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Bruno Verhaeghe « Je n’avais plus de motos, plus de budget. Sans proposition sérieuse, j’arrêtais »


En difficulté en 2024, la structure VHR est passée par une période de flottement à l’intersaison, avant de voir le fruit de son travail récompensé. Désormais associée avec le team VRT, la structure VHR a repris le programme officiel Yamaha sur l’Europe 250, et vise à décrocher le titre cette saison avec Ivano Van Erp et Janis Reisulis. Propriétaire de VHR, Bruno Verhaeghe nous explique les tenants et les aboutissants de cette collaboration, revient sur la séparation avec Maxime Grau, sur l’investissement de Yamaha, nous énonce la problématique du calendrier 2025, et bien plus encore. Micro.

Bruno. Au terme de la saison 2024, une poignée de structures sont parties, pour des raisons diverses et variées. On va parler de Standing Construct, F&H, Beddini, SM Action, Schmickers. Steve Dixon a stoppé son programme en MX2, Riley Racing a été un projet abandonné. L’an dernier, tu m’avais dit que ce n’était pas simple pour toi non plus. Finalement, est-ce qu’on est surpris ?

En Europe, je pense qu’il y a quand même un souci financier. En France, on est très touché, mais en Europe, c’est également le cas.

Les sociétés ne vont pas bien, donc il y a des coupes budgétaires. Le motocross vit essentiellement avec des partenaires extra-sportifs, puisqu’aujourd’hui, les constructeurs font moins de recettes, donc donnent moins d’argent. Pour les acteurs, c’est donc relativement compliqué.

Moi, en Juillet dernier, quand j’ai appris que KTM arrêtait son soutien pour les teams «B», j’étais à deux doigts d’arrêter. Si je n’avais pas eu cette opportunité avec Yamaha, je pense que je ne serais plus là aujourd’hui. Faire de la compétition sans en avoir les moyens, c’est impossible; c’est vraiment le nerf de la  guerre.

Si c’est pour faire n’importe quoi et te faire critiquer, ce n’est même pas la peine. Je ne suis pas étonné de voir ces teams arrêter. Prends l’exemple du team Schmicker, qui avait 4 pilotes sous l’auvent; ça doit représenter 20 motos par an. Si tu n’as pas d’aide, c’est impossible.

Standing Construct, je pense qu’ils attendaient plus de soutien d’Honda. Ça ne s’est pas fait. Tim Mathys a mis vraiment beaucoup d’argent dans le sport et je pense qu’au bout d’un moment, il en a eu marre. C’est un puits sans fond. Pour eux, je pense que l’argent n’était pas le problème, c’était plus que continuer d’en mettre n’avait plus vraiment de sens, et donc ils ont décidé d’arrêter.

Quand mes boîtes allaient bien, qu’une saison me coûtait 150.000€, on va dire que je me faisais mon petit plaisir par passion. Bien sûr, ça faisait toujours chier, mais je gagnais de l’argent à côté, donc ça tournait bien.

Depuis le Covid, on galère dans nos entreprises, on ne gagne plus un rond. On le voit bien de partout. En France, il n’y a plus aucun projet, plus de gouvernement, plus de politique. C’est très difficile pour tout le monde.

Donc VHR n’est pas passé bien loin d’arrêter la compétition ?

Au mois de Juillet, KTM m’avait annoncé que les teams B n’auraient plus d’aide pour 2025. C’était la même chose pour tout le monde, et personne ne peut prétendre le contraire. On pouvait encore avoir des motos, mais il n’y avait plus de budget pièce. On aurait pu toucher les motos un peu moins chères, 7.500€ par là, mais c’était tout.

Il faut savoir qu’aujourd’hui, on ne te file plus de moto, sauf aux teams usine. On a des prix préférentiels, et on les paye en fin d’année. La logique, c’est de revendre la moto le plus tôt possible en fin de saison pour pouvoir les payer en fin d’année. De cette façon, on n’avance pas de trésorerie, et on rentre bien dans nos frais.

