Passé à deux doigts de l’exploit seconde manche MXGP à Uddevalla, Isak Gifting espérait bien se rattraper lors du GP des Pays-Bas. Loupé. Le pilote JK Racing Yamaha a enchaîné les erreurs et repart avec seulement un petit point marqué d’Arnhem. Pas de quoi inquiéter le Suédois qui a déjà prouvé sa valeur cette saison en s’affirmant comme l’un des meilleurs pilotes non-factory de la saison 2025. De quoi aborder la suite sereinement. Micro avec notre confrère Andy McKinstry.
Isak, ces dernières semaines ont été mouvementées pour toi. On va commencer par parler d’Arnhem. Ce n’est pas le genre de tracé sur lequel tu veux mal partir, c’était difficile de doubler, c’était défoncé, etc.
Ouais, ça a été compliqué. Je me suis pas trop mal débrouillé le samedi puis j’ai chuté à la fin de la manche qualif’, et j’ai explosé mon radiateur donc j’ai dû abandonner. Ça m’a fait partir de la 38ᵉ grille le dimanche. Pas de chance car – juste ce week-end – on était 38 pilotes, donc j’ai dû partir complètement de l’extérieur. Pourtant, la vitesse était là tout le week-end, je n’ai juste pas réussi à concrétiser.
Sur les trois départs, je me suis retrouvé par terre… J’ai mis gaz en grand depuis l’extérieur les deux fois le dimanche, j’étais devant, mais dès que j’ai pris l’appui dans le premier virage, je suis tombé. Dans la première manche, je suis revenu jusqu’à la 10ᵉ place – par là – puis j’ai chuté. Ce n’était pas une grosse chute, mais j’ai plié mon guidon à trois tours de la fin et je n’ai vraiment pas pu finir correctement la manche. J’étais hors des points, je suis tombé une nouvelle fois, c’était ridicule.
En deuxième manche, pareil. Je suis tombé au départ alors que j’aurais pu être dans le top 5 si je ne m’étais pas accroché. Et ensuite, je n’étais pas dedans, j’ai l’impression d’avoir perdu le rythme pendant tout le week-end. J’ai roulé un peu n’importe comment. Essayer de doubler, c’était vraiment difficile. J’ai signé de bons temps dans la seconde manche, le 7ᵉ chrono je crois. Je roulais bien, je suis remonté une nouvelle fois mais là encore, je suis tombé et après j’ai juste roulé tranquillement pour finir la manche. Franchement, c’était assez embarrassant parce que je venais de faire un très bon week-end à domicile où je suis aussi tombé deux fois en manches. Ce n’est pas vraiment la tendance idéale en fait. Le pilotage est là, les départs sont là, le physique est là. C’est frustrant…
Il y a des week-ends comme ça où ça fait effet domino. Ça avait l’air difficile de doubler.
Oui. J’ai été surpris, surtout le samedi. Le dimanche, c’était quand même un peu mieux. En fait, j’étais dans les 20-25 après mes chutes. J’avais beau rouler cinq secondes plus vite que les gars devant moi au tour, je n’arrivais pas à doubler. Il fallait que je prenne beaucoup de risques, c’était la folie. Tu te retrouves limite à sauter par-dessus un mec dans un virage pour finir par tomber quelques mètres plus loin. Pour un tracé de sable, c’était vraiment difficile de doubler. Normalement, c’est beaucoup plus simple de remonter dans le sable. Là, j’ai dû prendre beaucoup de risques, et je n’ai pas été le plus intelligent en piste. J’ai roulé au-dessus de mes pompes, ce n’était pas du tout du beau pilotage de ma part. Je suis dégoûté, un peu embarrassé aussi. J’ai l’impression d’être passé pour un naze mais c’est comme ça. Je n’y peux rien, et j’ai tout donné une fois de plus.

