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Maxime Desprey « Être à ce niveau, ça demande de beaucoup s’investir »

Images: DailyMotocross

Maxime Desprey décroche son dixième titre de champion de France à Lyon ce samedi. Remonté en SX1 cette année après deux titres de champion de France SX2, le pilote GSM Yamaha a continué sur sa lancée en décrochant son second sacre dans la discipline chez les gros bras, succédant ainsi à son coéquipier Gregory Aranda. Les années passent, les saisons s’enchaînent. Elite, ISRL, WSX, SX Tour: Maxime vadrouille, Maxime performe, et il n’a pas encore dit son dernier mot. Micro.

Maxime, félicitations pour ce titre. Sacrée saison pour toi. Si je ne dis pas de bêtise, c’est ton second titre en SX1, ton quatrième dans la discipline, et ton dixième titre national. Comment ce titre se compare-t-il avec tous les autres ?

C’est ça, mais c’est mon cinquième titre en Supercross car j’en ai décroché un en 80cc à l’époque ! Ce titre, il est vraiment cool. J’avais gagné les deux dernières années en SX2, donc passage obligé en SX1 en 2025. Cet été, je me sentais vraiment bien avec la moto. On a eu de belles bagarres. C’est top de remonter en 450 et de gagner direct. C’était une bonne année, surtout qu’avec l’Elite, j’avais un peu pêché en début de championnat. On avait eu quelques petits soucis et on avait bien terminé, donc on a continué sur cette lancée en Supercross.

Le week-end dernier, j’étais repassé en 250 pour le World Supercross. Je n’ai pas trop roulé en 450, et j’ai manqué un peu de confiance dans les whoops. Je n’ai pas réussi à trop me lâcher ce week-end. C’est pour ça que dans la dernière finale, j’ai sauté dans les whoops ; comme ça, ça allait beaucoup mieux.

Ce n’est pas le week-end de folie avec une double victoire pour moi, mais le job est fait. Greg était très rapide dans les whoops, il a super bien roulé et Jordi aussi. Quand il y a l’enjeu du championnat, je pense que l’inconscient est toujours là. On y pense toujours un peu.

Tu parlais des whoops. Justement. Au fur et à mesure de la finale du vendredi, ça se compliquait pour toi dedans. Le samedi, j’ai eu l’impression que tu avais simplement décidé de sauter à chaque tour, plutôt que de dribbler.

Oui, c’est ça. Je n’étais pas en confiance dedans. J’ai chopé mal aux bras et c’était de pire en pire. Je pensais aussi un peu au championnat. Je ne voulais pas faire n’importe quoi. C’était un peu compliqué, et j’ai lutté jusqu’au bout. J’ai quand même réussi à prendre la quatrième place le vendredi ; ce n’était pas trop mal.

Le samedi, avec la demi-finale, je savais que du moment que je me qualifiais en finale, c’était bon pour le titre. J’ai décidé de sauter dans les whoops et de ne pas me prendre la tête avec ça. J’ai pu suivre Jordi pendant pas mal de tours et après, j’ai un peu lâché prise. C’était quand même mieux que la veille, c’est cool d’avoir pu rebondir un petit peu le samedi.

Retour payant en 450cc pour Maxime Desprey sur le SX Tour @DailyMotocross

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Avec l’annulation de Saint-Thibéry, celle de Douai ou encore le retrait de Grenoble, votre championnat s’est disputé sur 4 finales cette année. Pas le droit à l’erreur avec si peu de manches, non ?

Oui, c’est clair. Dommage pour Saint-Thibéry, car je me sentais bien d’entrée de jeu. J’avais fait une bonne pôle là-bas aux chronos avant l’annulation.

Après, j’avais coupé un petit peu parce qu’on enchaîne vraiment pas mal entre l’Elite, le SX Tour, le World Supercross, les cross inter, etc. Durant l’été, je coupe un petit peu plus qu’avant maintenant. Quand on est allés à Saint-Georges, j’étais directement dans le coup aussi, c’était top.

À Brienon, une superbe épreuve avec de l’attaque et de bonnes bagarres. Je savais qu’il fallait être présent sur ces épreuves-là. Et vu que Cédric n’était pas là ce week-end à Lyon, ça m’a laissé une marge.

Je pense qu’aujourd’hui, tout le monde félicite la nouvelle dynamique du SX Tour avec les catégories Espoirs et Juniors. Mais — parce qu’il y a toujours un « mais » — j’ai pu entendre certains pilotes se sentir délaissés en SX2 comme en SX1, car l’accent avait vraiment été mis sur les jeunes. Tu en penses quoi, toi ?

Oui, c’est vrai. C’est top ce qu’ils ont fait pour les jeunes cette année. Ils se sont bougés. Ils ont essayé de remettre le truc à jour. Ça, c’est vraiment une bonne chose et il faut le relever.

