Interviews

Ryan Villopoto « Travailler avec Aldon, ça a vraiment changé toute la trajectoire de ma carrière en 450 »


À seulement 17 ans, Ryan Villopoto signait son premier contrat professionnel en intégrant le team Pro Circuit Kawasaki. Près de vingt ans plus tard, l’ancien champion US revient sans filtre sur ses débuts – entre gros chèques, erreurs de jeunesse, blessures et rencontres décisives – à l’occasion de son passage sur le podcast « The Bomb Hole ».

Retour en arrière, et 19 ans plus tôt. En 2006 – du haut de ses 17 ans – Ryan Villopoto découvrait la vie de pilote professionnel, les primes à six chiffres et la manière — pas toujours évidente — de gérer autant d’argent à l’adolescence. Entre rigueur familiale et petits plaisirs du quotidien « RV2 » revient sur ses débuts dans le grand bain des championnats AMA.

« Je venais d’avoir 17 ans, et j’ai signé mon premier contrat avec Kawasaki — chez Pro Circuit Kawasaki — pour 225 000 $ de salaire annuel » explique Ryan Villopoto. « Une victoire en manche qualificative en catégorie Lites, c’était 10 000 $. Une victoire en finale, c’était 50 000 $. En 450, c’était toujours 10 000 $ en manche qualif’, mais 100 000 $ par victoire. Les primes de championnat sont toujours les mêmes aujourd’hui : 500 000 $ pour un titre en 250, et un million pour un titre en 450. C’est pareil pour l’outdoor. Il y a beaucoup d’argent en jeu. »

Pour s’assurer que je ne dépensais pas mon argent dans des trucs débiles à 17 ans, mes parents ont fait en sorte d’être toujours présents. Sans eux, j’aurais probablement fait un tas de conneries avec cet argent. Disons qu’on s’éclatait, mais il faut aussi prendre en compte qu’une saison, c’est du 7 janvier jusqu’à fin septembre. C’est très long et, après coup, on doit vraiment avoir une — sinon deux — semaines vraiment « off ».

Moi, j’avais 17 ans, je n’étais pas trop bling-bling, pas branché bagnoles ni rien de trop extravagant. J’avais une carte de crédit, on allait bouffer au resto tous les midis et on se faisait des petits plaisirs. Si je voulais m’acheter une paire de pompes, je le faisais ; des petits trucs insignifiants de ce genre.

Être entouré des bonnes personnes, c’est important. Les problèmes arrivent souvent quand tu traînes avec les mauvaises. Dans ce sport, c’est tout ou rien : soit t’es vraiment un gland, soit t’as tout compris. »

En 2006, Ryan Villopoto est la star montante. Il s’adjuge 7 victoires (1SX+6MX) avant de gagner les nations aux côtés de Stewart & Tedesco @Steve Bruhn

Sacré champion outdoor Lites (250cc) dès 2006, Ryan Villopoto enchaîne avec les deux titres en 2007 puis empoche un dernier titre outdoor en 250cc en 2008, avant de passer en catégorie reine en 2009. Pour sa première saison en Supercross 450, l’officiel Kawasaki signe trois podiums mais aussi deux victoires – à Seattle et Las Vegas – et termine sixième du championnat. Il s’impose également lors de l’ouverture de la saison outdoor, avant de devoir tirer un trait sur le reste du championnat à la suite d’une blessure au genou. Une blessure survenue dans un contexte insolite, comme l’a justement raconté Ryan 16 ans plus tard.

« La vérité, c’est que je devais tout juste avoir 20 ans à l’époque. J’avais fait trois ans en 250 avec Mitch Payton, et je venais tout juste de monter en 450 en 2009. J’avais fait ma première saison de SX en catégorie reine. On va dire que je m’en étais sorti, mais je n’étais pas du tout au meilleur de ma condition physique à ce moment-là. Je me disais que je n’avais pas besoin d’en faire trop pour être au top. Je roulais beaucoup, mais je ne m’entraînais pas assez physiquement, en fait.

Arrive la première épreuve de l’outdoor à Glen Helen. Je savais que j’avais le niveau pour gagner l’outdoor, et j’ai toujours été très bon à Glen Helen. Ce samedi-là, j’ai pris deux départs pourris et je suis revenu gagner les deux manches de la première épreuve en partant à la ramasse. Le soir, on est rentrés à la maison et on a fait la fête. On s’est amusés à faire de la lutte avec mon oncle. On était au sol à faire des prises, et il m’a écrasé le genou. À l’époque, je n’avais déjà plus de ligament croisé, car je roulais sans depuis mes 14 ans. Mais là, j’ai senti qu’un truc n’allait pas. Mon genou s’était déjà déboîté plein de fois avant, mais là, c’était différent, il ne revenait plus dans l’axe. Le lendemain matin, je me suis réveillé, je décuvais, et j’ai compris qu’on avait fini d’achever mon genou la veille. J’étais en lice pour un titre à un million de dollars, et c’est le prix que m’a probablement coûté cette petite soirée après Glen Helen.

