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Adrien Petit « La plaque rouge, c’est de la pression positive »

@FullSpectrumMedia

Il est français, il se débrouille avec ses petits moyens, mais il n’en reste pas moins généreux sur la poignée. Adrien Petit a créé la surprise à Cozar, et s’est emparé de la plaque rouge de leader du championnat d’Europe 250; une plaque rouge avec laquelle il évoluera en piste ce week-end à Saint Jean d’Angely devant le public Français. À la veille du second round du championnat EMX250, on a été prendre la température auprès du garçon qui a fait un sacré contrepied au plateau de l’Europe la semaine passée. Micro.

Adrien, tu as eu une semaine pour réaliser et digérer cette première victoire sur l’Europe 250. Est-ce qu’on réalise ce qu’on a fait à Cozar ? J’imagine que tu n’es pas arrivé en te disant «celle là, je vais là gagner».

Non, on a fait la première de l’Europe pour voir un peu où je me situais. Aux essais libres et aux essais chronos, j’étais déjà dans le coup même si je n’avais pas fait une place exceptionnelle. Par rapport à mon tour aux chronos, je savais que j’avais la vitesse pour rouler devant.

En première manche, je suis parti au-delà des 30, je pars très loin. Je suis remonté pour finir 5ème. Déjà là, j’étais assez surpris parce que partir 35ème sur l’Europe et remonter 5ème, c’est quand même faire une bonne manche.

En deuxième manche, je suis sorti second. Je suis passé en tête, j’ai fait ma petite course tranquille sans trop m’affoler dans la boue, et j’ai gagné.

Sur le coup, je n’y croyais pas trop. En fait je n’avais pas l’impression d’avoir fait une manche sur le championnat d’Europe parce que ma meilleure place avant ça, ça devait être 13e. Je n’avais même pas fait de top 10 et là, j’ai gagné !

Dans mon cas, tu ne réalises pas trop et tu ne te dis pas «je suis en tête du championnat d’Europe».

Quand tu passes la ligne d’arrivée en seconde manche, tu savais que tu avais la victoire d’épreuve en poche ? Tu avais un peu fait des calculs ?

J’étais sûr de faire un podium parce que j’avais fait un peu de calculs la veille. Quand j’ai mis un tour à Janis Reisulis, dans le dernier tour, je me suis dit que s’il était là je devais probablement faire deux ou trois de l’épreuve. Et puis on est venu me chercher parce que j’avais gagné. Quand on te dit que tu as gagné, sans que tu t’y sois vraiment préparé, c’est dingue.

Tu devais déjà être super satisfait de ta première manche où tu signais ton meilleur résultat sur l’Europe 250. Est-ce qu’à ce moment-là, tu t’es fixé des objectifs de podium sur le GP, ou est-ce que tu t’es dit que dans ces conditions, ça allait être compliqué d’être solide deux fois ?

Je t’avouerais qu’avec un bon départ, je me suis dit que c’était jouable. J’avais vu la différence entre les temps aux tours avec les premiers, et j’étais remonté vraiment rapidement sur le groupe de tête sans vraiment trop le savoir. J’avais fini par vachement baisser la cadence au milieu de course pour assurer.

Quand mes parents et mon mécano’ m’ont dit ça le samedi soir, je me suis dit qu’il était peut-être possible de faire quelque chose. De là à aller gagner ? Peut-être pas quand même, mais je pensais pouvoir refaire un top 5 et m’approcher du top 3; c’était l’objectif après la première manche.

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Cette aisance dans ces conditions, ça vient d’où ? Parce que tu avais l’air d’être comme un poisson dans l’eau en seconde manche.

En fait, j’ai pas mal roulé dans la merde quand j’étais plus jeune. Quand on allait à un entraînement avec mon père, si c’était gras ou qu’il neigeait, on roulait quand même; on n’était pas venus pour rien.

