Blessé en février dernier lors d’un entraînement, Anthony Bourdon a vu sa saison 2025 brutalement interrompue alors qu’il montait en puissance sur le championnat de Supercross 250 sur la côte Ouest. Trois mois plus tard, Anthony revient sur cet accident, sur sa convalescence et sur son avenir sportif. Entre lucidité, optimisme et ambition, le pilote Français se prête au jeu de l’interview alors que ce dernier fait face à une montagne de travail à abattre pour retrouver le haut-niveau. Objectif: revenir pour le SX Tour cet été, mais aussi prendre sa revanche sur le SX US en 2026. Micro.
Anthony, pour débuter, donne-nous de tes nouvelles. On sait que tu as lourdement chuté à l’entraînement en février dernier. Trois mois plus tard, comment ça va ? On en est où de la convalescence ?
Écoute, les nouvelles sont plutôt bonnes compte tenu de la gravité de ma blessure survenue il y a maintenant presque trois mois. Je marche normalement et quasiment sans douleur, donc ça va clairement dans la bonne direction. Après être resté cloué au lit pendant quelques semaines, j’ai bien bossé avec mon kiné pour réapprendre à marcher, et reprendre doucement le sport. Ensuite, je me suis accordé quelques jours de vacances, l’occasion d’aller voir un de mes meilleurs potes qui participait à un tournoi de golf à Dubaï. Et là, je suis de retour au travail, actuellement au CERS de Capbreton pour terminer ma rééducation et préparer mon retour sur la moto.
Ce sera la question qui fâche, mais il s’est passé quoi, ce jour-là … ?
La moto a tout simplement coupé sur un triple sur table… Malheureusement, je n’ai rien pu faire. C’est arrivé en une fraction de seconde. Une fois au sol, j’ai tout de suite compris que ce n’était pas une erreur de ma part. Et de là, tout s’est enchaîné… Les heures qui ont suivies ont été un véritable cauchemar. Heureusement sur place, il y avait mon pote Scotty Verhaeghe qui m’a beaucoup aidé.
Sur le papier, tu étais un expatrié Français sur le sol Américain. On entend toujours dire que se blesser aux USA, c’est … bien plus difficile qu’en France. Assurances, prise en charge, hôpitaux, système de santé … Malheureusement, tu as dû expérimenter tout ça de l’intérieur et malgré toi. On s’est retrouvé face au parcours du combattant qu’on imagine ?
C’est clair que se blesser aux États-Unis, ce n’est pas du tout la même chose qu’en France… Sur le moment, tu ne penses qu’à ta blessure, à ta douleur. Mais très vite, tu te retrouves confronté à la réalité du système : les assurances, les papiers, les frais médicaux… et tout ça à l’autre bout du monde.
Côté assurance, je tiens vraiment à remercier Assure ton Sport qui a super bien géré mon dossier. Sans eux, je ne pourrais sûrement même plus remettre les pieds aux US aujourd’hui !
Heureusement, j’ai été très bien entouré sur place. Je pense notamment à Scotty, DV, Benoît Paturel – qui ne venait jamais sans mon Ice Mocha préféré de chez Starbucks – Marcia, les personnes de mon équipe là-bas… et bien sûr ma sœur, qui m’a rejoint un peu plus tard pour m’aider sur place et gérer le rapatriement.
En ce qui concerne les soins, franchement, j’ai été très bien pris en charge à l’hôpital. Peut-être même mieux qu’en France à ce niveau-là.
Rien n’est simple, et quand tu es à l’étranger, loin de tes repères, ça rend les choses encore plus dures. C’est une expérience qui m’a énormément appris sur moi, sur les autres, et sur l’importance d’être bien accompagné dans les moments les plus critiques.

Anthony Bourdon pointait 7ème du provisoire sur la côte Ouest avant de se blesser à l’entraînement @CONVRG Media
Tu avais ramené un 7-11-9-7 pour débuter ta saison 2025. Avec le recul et si je te demande d’avoir un regard critique sur ton début de championnat avant la blessure, tu tirerais quel bilan ?