Chez KTM, il y a des barèmes. Quand tu fais le MXGP, le budget alloué est de telle somme. Si tu fais l’Europe, c’est telle somme. C’est largement suffisant pour faire une saison, en fait. Ce budget couvre les pièces détachées, origine et semi-usine. Tout le monde est logé à la même enseigne avec ces barèmes.

En Juillet dernier, ils ont dit stop au budget pièces, mais on pouvait toujours avoir des motos. Mais comment on fait, avec des motos sans pièces ? Je n’allais pas dépenser 4.000€ tous les mois au concessionnaire pour aller chercher de la pièce détachée.

Scotty était parti aux US, et je m’étais dit que j’allais m’occuper de lui. Je n’avais plus grand intérêt à faire rouler des pilotes en Europe pour que ça me coûte les yeux de la tête.

L’an dernier, Bruno nous avait confié que l’avenir n’était pas au beau fixe. Depuis, une belle opportunité s’est présentée avec Yamaha @DailyMotocross

J’aimerais faire un détour par Maxime Grau. Les gens vont forcément se demander ce qu’il s’est passé l’an dernier. Il a quitté VHR, et on le retrouvait en piste chez WZ du jour au lendemain.

À vrai dire, je n’ai pas trop compris. Ils ont essayé ma moto et au début, c’était la meilleure moto du monde. Par la suite, ça n’allait plus. Il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas. J’ai fini par leur dire que si c’était pour faire une saison comme ça, où ça n’allait pas, autant arrêter en bons termes directement, plutôt que de se prendre la tête tous les week-ends.

Est-ce qu’ils n’avaient pas une offre et une envie de partir chez WZ Racing ? Je n’en sais rien. Franchement, c’est la première fois que ça m’arrive. Je pense que depuis toutes ces années, on ne s’est jamais trop plaint de mes motos. On peut demander à tous les pilotes qui sont passés chez moi. La preuve, c’est qu’Isak Gifting a quand même fait 25 minutes en tête d’une manche en GP avec ma moto. Je sais qu’elle n’est pas mauvaise.

Concrètement, comment s’est fait ce rapprochement VHR / VRT et qu’est-ce que ça implique ? On explique ça comment, aux lecteurs ? Le communiqué de presse était succinct: «Tout va bien, tout roule, vive Yamaha». Sans nécessairement en dire trop, on peut en savoir plus ?

Gérard Valat m’a appelé en septembre pour me dire qu’il avait des pilotes sur le carreau, et me demander ce que je faisais en 2025. Moi, je n’avais plus de motos, plus de budget, plus rien. Je lui ai dit que sans proposition sérieuse, j’arrêtais. Il m’a dit qu’il allait me rappeler, et qu’il avait peut-être quelque chose pour moi.

Je ne savais pas à quoi m’attendre. Je me suis dit: «peut-être que Suzuki veut revenir, que Ducati cherche un team, que Triumph veut faire un team B en MX2». Gerard m’a rappelé une semaine plus tard pour me dire que Mickael Vrignon voulait arrêter, et qu’ils ne savaient pas comment faire avec le team EMX250 de Yamaha.

De là, j’ai appelé Mickael qui m’a dit «Je pense comme toi Bruno. Les affaires vont mal, nos sociétés sont en difficultés, je ne peux pas repartir une année de plus pour couler ma boîte. Est-ce que ça t’intéresse de reprendre le team ?»

Il fallait que je connaise les données, les implications, que je sache ce que Yamaha donnait à Mickael, etc. Il m’a donné ses bilans 2024, et on a étudié ça. J’ai trouvé que c’était très raisonnable par-rapport à ce que je faisais moi, avec VHR. Je l’ai rappelé pour lui proposer quelque chose.

Dans son budget, il manquait à peu près 80.000€. Je lui ai proposé de rester ensemble dans l’aventure, de mettre 40.000€ chacun. Avec ça, on avait de quoi faire quelque chose de sérieux avec un budget total avoisinant les 450.000€. Par contre, je n’étais pas un grand fan des associations. Je lui ai dit que je voulais gérer l’équipe; et ça lui convenait très bien. Mickael est co-manager et s’occupe de la partie sponsoring. Au niveau de l’organisation, tout passe par VHR désormais.

