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Hunter Lawrence « La souffrance qu’on s’inflige en Motocross, c’est vraiment quelque chose »

Images: MX Sports Pro Racing

Les malheurs des uns faisant le bonheur des autres, Hunter Lawrence décroche son tout premier succès de carrière sur l’outdoor 450 ce samedi à Ironman ; une discipline dans laquelle l’officiel Honda HRC ne s’était plus imposé depuis août 2023, date de son dernier succès en Motocross (250) à Budds Creek. Souvent sur le podium, souvent devant, souvent régulier, Hunter était toujours passé à côté, battu parfois d’un rien. Pas cette fois-ci. Micro.

Hunter, félicitations pour ta première victoire sur l’outdoor 450. Tu as toujours dit qu’il fallait suivre les étapes, et que ça finirait par arriver si ça devait arriver. Cette victoire montre que tu avais raison ?

Oui. Même s’il s’est passé pas mal de trucs qui ont joué en ma faveur ce week-end. Il y a eu ce qui est arrivé à Jett en première manche, qui a été pénalisé d’un tour. Je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé avec Chase en deuxième manche, mais je crois qu’il n’a pas pu terminer. C’était une journée… mouvementée. Mais je suis content d’avoir été dans le coup et d’avoir pu en profiter pour gagner. C’était vraiment une journée difficile : il faisait très chaud, il n’y avait pas d’air, c’était vraiment exigeant physiquement.

Sur le podium après la deuxième manche, tu avais l’air vraiment épuisé. Sur le papier, tu avais la victoire en poche, mais ce n’était pas si simple que ça et tu as dû puiser dans tes réserves, semble-t-il.

Oui. Juste faire un tour régulier sur cette piste, c’était déjà difficile en soi. Eli était un peu la carotte devant moi en seconde manche. Naturellement, j’avais envie de me rapprocher le plus possible de lui. On était tous les deux fatigués, on faisait tous les deux des erreurs bêtes qu’on ne fait pas d’habitude, simplement parce qu’on était cuits. Eli a fait une erreur, il a calé, et j’étais assez proche pour pouvoir en profiter et le doubler. Il restait encore 4 tours à ce moment-là, et ça m’a semblé durer 25 minutes.

Je ne voulais pas me contenter d’enrouler dans cette manche, je voulais continuer à attaquer, surtout après mon erreur du début de manche, quand je suis tombé. Je n’ai rien lâché, j’ai quand même fait le boulot pour aller chercher la victoire plutôt que d’attendre qu’elle me tombe tout cuit dans les bras.

Quand tu as fait ton erreur, Chase t’a doublé, puis il est tombé quelques mètres plus loin.

Je me suis relevé après mon erreur et je me suis dit : « Super, Hunter ». De là, il fallait que je reparte, que je retrouve mon rythme. Quand tu tombes, que tu fais une erreur et que tu te retrouves coupé dans ton élan comme ça, la chaleur te met un coup et c’est dur de retrouver ton rythme quand tu repars, surtout sur un tracé aussi difficile et défoncé qu’Ironman. Ma priorité, c’était de me remettre dedans et là, j’ai vu Chase tomber et j’ai dû l’éviter. J’espère qu’il va bien, je ne sais pas trop ce qu’il en est. C’était… chaud.

Une victoire lors des playoff SMX à Fort Worth, une victoire par équipe aux nations, et désormais une victoire à Ironman pour Hunter Lawrence en 450cc.

Cette victoire, tu l’attendais. Est-ce que ça t’enlève un peu de pression des épaules ? Est-ce que tu disais que ça finirait par arriver ?

Je pense que personne ne s’attend vraiment à gagner, mais c’est ce pour quoi on travaille tous. C’est ce qu’on veut tous. Rien n’est jamais garanti d’avance. C’est plus qu’on travaille dur pour gagner, et que c’est l’objectif final. La catégorie est vraiment relevée. Il y a eu des jours où j’ai bien mieux roulé que ça, où je me suis senti bien plus en forme dans les deux manches et pourtant j’ai terminé second, ou troisième. C’est un sport vraiment imprévisible. C’est aussi ce qui le rend si fun. En fait, en quittant la piste en seconde manche, je m’en fichais pas mal d’avoir gagné. J’étais complètement cuit, j’avais chaud et la priorité, c’était de me rafraîchir un coup. Honnêtement, on repousse bien au-delà de nos limites. La souffrance qu’on s’inflige en Motocross, c’est vraiment quelque chose.

Tu as déjà gagné quelques manches, on sait que tu peux gagner. Tu remportes la journée avec un 2-2, ça consolide ce qu’on sait : tu es très régulier.

Oui, je pense pouvoir dire que je suis un pilote régulier. Je crois que j’ai terminé 19 ou 20 fois dans le top 5 en Motocross depuis mon arrivée en catégorie 450 ; c’est plutôt cool. On va dire que j’aimerais être un peu plus que régulier, pour pouvoir gagner une ou deux places à chaque fois !

