Touché au dos lors de l’ouverture du championnat SuperMotocross, Malcolm Stewart s’est mis au vert avant d’être appelé par l’organisation du SX de Paris afin de remplacer Aaron Plessinger, contraint de déclarer forfait pour cette édition. De retour dans la capitale, l’officiel Husqvarna venait pour reprendre du rythme après une période de pause. Finalement auteur de deux énormes soirées, il devient King of Paris 17 ans après le sacre de son frère James à Paris Bercy. En marge du 42ème Supercross de Paris, on a été prendre la température avec « Mookie », sans imaginer l’issue du week-end …
Malcolm, pour commencer, je me suis toujours demandé s’il avait été difficile de marcher dans les traces de ton frère James et de devenir un individu à part entière dans le milieu ?
Non, pas vraiment. En fait, quand j’étais encore gamin, je me fichais pas mal de faire des courses, et je me fichais pas mal de la compétition en général. Bien sûr, j’ai toujours été le plus grand fan de mon frère James. Je sais que pas mal de personnes ont essayé de me comparer à lui, mais dans ma tête, je n’ai jamais vu les choses de cette façon. Tu sais, je voulais juste devenir pêcheur — moi — à la base, c’est tout ce qui m’importait !
Quand il a mis un terme à sa carrière, tu étais encore en 250. Tu n’as jamais roulé contre lui finalement, en comparaison avec Jett et Hunter. Hunter évolue un peu dans l’ombre de son frère, et s’il n’y avait pas Jett, on parlerait bien plus de lui.
C’est un peu compliqué, parce que si on met les choses dans le contexte avec ma famille, il y a sept ans d’écart entre James et moi. Donc en fait, je n’ai jamais vraiment pu partager tout ça, ni tous ces moments-là avec lui. Quand j’ai enfin eu l’occasion de faire de la moto sérieusement et de rouler avec mon frère, j’étais encore super jeune et James était déjà quasiment au sommet de ce qu’il savait faire. Pour moi, à cette époque-là, tout ce qui comptait, c’était d’être heureux dans ma vie. L’une des seules fois où on a dû rouler ensemble et où on s’est vraiment battu, c’était durant la Straight Rhythm à l’époque. Sinon, les occasions ont été assez peu nombreuses.
La saison américaine se dispute désormais sur 31 rounds. Mais malgré tout, on voit que vous participez aussi à des courses à l’étranger. N’y a-t-il pas une limite ? Ce doit être compliqué pour vous de garder la forme 11 mois dans l’année.
C’est une question assez difficile à répondre. En tant qu’athlète de haut niveau, on se doit d’être en excellente forme toute l’année quoi qu’il arrive, qu’on roule ou non. Donc, en fait, faire ces courses d’intersaison ça nous aide aussi un peu à garder la forme — le seul point négatif, c’est la potentielle blessure, donc c’est un risque qu’on prend. Mais je ne sais pas, c’est un vrai dilemme en soi. Avant, on avait hâte d’être à Paris parce qu’il n’y avait pas le championnat SuperMotocross. Depuis, le SMX est arrivé, mais le Supercross de Paris est aussi toujours resté à sa place au calendrier. Pour moi, au final, il s’agit juste d’être intelligent durant cette période, de faire les choses intelligemment.

James et Malcolm deviennent les premiers frères à inscrire leurs noms au palmarès du SX de Paris @DailyMX
Rouler à Paris, tu penses que c’est prendre plus de risques qu’à l’entraînement en vue de préparer Anaheim 1, en finalité ?
Mh. Oui et non. En fait, quand on vient ici à Paris, on n’a pas vraiment grand-chose à prouver. On va dire que c’est un peu plus relax, détendu, on se parle tous les uns les autres, ce ne sont pas les mêmes enjeux. On vient à Paris pour faire le spectacle, tu vois ? Ils nous paient pour qu’on vienne rouler à Paris, donc l’atmosphère est beaucoup plus détendue. Quand on quitte Paris, on sait très bien qu’on va tous se retrouver aux USA peu de temps après. Et là, ce sera différent.
J’ai discuté avec Benoît Paturel et sa compagne, tu leur as fait forte impression. Tu t’es beaucoup battu avec Benoît sur l’outdoor, et pourtant tu as toujours été super sympa envers lui d’après ses dires. Après plus de 10 ans en GP, il a retenu ta bienveillance envers eux. J’ai toujours pensé que le steak étant bien plus gros aux USA, il y avait de la place pour tout le monde et que la concurrence n’était pas réellement une menace pour son propre job. Quelle est ton opinion là-dessus ?
