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Serge Guidetty « On rencontre tous les mêmes difficultés, mais pas à la même échelle »

Image: MX July / GSM

Patron du team GSM Yamaha, Serge Guidetty pouvait avoir le sourire ce week-end à Grenoble. Avec Maxime Desprey et Gregory Aranda, la structure Française a décroché 3 titres, sur les 3 championnats disputés cette saison. Alors que la fin de saison 2024 sonne, on a été prendre le pouls auprès de l’homme aux commandes. Une poignée de sujets, un discours posé, une approche sensée. Micro.

Serge, un mot sur le World Supercross. Avec le changement de promoteur fin 2023, des équipes sont parties. Vous faites partie des équipes qui sont restées. Comment ces changements ont impacté le team GSM Yamaha pour cette nouvelle saison ?

Ça ne nous a pas du tout impacté parce que depuis le tout début, depuis notre sélection et notre participation au championnat WSX, on a une réelle motivation et on croit fort en ce projet-là, en ce championnat. Pourquoi ? parce que ça ne peut que permettre d’insuffler un air nouveau, en tout cas sur ce qui se passe au niveau Europe, Monde, hors USA; parce qu’on en revient toujours au même sujet. Les Etats-Unis, ça reste les Etats-Unis. L’AMA Supercross, c’est l’AMA Supercross. L’AMA Motocross, c’est l’AMA Motocross. L’AMA Motocross n’a jamais empêché le MXGP d’exister. Et la preuve, c’est qu’aujourd’hui, quand on fait un Motocross des nations, les ricains ne dominent pas forcément. Ce qu’on voit, c’est que des pilotes à l’unité ou des nations sont capables de concurrencer les Etats-Unis.

Pour le Supercross, je suis convaincu que c’est la même chose. Effectivement et historiquement, le Supercross à très haut niveau ne s’est finalement réalisé qu’aux Etats-Unis. Aujourd’hui, on voit qu’il y a une volonté de SX Global de faire un championnat du monde, et on adhère. Malheureusement, ils ont rencontré beaucoup de difficultés dès le début; je pense que ça a été très mal vu par l’ensemble des promoteurs du championnat américain, mais aussi des constructeurs. Si ce championnat venait à fonctionner, ça bouleverserait complètement la hiérarchie dans le monde de la moto. Ça aurait voulu dire des nouvelles réaffectations de budget ou des réorganisations au niveau des budgets, ce qui ne fait pas forcément plaisir aux organismes ou aux teams en place. Donc, je pense qu’ils ont malheureusement eu beaucoup de bâtons dans les roues. Ce sur quoi ils n’avaient aucune projection, aucune anticipation; et c’est ce qui a freiné le projet.

Le fait qu’il y ait un nouveau CEO aujourd’hui, c’est très bien parce que c’est un « vrai » manager qui a la tête sur les épaules. Alors, je ne dis pas que les anciens gérants n’avaient pas la tête sur les épaules. Je pense qu’ils ont fait de leur mieux avec toutes les contraintes, toutes les complications qu’ils ont eues. Cependant, Tom Burwell est quelqu’un qui vient de la F1, qui a du potentiel, qui a une expérience.

Cette année, le championnat s’est très bien passé. Certes, il y avait moins de teams, mais c’était aussi une volonté des teams qui étaient en place parce que les deux premières années ne s’étaient pas vraiment passées comme elles avaient été annoncées. À savoir que pour la deuxième saison, on a eu moins d’épreuves et beaucoup d’annulations qui n’étaient pas forcément prévues. En 2024, le calendrier a été tenu. Ils partent avec des prévisions, en tout cas un calendrier 2025, où nous, on a déjà des annonces et on sait que ce sera tenu.

Donc on a une toute nouvelle réorganisation, avec beaucoup plus de communication, des choses qui sont dites et qui sont faites. Moi, personnellement, le WSX, c’est ma bouffée d’oxygène. Et puis j’ai envie de dire que c’est ce qui permet aussi aujourd’hui au team GSM d’être ce qu’il est parce que finalement, on a une projection mondiale qu’on n’aurait jamais eue auparavant, sans le WSX.

Le team GSM est engagé sur le WSX depuis le premier jour. Lucas Imbert – blessé – a dû être remplacé par Boris Maillard, remplacé par la suite par Ander Valentin @MX July / GSM

Justement, un mot sur cette saison 2024 de WSX. Quel bilan on en tire sur le plan sportif ?