Donc petit, j’ai quand même roulé pas mal de fois dans ces conditions. Mais ces derniers temps, disons cet hiver, c’est vrai que je n’ai pas fait de boue. J’ai dû rouler seulement une ou deux fois dans la boue parce que j’ai surtout roulé à Loon Plage pour préparer Grayan et le Touquet. J’ai aussi fait un mois en Espagne, donc pas de boue; c’était sec, béton et dans des grosses ornières.

Après l’Espagne, je suis revenu et j’ai roulé une fois dans la boue entre le Touquet et Lacapelle Marival. Mais juste une petite heure. Après, j’ai un pilotage fluide et je pense que ça aide pas mal pour la boue. En plus, j’aime bien, je me fais plaisir, j’aime bien rouler dans ces conditions. J’ai peut-être une petite facilité de ce côté-là.

Tu me disais que tu ne savais pas trop quel serait ton programme sur l’Europe car le budget était serré. Qui t’aide ? Tu as l’air d’être dans une structure très familiale.

En fait, j’ai le soutien de Drag’on Tek, donc de Guillaume Davion, qui me met une moto à disposition. J’ai le concessionnaire De Donker Motos à Seclin qui me met une moto à disposition aussi. Guillaume me fait tous les entretiens des motos, des suspensions.

Après, je me débrouille, j’ai mon mécanicien perso avec moi à plein temps, qui me fait la mécanique. Après, sur les courses, on vient généralement en famille avec les parents et le mécanicien. Ma copine est là ce week-end à Saint Jean. On se débrouille comme ça.

Pour l’instant, je ne sais pas si je pourrais faire tout l’Europe, parce qu’il y a quand même des épreuves qui sont loin. La Suède par exemple, et puis ils ont rajouté la Finlande.

Je t’avouerais que je ne sais pas encore trop comment ça va se passer. J’espère – pourquoi pas – que des teams me proposeront de finir le championnat pour eux si ça continue comme ça. Pour l’instant, pour te dire, je m’inscris aux courses les unes après les autres.  En fait, tout va dépendre de comment ça se passe.

Gagner une épreuve de l’Europe à Cozar, ça ouvre quelques portes ?

Franchement, non, c’est la même chose. Le seul truc qui va changer pour moi ce week-end, c’est que j’ai une personne qui va me faire mes lunettes. Ce sera d’ailleurs le cas sur toutes les courses de l’Europe donc ça, c’est génial.

Sinon, non. On a fait exactement la même semaine. Forcément, on a reçu des messages, des encouragements et tout ça. Mais je veux dire, sur la partie moto et programme, on a connu exactement la même semaine que si j’avais fait 20ème.

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Quels sont les objectifs pour cette année, finalement, tant sur l’Elite que l’Europe ?

Pour les piges que je devais faire sur l’Europe, l’objectif, c’était d’être dans les cinq. Et si j’étais dans les cinq, pourquoi ne pas faire la suite du championnat. Pour l’instant, je suis dans les clous et dans l’objectif.

Sur l’élite MX2, je voudrais aller décrocher le titre. On a déjà vu qu’à Lacapelle Marival, j’étais bien, surtout une semaine après le Touquet. Je n’avais pas beaucoup d’heures dans la terre dans les jambes on va dire.

On est en France, tu t’alignes sur une épreuve de l’Europe 250 à domicile avec la plaque rouge. Est-ce qu’il n’y a pas un petit peu de la pression sur tes épaules, ou tu abordes ça comme si c’était finalement n’importe quelle course de l’Europe ?

Je t’avouerais que justement, tu es encore plus content de venir du coup. Rien que quand tu vois ta moto avec les plaques rouges, ça fait plaisir. Tout le monde est là, tout le monde est content de te voir parce que tu as gagné le week-end d’avant, tu es le premier Français; c’est cool.

Oui, avoir la plaque rouge c’est un peu de pression, mais c’est de la pression positive. Je ne suis pas là à me dire «putain, il faut que je gagne absolument» ou «il faut que je fasse un podium». Je vais aborder cette course de la même façon que les autres, et donner le meilleur de moi-même.

Je ne connais pas ton quotidien. Il ressemble à quoi ?