Comment ça se passe avec Tom Brunet, qui est pilote support ?

Tom, c’est le beau-frère de Pierre-Alexandre Renet. Pela m’a dit qu’il n’avait pas de  guidon, et m’a demandé si on pouvait trouver une solution. J’avais toujours des sponsors personnels, un peu de matériel, de pneus, etc.  Moindrot Sport Loisir et Motocenter filent un coup de main en parallèle.

Moi, j’avais des sponsors qui voulaient continuer l’aventure, mais il me fallait à minima avoir un pilote Français. Au début, Yamaha n’était pas particulièrement pour, ils avaient peur que je me mélange les pinceaux. J’ai dû leur expliquer que ne pas avoir de pilote Français, c’était perdre un gros budget en sponsoring. Voilà comment on s’est arrangé pour pouvoir soutenir Tom, qui n’est pas rattaché à l’équipe officielle Yamaha et qui ne dispose de fait pas du même matériel que Janis et Ivano.

Tom Brunet est désormais pilote support de VHR @PH

Cette reprise de l’effort Yamaha sur l’Europe 250 par VHR, qu’est-ce que ça change pour Ivano et Janis, justement ?

Rien du tout. Le programme Yamaha, c’est une machine très bien organisée. Les moteurs et les suspensions sont faits par Yamaha. Le mécanicien, que ce soit celui de VRT ou de VHR, ça reste un mécanicien. Les pilotes ont les mêmes motos et les mêmes moteurs que l’an dernier.

Le manager & entraîneur, c’est toujours Pierre Alexandre Renet. Là où c’est peut-être mieux, c’est que j’ai une base en Belgique et une base en Normandie. Ce sera un peu plus simple pour Ivano qui est Néerlandais.

Tu te retrouves finalement à accueillir deux garçons avec qui tu vises le titre de champion d’Europe 250. Deux coéquipiers, mais qui seront probablement deux concurrents. Ça doit être particulier, à gérer, non ?

C’est sûr, mais ils entretiennent de très bons rapports. Après, ils ne sont pas tout le temps ensemble. Janis va encore à l’école. Il fait 15 jours chez nous, et 15 jours chez lui en Lettonie; il a un mécanicien là-haut. Du coup, on a plus souvent Ivano que Janis avec nous et quand ils sont ensemble, ils s’entendent bien. En fait, ils ont deux caractères complètement différents.

Janis est un jeune surexcité, qui a toujours envie d’aller vite. C’est quelqu’un de besogneux. Ivano, c’est le talent. Il ne ressent pas le besoin de rouler à fond à l’entraînement contrairement à Janis. Ivano est très technique et quand il a envie, c’est vraiment un truc de fou. Janis, lui c’est un énorme bosseur.

Janis n’a fait qu’un round l’an dernier, mais on sait plus ou moins à quoi s’attendre. Ce sera la troisième saison d’Ivano. Il est capable de gagner, mais il lui manque en régularité, non ?

L’ennemi d’Ivano, c’est sa tête. C’est un gamin qui a un talent monstre, mais je pense qu’il ne s’en rend pas compte. Pour lui, un petit rien peut rapidement devenir un monde. Si un truc s’enraye, il ne fait plus d’efforts. Selon moi, Ivano aurait pu être champion d’Europe depuis longtemps. À Lacapelle, il n’a pas aimé le terrain, ça le faisait chier, il n’y avait pas d’enjeux, il n’avait pas envie. C’est particulier. Janis, dès qu’il met le casque, c’est incroyable. Mais ce n’est pas pour autant qu’Ivano est moins capable d’être champion cette année que Janis. Parce que quand il y a de l’enjeu, Ivano se transcende. L’approche est totalement différente.

Tom a pu s’entraîner avec eux cet hiver. Pour lui, ça a dû être une belle opportunité et un bon coup de fouet pour préparer sa première saison en Europe 250.