Après, il y a encore quelques améliorations à faire. On n’était pas à Paris cette année, mais j’ai entendu dire qu’ils n’ont pas fait rouler les Juniors pendant le night show. C’est dommage pour les jeunes de ne pas leur faire vivre ça.

Nous, par exemple, je pense qu’il faudrait qu’on roule plus. Là, on attend toute la journée. On fait une demi-finale à 21 h, et une finale à 23 h 30. Sans compter le break de trois heures après les essais.

Le World Supercross, c’est l’extrême opposé au niveau du programme. Mais au moins, on enchaîne, on roule beaucoup avec peu de pauses. C’est limite un peu trop costaud parfois. Mais c’est vrai qu’en France, je pense qu’on pourrait rouler un peu plus. Ce serait pas mal pour aider à augmenter le niveau.

L’an dernier, j’étais venu te demander des infos à propos de ton double cale-pied sur la Yamaha. Tu m’avais dit que ça t’aidait à gagner en débattement compte tenu de ta taille. Pourtant, sur la 450, tu roules avec des cale-pieds classiques. Pourquoi ?

J’ai grandi [rires]. En fait, durant l’hiver, on a un peu galéré avec la moto sur certains points. On a essayé plusieurs choses. J’ai remis les cale-pieds d’origine, ça allait mieux. Du coup, on ne s’est pas pris la tête en repartant sur quelque chose de plus standard.

Mais peut-être que pour le Supercross, j’aurais dû réessayer, justement, pour avoir un peu plus d’amplitude. C’est vrai que dans les whoops, quand je compare avec Grégory, qui est plus grand et plus lourd, il arrive à bien verrouiller la moto. Du coup, avec Peter de 4.42, on bosse beaucoup sur l’amortisseur. Parce que j’ai un peu de mal à plaquer la moto, comme je ne suis pas très grand, pas très lourd. Peut-être qu’il faudrait que je réessaie pour le Supercross, et voir ce que ça donne.

Vu, les cale-pieds de Maxime Desprey sur la 250 YZ-F, la saison passée ? @DailyMotocross

Tu parlais de Greg. Il s’est concocté un programme à la carte assez sympa, au soleil, au Brésil. C’est quelque chose qui pourrait te botter ou tu te dis que ce n’est pas fait pour toi ?

Ouais, il m’a chauffé un peu, le Greg [rires]. C’est vrai que là-bas, il y a de gros moyens. La structure a l’air vraiment carrée. C’est sûr que ça donne envie quand même. Mais moi, je suis bien en France, je suis bien avec Serge et avec l’équipe GSM. Je pense qu’ils le savent aussi. Il y a aussi toujours cette envie de progresser avec eux. Et puis, je suis devenu papa, le petit est là, on va faire construire une maison avec ma femme. Il y a aussi d’autres projets à côté de la moto. Pour le moment, ce n’est pas au programme. Après, je ne sais pas. Peut-être que dans deux ou trois ans, si une opportunité se présente, je me dirai « pourquoi pas ? ». Mais dans l’immédiat, non.

Ces projets familiaux et personnels, ça change la façon dont tu abordes ta carrière et la compétition en général ?

Non, franchement non. Avoir un petit, c’est une nouvelle expérience. Ce n’est pas facile, mais c’est top, ça t’apporte ce petit truc en plus. Au niveau des courses, ça s’est très bien passé. Il est encore petit pour l’heure, donc il ne se rend pas compte de ce qui se passe. Après, je sais que c’est top de pouvoir vivre de sa passion, parce que ce n’est pas donné à tout le monde et surtout aujourd’hui. Après, j’estime aussi que c’est normal, vu les risques qu’on prend et les entraînements qu’on s’inflige. C’est bon de pouvoir avoir des projets à côté, et de pouvoir gérer les deux.

Tu es actuellement 9ème du World SX après 2 épreuves. Ça se déroule comment, cette année ?

C’est un peu dur. Les pistes sont grosses. Le Canada, c’était vraiment compliqué. Je roule en 250 sur ce championnat et on va dire que — pour l’heure — ce n’est pas aussi fameux qu’espéré avec l’équipe. Je me sentais tellement bien avec la 450 que, quand j’ai repris la 250, j’ai eu un peu de mal à trouver mon équilibre sur la moto, à retrouver les bonnes sensations. Ce n’est pas simple, mais on ne lâche pas pour autant.

Tous les week-ends, on essaie, on apprend. Nous, les Français, on a tendance à prendre notre temps quand on arrive sur un nouveau terrain. On fait quelques doubles, on enroule des sauts, patati, patata. Mais là-bas, tu n’as pas le temps du tout. Il faut y aller d’entrée de jeu.

