce. Dans le cas d’Andrea, je pense que c’est vraiment la réalité. On a tiré des leçons des moments compliqués, et ça se voit maintenant clairement en piste : ces moments difficiles l’ont rendu plus fort. »
Le week-end dernier à Teutschenthal, en Allemagne, Andrea Adamo et Jeffrey Herlings se sont imposés dans leurs catégories respectives. Pour le Néerlandais, cette victoire marque la 108e de sa carrière en Grand Prix sous les couleurs de KTM, au terme d’un retour en compétition pour le moins fastidieux après une nouvelle blessure contractée fin 2024.
« J’ai dit très honnêtement à Jeffrey que je m’attendais à ce qu’il retrouve ce niveau et qu’il gagne un peu plus tôt dans la saison » concède le team-manager du team Red Bull KTM. « Quand il a recommencé à rouler et que je l’ai vu à l’entraînement et sur les épreuves nationales, je me suis dit que d’ici le Portugal ou l’Espagne, il se battrait déjà pour les podiums, et éventuellement pour les victoires. Bon, il a aussi un gros passif avec toutes ses blessures donc au final, j’ai peut-être été un peu trop enthousiaste, j’ai peut-être trop fait confiance à ses capacités, à sa vitesse pure, etc. Mais ce n’était peut-être pas très réaliste de ma part, compte tenu de tout ce que Jeffrey a traversé. Mais tu sais, Jeffrey est en forme. Physiquement, et aussi en termes de vitesse pure, il était déjà plutôt bien à son retour, mais c’était surtout une question de confiance. Il fallait retrouver confiance, avoir confiance dans la moto aussi, trouver le bon package et le mettre dans les bonnes conditions lors des courses. Avec Jeffrey, c’est toujours difficile à dire … Peut-être qu’il n’est pas encore à 100 %, mais il n’en est pas loin. Il est à un très bon niveau. Tu ne peux pas gagner comme il l’a fait ce week-end quand tu n’es qu’à 70% »
Interrogé sur les performances de Lucas Coenen – qui évolue pour l’équipe De Carli KTM – Joël Smets ne cache pas son enthousiasme. Impressionné par la maturité et pilotage du jeune Belge passé en MXGP cette saison, le manager du team Red Bull KTM souligne le talent de son jeune compatriote, tout en saluant sa progression éclair dans la catégorie reine.
«En tant que Belge, je suis vraiment fier de voir un pilote Belge performer à ce niveau et en plus, il roule sur une KTM, donc il porte les mêmes couleurs que nous. Il fait partie de la même famille et je pense qu’on ne se rend pas assez compte à quel point ce que Lucas fait est exceptionnel. En MX2, il montrait encore beaucoup d’agressivité dans son pilotage, il faisait des erreurs, il tombait. Mais malgré tout, ça lui a permis de remporter pas mal de Grands Prix l’an dernier. Et si tu regardes à quelle vitesse il s’est adapté à la puissance de la 450cc, avec la manière dont il la pilote… c’est presque à l’ancienne; il utilise peu l’embrayage, et il a un excellent contrôle de la poignée de gaz. Il utilise la puissance de la moto au bon régime, et franchement, j’adore le voir rouler devant. »
Andrea Adamo et Jeffrey Herlings ne sont pas les seuls pilotes officiels Red Bull KTM en 2025. Le Corse Marc-Antoine Rossi, rapatrié du team De Carli GasGas, complète les effectifs de Joël Smets. Blessé après quelques GP pour son premier mandat en MX2 l’an dernier, le pilote Français revenait en piste pour l’ouverture de la saison 2025 en Argentine, mais se blessait à l’épaule à l’entraînement par la suite ; il n’a pas repris le chemin des compétitions depuis.
« Marc-Antoine va passer des examens à l’hôpital ce mercredi, des radios seront faites pour voir où en est son épaule » explique Joël à propos de son troisième pilote, toujours en convalescence à l’heure de ces lignes. « Ensuite, on prendra une décision, mais il ne roulera pas en Lettonie ni en Angleterre. Sa tenue est prête pour la Finlande, mais honnêtement, je pense que c’est encore trop tôt. Il faut se souvenir qu’il s’est blessé ici – en Allemagne – il y a un an. Depuis, il a très peu roulé – juste un peu avant l’Argentine. Après l’Argentine, il s’est de nouveau blessé donc il a été écarté des circuits pendant quasiment un an. Le retour sera long, il n’a que 19 ans, donc il ne faut pas faire d’erreur et on ne veut surtout pas précipiter les choses. »
« Le fait de le conserver, c’est en cours de discussion en interne car on croit toujours en son potentiel » conclut-il. « C’est un talent brut, il a cette vitesse naturelle qu’on a déjà vue chez plusieurs pilotes français par le passé. Si on arrive à mettre en place un bon cadre autour de lui, il y a encore beaucoup de potentiel à exploiter. Donc ce n’est pas acté qu’il ne sera plus dans l’équipe l’an prochain. Aujourd’hui, on le considère comme faisant toujours partie de l’équipe et bien sûr, il est dans les discussions pour l’année prochaine, même si les résultats ne sont pas là. Je ne m’attends pas à ce qu’il revienne pour faire des podiums, ce ne serait pas réaliste. On va voir comment lui redonner confiance – comme on en a parlé pour Jeffrey. Parfois, ça prend du temps, et il faut le prendre – ce temps – pour éviter qu’il ne se re-blesse. Avec lui, il faut garder une vision sur le long terme, indépendamment des résultats, parce que si on le garde, c’est en pensant à 2026. Je n’attends pas de miracle cette saison. »
Publié le 6 juin 2025
