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Simon Langenfelder « Je me suis retrouvé sous une énorme pression »

Images: Ray Archer

Pour Simon Langenfelder, 2025 restera l’année où le travail acharné et les sacrifices ont enfin porté leurs fruits. Champion du monde MX2 au terme d’une saison intense et pleine de rebondissements, le pilote pilote Allemand se livre avant de prendre la direction du motocross des Nations d’Ironman. L’officiel De Carli KTM revient sur son parcours, sur sa rivalité avec Kay de Wolf, mais encore sur la pression qui pesait sur ses épaules cette année. Micro.

Simon, donne-nous ton ressenti sur cette saison 2025, mais aussi sur la finale en Australie. Ta régularité a été un point clé, et tu as aussi dit que tu avais mûri ces dernières saisons, que tu avais rassemblé toutes les pièces du puzzle.

Que dire ? La route a été longue, semée d’embûches et vraiment pentue. Je suis très heureux d’avoir décroché ce titre. J’ai rejoint le groupe autrichien en 2020, d’abord avec GasGas, puis je suis passé sur KTM. Ensemble, on a progressé chaque année, et on s’est construits avec l’équipe De Carli, pour qui je roule depuis quatre ans désormais. On a vraiment bien travaillé avec l’équipe, avec la moto et avec le programme en arrière-plan, pour en arriver là où nous en sommes aujourd’hui.

On était très proches en termes de niveau avec Kay cette année. Le niveau était vraiment relevé, mais je voulais gagner et j’ai fait en sorte de lui compliquer la tâche. Ça a été assez chaud en Australie lors des dernières manches pour le titre. C’était la folie : il restait dix minutes dans la dernière manche de l’année, et ils ont sorti le drapeau rouge. Je ne savais pas si j’étais champion, car j’étais tombé deux fois et — à un moment — je n’étais plus en position de remporter le titre. C’était une course difficile, mais la moto a tenu le coup, moi aussi, et j’ai tout fait pour préserver ma moto et ramener le titre à la maison.

Tu disais en Australie que tu t’étais mis beaucoup de pression sur les épaules cette année. Tu te sens comment maintenant que toute cette pression est retombée ?

Ça a été un gros soulagement pour moi. J’avais porté la plaque rouge pendant dix Grands Prix. À un moment donné, j’avais plus de 50 points d’avance. C’était un peu plus simple car je pouvais me permettre quelques erreurs. Mais après Arnhem, l’écart s’est réduit. J’ai perdu la majeure partie de mon avance aux Pays-Bas et je devais répondre présent lors des trois derniers Grands Prix de la saison. Je me suis retrouvé sous une énorme pression. Je pense que j’ai bien géré ; on a tous bien géré. Il n’y a pas que moi qui ai dû gérer cette pression, mais aussi toutes les personnes autour de moi, qui m’ont vraiment aidé à penser à autre chose et à prendre du recul quand on n’était pas sur les épreuves, tout en me gardant pleinement concentré le jour des courses. Je suis vraiment reconnaissant envers toutes les personnes autour de moi qui m’ont soutenu dans ces moments difficiles. Mais maintenant, je suis juste soulagé et heureux. Je viens de rentrer à la maison, quelques amis sont passés, ainsi que la famille, et on a pu fêter ça. Je me sens bien, et je savoure un peu.

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Un mot sur cette finale en Australie. Tu es tombé dans les deux manches — avec l’aide de Kay de Wolf. Quel est ton point de vue sur ces deux accrochages ?

On savait tous que la seule chance que Kay devienne champion cette année, c’était que je fasse des erreurs ou qu’il me fasse tomber. C’était assez évident, on s’y attendait tous, et j’y étais préparé. J’ai fait quelques erreurs stupides, notamment en allant à l’extérieur dans ce fameux virage lors de la première manche. J’aurais dû passer à l’intérieur. Avant la course, ils avaient refait tous les appuis, donc c’était logique, mais à ce stade de la manche, c’était défoncé et j’aurais dû changer ma trajectoire pour éviter qu’il ne plonge à l’intérieur. Beaucoup ont dû penser que ce n’était pas fair-play, qu’il était mauvais perdant. Pour moi, c’est le sport, et décrocher un titre de champion du monde représente énormément, alors on met tout sur la table. J’ai tout mis sur la table également. Mais rouler de cette manière n’aide généralement pas à devenir champion du monde. On a vu que ça n’a pas fonctionné pour Kay ce week-end-là. Rouler proprement, fair-play, sans essayer de faire tomber les autres, c’est la meilleure façon de faire. Sur l’instant, tu penses juste à aller chercher le titre, donc il faut s’attendre à ce que ce genre de choses se produise.

Tu semblais avoir franchi un cap cette année, surtout au niveau physique. Tu avais fait des changements cette saison ?