Dans tous les mauvais coups à Arnhem, Isak Gifting ne ramène qu’un point du GP des Pays-Bas. Rageant pour le garçon qui n’était pas passé loin d’en gagner une en Suède, une semaine plus tôt @Ray Archer
On va forcément revenir sur la deuxième manche d’Uddevalla… C’était comment ?
C’était… quelque chose de spécial. C’est clairement la plus belle chose que j’ai faite de toute ma vie. Il y avait toute cette pression, tout ce public. C’était comme un Motocross des Nations. Et puis j’ai tout gâché dans le dernier tour… Je pense que j’ai peut-être ramené ça dans les bagages à Arnhem le week-end suivant, parce que ça a vraiment été difficile à avaler. Je suis passé par un sacré ascenseur émotionnel et je pense que j’avais toujours ça dans un coin de ma tête aux Pays-Bas. Je voulais vraiment faire quelque chose de bien, pas forcément un coup d’éclat, mais juste que ça se déroule correctement. Puis tout est parti en sucette le samedi et – comme tu dis – ça a fait effet domino.
Tout le monde a dû te parler d’Uddevalla à Arnhem. Quand je t’ai vu le vendredi, j’ai préféré éviter d’aborder le sujet parce que tout le monde devait remettre le sujet sur la table. C’est difficile de passer à autre chose après un week-end comme ça ?
Oui, c’est compliqué. C’est sûr que c’est top de recevoir tout ce soutien sur les réseaux sociaux, de voir tous ces messages positifs. Mais je suis encore vraiment très énervé par ce qu’il s’est passé à Uddevalla. J’aimerais oublier, mais c’est impossible. En arrivant à Arnhem, tout le monde m’en a parlé. C’est cool dans un sens, mais ce n’est pas terrible pour le mental. Je devrais être capable de gérer ça pourtant, mais je n’y arrive pas.
Tu as pu rester en Suède après le GP. Ça t’a fait du bien ? Je crois que tu es rarement chez toi. Après ce qu’il s’est passé à Uddevalla, tu as dû être frustré. Rester là-haut, ça t’a permis de faire un break, de revoir les amis, d’avoir une vie normale ?
Oui, ça m’a fait du bien. Ça faisait longtemps que je n’étais pas revenu. J’ai vraiment beaucoup travaillé en Italie ces derniers temps, donc après ce week-end d’Uddevalla, j’étais épuisé. C’était bon de pouvoir rentrer à la maison. J’ai été pêcher un coup, j’ai vu des amis, et j’ai fait quelques interviews au téléphone. Mais honnêtement, je ne me sentais toujours pas au top en arrivant à Arnhem. Je n’avais pas roulé dans le sable avant le GP, encore une fois. C’est devenu une tendance cette année. Je n’ai quasiment pas fait d’entraînement sur ce type de terrain depuis le début de l’année. J’ai un petit spot pour rouler dans le sable en Italie, mais le fond est dur, il fait 40 degrés et tout est sec, donc c’est compliqué pour moi de retrouver le rythme dans le sable. Je me sens rapide pourtant. À Lommel ça s’est bien passé, mais il me manque ce petit truc pour être propre. Pour l’instant, je n’arrive pas à être au top dans le sable.
Il reste trois GP. On sait que ton équipe n’a pas le plus gros budget – comparé aux teams factory. Est-ce que tu vas faire les trois derniers GP ou c’est encore incertain ? J’ai vu que tu étais en Chine récemment pour faire un peu de promo’.
Oui, j’y suis allé pour la conférence de presse en vue du GP de Chine. On va dire que c’était une petite mission secondaire ! Avec le team, on fera bien les trois derniers GP de l’année, et ça c’est cool. J’ai hâte. Ça va être une fin de saison très chargée, car je repars faire le championnat d’Italie, puis je vais direct en Turquie, Chine, Australie, pour faire un retour par le championnat d’Italie avant de prendre la direction des États-Unis pour le Motocross des Nations.