Le lundi suivant, on devait faire du testing à Pala ou quelque chose comme ça. Je n’ai rien dit au team. J’ai fait deux ou trois tours, et je suis rentré au camion en disant que j’avais posé le pied dans un virage et que mon genou avait tourné. J’ai été faire des examens, et j’ai été opéré trois jours plus tard. J’étais jeune et con, à l’époque. »

En 2009, Ryan Villopoto fait une arrivée remarquée chez les gros bras, avant une blessure … inédite @Tony Blazier

Un an plus tard, Ryan Villopoto s’éjecte dans un enchaînement lors du Supercross de Saint Louis et se fracture le fémur. Alors qu’il traverse l’un des épisodes les plus sombres de sa carrière, le pilote Kawasaki fait la rencontre qui changera le fil de sa carrière en croisant la route du préparateur le plus convoité du paddock: Aldon Baker. Ancien coach de Ricky Carmichael et James Stewart, futur mentor de Ryan Dungey, Aldon Baker s’apprête alors à relancer la machine Villopoto. Une collaboration fructueuse puisque « RV2 » remportera 6 titres de 2011 à 2014, avant de mettre un terme à sa carrière à l’âge de 27 ans.

« Fin 2010, je me fracture le fémur à Saint-Louis, à 4 ou 5 épreuves de la fin du championnat. On m’a emmené dans un hôpital vraiment ghetto, et j’ai interdit à qui que ce soit de m’opérer là-bas. J’ai dit : « Vous pouvez me stabiliser, mais personne ne m’opère. » J’avais mon camping-car sur les courses à l’époque, et on est rentrés avec, car j’étais trop mal en point pour prendre l’avion. C’est mon oncle qui a conduit tout le long, pendant que j’étais dans le lit avec mon fémur pété. J’ai loupé toute la saison d’outdoor, mais j’ai rencontré Aldon Baker à Pala alors que j’étais encore en béquilles.

Ricky Carmichael avait bossé avec Aldon pendant de nombreuses années, et quand James l’a engagé, il a remporté beaucoup de titres. Un matin, j’ai reçu un appel d’un gars d’Oakley qui m’a dit : « Hey, je veux juste que tu saches qu’Aldon est libre, tu veux le rencontrer ? » J’ai dit oui, et on s’est vus à Pala, pendant 20 minutes, et c’est là que je l’ai embauché. J’étais vraiment au fond du trou à l’époque et – si je n’avais pas embauché Aldon Baker – je sais très bien que Ryan Dungey l’aurait fait. On a bossé quelques années ensemble avec Aldon et, quand j’ai pris ma retraite, Dungey l’a embauché juste derrière. C’était soit Aldon bossait avec moi, soit avec lui, et j’ai pris les devants.

À l’époque, j’avais déjà gagné des épreuves en 450. Je savais donc que j’étais capable de gagner. Mais il me manquait une base physique. On a discuté de son tarif, et Aldon m’a dit : « C’est 350 000 l’année, plus un bonus de 50 000 € en cas de titre. » Je me suis dit que j’avais déjà gagné en 2009 et 2010 avant de me blesser. Je prenais 100 000 $ par victoire. Il me suffisait de gagner trois fois par an, et Aldon était payé.

Engager Aldon, c’est engager un baby-sitter. M’entraîner physiquement, ça ne me posait pas trop de problèmes, mais ce n’était jamais ma priorité. Un gars comme Ryan Dungey, c’était l’inverse : il fallait le canaliser et réussir à lui faire ralentir la cadence ou l’emmener sur la bonne voie. Moi, je n’en faisais pas assez. Travailler avec Aldon, c’était avoir un baby-sitter qui te disait quel programme suivre, combien de tours faire, quels exos faire à la salle, combien de kilomètres faire en vélo, quoi manger et quand — tout ça, tout le temps. On se voyait tous les matins à 7 h 30. Je l’ai vu plus souvent que ma propre femme pendant nos quatre années de collaboration. Travailler avec Aldon, ça a vraiment changé toute la trajectoire de ma carrière en 450.

Quand on a commencé à bosser ensemble, il vivait à Tallahassee et nous à Clermont. Je suis allé là-bas pour visiter le coin et éventuellement trouver une maison. Le truc, c’est que le coin ne me plaisait pas du tout. J’ai fini par dire à Aldon : « Hey, j’ai déjà une piste à la maison, on a tout ce qu’il faut à Clermont, pourquoi ne viendrais-tu pas vivre par chez nous, plutôt ? » C’était un gros changement pour lui, mais il a accepté et il est venu vivre à Clermont. De là, et pendant quatre ans, on s’est vus absolument tous les jours.

Le plus drôle dans l’histoire, c’est que la première fois qu’on a pu bosser un peu ensemble — alors que je me remettais à peine de mon fémur fracturé — Aldon m’a fait faire des étirements. Je ne m’étais jamais étiré jusqu’à ce jour-là… J’ai fait trois ou quatre étirements avec lui, et je me suis coincé un nerf dans le dos. Je me suis retrouvé bloqué, à marcher comme un vieux de 80 balais. Il devait se dire qu’il avait fait une grosse erreur en acceptant de travailler avec un guignol comme moi [rires].

Par la suite, et pendant les deux premières années, je n’ai pas dévié de son programme une seule fois. À partir de la troisième année, il m’arrivait d’ajouter quelques trucs à ma diète qui n’étaient pas vraiment au programme. Mais après deux ans, j’avais déjà une bonne base. À ce stade-là, si me faire des pâtes à l’italienne ou boire deux verres de vin m’aidaient à garder le cap et le moral, alors je ne me privais pas. Mais la base physique, elle, était là, et elle était solide. Ces écarts ne m’affectaient plus vu le travail fait en amont […] »

Ce week-end, Ryan Villopoto sera présent du côté de Mammoth Motocross pour reprendre du service avec ses deux garçons – Gage et Brax – qui ont eux aussi été piqués par le virus MX. La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre.

Ryan Villopoto « Travailler avec Aldon, ça a vraiment changé toute la trajectoire de ma carrière en 450 »
Retour