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Valentin Guillod « Je fais avec les moyens que j’ai, mais je montre que j’ai la vitesse de faire dans les 10 »


Valentin Guillod accroche un nouveau top 10 en championnat du monde ce week-end à Saint Jean d’Angely; une belle performance pour le pilote Suisse qui évolue en privé à 200% cette saison dans le but de prouver sa valeur. Au mérite et avec ses petits moyens, il joue encore et toujours des coudes avec les meilleurs pilotes du plateau MXGP. À quand un guidon ? Il raconte.

Valentin, tu fais 7-11 à Saint Jean d’Angely et tu repars avec un nouveau top 10 sur le mondial. Contrat rempli ?

Contrat rempli, à fond. 9eme du GP en tant que pilote privé, je suis content. Je fais avec les moyens que j’ai, mais je montre que j’ai la vitesse de faire dans les 10, donc c’est cool. Je me lève depuis le premier novembre pour faire ces résultats-là, donc je suis content de mon Grand Prix d’Europe.

Tu as fait un gros départ en première manche depuis l’extérieur, et tu t’es rapidement retrouvé sans personne devant lors de cette course. Tu gères comment pour ne pas baisser de rythme dans ce cas ?

Yes. En première manche, j’ai fait un bon départ de tout l’extérieur. J’étais septième, et je me suis retrouvé à n’avoir plus personne devant moi. J’ai vu que Pauls Jonass est tombé, je me suis dit qu’il allait baisser de rythme et que j’allais pouvoir revenir, mais il a remis du gaz par la suite. Derrière moi, il y avait quelques pilotes donc il ne fallait pas commettre d’erreurs. Il ne fallait pas se relâcher, juste faire mes tours et rester concentré sur ce que je faisais. Dans un tour, j’ai fait deux erreurs en voulant rentrer un peu trop vite dans les virages. Sinon, j’ai réussi à rester concentré jusqu’au bout et j’étais content de ma course.

C’était plus difficile en seconde manche après un mauvais départ. Tu es bien revenu, puis tu t’es fait doubler en fin de course. Il t’a manqué quoi ?

Je n’ai pas pu reprendre la même grille de départ pour la deuxième manche, j’étais quand même sur l’extérieur. Après le premier virage, Guadagnini s’est fait un travers et j’ai dû couper les gaz car j’étais derrière lui. Du coup, j’étais assez loin, mais je suis vraiment bien remonté. Je roulais vraiment fort en début de manche, je me sentais bien. Puis je n’ai pas réussi à changer quelques traces qui me faisaient perdre pas mal de temps. On s’est bien battu pendant 2 tours avec Horgmo, en se doublant plusieurs fois. Après, j’ai perdu ma concentration, j’ai fait quelques erreurs et Kevin est parti.

De là, Seewer est revenu et il est resté dans ma roue arrière. Je suis un peu saoulé d’avoir fait une erreur de débutant car je ne pensais pas que Jeremy était aussi proche de moi dans le dernier secteur. Je suis passé à l’extérieur dans l’avant-dernier virage avant le gros triple et il a plongé à l’intérieur pour me doubler et finir dixième. Je suis un peu déçu de cette fin de seconde manche, d’avoir perdu ma concentration et d’avoir fait cette erreur qui me coûte une place, même si elle ne change rien au classement du grand prix.

Pour ceux qui ne savent pas, tu as été à Cozar mais tu n’as pas participé aux manches. Pourquoi ?

Pourquoi je n’ai pas fait les manches de Cozar ? J’ai fait une manche 5eme en Argentine et je n’ai pas plus d’argent, plus de sponsors, et je n’ai pas non plus signé de contrat, pas de team d’usine qui est venu me proposer. J’ai peut-être pris le problème à l’envers, mais je me suis dit que je n’avais rien à gagner à faire 2 fois douzième dans la boue tout en cramant 3.000€ de matériel. En plus, il y avait le grand prix qui s’enchaînait avec Saint Jean et on était un peu limite au niveau des pièces. Surtout qu’à St Jean, on s’attendait aussi à un week-end dans la boue. On a eu du bol de ce côté là, mais il y a quand même eu du matériel qui a été utilisé ce week-end.