Tu as pratiquement raccroché les gants il y a quelques années, après tous les pépins que tu as rencontré. On sait que tu n’es pas le plus extravagant, mais tu dois être fier d’en être arrivé là aujourd’hui, et de ne pas avoir tout arrêté il y a quelques années après les blessures, quand ça ne se passait pas très bien pour  toi. Ça doit te faire du bien, d’en être où tu en est aujourd’hui.

C’est sûr. Je suis vraiment reconnaissant de pouvoir rouler contre toutes ces légendes du sport comme Eli. En 2015, j’étais au lycée et je le regardais rouler. J’ai aussi eu des coéquipiers de renom, des gars supers et j’ai évolué au fur et à mesure dans ce sport. Tu te retrouves à affronter les meilleurs pilotes, tu fais des choses vraiment spéciales mais tu ne le réalises pas vraiment. Pourtant, quand tu étais gamin, tu te disais que c’était de la folie. On se retrouve vite pris le doigt dans l’engrenage, et on ne réalise parfois plus trop. Moi, j’ai quand même conscience de tout ce qu’on fait. Mais tu ne veux jamais trop vraiment prendre du recul avant d’avoir raccroché. J’ai le sentiment que si tu commences à prendre du recul sur ta carrière, tu es déjà sur la pente descendante d’une certaine façon. Dans ce sport, il faut toujours aller de l’avant, en vouloir plus, etc.

Première victoire pour Hunter en outdoor, premier podium en 450 pour RJ, et 6ème podium de saison pour Eli

J’imagine que tu étais au courant de la pénalité de Jett, ce qui a changé le général de la journée en fin de compte. Est-ce que tu avais étudié les différents scénarios pour la seconde manche ?

Pas vraiment, en fin de compte. J’ai trouvé que c’était presque comique, ce qui lui est arrivé en première manche. Jett a tapé la grille, il est rentré dans les derniers dans le premier virage et il s’est pris une pénalité d’un tour. Ils lui ont expliqué la règle, ce qu’ils ont vu, tout ça. On va dire que c’était… intéressant. Évidemment, j’ai été avantagé par sa pénalité, mais j’ai trouvé que c’était vraiment stupide. C’est la course… Quand je suis sur la grille de départ, je ne me préoccupe pas de qui que ce soit d’autre. Je sais ce que je dois faire, sur quoi je dois travailler et où je dois m’améliorer. Sur la piste, je ne me concentre que sur moi-même.

L’équipe américaine pour le MXDN a été annoncée, et l’équipe australienne a aussi participé à la cérémonie d’ouverture en tant que team champion en titre. Ce sera un avantage d’évoluer à Ironman pour vous cette année. Vous vivez aux USA, vous connaissez le circuit, etc.

Ouai. Quand ils nous ont présentés lors de la cérémonie, c’était… le silence. On va dire qu’on n’a pas vraiment été applaudis et on s’est dit : « Hey, les gars, on est un peu américains nous aussi ! » [rires]. Ça va, c’est cool. C’est sûr que s’il y a une chose qu’on trouve vraiment cool aux USA, c’est le patriotisme dont font preuve les Américains. On respecte ça. Si tu vas en France, les Français sont pareils, si tu vas en Angleterre, les Anglais sont pareils. Là, ce sera le team US qui évoluera à domicile devant son public. On verra comment ça se passera. Le tracé pourrait vraiment évoluer différemment car on roulera avec une majorité de pilotes de GP, ce sera intéressant de voir comment il se défoncera avec eux, si c’est différent. Je sais que Red Bud s’est vraiment creusé différemment lors des deux dernières éditions, comparé à ce qu’on retrouve sur les épreuves de l’outdoor. La météo va aussi jouer un rôle important ; on verra. Ce sera intéressant !

Un mot sur le tracé d’Ironman. Ce n’est pas la première fois que tu roulais ici. C’était comment, en comparaison avec les autres années ?

C’était drôle parce qu’en général, après le tour de reconnaissance tu sais où tu dois aller. Tu te dis « je vais passer là, prendre cette trace, cette ornière, etc. » Là, tu te demandais où tu allais passer… En fait, l’idée c’était d’aller où tu pouvais, en fonction de l’endroit où tu te posais sur le saut d’avant. La portion dans les bois était intéressante. Il y avait vraiment une texture différente. Je n’ai pas vraiment apprécié tous les copeaux de bois qu’ils ont mixés à la terre, je trouve que ça rend le tracé vraiment trop imprévisible, tu te prends des coups de raquette, etc. ; c’était chaud. Je ne suis pas non plus un grand fan du trou avant le triple, parce que j’ai failli me tuer dessus en première manche, donc je suis content de repartir en un seul morceau !

Hunter Lawrence « La souffrance qu’on s’inflige en Motocross, c’est vraiment quelque chose »
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