Pour moi, le bilan est très bon. Ok, il y a des Roczen et des Tomac qui sont financés pour venir rouler. Mais je pense que dans n’importe quel business aujourd’hui, quand on veut réussir, il faut savoir mettre de l’argent pour avoir le meilleur. Je ne vois aucune course internationale avec des pilotes qui viennent sans primes. Donc personnellement, je ne vois rien de choquant à ça.

Après le bilan: ils avaient annoncé 4 épreuves, ils ont fait 4 épreuves. Il y avait certes une double soirée en Australie, mais on a eu les 4 épreuves qui étaient prévues. Ils ont tenu tous leurs engagements. Bon, il y a eu des problèmes de timing et d’entrée en grille, de classement de pilotes, mais qui ont été rectifiés quasiment en instantané. On a eu le problème en Australie avec Matt Moss qui devait faire la superfinale; c’est finalement Vince Friese qui l’a faite. Maxime Desprey aurait dû monter sur le podium à Abu Dhabi, ils ont fait une erreur de classement et ils ont mis un autre pilote sur la troisième marche. C’est sûr qu’on se dit qu’à ce niveau-là et au niveau mondial, ce sont des choses qui ne doivent pas arriver. Maintenant, hormis ces problèmes qui sont principalement liés au chronométrage, au timing et aux remontées d’infos pour les annonces de choix de grille, de sélection ou de classement, pour nous, il n’y a pas eu de fausse note. Aujourd’hui, c’est un championnat qui a le mérite de vouloir exister. Ils mettent en place des choses gentiment, il y a de plus en plus de monde. Au Canada, on atteint quasiment les 20 000 spectateurs. Je pense que sur les deux soirées en Australie, on devait être 35 000. A Abu Dhabi, c’est un peu particulier parce qu’aux Emirats Arabes, on est sur des épreuves où il n’y a pas forcément beaucoup de monde.

Toujours est-il qu’on a eu de la télé et un beau plateau pilote. Encore une fois, ce n’est pas le Supercross Américain, mais c’est un très beau championnat du monde. On a pour moi les meilleurs pilotes de la discipline venant des différents continents. C’est très bien comme ça.

Paris, Perth, Lyon, Abu Dhabi, Grenoble … On est quasiment sur un programme MXGP à ce rythme-là, à être aux 4 coins du monde chaque semaine. L’aspect logistique, c’est quelque chose de difficile à gérer ?

Difficile, oui et non. Après, on a une prise en charge de tout le matériel qui part dans des caisses. On a trois caisses qui partent pour toutes les épreuves du WSX et qui vont d’épreuve en épreuve.

Par rapport à ça, le matériel qui est affecté au mondial ne fait que le mondial. Il faut juste que nous, en interne, par rapport à la gestion du team, on ait aussi le même matériel pour faire le programme France. C’est le cas. On a nos motos qui font le championnat de France, qui roulent aussi en Allemagne, qui sont au Supercross de Paris, et les motos du WSX.

Après, c’est principalement vraiment une gestion des timings avec les courses qui s’enchaînent. On fait le Supercross de Paris le samedi & dimanche avant de partir le lundi en Australie. C’est vrai qu’en termes de timing, tout est hyper serré. On finit Lyon et le lundi, on part à Abu Dhabi parce qu’on a la finale du mondial qui a lieu le mercredi. C’est vrai que ça a été un enchaînement de beaucoup de courses. Je dirais presque plus éprouvant pour tout le monde, aussi bien pour les pilotes que pour les mécanos, que du côté de la logistique, parce qu’on était dans le rouge en termes de calendrier, de timings, de journée, pour rentrer des épreuves, pour reconditionner le matériel et pour repartir.

Mais on a nos matériels qui sont affectés, encore une fois, au programme France, et au programme mondial. Après, ce n’était qu’une question d’organisation et d’accepter qu’on soit tiré par les cheveux sur un calendrier très chargé. Mais ça s’est relativement bien passé.

Le team GSM Yamaha a encore fait ses preuves sur le World Supercross cette année @Beyond Production

Un mot sur cette saison pour le Team GSM. Vous avez décroché le titre Elite MX1, mais aussi les titres SX1 et SX2. J’imagine que c’est une très bonne saison pour le Team GSM; il ne manque plus que le titre Elite MX2 et la boucle est bouclée.