En fait, c’était une question de frais, et de logique. Faire deux fois 15ème ne m’aurait pas changé quoi que ce soit, et ça m’aurait peut-être plus fait du tort qu’autre chose. Dans ces conditions, c’est quitte ou double et les gens auraient pu se dire « Guillod, il est mauvais dans la boue, c’était juste un coup d’éclat en Argentine ». Là, ils sont restés sur la belle perf’ de l’Argentine. Je dis que je prends le problème du mauvais côté car on sait que la boue, c’est la loterie. Peut-être que j’aurais pu faire de bons résultats à Cozar, mais il y avait la question financière, la question logistique, et la logique aussi.

Une manche 5 en Argentine, une manche 7 en France. Valentin est solide en ce début de saison.

Tu t’es inscrit sur le Dutch Masters cette année, dans quelle optique ? C’est quoi, la raison ?

Je me suis inscrit sur le Dutch Masters car on sait que pendant toute ma carrière, les grands prix dans le sable ont toujours été un problème. C’est pour ça que j’ai fait beaucoup de sable cet hiver. Pour moi, c’est une opportunité de montrer que j’aime rouler dans le sable, que je suis motivé à rouler dans le sable, et que j’ai la technique pour. Je vais faire les trois courses du Dutch Masters cette année, je n’attends rien de particulier du championnat, j’y vais surtout pour prendre de l’expérience dans les courses de sable. Aussi, au niveau des teams, peut-être qu’ils verront qu’en fait Guillod aime bien le sable contrairement à ce qu’ils peuvent penser. C’est juste que je ne faisais pas les choses pour faire des bons résultats dans le sable. Voilà pourquoi je me suis inscrit sur le Dutch Masters

Tu as l’air hyper motivé cette année, le couteau entre les dents. Est ce qu’on peut dire que tu l’es peut-être même plus que lors des années où tu roulais devant en MX2 ?

C’est sûr que quand tu redescends de trois étages, que tu redeviens pilote privé, que tu dois tout payer et faire attention à ton matériel, tu te poses tout de suite un peu moins de questions. Pour te dire, mon embrayage a roulé le GP d’Argentine, le samedi à Cozar, et ce week-end en France. Je pense que je suis le seul pilote de Grand Prix qui roule avec un embrayage qui affiche autant d’heures. Je fais avec mes moyens. Mon pneu avant a fait le samedi à Cozar et le week-end à Saint Jean aussi. J’ai dû changer deux fois le pneu arrière ce week-end parce qu’il y avait beaucoup de cailloux et ça usait vraiment le pneu. Je te parle de ça parce que j’aime l’idée que les gens vont se rendre compte de la différence avec les teams usine qui changent tout à chaque manche. Moi, ce n’est pas le cas. Sur le papier, je fais quand même septième d’une manche en grand prix comme ça, donc ça montre que je suis motivé, et que je ne suis pas mauvais sur une moto.

Quand on voit ce que tu arrives à faire avec une moto d’origine, on se demande ce qui changerait avec une moto d’usine. C’est quoi la différence, finalement ?

C’est sûr que je ne vais pas gagner 10 secondes et monter sur le podium à chaque manche parce que j’ai une moto d’usine. Par contre, je vais pouvoir taper un peu plus dans la moto lors des courses. Quand il y a des grosses ornières comme ce week-end, tu peux te permettre de taper dans l’embrayage avec une moto d’usine alors que moi, je faisais attention à ma façon de piloter pour mes pièces. Ce qui va vraiment changer, c’est plus l’à côté.