Franchement, Tom a fait un super bel hiver. Il a beaucoup roulé et ça lui a fait du bien. Il sort du 125cc, il n’a pas encore le pilotage du 250cc, mais il progresse de mois en mois. Ça l’a bien aidé de s’entraîner avec Janis et Ivano. Il y a encore deux, trois petites choses sur lesquelles il doit travailler, mais il a bien progressé et je pense qu’il peut obtenir de bons résultats. Malheureusement, il s’est fait mal au poignet il y a 15 jours: on avait même cru qu’il se l’était cassé, mais – heureusement – c’est une entorse. Il n’a pas roulé depuis; c’est dommage car il a vraiment fait un bel hiver. En espérant que ça ira en Espagne.

Janis Reisulis revient sur l’Europe 250 après sa blessure au genou @Elite Motocross

Tu t’es en quelque sorte retrouvé avec le programme EMX250 de Yamaha entre les mains sans t’y attendre. Par contre, et justement, Yamaha doit avoir des attentes. Ils comptent sur vous pour aller chercher le titre Européen. Ça met une certaine pression ?

Honnêtement, pas du tout. Je n’ai aucune inquiétude. On a tout ce qu’il faut pour travailler: du matériel, des bonnes motos. Le suivi est extraordinaire. Tout est programmé, bien huilé.

Chaque année, je me demandais de quoi j’allais manquer. Je me demandais si les moteurs allaient tenir. C’était toujours un doute qu’on avait, parce qu’on faisait de la compétition sans avoir le matériel ni le budget factory.

Le mec qui travaille pour un team officiel et qui me dit qu’il a la pression, il est dingue. Franchement, je suis étonné de tout l’engagement et du matériel que Yamaha met à disposition pour un team officiel sur l’Europe. C’est magistral. On est au niveau des teams du mondial, et c’est tout à leur honneur. Je n’ai jamais vu un constructeur qui mettait autant de moyens pour un team Européen, très sincèrement. Ils investissent et ne font pas les choses à moitié, je leur tire mon chapeau pour ça.

Du coup, ce serait plutôt l’inverse ? Tu abordes 2025 en étant plus serein que par le passé ?

Complètement. Tout est bien géré et programmé. La gestion des moteurs est gérée, les mécaniciens sont briefés, ils font des réunions en visio. Les pilotes n’ont qu’à monter sur la moto, tourner la poignée et faire leur job. Disons que je ne vais pas avoir besoin de me demander si le moteur de mon pilote tiendra la manche cette année.

En termes de matériel, qu’est-ce qui change entre la 250 YZ-F de Karlis Reisulis qui est dans le  team officiel Yamaha sur le mondial MX2, et celle de son frère Janis qui est dans ton équipe ?

Pas grand-chose. On en avait discuté d’ailleurs. L’an dernier, ils avaient les mêmes moteurs que le team Hutten Metaal Yamaha. Pour moi, et pour un team Européen, il faut qu’il y ait une différence entre une moto du mondial et une moto de l’Europe. Aujourd’hui, il y a deux ou trois petites choses qui diffèrent entre les motos du team MX2 et nos motos, mais pas grand-chose. Disons que le moteur est un peu moins poussé mais attention, il marche; c’est de la folie…

J’avais un préparateur à l’époque, qui me faisait des super moteurs, Bart. Un gars extraordinaire. J’ai toujours eu des moteurs incroyables avec lui. C’est un mec en or à qui je tire mon chapeau parce qu’il nous a fait des motos de dingue mais là, c’est encore autre chose. Ce n’est pas comparable. On n’a pas des motos, on a des armes. Voilà, des armes. On se demande même comment ils font pour ne pas être en tête à chaque manche quand on sait comment les motos marchent [rires].

Finalement, tu es à la tête d’une équipe qui était concurrente de la tienne l’an dernier. Tu dois te dire que c’était impossible de rivaliser ?

