Coaching

Coaching x Valentin Teillet #2 – L’importance de la technique

Images: MyMoto Coaching

Multiple champion de France, champion d’Europe MX2 et SX2, et ex-performeur sur le circuit des Grands Prix, Valentin Teillet n’a plus besoin d’être présenté. Ces dernières années, Valentin a mis son expérience au service de nombreux pilotes à travers ses services de coaching, mais aussi de sa structure 737 Performance avec laquelle il a accompagné des talents vers le niveau international, dont un certain Mathis Valin vers un titre de champion du monde Junior.

Aussi à la tête de la plateforme MyMotoCoaching, Valentin Teillet se joint à DailyMotocross pour animer une rubrique durant l’intersaison, à travers laquelle il partagera son expérience, ses conseils et ses analyses. Autant d’outils qui vous permettront d’optimiser votre préparation durant la période dite hivernale, dans le but d’atteindre vos objectifs en 2026. Préparation, planification, programmes physiques, travail technique, approche mentale et astuces en tout genre, voilà ce que vous retrouverez dans cette rubrique faite par des passionnés, pour des passionnés.

Second épisode: L’importance de la technique

Mauvaise technique – quel symptômes ?

Valentin Teillet: Le premier symptôme d’une mauvaise technique est assez flagrant : c’est quand un pilote fait deux tours et dit qu’il n’aime pas la piste, qu’il n’a pas de feeling avec. Une piste trop difficile, c’est finalement une piste qui dépasse ce qu’on est en mesure de faire avec son bagage technique. Quand on n’a pas la bonne technique, qu’on arrive à froid et que le terrain n’est pas refait, on peut vite se retrouver en difficulté.

C’est souvent pourquoi les pilotes veulent des pistes refaites, griffées, et arrivent sur place dès l’ouverture. Je pense qu’ils veulent prendre du plaisir sans chercher la progression technique : tu viens, tu ouvres la poignée, et tu te fais plaisir. Personnellement, je prenais beaucoup plus de plaisir à rouler sur des terrains défoncés parce que le côté tactique rentrait en compte : il fallait chercher des trajectoires, recouper les traces, prendre un appel au ras des piquets, faire un double appel. Mais pour pouvoir faire ça, il fallait de la technique et je m’en rendais bien compte.

Aujourd’hui, j’incite les pilotes à travailler cette technique, à avoir de la mobilité, à jouer avec les appuis, à chercher sur la piste, sortir de leurs trajectoires habituelles, à cabrer avant les trous. Avoir une bonne technique, c’est avant tout pouvoir jouer avec une piste sur laquelle les autres ne prennent pas de plaisir. Si tu prends du plaisir là où les autres sont en difficulté, et que tu arrives à rouler en étant en sécurité, tu peux commencer à estimer que ta technique est bonne.

Je pense honnêtement qu’un pilote comme Jett Lawrence prend un plaisir incroyable à rouler. Il joue tout le temps avec sa moto. Au Motocross des Nations, on l’a vu faire un double avec réception en entrée de virage. Il n’y avait que lui qui le faisait de cette façon : aussi bien. On ne s’en rend pas forcément compte, mais ce type de geste requiert un énorme bagage technique.

La technique sert principalement pour les plus petites choses, parfois peu perceptibles. Sauter une table de 30 mètres, ça ne demande pas forcément d’avoir de la technique. Par contre, utiliser un trou pour sauter par-dessus des traces de freinage et se poser dans une ornière, c’est un geste très technique. Ça va te demander d’avoir une coordination entre le coup de gaz, le travail des jambes, ta détente, tes suspensions, la précision, etc. Ça, c’est ce qu’on appelle la technique.

Il faut aussi comprendre qu’il y a deux choses : la technique à l’entraînement, et la technique en course. Un pilote qui parvient à garder la même technique en course qu’à l’entraînement dispose d’une certaine maturité. Cette maturité lui permet de ne pas se laisser distraire par ce qu’il se passe, par les autres autour de lui, par la pression de la course en elle-même. Je pense que j’avais une bonne technique à moto, mais j’avais du mal à reproduire ce que je faisais à l’entraînement lors des compétitions. Ce qui m’a aidé ? Faire du Supercross. La difficulté des pistes en Supercross et la proximité constante avec les autres pilotes fait qu’on n’a pas le droit à l’erreur. En Supercross, tu n’as — en quelque sorte — pas le choix que d’avoir la bonne technique si tu veux pouvoir être un métronome pendant 15 tours, et rester entier.

Le jeu technique, un essentiel à l’entraînement.