Au niveau de mon entraînement physique, je travaille depuis quatre ans avec un entraîneur basé à Rome, Giuseppe. Il a entraîné beaucoup de pilotes du team De Carli. Je travaille encore avec lui, mais on a progressé de manière linéaire, petit à petit, et je pense que c’est ce qui a fait la différence. On essaye de faire les choses étape par étape, de ne pas chercher à franchir un trop gros cap, car cela peut parfois entraîner un pas en arrière quand ça ne marche pas. Je n’ai pas fait de changements majeurs sur le plan physique. J’ai juste déménagé en Allemagne et je me suis davantage entraîné là-bas, pour avoir des terrains un peu plus diversifiés. Ça m’a fait du bien de revenir vivre chez moi également.

Tu t’apprêtes à rouler aux Nations à Ironman. Question : tu penses pouvoir battre Haiden Deegan ?

C’est une question difficile. Selon moi, le motocross en Europe et le motocross aux USA, ce sont presque deux sports différents. Ils roulent sur des terrains gigantesques, avec des programmes différents et un calendrier différent. Ils doivent être à fond dès le début de la manche, alors qu’on a plus de temps en piste avec les essais libres, les chronos et les manches qualificatives. La structure des épreuves est différente. Je pense être un très bon pilote, et je pense aussi pouvoir être plus rapide que lui. Je dirais que ça dépendra du terrain. J’ai entendu dire qu’il sera aux Nations malgré sa clavicule cassée, donc on verra sur place. Le Motocross des Nations est assez difficile car on se mesure aux pilotes 450. Du coup, on voit assez peu les pilotes 250 se battre, certains héritant de mauvaises places sur la grille, etc.

Un mot sur ta 250 SX-F cette année. C’est le 16ᵉ titre de KTM en Mondial MX2. Il apparaît clair qu’il faut être sur une Autrichienne aujourd’hui pour gagner des GP.

Dès que je suis arrivé chez De Carli, le cadre de la KTM a changé. Elle fonctionnait beaucoup mieux, et cela a considérablement amélioré la 250 SX-F. Je pense que tout le monde a vu que rouler sur une KTM était la clé, surtout au niveau du moteur, des départs et des suspensions. Sur tous ces aspects, KTM avait la meilleure moto. Même si cette année, on n’a pas fait de grosse différence au niveau moteur face aux autres équipes. On a gardé le même moteur toute l’année, car il fonctionnait très bien. Pendant ce temps, les autres équipes testaient, essayaient de repousser leurs moteurs. Nous, on a simplement pu s’entraîner en ayant toujours la même moto à chaque fois. On connaissait vraiment notre moto de A à Z et on n’a pas eu besoin de changer ou de s’adapter à de nouvelles choses pendant la saison. Ça a été un élément clé cette année.

La seconde manche en Australie a été stoppée. On se posait beaucoup de questions sur le classement qui allait être établi. Sur l’instant, ça s’est passé comment pour toi ?

La course a été arrêtée par drapeau rouge. Il pleuvait tellement que le chronométrage ne fonctionnait plus, donc c’était difficile pour tout le monde de savoir exactement ce qui se passait. Mais j’en ai parlé avec les gars du chronométrage par la suite. Ils ont dit qu’au moment où il a commencé à pleuvoir, ils sont passés sur leurs batteries car ils avaient anticipé des problèmes. Donc, de leur côté, tout fonctionnait correctement. Mais au niveau de la pitlane, le live timing ne marchait plus. Avec autant de pluie, c’est normal qu’il y ait des problèmes. Mais les organisateurs étaient préparés pour gérer ce genre de situation. Je ne sais pas trop ce qu’ils ont fait au niveau du classement, car finalement Kay termine cinquième et moi sixième. J’ai gagné le championnat de toute façon, donc cela ne faisait pas une grande différence.

Mes mécaniciens me donnaient des indications sur le panneau : il fallait que je termine sixième au pire pour être titré. Puis je suis tombé, et ils m’ont dit que j’étais douzième. À ce moment-là, c’était un peu la panique. Ils m’ont aussi dit de préserver la mécanique. Je n’ai plus pensé à rien, j’ai juste roulé. J’ai dépassé quatre ou cinq pilotes, et d’autres ont abandonné sur problèmes mécaniques. J’ai terminé sixième. J’ai traversé beaucoup d’émotions durant cette manche.

J’étais un peu nerveux avant la dernière manche, car on ne sait jamais ce qui peut arriver. On ne sait pas comment sera le départ ni quelles conditions on va rencontrer. Personne ne s’attendait à autant de pluie alors qu’on avait eu du grand soleil et plus de 30 degrés les jours précédents. Mais moi, je voulais devenir champion du monde et montrer à Kay que je méritais de l’être. D’ailleurs, ni Kay ni Andrea ne m’ont félicité pour mon titre.

Est-ce que le fait d’avoir désormais un coéquipier en MX2 — Sacha Coenen — a changé ton approche cette année, ou mis plus de pression sur les épaules ?

Avec les Coenen, c’est sûr que c’est différent. Avant, on avait Jorge et Marc-Antoine, mais malheureusement Marc-Antoine a été sur la touche la saison dernière. Disons que jusqu’ici, il y avait plus ou moins un pilote MX2 et un pilote MXGP dans l’équipe. Cette année, la situation a changé avec l’arrivée de Sacha et Lucas. Mais Sacha n’était pas dans la course au titre en fin de saison, même s’il s’est vraiment beaucoup amélioré. Il était toujours sur le podium ou en lice pour la victoire. Sacha réalise de très bons départs, et c’est vraiment difficile de le doubler. On veut toujours battre son coéquipier, mais l’objectif final reste de décrocher le titre de champion du monde, et c’est ce que j’ai fait.