Complètement impossible. On avait des super moteurs mais là, c’est autre chose … Ils sont préparés directement par Yamaha. On ne sait pas ce qu’il y a dedans. On n’a pas le droit de les démonter, d’y toucher. On leur donne les moteurs, et Yamaha les révisent. Nos mécaniciens ne touchent pas le moteur, ni les suspensions.

L’an dernier, tu aidais Mathilde Martinez et Alicia Goggel sur le mondial Féminin. Compte tenu du nouveau statut de l’équipe avec Yamaha, le programme passe à la trappe ?

Oui, et ça m’embête un peu. Bien qu’Alicia était déjà partie parce qu’elle voulait se rapprocher de la Suisse, et elle avait trouvé un team. Mathilde était repartie avec nous l’an dernier, mais elle avait rencontré des problèmes aux bras. Elle a attendu avant de se faire opérer, elle a un peu galéré. Ça a été un peu plus compliqué pour Mathilde. En passant team officiel Yamaha, on ne pouvait pas se permettre de continuer avec le féminin.

Un pilote comme Tom Brunet va faire le même programme que nous, le même championnat, donc il sera tout le temps avec nous. Il sera sur les mêmes épreuves, donc ce n’est pas une contrainte.  On n’aurait pas pu se disperser partout avec le WMX. Quand j’avais Isak Gifting, on était présents sur tous les grands prix, donc ce n’était pas un problème de faire le mondial féminin, parce qu’on était sur les courses de toute façon. Là, ce n’est plus possible car certaines épreuves du mondial Féminin ne collent pas avec le calendrier de l’Europe 250.

Le programme WMX de VHR prend fin @DailyMotocross

Un mot sur ce calendrier 2025 justement. Il y avait 11 épreuves à la base, puis 12, et désormais 13 … Réaction ?

Je ne suis pas d’accord, et je vais t’avouer quelque chose. J’ai envoyé un courrier à David Luongo. On a demandé un rendez-vous en Espagne. Moi, je refuse de faire la Finlande. Il faut qu’ils arrêtent. On ne fait pas le championnat du monde !

Ils ont supprimé l’Indonésie, où il n’y avait que le MXGP et le MX2, je ne vois pas pourquoi on viendrait nous coller une épreuve de plus en Finlande. Pour nous, c’est un budget de 6 ou 7.000€ supplémentaire qui n’était pas prévu. L’Angleterre, ce n’était pas prévu non plus et c’est une galère. Il faut un carnet ATA, il y a des contraintes de douanes qui nous font chier à chaque fois qu’on y va. Ils nous ont rajouté deux épreuves, et deux épreuves bien pourries. C’est la réalité. Qu’ils mettent la main à la poche, et qu’ils payent les déplacements des pilotes si c’est comme ça !

J’ai eu de nombreux patrons de teams, et tous partagent mon point de vue. On va déjà en Suède en Août, ils auraient pu mettre la Finlande dans la foulée, mais non. Moi, ce que je ne comprends pas, c’est qu’il n’y a plus de teams. Il y a au moins sept ou huit teams qui ont arrêté pour des problèmes financiers, et ils nous recollent une treizième épreuve. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les mecs n’ouvrent pas leurs fenêtres pour voir ce qu’il se passe dehors.

Tout le monde dit qu’ils ont des problèmes financiers, mais tu rajoutes une épreuve qui va coûter une fortune. À la limite – et même si ça ne m’enchante pas – tu fais un round en plus en Italie. Tu vas bouffer 1.500€ en déplacement. Là c’est 5 fois plus.

Les teams ont des budgets de fonctionnement pour tant d’épreuves. Là, on se retrouve à appeler Yamaha pour leur dire qu’on fait deux épreuves de plus, qu’il nous faut des moteurs en plus, des pièces, du budget, au dernier moment.

Quand j’entends ton discours, je me dis que si toi, qui as repris l’équipe Yamaha officielle, tu dis que ça coûte cher, que c’est compliqué …. Comment feront les autres ? Ceux qui sont dans des petites structures, ceux qui n’ont même pas de structure ? Pour moi, l’Europe, c’est un peu un tremplin où les jeunes essaient de se montrer. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, si on fait 13 épreuves, c’est celui qui aura les moyens d’y aller qui va se faire repérer, plus que celui qui aura du talent.