Donc pas de repos avant le Motocross des Nations ?
Non, pas de repos. Juste après l’Australie, on revient pour rouler sur le championnat Italien. De là, j’aurai environ cinq jours pour aller au Motocross des Nations et me préparer. C’est comme ça, mais ça devrait le faire. La moto marche bien, je roule plutôt bien, donc je dois juste gérer… surtout mentalement, c’est ça le plus important.
Tu connais la composition du team Suédois pour les Nations ?
Honnêtement, je ne sais pas. On essayait dernièrement d’avoir Michael Mosiman avec nous, parce qu’il a une mère suédoise. C’était dans les plans… Je ne sais pas si je peux vraiment en parler… mais c’est dit. Je crois qu’il a pris une grosse chute dernièrement, donc c’est devenu très incertain. Ça pourrait changer les plans. Sans lui, je ne sais pas trop ce qu’on va faire. On a Alvin Östlund ou Anton Gole pour rouler en MX1, et en MX2 on comptait sur August Frisk mais il est blessé, donc je ne suis pas sûr de ce qu’on va faire pour les Nations. Mais ce sera sympa ; je pense que ça va être cool. J’ai hâte d’y être, de prendre de bons départs, de faire quelque chose de bien. Ça va être top et après on verra ce qu’on fait. Je vais peut-être partir en vacances, descendre en Floride ou quelque chose dans le genre, je ne sais pas encore.

Isak Gifting a terminé une poignée de fois dans le top 5 cette saison, mais pas encore sur le podium de manche @Ray Archer
Ton équipe ne va probablement pas apprécier, mais je pense que tu mérites d’avoir un guidon d’usine. Est-ce qu’il y a des touches, des discussions, des coups de fil pour l’an prochain ?
Un peu, oui. Il y a eu quelques rendez-vous et discussions ce week-end. Je pense que ça m’a aussi un peu perturbé à Arnhem, parce que j’avais des réunions et des choses importantes qui se tramaient en même temps. Je crois que j’ai un peu perdu ma concentration à cause de ça aussi. C’est une véritable expérience pour moi, je dois apprendre à gérer ça, à être plus pro. Ça semble plutôt bien se présenter, mais j’ai aussi de bonnes opportunités pour rester avec JK Racing.
Si tu restes avec JK, tu penses que tu pourras avoir un moteur factory ?
On aurait un très bon soutien de Yamaha, donc ce serait un vrai pas en avant, moi avec l’équipe. C’est probablement ce qui va se passer, mais j’ai aussi d’autres offres que je considère. Je dois juste finaliser et voir ce qui sera le mieux pour moi et ma carrière. Là, il faut que je prenne des décisions importantes pour mon avenir.
Tu sembles bien te plaire en Italie. Tu aimerais rester y vivre ? Si tu dois aller en Belgique, ça te dérangerait ?
Ça ne me dérangerait pas de bouger, j’ai vécu dans beaucoup de pays au cours de ma carrière : Allemagne, Belgique, France, Italie… j’ai un peu tout fait. Mais oui, j’aime beaucoup l’Italie. Je m’y sens bien, il fait beau, et je pense que ça m’a aussi rendu bien meilleur sur les terrains béton, comme à Uddevalla quand la piste était vraiment dure, sèche et glissante. C’est une surface sur laquelle je progresse beaucoup, alors qu’avant j’étais surtout bon dans le sable. J’ai perdu un peu de vitesse dans le sable, c’est sûr, parce que je n’ai pas l’opportunité de m’entraîner dedans souvent. Et ça, j’en ai besoin, il faut trouver le bon équilibre. Tous les autres pilotes s’entraînent tout le temps dans le sable. Donc venir rivaliser avec eux pendant 35 minutes dans ces conditions, c’est vraiment dur. On s’en sort pas trop mal, mais je sens que je dois progresser dans ce domaine quand même.