As-tu décidé ce que tu ferais l’an prochain ?

Pendant un temps, j’ai pensé à monter en MXGP, mais je peux confirmer que l’an prochain, je serai toujours présent sur le mondial MX2. Je pense aussi que je porterai la plaque numéro 1 l’an prochain. J’ai pu voir ma moto avec le numéro 1 dessus quand j’ai décroché le titre, et je l’ai trouvée vraiment stylée !

Si tu pouvais remonter dans le temps et te donner un conseil, ce serait lequel ?

Quand j’avais 15 ou 16 ans, j’étais encore assez jeune, assez différent d’aujourd’hui. J’allais encore à l’école, par exemple, donc c’est sûr que je me suis beaucoup amélioré et que j’ai beaucoup appris depuis. Mais je pense qu’il est important d’avoir fait des erreurs, car c’est grâce à elles que j’ai appris, que j’ai progressé et que je suis devenu ce que je suis aujourd’hui. Parmi les choses les plus importantes, ce serait d’essayer de ne pas en faire trop et de se faire confiance, vraiment croire en soi, parce que parfois on commence à douter et on peut rapidement s’égarer. Je pense que c’est ce que je dirais à moi-même si je pouvais revenir en arrière.

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Tes parents et ta petite copine ont joué un rôle important dans ton succès. Qu’aimerais-tu leur dire aujourd’hui ?

Avec mes parents, la route a été longue. J’ai commencé à rouler à 5 ou 6 ans. Quand tu fais de la moto, il faut que tes parents t’aident, sinon tu n’iras pas bien loin. Ce n’est pas comme le football. Tes parents doivent être mécaniciens, chauffeurs, cuisiniers… ils doivent tout faire. Je suis vraiment reconnaissant pour tout ce qu’ils ont fait pour moi. Mes parents sont allés au-delà de leurs limites pour moi, surtout ces dernières années. Pendant mes saisons en 125cc, c’était difficile pour eux de tout gérer. Merci à eux pour tout ce qu’ils ont fait. Il me sera impossible de leur rendre la pareille, et de toute façon ils ne veulent rien en retour. Je pense que pour eux, c’est aussi une belle récompense de voir ce que j’ai accompli — ce que nous avons accompli ensemble. Alors un énorme merci à eux.

Merci aussi à ma petite copine. On est ensemble depuis presque cinq ans, et à l’époque, j’étais loin d’être en position de décrocher un titre mondial. On a progressé petit à petit, et elle a joué un rôle important durant tout ce temps. Elle m’aide dans presque tout. Quand tu es seul, c’est impossible de ne pas penser constamment au titre et aux épreuves. Tu as besoin d’être entouré des bonnes personnes pour pouvoir relâcher, penser à autre chose. C’est exactement ce qu’elle m’a permis de faire.

Il y aura deux champions du monde MX2 au sein du team allemand pour les Nations : Simon Langenfelder et Ken Roczen. Ça te fait quoi ?

Rouler avec Kenny, c’est toujours top. Je suis l’un de ses plus grands fans. Que ce soit au niveau de sa technique ou de sa personnalité, je pense qu’on peut tous beaucoup apprendre de lui. Je suis très heureux d’être de nouveau à ses côtés en équipe nationale. Au niveau des attentes, disons que j’ai accompli tout ce que je voulais cette saison. Je suis champion du monde, et je vais simplement profiter des Nations. Évidemment, on va vouloir faire de notre mieux, mais on sait très bien qu’aux Nations, toutes les pièces doivent s’emboîter parfaitement pour monter sur le podium en tant qu’équipe. Mon objectif sera d’être le meilleur pilote en MX2 et de ramener le plus de points possible pour l’Allemagne. Cependant, je doute que nos attentes soient trop élevées.

Est-ce que tu roules en Supercross ? C’est une discipline qui t’intéresse, les US t’attirent-ils ?

Pour l’heure, je n’ai jamais vraiment roulé en Supercross. En partie à cause des risques, mais aussi à cause des pistes en Europe. En Allemagne, on n’a pas vraiment de pistes dignes de ce nom, ce sont plus des petits SX pour les jeunes. En France, vous avez vraiment beaucoup plus de possibilités pour rouler en Supercross. Je n’ai jamais vraiment pratiqué cette discipline, et je n’ai pas prévu de rouler au SX de Paris, mais sait-on jamais, les choses peuvent rapidement changer ! Pour l’heure, je suis vraiment heureux en Europe. Je suis très bien entouré, et je sais à quel point il est difficile d’avoir les bonnes personnes autour de soi. Je suis très heureux de rouler en MX, et je souhaite rester en Europe pour les prochaines saisons ; je n’ai pas prévu d’aller aux USA.

Simon Langenfelder « Je me suis retrouvé sous une énorme pression »
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