Oui, on ne pouvait pas faire mieux. Sur les trois championnats sur lesquels on s’est engagé cette année, on prend les trois titres. Il faut savoir qu’aujourd’hui, pour aller décrocher un titre en Elite, ce n’est plus comme il y a quelques années. En face de nous, on a un Team de GP avec deux pilotes qui font du top 10 en championnat du monde. Pour être champion de France Elite aujourd’hui, il faut développer beaucoup plus de moyens, d’énergie, de vitesse, d’entraînement, etc. Chose qu’on a réussie, et c’était vraiment royal. En plus, on a quand même les deux pilotes sur le podium. Greg fait troisième du championnat Elite, mais a un point de Valentin Guillod qui est second. On était presque sur un doublé magnifique.

Le Supercross, c’est ma discipline de prédilection. Serge Guidetty, le Team GSM, on a un ADN Supercross, donc c’est indispensable qu’on soit présent en Supercross. Idéalement, par rapport au reste de ce qu’on veut construire, du projet qu’on a au sein du Team, l’objectif est d’être devant.

On avait déjà les très bons pilotes, parce que signer Maxime et Greg, c’était une volonté de notre part, d’avoir des pilotes qui avaient un énorme potentiel. Mais au-delà de ça, c’était aussi de pouvoir dépasser les frontières et aller beaucoup plus loin. Chose qui s’est faite avec le Mondial de Supercross.

C’est très agréable aujourd’hui de voir que ça fait deux années de suite qu’on est champion de France SX2 et SX1, et en plus avec les deux mêmes pilotes qui restent. Je pense que ça se passe assez bien dans la structure. On a su développer des moyens à la hauteur de nos ambitions.

On est toujours à l’affût de tout sponsor, de tout partenaire, de tout budget, parce que ça coûte très cher, il ne faut pas se voiler la face. C’est quand même le fruit de beaucoup de travail, de beaucoup de temps, de beaucoup d’énergie et de beaucoup de moyens. Malheureusement, la seule chose qui peut nous arriver aujourd’hui, ce serait de ne plus être premier, mais deuxième, donc de descendre d’une marche. Quand on est tout en haut, on ne peut que descendre.

L’objectif, c’est de rester sur la lignée. Pour 2025, on a signé Bogdan Krajewski, qui va accompagner Maxime en catégorie MX1 et notamment en Elite. C’est un jeune qu’on a testé, dans qui on fonde de gros espoirs parce que ça s’est très bien passé lors des journées d’essai et sur les premières séances de mise au point. Je pense qu’il correspond tout à fait à ce qu’on veut faire au travers du team GSM, de l’image et du projet qu’on a.

Un mot sur le SX Tour. Avec la fédération, JLFO a réinsufflé une nouvelle dynamique avec le championnat de France Junior. On parle d’un championnat de France Espoir l’an prochain. Est-ce que GSM va embrayer un peu sur ces programmes, est-ce que c’est quelque chose qu’on a en tête ?

C’était un peu une volonté, un projet. Projet qui – malheureusement – a été plus ou moins rapidement freiné ou écourté. On était en phase de signer un très bon pilote 125 junior pour la saison prochaine, avec une vision à plus ou moins moyen terme, parce que l’objectif, c’était aussi de pouvoir embrayer sur le 250 par la suite, et aussi sur le mondial de Supercross, au-delà des programmes France. Après, le souci, c’est qu’aujourd’hui, ça coûte très cher.

Compte tenu de la façon dont on veut travailler avec les pilotes, et vraiment pouvoir optimiser et avoir les meilleures performances possibles, il faut beaucoup de moyens. À un moment donné, on ne peut pas se diversifier et vouloir tout faire, et donc moins bien le faire. On a fait le choix, pour l’instant, de mettre entre parenthèses la « GSM Academy » avec des jeunes qu’on pourrait prendre et qu’on pourrait former, un peu comme on forme nos champions du team actuellement.

Ça ne sera que partie remise pour l’avenir. En tout cas, il faut bien rester concentré sur les pilotes qu’on a. Encore une fois, Bogdan Krajewski, il a 22 ans, c’est un très jeune. Il a tout à faire et tout à prouver. En plus, il a sa carrière devant lui. On a déjà, j’ai envie de dire, mis un petit coup de renouveau dans le team GSM.

