Faute d’avoir trouvé un guidon sur le sol Européen pour disputer la saison de mondial MXGP en 2025, Benoit Paturel a pris son barda pour tenter une nouvelle aventure aux Etats-Unis. Soutenu par une poignée de partenaires et grâce à l’aide de connaissances sur place, le pilote Français s’est concocté un programme pour tenter le coup de l’autre côté de l’Atlantique. Le voilà parti pour une préparation de 16 semaines, dans l’espoir de se faire ouvrir les portes d’une équipe pour participer au championnat de Motocross Américain. Il nous en dit plus sur son projet. Un entretien exclusif, oui, oui.
Benoit. Tu en as surpris un paquet en annonçant que tu étais arrivé aux USA début février. C’est quoi le plan ?!
Le plan est on ne peut plus simple. Dès le mois de janvier, j’ai mis en place un plan d’attaque parce qu’en Europe, c’était compliqué. Mon rêve depuis longtemps, c’était de faire l’outdoor US. Du coup, j’ai réuni quelques sponsors privés, j’ai contacté quelques connaissances que j’ai aux États-Unis, j’ai pris mon sac et je suis parti. L’objectif, c’est de faire un bloc de préparation de 3 mois minimum, en espérant trouver un guidon pour le championnat de Motocross qui commence fin mai.
Niveau logistique, Marvin Musquin est un ami de longue date. Il me file un gros coup de main sur place. Donc un grand merci à lui. J’ai également d’autres connaissances sur place qui m’aident, et notamment au niveau mécanique, moto, matériel, etc.
En fait, j’ai tout ce qu’il faut pour m’entraîner dans les bonnes conditions et enquiller des heures à l’entraînement afin de faire une préparation solide en temps et en heure, sachant que j’ai quasiment 4 mois avant le premier round de l’outdoor. Rester en Europe pour faire des Grands Prix, c’était compliqué, c’était trop tard, et c’était trop onéreux.
Ce plan, je l’avais dans un coin de ma tête depuis longtemps, mais il fallait qu’il puisse se boucler. C’est fait, en espérant que ça fonctionne bien.
L’objectif, c’est de trouver un guidon pour l’outdoor, mais tu envisages éventuellement de le faire en tant que privé ?
L’option A, c’est de trouver quelque chose – un guidon – avant le début de l’outdoor, ce serait vraiment idéal. L’option B, c’est de faire la première ou les deux premières épreuves en privé si jamais je n’ai rien d’ici là. Une chose est sûre, c’est que tout seul, je ne pourrais pas aller plus loin. Donc j’espère que ça débouchera sur quelque chose de positif.

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Là, ils sont tous à fond dans le Supercross. Quand arrivera l’outdoor, ils viendront rouler sur les terrains publics en Californie pour faire un peu de testing en Motocross. C’est là que tu auras le plus de chance d’être repéré finalement, non ?
Exactement, tu le dis bien mais vu que ça faisait depuis 5 mois que je n’avais pas roulé, depuis ma dernière apparition en piste lors du Grand Prix de Suisse, il fallait que je reprenne la moto assez tôt. C’est pour ça que c’était un choix réfléchi d’y aller bien avant le début de saison, pour s’acclimater, se préparer au mieux sur ces circuits, s’habituer à la chaleur, à la vie là-bas. Je ne pouvais pas arriver une semaine avant; on sait que c’est compliqué et que ça ne marche pas.
C’est pour ça que le choix était de partir bien avant et de se préparer dans les meilleures conditions. Même si ensuite, il n’y a rien qui se débloque. Mon premier but et projet, c’est de me préparer au mieux, d’être prêt et quand l’opportunité viendra – si elle vient – de la saisir des deux mains.
Comment se passe ton adaptation sur place ? Si Marvin et tes connaissances te filent un coup de main, ça doit t’enlever une bonne épine du pied. Devoir reprendre dans un nouvel environnement après 5 mois, c’est comment ?
L’adaptation se déroule super bien. Je suis déjà très heureux d’être ici aux US, de commencer un nouveau challenge, d’évoluer sur de nouveaux circuits, c’est comme une nouvelle vie entre guillemets; une nouvelle ère. J’en avais besoin. Pour la préparation, je suis reparti avec la même moto que ces deux dernières années, pour moi c’était un choix cohérent: la 450 YZ-F est une moto que j’adore, que je connais. On est sur une moto standard avec des suspensions préparées, voilà tout. J’ai un mécanicien qui me file un coup de main, j’ai des pièces, je suis bien aidé là-bas par des connaissances que j’ai, donc ça c’est cool. Tout ce qui est de l’ordre de l’organisation, c’est carré. C’est ce que je veux et c’est ce qu’il faut pour avoir une chance d’y arriver sur place.
C’est quoi la stratégie, finalement ? J’imagine que ça va se savoir que tu es là-bas en ce moment. Mais c’est quoi le plan d’attaque pour te faire repérer, que les bonnes personnes sachent que tu es disponible ? Enchaîner les tours à Fox Raceway, ce n’est pas non plus ce qui va te faire signer un contrat ?
Tu sais ici, les mecs qui sont en Europe, et à moins qu’ils soient champions du monde, ils n’en ont pas grand chose à faire. Il faut se pointer ici, se montrer, se faire voir. Il faut montrer que tu roules bien, que tu as une bonne vitesse, que tu t’entraînes dur. Après, ça marche aussi beaucoup avec le bouche à oreille.
Pour l’instant, ce n’est que le début de ma préparation. Donc c’est encore trop tôt pour savoir ce qu’il va se passer. Dans les prochaines semaines, voir les prochains mois, ça viendra si ça doit arriver. Si la mayonnaise doit prendre, elle prendra, tout simplement.