C’est assez difficile pour moi de m’étaler sur le sujet, car je ne roule pas en Grands Prix. Je n’ai aucune idée des salaires que les mecs se font là-bas et je ne suis pas vraiment le championnat du monde pour être très franc avec toi. Ce que je vois par contre, c’est que beaucoup de pilotes — Européens ou non — viennent aux USA et qu’ils arrivent à vraiment bien gagner leur vie. Je suis content qu’ils viennent, et je les encourage à venir rouler avec nous aux États-Unis. Je pense qu’ils peuvent vraiment changer toute leur carrière chez nous, avec ce changement de programme. On a vu Dylan Ferrandis, les frères Lawrence, Ken Roczen, Max Anstie et les autres s’installer aux States. Je vois ces pilotes-là comme des gros calibres des Grands Prix, qui sont venus tenter leur chance chez nous. Je les encourage à le faire et moi, ce que je veux, c’est qu’on soit une grande famille soudée et heureuse.
2026 sera ta cinquième année avec Factory Husqvarna. Si j’ai tout bon, tu as roulé pour Arma Suzuki, J-Star KTM, Troy Lee Honda, puis Geico Honda, puis Ride65 Suzuki, Yoshimura Suzuki, MCR Honda, Star Racing Yamaha… Tu as beaucoup changé de teams. Ça doit faire du bien de pouvoir avoir un solide ancrage chez Husqvarna, sans avoir tous ces changements à faire tous les ans, ou tous les deux ans.
Quoi qu’il arrive, on fait toujours des changements ici ou là. Moi, je suis surtout reconnaissant d’être dans cette équipe. Je pense que j’ai rempli ma part du contrat, que j’ai fait mon job, mais il faut toujours garder à l’esprit que quelqu’un arrive et va essayer de prendre ta place. Par le passé, j’ai été pas mal baladé par les teams, de team en team. J’ai aussi gagné un titre de champion de Supercross 250 [2016] et je me suis retrouvé sans contrat par la suite, c’était une première. J’ai vraiment le sentiment d’avoir été en mesure de me sortir d’un gouffre qui était assez profond, et je suis vraiment reconnaissant de pouvoir continuer à rouler à ce niveau aujourd’hui.

Dominateur le samedi, en grande forme le dimanche, Malcolm Stewart a raflé la couronne de King of Paris 2025 @Niek Kamper
Tu as signé l’une de tes plus belles saisons cette année, en décrochant ta première victoire en 450 à Tampa. Quel regard portes-tu sur cette victoire, et sur cette année ?
Je vois vraiment ça comme la cerise sur le gâteau, mais rien n’a vraiment changé pour moi suite à ça. Ma plus grosse victoire, je dirais que c’est d’avoir été en mesure de rouler au niveau professionnel ces 15 dernières années. Ceci-dit, c’est sûr que gagner à Tampa à la maison, devant mon frère et toute ma famille, c’est le genre de scénario qu’il est vraiment impossible à prédire. Mais en fin de compte, le plus important pour moi, c’est d’avoir été en mesure de continuer à rouler au plus haut niveau et à afficher cette forme durant ma carrière pendant 15 ans. Je vois ça comme ma plus grosse réussite. Je n’ai jamais eu de trop grosses blessures, je n’ai jamais eu de problèmes d’argent ou quoi que ce soit d’autre qui aurait vraiment pu me brûler les ailes. C’est ça, ma plus grosse victoire. La victoire lors du Supercross de Tampa, c’est plus une étape dans ma carrière en elle-même.
Tu as débuté ta carrière en 2011. Les Carmichael, Villopoto, Dungey, McGrath et compagnie ont arrêté avant d’avoir 30 ans. Tu roules toujours, Anderson aussi, Tomac et Roczen sont toujours là. Qu’est-ce qui fait qu’on arrive à prolonger les carrières comme ça, tout en étant toujours aussi compétitif selon toi ?
Je pense qu’on est surtout de plus en plus familiers avec notre corps, et le développement physique en général. On peut voir que c’est aussi le cas dans les sports de ballon. Je prends l’exemple de LeBron James ou Tom Brady, qui a pris sa retraite il y a deux ans. Quand je regarde ces mecs-là, je me dis qu’on comprend désormais bien mieux notre propre corps en tant que sportif.
Ces 15 dernières années, tu dirais que le sport a beaucoup évolué ?
Notre sport a énormément évolué, mais je pense aussi que le développement global autour du sport moto a changé. Avant, il n’y avait pas vraiment de compounds pour s’entraîner et maintenant, il y en a partout. Avant, il n’y avait pas beaucoup d’entraîneurs non plus, et maintenant, il y en a énormément — il n’y a pas que Aldon Baker. À chaque fois que l’industrie du sport moto se développe, tu peux être sûr que tout le reste va se développer également, et que tout le monde va progresser.
Du coup, tu ne suis pas du tout le mondial ?
Pour être franc, je ne suis pas du tout le mondial. Les seuls pilotes que je peux vraiment citer de tête, ce seraient Jeffrey Herlings ou Antonio Cairoli. Je connais aussi Glenn Coldenhoff, car il roule avec le numéro 259 en référence à James, et je connais aussi Romain Febvre. En fait, j’ai l’occasion de rencontrer ces pilotes-là quand je viens en Europe pour rouler. Autrement, je ne suis pas le mondial, mais je leur souhaite tout le meilleur. Nous, on a Jorge Prado aux USA, et c’est à peu près mon seul lien avec le MXGP.