Valentin Teillet: Peu importe la piste, j’essaie toujours de trouver un jeu technique qui va demander une certaine précision. Souvent, les jeux que j’organise pour mes pilotes sont des exercices qui demandent mobilité et coordination. Dans ce que je dis, il y a le mot « jeu » : on fait des défis techniques à travers des jeux.

Un jour, un pilote m’a dit : « Valentin, je suis venu faire un stage de pilotage, pas pour faire des cabrages. » Sur le moment, ça m’a fait rire. Je ne lui en ai pas voulu. Je lui ai simplement demandé s’il estimait avoir la bonne technique. Il m’a répondu que non, et que c’était justement pour cette raison qu’il était venu en stage ; mais il était frustré par le manque de vitesse.

Souvent, on vient faire un stage de pilotage pour aller plus vite. Moi, je ne leur demande pas d’aller plus vite aujourd’hui : je leur demande d’être plus précis, plus coordonnés, plus mobiles, d’éliminer les déchets. Ce qu’ils font sur l’instant T, ce travail technique, ils vont ensuite continuer à le mettre en place quand ils ne seront plus sur les stages : le travail d’aujourd’hui paiera demain.

J’ai revu ce pilote des mois plus tard. Il avait continué à bosser sa technique et avait gagné en vitesse. On a pu en discuter, et il avait compris ce que je lui avais demandé à l’époque ; il avait vu les bénéfices de ces exercices par la suite.

La technique avant la vitesse.

Valentin Teillet: La technique a beaucoup évolué ces dernières années. Je vois que les coachs et les pilotes la travaillent quand même plus tôt aujourd’hui, et c’est une très bonne chose. À l’époque, on a eu un James Stewart qui a débarqué sur les championnats AMA à 16 ans, avec une technique exemplaire et surtout révolutionnaire. Si on regarde une vidéo de James d’il y a 15 ans aujourd’hui, on peut voir que la technique était vraiment impressionnante pour l’époque. Il y a eu une certaine inspiration. Cette inspiration a aussi facilité le passage sur les plus grosses cylindrées, car la technique étant globalement meilleure aujourd’hui, la montée en cylindrée se fait plus naturellement.

Je me souviens des stages que je faisais plus jeune : on voulait toujours aller plus vite. Mais en grandissant, tu te rends compte que l’entonnoir se resserre en deux points : soit le pilote manque de force mentale, n’arrive pas à comprendre qu’il faut faire des sacrifices et prend le chemin de la facilité, et sa carrière ne décolle pas ; soit tu as un pilote qui a une bonne vitesse mais une mauvaise technique, et qui va se retrouver limité. Des pilotes qui n’avaient pas une grosse vitesse dans les petites catégories et qui ont été bons en montant en cylindrées, il y en a quelques-uns : ce sont des pilotes qui avaient la technique et qui s’en sont servis pour aller chercher de la vitesse plus tard. J’aime bien prendre l’exemple de Potisek : Milko n’était pas le meilleur pilote, mais il avait une bonne technique. Il a bossé, et il est devenu de plus en plus fort ; il a trouvé de plus en plus de vitesse. Inversement, certains jeunes ont stoppé leur carrière lors d’une montée en cylindrée — principalement en 250 4 temps — parce que leur technique était trop limitée.

Il m’arrive aussi de récupérer des pilotes en coaching qui n’ont jamais travaillé la technique. On a tous des manières de fonctionner, cela dit. Mais je me suis déjà vu demander à de bons pilotes de cabrer dans des trous, pour entendre qu’ils n’avaient jamais fait ça en plus de 100 stages. Ce qu’ils faisaient ? Des chronos et des manches. Oui, il faut en faire, mais pas que ça : il faut être complet. Les meilleurs pilotes du monde sont complets : ils ont dédié du temps pour travailler chaque aspect.

Développer sa technique en 3 étapes.

Valentin Teillet: D’expérience, je dirais que les gens sont plutôt honnêtes avec eux-mêmes et ont tendance à avoir un regard franc sur leur technique. Beaucoup me disent d’entrée de jeu qu’ils n’ont pas la bonne technique. C’est aussi pourquoi ils font la démarche de suivre un stage, pour progresser sur ce point. Cependant, certains ne font pas spécialement d’effort pour se construire ce bagage technique pourtant important; c’est dommage.

Lors du premier opus de la rubrique, j’avais dit que le plus facile à acquérir, c’était le physique : ça ne nécessite pas de talent particulier, sinon de la motivation. La technique parfaite n’est pas à portée de tout le monde, mais elle se travaille, se perfectionne, s’acquiert. On peut l’acquérir en trois étapes clés : il faut comprendre comment faire ce travail technique, le mettre en application, et faire de la répétition.