Maxime Desprey a décroché les deux titres en SX2 – en 2023 & 2024 – et quitte la catégorie 250 en 2025 @DailyMotocross

J’aimerais avoir ton opinion sur le championnat de France Elite. On sait que pour l’an prochain, ils ont séparé les catégories sur la moitié du championnat. Est-ce que finalement, ce n’est pas aussi se tirer une balle dans le pied, dans le sens où si un team comme GSM veut faire un programme junior, ça va coûter d’autant plus cher parce qu’il va falloir parvenir à s’éparpiller au travers de la France pour disputer l’intégralité du championnat ?

Oui, c’est sûr. Après, il y a plein de problématiques de nos jours. Problématiques qui font que la vie coûte plus cher, que tout coûte plus cher: les motos coûtent plus cher, le matériel coûte plus cher. Il n’y a pas forcément plus de partenaires. Donc c’est dur pour ceux qui sont tout en bas, comme pour ceux qui sont tout en haut. On rencontre tous les mêmes difficultés, mais pas à la même échelle. C’est aussi d’ailleurs pour ça que chez GSM, on se limite malheureusement en termes de pilotes, et qu’on ne part pas forcément sur des programmes avec des jeunes.

Et c’est la même problématique pour celui qui veut se lancer dans une saison d’Elite ou faire des courses de l’Elite: les déplacements coûtent cher, l’achat des motos coûte cher, les pièces coûtent cher, le matériel, l’essence, etc. Tout coûte cher de nos jours. Donc on a aussi une problématique un petit peu conjoncturelle qui fait que les gens s’entraînent peut-être un peu moins, roulent un peu moins, ne s’engagent pas forcément sur des championnats complets. Donc ça, ça risque peut-être d’être un problème.

Alors, est-ce que c’est un problème à court terme, à moyen terme, à long terme ? Est-ce que les choses vont évoluer ? L’avenir nous le dira. Mais je pense qu’aujourd’hui, par rapport aux problématiques rencontrées en 2024, tout du moins par la fédération, il était nécessaire que ce choix soit fait pour permettre à des clubs de rentrer dans la boucle des championnats de France, de récupérer des championnats, d’amener aussi peut-être un air nouveau sur ce qui était fait jusqu’à maintenant et qu’on puisse aussi rouler sur d’autres pistes, en séparant les championnats. Ça peut aussi permettre à des clubs de prendre juste l’Elite MX1 et MX2, parce qu’en termes de grandeur du parc pilote, ils n’avaient pas ce qu’il fallait pour accueillir les 4 catégories. Il faut aussi penser au budget que coûte l’épreuve. Ça permet aussi, dans un sens, certaines facilités ou en tout cas moins de contraintes pour accueillir les championnats.

Donc peut-être que c’est qu’une étape intermédiaire, peut-être que ça durera dans le temps. Moi, j’ai juste envie de dire qu’aujourd’hui, l’objectif, c’est que les gens aient envie de faire la moto, que les gens aient envie de s’engager, d’avoir des projets, pour faire des choses.

Parallèlement, il faut qu’on ait toujours une influence sur nos championnats, parce qu’aujourd’hui, on voit qu’on arrive toujours à faire sortir de très bons pilotes Français. L’objectif n’est pas forcément de faire carrière, mais on a toujours des très bons pilotes qui sont capables de sortir pour aller sur de l’Europe et du mondial.

Et puis aujourd’hui, au travers de ce que fait GSM au niveau de la France, on a été capable – avec des pilotes qui avaient certes déjà un certain âge, mais qui sont au sommet de leur art – de faire de très belles choses. Il faut garder cette étincelle, cette lumière, cette étoile. Il faut avoir envie de faire des choses, parce que tout est encore possible. Oui, c’est compliqué, mais tout est possible.

Dans le discours, on entend quand même le mot contrainte, le mot difficulté. Si aujourd’hui, on avait une nouvelle réunion avec la fédération, qu’est-ce qu’on pourrait demander comme changement pour réinsuffler une bonne dynamique au sport moto en France ?