En fait, on doit se mettre des coups de pied au cul pour essayer d’enchaîner directement les triples. Les mecs — là-bas — savent très bien faire. Ils ne se posent pas de questions. Donc avoir ce rythme n’est pas évident.

On essaie d’être compétitifs. Les départs ont été très moyens jusqu’à présent, donc on va essayer de s’améliorer sur ce point, et de faire progresser un peu la moto. Mais c’est vrai que ce n’était pas facile.

Avec un 4-3 à Lyon, Maxime décroche – largement – le titre en 2025 @DailyMotocross

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Tu as fait toutes les saisons du World Supercross : 2022, 2023, 2024 et 2025. Toujours en 250. Tu as vu de nouveaux promoteurs arriver, tu as vu des changements de cap. Est-ce que le championnat part dans la bonne direction, selon toi ?

J’ai envie de dire que ça va dans la bonne direction parce qu’il y a plus d’épreuves cette année. Cinq rounds en 2025. Ça, c’est top. De là, est-ce que le championnat est rentable ? Là, ce sont des mecs qui investissent. Est-ce qu’eux vont parvenir à récupérer leur mise ? Pour le moment, je pense que c’est un peu limite. L’Argentine, c’était full et c’était top. En plus, les Argentins sont bien chauds, donc c’était une très belle épreuve.

Au Canada, je crois qu’il y avait entre 15 000 et 20 000 spectateurs. Le stade était énorme, il y avait entre 40 000 et 50 000 places, je crois. Donc ça paraissait un peu vide. À voir pour les prochaines épreuves. Il paraît qu’en Suède, il va y avoir pas mal de monde. On verra.

Nous, écoute, on est là. Serge a su saisir la bonne opportunité. On essaie de profiter pleinement de cette aventure en espérant que ça va continuer, car la formule est quand même bonne. Il y a de bons pilotes qui viennent, ça permet de faire du Supercross dans le monde entier, à l’image du Motocross. Le niveau est aussi en train de monter d’année en année. Ça montre que les pilotes s’y intéressent et que les teams aussi.

Ça fait déjà quelques années que tu es avec le team GSM. Je pense qu’aujourd’hui, tu es conscient de la situation du paddock, de l’industrie. Quand tu regardes autour de toi, il y a beaucoup de mecs qui galèrent. Parfois, j’ai l’impression que les gens ne se rendent pas forcément compte de l’investissement que ça demande. Un gars comme Serge ne reçoit peut-être pas le crédit qu’il mérite réellement. Quand tu as un team avec des pilotes qui roulent devant, c’est probablement encore plus difficile à gérer, et sur beaucoup d’aspects.

Oui, carrément, c’est encore plus difficile. Arriver à rouler devant, c’est une chose. Mais parvenir à y rester , c’est vraiment ce qui est le plus compliqué.

Tu ne peux jamais te reposer sur tes acquis. Il faut toujours essayer de bosser sur les motos, physiquement, mentalement. Être à ce niveau, ça demande de beaucoup s’investir.

Je pense que les gens doivent s’imaginer que pour Serge, c’est tout beau, tout rose. Mais faire tourner une structure comme GSM, ce n’est pas facile. Aujourd’hui, on est deux pilotes à l’année, il y a 4 pilotes sur le WSX, on a deux mécaniciens, un coach. Derrière, il y a une certaine infrastructure. Forcément, c’est super d’avoir des moyens comme ça, mais il ne faut pas croire que c’est forcément facile.

L’année dernière et cette année, ça n’a pas été top au niveau du marché de la moto. Ce n’est pas facile. On est devant, mais il ne faut pas non plus se relâcher. Il faut faire les efforts avec les réseaux sociaux également, pour être présent partout. Le team essaie de tout mettre en place. Vraiment, ce n’est pas facile.

C’est quoi le secret de la longévité dans ce sport ? Aujourd’hui, je vois beaucoup de trentenaires dans les paddocks.

Personnellement, je pense que les années passées sur les Grands Prix m’ont quand même aidé. Ne serait-ce que pour avoir une certaine base au niveau de la moto, une certaine rigueur.

Ensuite, je pense que c’est un tout. Personnellement, je n’ai jamais été dans les extrêmes. J’ai toujours fait attention, sans aller dans les excès en me privant de tout. Je ne suis peut-être pas aussi rigoureux qu’un Gajser ou un Febvre, mais j’ai toujours fait attention à ce que je mange, à me coucher à des heures correctes, à bien dormir, à ma récupération. En fait, c’est une hygiène de vie. Je pense qu’il y a aussi le fait que je n’ai pas été trop souvent blessé — je touche du bois — et que ça pèse aussi dans la balance.

Je pense que c’est un tout qui, cumulé à l’expérience, fait qu’on arrive à rester présent aux avant-postes en France.

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