J’aime beaucoup faire de l’imagerie mentale avec mes pilotes. Je leur demande de s’imaginer en train de réaliser un passage, afin de visualiser ce qu’ils vont faire, pour que ça les aide à créer les automatismes qui leur permettront de reproduire ce passage. Un gars qui veut partir devant s’imagine qu’il part devant. C’est bête, mais ça fonctionne depuis la nuit des temps.

La mise en application n’est parfois pas la chose la plus simple. Pourquoi ? Car tu te rends vite compte qu’entre imaginer une chose et la mettre en application, il peut y avoir un gouffre. C’est là qu’il faut prendre son temps, sans se précipiter, et persévérer.

La répétition, c’est se forcer à faire encore et encore la même chose.  On fait un sport très brut de fonderie. À partir du moment où un pilote comprend qu’il faut parfois savoir prendre le temps, et aller moins vite pour progresser sur sa technique – pour ensuite progresser sur sa vitesse – on commence à avoir la bonne approche. Mais ça, c’est encore mon plus gros problème en coaching à l’heure actuelle.

Aujourd’hui, on se retrouve encore malheureusement avec des pilotes qui font de la moto depuis des années avec les coudes en bas, les épaules en arrière, qui sautent les genoux en avant. Ils se disent : « Ça fait 10 ans que je fais de la moto, je n’ai pas peur d’une table de 25 mètres. » Mais ils feraient mieux d’en avoir peur, car une mauvaise technique en motocross ne pardonne pas.

Travaillez vos entrées de virage

Valentin Teillet: D’expérience, je dirais que le plus gros point de progression, c’est en entrée de virage. Les pilotes s’asseyent bien souvent trop tôt, ils ont aussi tendance à délaisser le doigt sur le frein avant, qui est pourtant là pour les guider ; c’est important. On voit aussi beaucoup d’épaules qui se désaxent dans les virages. Une fois qu’on parvient à corriger les entrées de virage, on gagne un temps monstrueux, car on prend beaucoup de virages sur un tour en motocross. Tu peux facilement gagner cinq secondes au tour avec de bons freinages et de bonnes entrées de virage. L’autre geste technique qui est le plus souvent à revoir, c’est l’amorti. Parfois, je vois des pilotes qui se fatiguent pour en faire alors qu’ils sont inefficaces, et sauter droit aurait bien plus de sens.

Ce qui est finalement le plus frustrant en tant que coach, c’est qu’une vidéo sur l’ornière fera moins de vues qu’une vidéo sur le whip. Je pense qu’on devrait se regarder un peu moins, moins se focaliser sur le paraître. Aujourd’hui, combien de pilotes ont la dernière moto, le dernier échappement, la dernière tenue personnalisée ? J’adore quand je vois un pilote avec une vieille moto et un équipement ancien tourner autour de mes pilotes en stage. Lui, en général, il ne vient pas pour poster des stories sur Instagram : il vient pour rouler et progresser. Je pense qu’on se regarde un peu trop et, moi le premier, j’ai été le premier concerné. C’est ce qui est intéressant avec le recul : je reconnais les erreurs que j’ai faites. Je faisais des gros scrubs, des gros whips, mais ça ne servait pas à grand-chose.

Les pros’ travaillent la technique.

Valentin Teillet: Un pilote comme Mathys Boisramé dispose d’une certaine expérience. Mais on a quand même beaucoup bossé techniquement. Aujourd’hui, un Tim Gajser a encore besoin de travailler techniquement, car ce n’est jamais de l’acquis. La technique peut se perdre si on ne la pratique pas ; il faut toujours de la répétition. C’est comme un gymnaste qui va faire des barres parallèles : s’il n’en fait pas pendant un mois, il va avoir du mal à garder confiance et à refaire les mêmes gestes techniques avec la même facilité. Plus tu répètes les choses, plus ces choses sont simples.

Avec Mathys, on a fait des choses qu’il n’avait jamais faites, notamment dans les whoops. Il manquait encore un peu d’expérience en Supercross, mais il était vraiment ouvert pour apprendre de nouvelles choses. L’avantage c’est qu’à son niveau de pratique, Mathys sait que pour tenir une manche de 30 minutes, il faut passer par là. Travailler la technique, ce n’est pas une option, c’est un devoir.