C’est très dur à dire. Chez GSM, on est concentrés sur ce qu’on fait. Notre objectif, c’est de former des pilotes, et de faire tout ce qu’on a en termes de moyens pour les faire gagner. Des sujets de réflexion ont été ouverts. Des réunions ont été faites aussi, pour discuter avec la fédération, les clubs, les team-managers, les pilotes. Personnellement, je n’ai pas la solution miracle, sinon je me ferais un plaisir de partager ça avec la fédération, et puis j’insisterais pour que ça fonctionne. Aujourd’hui, de toute façon, on a tous besoin de partenaires, quoi qu’il en soit. Il faut qu’on arrive toujours à faire bien voir la moto, et Dieu sait que ce n’est pas facile, parce que le bruit est un problème qu’on connaît depuis des années. On a beau dire ce qu’on veut, le français est quand même de moins en moins tolérant, et il se passe de plus en plus de choses qui sont dures à vivre.

On a lancé des idées, maintenant, à voir ce que la fédération sera capable de mettre en place justement, puisque c’est sa responsabilité, c’est son travail, c’est sa charge de faire que les championnats restent attractifs, et qu’il y ait des pilotes. Encore une fois, ça passe par le côté financier, parce qu’aujourd’hui, ça coûte très cher, et si on n’est pas capable d’accompagner les pilotes avec des primes ou des teams avec du soutien, petit à petit, ça s’éteindra, c’est sûr et certain.

Grégory Aranda aussi, a empoché les titres SX1 en 2023 & 2024 @DailyMotocross

Est-ce qu’on peut discuter de ces axes de réflexions proposés ? Est-ce qu’on peut savoir ce qui a été suggéré ?

Plein de sujets ont été évoqués. Dans la finalité, et ça aura été mes derniers mots lors de la réunion, que ce soit pour la fédération, un championnat, un promoteur: il faut des partenaires, des sponsors, de la visibilité, de l’annonce, de la télé, du support. Aujourd’hui, de toute façon, on le voit sur les championnats parallèles que peuvent être l’Angleterre, que peuvent être l’Allemagne, que peuvent être l’Italie. Bien souvent, il y a des moyens qui sont bien plus importants pour les teams ou pour les pilotes que ce qu’on peut avoir en France.

Encore une fois, c’est un travail de la fédération, et non un petit travail. Attention, je ne dis pas que la fédération ne fait pas son travail, parce que sa mission est difficile et le parcours est compliqué. Mais aujourd’hui, il faut être capable de promouvoir ces championnats avec des partenaires pour que derrière, il y ait des moyens qui soient alloués pour permettre de faire briller notre sport et notre discipline et qu’on soit sur le devant de la scène, et pas à la ramasse, avec des rames pour essayer de survivre.

L’an dernier, on entendait dire qu’il était question de faire un programme aux Etats-Unis. Est-ce qu’on peut savoir pourquoi ça ne s’est pas fait, et savoir si c’est encore au goût du jour ?

Dans le feu de l’action, avec les deux titres en Supercross, la progression du team, notre présence sur le mondial où Greg avait fait une finale second en menant les deux tiers d’une manche devant Roczen, où Maxime avait fait troisième à Abu Dhabi, on avait des envies de plus, et de mieux. Donc, on était effectivement en réflexion sur un projet US. C’était des annonces, mais rien n’avait été chiffré, ni préparé.

Aujourd’hui, par rapport à notre programme, nos partenaires sont en France, pour que le team GSM fasse un programme France. Déjà, le World Supercross, c’était presque un énorme bonus. Quand on a tout mis bout à bout, on s’est retrouvé face à une problématique. Au niveau auquel le team évolue et au niveau de nos pilotes, on ne voulait pas aller aux USA pour aller aux USA. Si on y va, c’est pour performer. Donc il faut arriver suffisamment tôt, rouler 3 semaines sur des pistes aux USA pour être sur le bon format, s’adapter, peaufiner nos motos.

On ne peut pas se permettre d’aller aux USA, de prendre une moto sur place et d’y mettre ses suspensions et son guidon. Aujourd’hui, ça ne suffit pas. On a fait beaucoup de développement sur nos motos pour les adapter idéalement aux pilotes, c’est-à-dire que si on va aux Etats-Unis, il faut qu’on aille aux Etats-Unis avec nos motos, ça nécessite de les envoyer sur place. On veut le faire de façon professionnelle, et avec de gros objectifs. Pour Gregory ou Maxime, il n’était pas question d’aller aux USA pour faire dixième, même si la performance en elle-même est déjà énorme. On rêve de beaucoup plus grand, et on estime que nos pilotes peuvent faire mieux qu’une dixième place en SX US.