En fait, je suis à fond dans la moto. J’ai un avantage, c’est que mon papa est à son compte, donc je peux aller lui donner des coups de main quand je suis à la maison. On va bosser avec lui, avec mon mécanicien aussi.

On s’arrange comme ça, mais je t’avouerai qu’on n’a pas trop le temps. Ça nous prend beaucoup de temps la moto avec les entraînements et la préparation physique. Quand tu prépares – comme j’ai fait là cet hiver – deux choses à la fois – le sable et la terre – on va dire que tu n’arrêtes jamais.

C’est très compliqué de faire les deux, avoir un boulot et faire de la moto. Tu peux, mais ça ne dure qu’un temps. Tu ne peux pas faire ça tout le temps. Là, je suis dans la période de ma «carrière» où il faut que je fasse mon maximum pour espérer aller plus loin et pouvoir en faire mon métier.

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Et idéalement, le déroulement de cette carrière te mènerait où ?

Je suis mitigé parce que j’ai quand même deux choix. J’ai le sable ou la terre. Comme je ne suis pas mauvais dans les deux, je t’avouerais que je ne sais pas trop où je serai dans dix ans.

Ça va dépendre des opportunités, des résultats aussi. Je suis mitigé.

J’aimerais bien faire les deux. Quand je suis dans le sable, je suis très content d’être dans le sable. Quand je reprends la terre, je suis très content d’être dans la terre. Si je devais faire un choix maintenant. Ce serait très compliqué.

Pourquoi avoir fait le choix de t’aligner sur un deux temps ?

En premier lieu, c’est une question de budget. Parce que c’est beaucoup moins coûteux de rouler en deux temps.

Sur un deux temps, tu vas faire un piston au bout du bout. Sur un 4 temps, si tu casses, ça va te coûter 2.000 ou 3.000€. Faire marcher un deux temps, c’est aussi plus facile; tu n’as pas besoin de mettre 10.000€ dans le moteur pour que ça marche, et c’est plus fiable.

Et puis, je sais que j’aime aussi beaucoup le deux temps. J’aime bien les deux en fait, et c’était une bonne occasion de revenir sur une deux temps. Comme c’est le même châssis que la 125cc, ça m’a rappelé mes années de 125cc.

Puis à faire marcher un deux temps, c’est plus facile. Tu n’as pas besoin de mettre dix mille euros dans le moteur pour que ça fonctionne. C’est plus fiable.

Puis moi, je sais que j’aime beaucoup le deux temps. J’y ai roulé beaucoup quand j’étais en 125, je faisais les deux. C’était l’occasion de revenir dessus.

Il y a une autre discipline qui permet aux pilotes de gagner leur vie, de voyager un peu, de se faire de belles carrières. C’est le Supercross. On te sait bon dans le sable, bon dans la boue, sur la terre … C’est une discipline qui te tente ?

En fait, j’ai voulu commencer le Supercross en 2023. J’allais être encadré par Thomas Ramette. On avait discuté pour qu’il m’initie un petit peu. Le problème, c’est que je me suis fait mal à la cheville la veille de partir pour m’entraîner. Si c’était pour en faire sur une jambe, ça ne servait à rien. Le temps est passé, et j’ai mis ça de côté. On verra peut-être un jour, mais j’en ai déjà fait deux ou trois fois.

Franchement, j’ai adoré. J’ai même été un peu surpris parce que j’ai eu l’impression d’avoir déjà de l’entraînement dans les jambes. Le problème, c’est que c’est compliqué de tout faire, on ne peut pas trop s’éparpiller, sinon on n’est plus à 100% dans un domaine.

Je ne fais pas l’intégralité du championnat de France des sables, parce que je ne veux pas me spécialiser là-dedans tout de suite pour ne pas me pénaliser en Motocross. Je veux rouler un maximum dans la terre, faire l’Europe, et pourquoi pas le mondial. Après, plus tard, pourquoi ne pas tourner ma carrière vers le sable ? Me consacrer exclusivement au sable dès l’an prochain, je ne pense pas que ça me plairait vraiment pour l’instant.

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