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Ton quotidien depuis que tu es arrivé aux US, il ressemble à quoi ?
C’est simple, c’est entraînement physique, moto, manger, dormir, et on recommence. C’est comme ça 7 jours sur 7. Je mets vraiment toutes les chances de mon côté pour les US. Je m’entraîne très dur pour être prêt, pour être dans les meilleures conditions possibles.
Ce projet, je l’ai pris très au sérieux en amont, pour avoir assez de temps sur place et être vraiment prêt. C’est un gros challenge, un challenge qui me plaît énormément et qui me donne envie, et il ne faut pas le prendre à la légère, car l’outdoor est un championnat comme le mondial MXGP: ultra relevé. C’est ça que j’aime, je suis à bloc, et je m’entraîne à fond, comme il faut pour réussir. Je suis bien entouré, j’ai ce qu’il faut, y’a plus qu’à !
Tu as dû mettre un budget dans cette aventure. Pour faire le parallèle, ce budget n’aurait pas pu te servir pour partir sur un programme en MXGP ?
Non. Le mondial MXGP, ce n’était pas une option. Tout simplement parce que tu investis beaucoup dans les grands prix mais derrière, il n’y a aucun retour, à moins d’être dans un team factory. Moi, j’en étais arrivé à un point où j’avais besoin d’un nouveau challenge, et finir ma carrière là-bas, c’était quelque chose auquel j’ai toujours pensé. C’est ce que j’ai envie de faire et pour l’heure, je ne me projette pas spécialement plus loin. Niveau budget, j’ai pu réunir ce qu’il me fallait pour que ça ne me coûte rien de ma poche. Donc je tiens à remercier les partenaires qui me suivent dans ce nouveau challenge.
Tu vas mettre la tête dans le guidon pendant quasiment quatre mois et l’objectif, c’est de faire un top 5 à Fox Raceway avec une moto d’usine ?
[rires] Ce serait le rêve, mais si ça se déroule comme tu le dis, alors c’est tant mieux ! Dans tous les cas, si je n’ai pas de touche avant le début du championnat, le plan B, c’est de faire la première et peut être la deuxième course en solo, à voir, en espérant que ça débouche sur quelque chose. Je suis quelqu’un qui fait les choses à fond ou qui ne les fait pas du tout, donc si ça ne marche pas, je n’aurai pas de regrets à avoir, car j’aurais fait tout ce que j’ai pu pour que ça fonctionne.
Tu pris un avion avec quelques affaires, et tu t’es mis en tête de te donner tous les moyens pour que ça marche aux US. C’est assez radical, comme approche.
C’est ça. On peut dire que c’est osé, mais c’est calculé. Je pense qu’il faut y croire. Comme on le sait, en Europe, ça devient de plus en plus compliqué, à moins d’être dans un team officiel. J’en connais un rayon, j’en ai fait l’expérience ces dernières années. Je pense qu’aux USA, si tu mets du gaz, que tu fais le boulot, il y a encore un peu de reconnaissance qu’on ne retrouve plus en grand prix, et tu peux en vivre tout en te faisant plaisir. C’est pour ça que je voulais vraiment tenter ma chance aux US.

Discret, Benoit n’en reste pas moins bosseur. Espérons que les efforts soient récompensés dès cet été.
En Europe, tout le monde doit te connaître quand tu vas sur une piste. Là, tu dois un peu plus passer incognito non ? Tu fais quoi, Fox Raceway, Glen Helen et compagnie ?
Exactement. Les gens connaissent un petit peu le nom, bien sûr il y a quelques médias qui savent qui tu es. Mais le grand public non. Comme je l’ai dit, à moins d’être champion du monde, les gens s’en foutent de toi là-bas. Il faut faire tes preuves, et montrer ce que tu vaux.
Concernant les pistes, on a 4 ou 5 terrains pour l’entraînement. Glen Helen, Fox Raceway, Perris. Après, il y a pas mal de terrains privés sur lesquels tu peux aller rouler si tu as les bons filons. Ce qui est cool, c’est qu’au niveau de la météo, tu retrouves de bonnes conditions à 95% du temps. C’est une certaine qualité pour t’entraîner. En fait, tu ne te poses pas la question de savoir ce que tu vas faire le lendemain. C’est carré. Tu peux enchaîner les heures, et vraiment faire du bon boulot.
Ça change du 2*35 à Lommel sous la pluie ?
C’est clair. Et niveau budget, c’est aussi pour ça que j’ai fait ce choix. En étant privé et en t’entraînant en Europe, si tu veux faire du concret, il faut aller en Sardaigne ou rester en Belgique. Ta moto après deux sessions d’entraînement, elle est complètement morte parce que ça bouffe beaucoup de matériel et de pièces de rouler dans le sable pour te préparer. En fait, c’est quasi infaisable. C’est pour ça que mon choix s’est porté sur l’outdoor US.
Le mondial va s’ouvrir en Argentine prochainement. Dans l’éventualité où un team a besoin d’un pilote et qu’un coup de fil de dernière minute t’est passé, tu considérerais un retour en GP ?
Je ne dis pas que c’est terminé pour moi le MXGP; il ne faut jamais se fermer à des opportunités. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Pour l’instant, je suis tourné vers l’outdoor et je me concentre à fond sur mon objectif. On fera le point en fin de saison. Le but, c’est vraiment de faire quelque chose et de trouver un truc ici, pour faire le championnat de Motocross Américain.