L’autre raison qui nous a freiné, c’est qu’on attaque le championnat de France de Motocross vers le 15 février, avec une première épreuve qui est très tôt dans l’année. On finit le Supercross à la mi-décembre, sachant que nos pilotes roulent encore en Supercross en Allemagne le 15 Janvier. Pourquoi ? Parce que les pilotes gagnent beaucoup d’argent en roulant sur le Supercross Allemand. Faire l’impasse sur une telle épreuve, aujourd’hui, ce n’est pas possible – financièrement parlant – pour les pilotes. Partir aux Etats-Unis, revenir pour faire une épreuve en Allemagne, repartir aux US et – en parallèle – préparer l’Elite, ça faisait beaucoup trop… En fait, c’était une désorganisation totale. On va dire qu’on sait se raisonner chez GSM pour ne pas faire n’importe quoi, parce que la finalité, c’est ça. On peut tout faire, mais on peut aussi tout mal faire. Nous, on veut bien faire les choses. Si on en fait plus, c’est pour faire bien.

Tous ces points, ça nous a fait vite revenir en arrière sur cette énorme volonté qu’on avait, parce que des partenaires étaient d’ailleurs prêts à nous suivre pour cette aventure Américaine. Quand on a mis tout, tout bout à bout, les chiffres, l’organisation, le programme, ce n’était pas possible. Ça aurait été une bêtise. Donc malheureusement, effectivement, c’est tombé à l’eau.

Aujourd’hui, partir aux Etats-Unis, pour toutes les contraintes évoquées, effectivement, ce n’est pas au goût du jour, parce que si on veut le faire, on le fera bien. Après, je ne cache pas que sur une certaine évolution, je ne dis pas que c’est impossible, parce que même si on est très heureux de ce qu’on fait en France et de comment on évolue, le Mondial de Supercross pourra nous permettre de rêver plus grand, parce qu’on a envie de rêver plus grand. Et si on doit rêver plus grand, peut-être qu’effectivement, monter un programme de Supercross aux Etats-Unis serait indispensable, en tout cas pour nous, pour continuer à être très performant sur le Mondial de SX.

Derrière la réussite du team GSM en France comme à l’international, une solide équipe @Beyond Prod / GSM

J’aimerais faire un détour par le championnat du monde. C’est une question que j’avais posée à Stéphane Dassé. Je lui avais demandé s’il était surpris de voir que finalement, lors des Grands Prix de France, peu de pilotes nationaux s’engageaient. Évidemment, je vais te poser cette même question, en sachant que tu as Maxime et Grégory au sein de ton équipe. Est-ce que toi aussi, ça te surprend ?

Pour nous, ça a été un grand sujet, notamment sur l’année 2024, pour pousser au niveau des performances de nos pilotes. Maxime et Greg roulaient avec deux pilotes top 10 MXGP sur l’Elite, qui font 20 GP. Donc contre des pilotes – sur le papier – d’un meilleur niveau et qui évoluent sur des pistes bien plus compliquées. Pour relever notre niveau, c’était presque un objectif, non pas de faire uniquement le Grand Prix de France, mais de faire plusieurs épreuves du Mondial. Encore une fois, par rapport à ça, deux freins.

Le premier, c’est que nous, on n’est absolument pas soutenus pour faire du championnat du monde. C’est-à-dire qu’il n’y a aucune prime de qui que ce soit. Que ce soit du promoteur, de la Fédération, des partenaires. Donc ça nous coûte de notre poche. Il faut déplacer un poids lourd, faire rouler des pilotes, emmener des mécaniciens, du matériel, passer de la pièce, c’est un budget qui n’est malheureusement pas négligeable. Donc ça, plus le droit d’inscription, parce qu’il faut quand même payer pour rouler en MXGP, et compter qu’on revient avec zéro euro, parce qu’il n’y a pas de prime pilote. Aujourd’hui, chez GSM, on a des pilotes qui vivent de la moto et qui – finalement – ont des primes à chaque fois qu’ils font des courses. Aller faire une course où ils allaient prendre des projections plein le visage, même si c’était pour relever leur niveau, pour revenir avec zéro euros, et que ça leur coûte aussi le déplacement, non merci…. Aujourd’hui, le team n’a pas les moyens de financer ça, malheureusement pour les pilotes.