Aujourd’hui, les jeunes te regardent et tirent la tronche quand tu leur demandes de travailler la technique pour tenir une manche de 30 minutes. On voit bien que ce n’est pas une volonté personnelle de leur part. Ils le font parce qu’on leur demande de le faire. Un pilote expérimenté sait que ce travail fait partie intégrante de son job.

À chacun sa technique.

Valentin Teillet: La technique doit être propre à chacun, car la morphologie joue aussi beaucoup. On ne peut pas copier le voisin. Par exemple, j’ai développé une certaine technique car j’étais un petit gabarit sur la moto. Tu ne peux pas t’en sortir avec la même technique qu’un grand gabarit. Un grand pilote va être déjà très imposant sur la moto et aura tendance à être un peu plus bourrin, car son physique le lui permettra.

Mais, encore plus important, je pense que la technique doit être adaptée à sa moto. On voit souvent les pilotes chercher à avoir un beau kit-déco, sans penser à réellement adapter leur moto pour les aider à parfaire leur technique. C’est bien souvent une partie qui est mise de côté. Un guidon adapté à sa taille et à sa morphologie, c’est important. Un pilote qui se sent plus à l’aise avec du couple peut mettre une couronne adaptée à ses préférences et à sa recherche de sensations. Aujourd’hui, on se rend compte qu’on ne sait pas forcément régler une moto, principalement car elles sont toutes très performantes quand elles sortent de l’usine. Ils vont préférer changer de ligne plutôt que d’adapter tout le poste de pilotage à leur morphologie. J’aurais tendance à dire qu’il faudrait prendre un peu plus de temps pour bien régler sa moto. Quand on se sent bien sur une moto, en confiance, on a beaucoup plus de facilité à mettre la — bonne — technique en application.

Créer les bons automatismes.

Valentin Teillet: Pour un pilote, il sera difficile d’identifier les bons et les mauvais automatismes. Bien souvent, quand je fais une remarque à un pilote sur sa technique, il va me dire : « Ah bon ? Je ne savais pas. » Parfois, ça fait des années qu’ils appliquent certaines choses qu’ils ne devraient pas. Je vois par exemple beaucoup de pilotes écraser le frein arrière dans les freinages. Ça verrouille la roue arrière, ça glisse, ça empêche l’amortisseur de travailler ; c’est inefficace.

Parvenir à se détacher d’un mauvais automatisme qui est installé depuis des années va demander un très gros effort personnel. C’est là où le travail de coach est parfois compliqué : tu rabâches des choses à quelqu’un qui ne ressent pas forcément ni l’envie, ni le besoin de passer par cette étape de correction. Pourtant, nous, on va devoir axer notre travail là-dessus pour qu’ils aient la bonne technique, puisqu’on en parlait plus tôt : une bonne technique amène de la vitesse. Si le pilote arrive à passer au-delà de la frustration à ce moment-là, qu’il arrive à se corriger, la progression est belle derrière et les bons automatismes prennent le dessus.

On peut aussi avoir du bon, et du mauvais. J’ai des élèves qui sont surpris parce qu’ils peuvent avoir un très mauvais freinage, mais une belle position dans le virage. Il faut tout segmenter, analyser, et mettre en place les correctifs. On réadapte la façon de faire.

Je pense que dans un sport aussi technique que le notre, il est aujourd’hui primordial d’avoir un œil avisé de l’extérieur. Ça permet d’éviter de faire fausse route, et de se rassurer aussi. En finalité, comment savoir si on fait bien les choses ou si on les fait mal ? Gagner une demi-seconde au tour n’est pas réellement gage de progression quand la technique n’est pas au point.

À très vite, pour le prochain épisode de Coaching !

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À propos de MyMotoCoaching: MyMotoCoaching est une plateforme innovante dédiée à l’accompagnement des pilotes, qu’ils soient débutants, intermédiaires ou confirmés. Fondée par Valentin Teillet, cette plateforme vise à transmettre son expertise acquise au fil d’une carrière riche en enseignements, qu’il a su regrouper en une méthode de coaching unique et accessible. Il partage ainsi ses secrets, ses stratégies et ses conseils à travers des vidéos, des programmes d’entraînement personnalisés et un coaching en ligne. Que vous souhaitiez partir sur de bonnes bases, améliorer votre technique, renforcer votre condition physique ou adopter une approche plus professionnelle, MyMotoCoaching vous offre les outils et le soutien nécessaires pour progresser à votre rythme et atteindre vos objectifs.

Episodes précédents.

Coaching x Valentin Teillet #1 – les fondamentaux de la préparation

Coaching x Valentin Teillet #2 – L’importance de la technique
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