Demain – lundi – je vais laver la moto, faire l’entretien et partir pour une séance de décrassage. Mardi, je vais finir de préparer la moto, mettre mes pneus sable et jeudi, je prendrais la route pour monter en Hollande. Je vais rouler le vendredi pour m’entraîner, faire l’entretien de la moto le samedi et la course du Dutch Masters le dimanche à Harfsen. Ce vendredi par exemple, c’est moi qui ai changé mon pneu arrière; je pense que je suis le seul pilote de GP qui a changé son propre pneu. Tout ça me demande beaucoup d’énergie. Depuis que je suis rentré d’Argentine, je sens que j’ai pris un petit coup derrière les oreilles au niveau de la fatigue. Je fais beaucoup de kilomètres aussi. J’ai été à Cozar en voiture, je suis allé à Saint Jean en voiture, je rentre en Suisse en voiture, ça fait beaucoup d’heures de route et de fatigue. Depuis que je suis parti de la maison pour Cozar, entre le moment où je vais être de retour chez moi en Suisse, j’aurais fait 4.000 kilomètres de voiture.

Un pilote dans un team d’usine peut se permettre d’aller en avion à la course le jeudi, et il rentre en avion aussi. C’est plus la logistique qu’il y a autour qui joue que la moto, même si la moto va te permettre de partir un petit peu mieux, l’électronique va peut-être te permettre d’aller chercher la demi-seconde qu’il te manque au tour. Le châssis, les suspensions, les pièces vont aussi t’aider. Là, je vois bien que mon amortisseur chauffe au bout de 15 minutes, et que la moto n’a plus le même comportement. C’est vraiment des petits détails accumulés qui font la différence au bout du compte. Au lieu de faire 7 et 11, je pourrais peut-être faire 5 et 8.

Un mot sur les changements entrepris sur la piste de St Jean cette année, tu en as pensé quoi ? Tu aimerais que les pistes soient plus souvent modifiées, histoire d’apporter un peu de nouveauté ?

La nouvelle piste de Saint Jean, c’est mieux. Il y avait des trucs que je n’aimais pas du tout avec l’ancienne piste comme le dévers avant la pitlane où tout le monde restait à l’intérieur jusqu’à après la pitlane; c’était impossible de dépasser. Pareil pour les petits pif-paf au fond du circuit. Là, c’est mieux, mais il manque quand même encore quelques petites choses qui nous permettrait de faire la différence avec la technique. On a bien vu tout au long du week-end que c’était quand même assez serré au niveau de la vitesse, on avait tous la même vitesse en piste. Je préfère ce nouveau tracé. Le départ est beaucoup plus ouvert alors qu’avant, on était en paquet, on devait presque s’arrêter dans le premier virage. Il n’y a plus qu’à essayer d’ajouter un peu plus de difficulté pour permettre de faire la différence. Moi, je serai pour que les terrains changent de sens chaque année; une année dans un sens et une année dans l’autre. Ce serait plus sympa à regarder pour les spectateurs, plus sympa pour les pilotes qui devront s’adapter. Tout le monde y gagnerait. Regarde Loket, Yves Demaria roulait déjà sur cette piste à l’époque et elle n’a pas changée. Je pense qu’ils devraient faire un réglement pour que la piste change de sens chaque année, ce serait un plus pour tout le monde.

Tu es parqué avec les petits jeunes de l’Europe dans le paddock ce week-end. Un privé avec les privés. Tu dois avoir l’impression d’être revenu 15 ans en arrière, non ?

C’est sûr que je suis dans le paddock avec les petits jeunes du 125cc et de l’Europe 250. Mais c’est aussi moi qui le veux. J’ai une petite structure, seulement une tonnelle, je n’ai pas envie de me mettre entre les gros camions. Là, je suis un peu en retrait et c’est plus calme. Après, c’est sûr que les gens doivent me chercher un peu plus dans le paddock. Ça ne me dérange pas. Comme ça, il y a beaucoup moins de monde et c’est plus calme. Quand tu as une grosse structure et un camion, tu peux être derrière, caché. Là, j’ai juste une tonnelle sans bâche autour, donc c’est mieux d’être un peu en retrait pour être au calme. Ça prouve qu’on n’a pas besoin d’un beau camion pour faire de beaux résultats. Franchement, c’était un beau GP, c’est cool, on va continuer comme ça. On dit que la vie fait bien les choses, alors on verra quand elle voudra bien les faire ces choses !

Valentin Guillod « Je fais avec les moyens que j’ai, mais je montre que j’ai la vitesse de faire dans les 10 »
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