Après … si le fonctionnement MXGP correspond à certains pilotes, tant mieux. Cependant, on peut voir qu’il n’y a bientôt plus que des team usine, qu’il y a 19 pilotes derrière la grille, et qu’il n’y a bientôt plus de team, donc je pense que ça fait un peu moins rêver. Moi, je suis vraiment fier par rapport au team car aujourd’hui, quand nos pilotes montent sur la moto, ils gagnent de l’argent. Donc peu importe la course à laquelle ils participent, ils gagnent de l’argent. Et ça, je trouve ça important. C’est le nerf de la guerre, et puis la motivation, elle va aussi avec la performance, le résultat, et la récompense.

Info ou intox, le team GSM Yamaha aurait regardé pour évoluer du côté de l’ADAC ?

Alors, intox. Par contre, je suis curieux de savoir qui t’a dit ça, parce qu’on m’en a déjà parlé ! Pour te répondre, absolument pas, je n’ai absolument pas regardé au niveau de l’ADAC. Ceci dit, pour être très honnête, aujourd’hui et pour plein de raisons différentes, on a envie de rêver plus grand. Le mondial de Supercross nous donne des envies. Donc je ne cache pas que des programmes SX plus importants qui nous permettraient de passer des caps nous intéressent. Donc on parle de l’Australie ou des États-Unis, ce sont des choses qu’on étudie.

Revenons sur la signature de Bogdan. J’imagine qu’on table sur la continuité, puisque Maxime et Grégory ne sont pas éternels. L’idée, c’est de former une relève ?

Complètement, oui. Après, ça fait déjà quelques années qu’on essaie de mettre en place des choses avec des pilotes qui pourraient assurer la relève, en tout cas au niveau français, avec GSM Yamaha.

On l’avait fait avec Anthony Bourdon. Après, pour des raisons différentes, nos voies se sont séparées. On a eu Lucas Imbert également, qui a encore été un choix un peu différent. J’ai toujours été avec trois pilotes. Bogdan, ça a été un choix judicieusement réfléchi, mesuré, testé. Aujourd’hui, on s’engage avec lui et on se projette. J’espère qu’il restera avec nous assez longtemps, mais on est sur une projection à long terme avec des gros projets Motocross, Supercross et le Mondial Supercross. Bogdan accompagnera Maxime sur l’Elite MX1 l’an prochain, et il fera la saison de Supercross en SX2 tandis que Maxime sera de retour en SX1.

Bogdan Krajewski intègre l’équipe GSM Yamaha pour la saison 2025 @Loan Guibal

Est-ce qu’on a pour projet de faire évoluer un pilote sur l’Elite MX2 l’an prochain ?

Absolument pas, parce que ça coûte beaucoup trop cher de faire rouler une 250 aujourd’hui, sur l’Elite ou ailleurs. Du moins tant que je n’aurai malheureusement pas plus de soutien, soit d’une marque, soit d’un constructeur, soit de partenaires. Aujourd’hui, un programme 250 coûte beaucoup trop cher.

Pour terminer, j’aimerais avoir ton opinion sur le modèle et le système du championnat du monde MXGP. Tu en as parlé un peu, donc je pense avoir une idée de ce que tu vas me dire: ça ne fait pas rêver ?

Malheureusement, aujourd’hui, quand j’ai quelques week-ends où je suis à la maison, je ne prends plus aucun plaisir à regarder un MXGP parce qu’il ne se passe rien, parce que c’est long, parce qu’il n’y a pas de renouvellement au niveau des pilotes. Attention, avec tout le respect aux pilotes, parce que ça met du gaz. Par contre, qu’est-ce que je me régale quand je regarde du MotoGP, par exemple. Pourquoi ? Parce que là, ça bouge et il se passe des choses.

Aujourd’hui, le Mondial de Supercross, ça me fait vraiment rêver. Les États-Unis, ça me fait rêver. En tout cas, quand je regarde les épreuves.

Aujourd’hui, de par le système et de par ce qui se passe en MXGP, ça ne m’intéresse plus. Moi, j’ai roulé en GP. Aujourd’hui, je n’y vais pas, je n’y retournerai pas. J’ai été approché – sans rentrer dans les détails – par Yamaha Europe pour peut-être repartir sur l’Europe 250 puisque le team de Vrignon s’était retrouvé en difficulté. En fait, ça ne m’intéresse pas du tout. Mais comme on dit, il ne faut jamais dire jamais, car on ne sait pas de quoi demain sera fait.

Serge Guidetty « On rencontre tous les mêmes difficultés, mais pas à la même échelle »
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