Exactement. Les pilotes privés ne vont pas mettre 5.000€ pour aller en Finlande. Et encore, on est centralisés en France. Imagine un Portugais, un Espagnol ? Ils vont devenir fous ! On avait un trou de 6 semaines pendant la saison, et ils nous ont collé la Finlande. C’est-à-dire qu’on rentre, et qu’au lieu d’avoir un gros break, on repart pour la Finlande. Qu’ils mettent le MXGP et le MX2 en Finlande si ça leur fait plaisir, mais l’Europe ? Je ne suis pas d’accord. Ils suppriment un round en Indonésie, ils nous collent une épreuve à Matterley. Ils suppriment une autre épreuve en Indonésie, ils nous collent une épreuve en Finlande. On marche sur la  tête.

Aujourd’hui, avec les aides que j’ai d’Infront et les 350 kilos de fret gratuit, une épreuve en Indonésie ne me coûte pas si cher que ça. C’est ce que j’explique dans mon courrier à David Luongo. Aller en Indonésie me coûte moins cher qu’aller en Finlande. Tu mets tes deux motos dans ta caisse, tu as 200 kilos. Tu remets 2 moteurs, 60 kilos. Tu rajoutes un peu de pièces et de conneries, tu as tes 350 kilos gratuits. Même si tu rajoutes 100 kilos de plus que tu payes, ça ne te coûtera rien. Quand on avait fait le double GP d’Indonésie avec Isak, ça ne m’avait même pas coûté 4.000€. L’hôtel est donné, la bouffe ne coûte rien, et on était resté sur place entre les épreuves.

Pour la Finlande, tu vas faire 6.000 kilomètres en camion aller-retour. Tu vas bouffer 3.000€ de gasoil pour le camion, sans compter le Sprinter, le batea, les ponts entre le Danemark et la Suède. Le bateau, c’est 900 €. Les ponts, c’est 600 €. Tu comptes un billet de 6 ou 7.000€ pour faire la Finlande. Il faut arrêter, c’est complètement fou.

Je vais te donner une série de noms. Jordi Tixier, Cédric Soubeyras, Grégory Aranda, Brice Maylin, Stephen Rubini, Scotty Verhaeghe, Romain Pape et j’en oublie probablement. Tous ont quitté le championnat de France. Comment on explique ça ? Il paraît qu’on a «le meilleur championnat National en France». Il paraît même que «toute l’Europe nous l’envie». Pourtant, je constate que de plus en plus de Français vont rouler ailleurs, et que les étrangers ne se bousculent pas pour rouler chez nous. Le discours ne colle pas avec le constat.

Je pense que c’est une question d’aides. En France, il y a un problème au niveau des aides. En France, les pilotes Français ont peu d’aides. J’ai été KTM pendant 7 ans, mais j’ai toujours été aidé par l’Europe, jamais par KTM France ou alors très peu: une année avec Guyon. Pourquoi ? Je ne sais pas, mais il y a un problème.

On parlait de Schmicker. Ce team n’était aidé que par KTM Allemagne, ils avaient très peu de budget de KTM Europe. Moi, je n’avais qu’un budget de KTM Europe, et rien de KTM France. C’est quand même bizarre. En France, on n’est pas très bien aidé au niveau des constructeurs. Je pense que les pilotes vont chercher des teams étrangers pour aller gagner de l’argent. Il y a aussi que les championnats français ne sont pas très bien payés, même si je doute que tu gagnes mieux ta croûte en Italie.

Ce qui est dingue, c’est que même en étant une équipe Française, j’ai plus de sponsors étrangers que Français. Je pense qu’en France, on n’a pas la bonne mentalité pour aider dans le domaine sportif.

Bruno Verhaeghe « Je n’avais plus de motos, plus de budget. Sans proposition sérieuse, j’arrêtais »
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