Pour être honnête, j’ai du mal à être critique sur mon début de saison, parce que je le vivais vraiment comme un très bon départ. J’étais en train de monter en puissance, de prendre mes marques course après course. J’avais fait une très belle première saison en 2024, sans objectif ni pression. Le plus dur cette année, c’était de confirmer. Et je pense que je n’étais pas mal parti, avec trois top 10 en finale sur les quatre premières courses. Je sentais qu’il y avait moyen de faire encore mieux, et je l’ai prouvé lors de la Triple Crown à Glendale, où je termine cinquième d’une manche. La dynamique était clairement positive.
C’est ce qui rend la blessure encore plus frustrante, évidemment. Mais je garde en tête tout ce que j’ai construit en début de saison, et ça me sert aujourd’hui comme source de motivation.
Corrige-moi si je me trompe, mais j’ai cru comprendre que l’association avec DV n’avait finalement pas continué cette saison. Est-ce qu’on peut savoir les raisons de cet arrêt, et savoir vers qui tu t’es tourné en lieu et place pour t’aider pendant la saison de SX ? Aujourd’hui, tout le monde s’entoure d’un mentor/coach.
C’est vrai, on avait fait un test avec DV, qui s’est occupé de moi à plein temps pendant six semaines avant le Supercross de Paris 2024. Il était présent avec moi tous les jours, il m’a fait bosser dur, et je suivais son programme à la lettre. En peu de temps, j’ai énormément appris à ses côtés, et j’ai maintenant une vision beaucoup plus claire de ce qu’il faut mettre en place pour atteindre le plus haut niveau.
La raison pour laquelle on a arrêté, c’est tout simplement que ça n’a pas totalement matché entre nous. Ça arrive. Mais ça ne nous empêche pas de rester en bons termes : on se voit encore de temps en temps, et je l’ai même embarqué avec mon meilleur pote Hugo Manzato à Glendale, où j’ai d’ailleurs fait ma meilleure course depuis que je roule aux US.
Je n’ai pas vraiment de coach attitré, mais j’ai mon meilleur pote Hugo qui m’a énormément aidé en janvier. Il était là à chaque entraînement, à chaque course, pour me motiver et me conseiller.
Le team BarX a entamé une transition de Suzuki à Yamaha cette année. Disons que tu es habitué à changer de motos comme de cylindrée ces derniers temps. Sur le papier, comment se comparait cette 250 YZ-F face à la 250 RM-Z ? La Suzuki avait tout de même l’air compétitive, même si la marque n’est pas vraiment à jour.
Exactement, c’est vrai que j’ai l’habitude de changer de moto, de cylindrée… Je m’adapte assez facilement. Je dirais que la 250 YZ-F est un peu plus performante sur la piste par rapport à la 250 RM-Z. Techniquement, elle est plus moderne, plus aboutie.
Mais honnêtement, la Suzuki restait une très bonne moto. J’avais été agréablement surpris en arrivant pour la première fois aux US de voir à quel point elle marchait bien. Avec une 8e place au championnat SX US côte Ouest en 2024, c’est clair qu’elle était compétitive, même si la marque n’est plus forcément au top de la technologie aujourd’hui.
Revenir d’une blessure, c’est d’abord parvenir à retrouver son niveau, mais aussi combler le retard vis à vis de la progression effectuée par les autres pilotes pendant cette période « off » ; on ne repart peut-être pas de zéro, mais on repart de loin. Concrètement, c’est quoi le plan d’attaque d’ici les prochains mois ? On ne se prépare jamais vraiment à devoir revenir d’une blessure aussi importante.
Le premier objectif, c’est clairement de retrouver une bonne forme physique. Pour être honnête, de ce côté-là, je repars quasiment de zéro…
Sur la moto, je pense que les sensations reviendront assez vite. Ce n’est pas encore sûr, mais j’aimerais pouvoir remonter sur la moto courant juin, pour préparer le SX Tour qui débute en juillet.
Après, tout dépendra de comment mon corps réagit. Mentalement, je suis prêt. Maintenant, il faut que le physique suive.
Les blessures en Supercross ne sont pas rares. Les plateaux 250 et 450 n’ont pas été épargnés cette saison, particulièrement. Le nombre de whoops a été réduit, certains enchaînements ont été supprimés, il semble y avoir une volonté de mettre l’accent sur la sécurité mais les chutes ne sont pas moins nombreuses, pas moins sérieuses. Beaucoup de blessures surviennent aussi à l’entraînement. On se dit « c’est comme ça », ou on pourrait encore faire des améliorations pour la sécurité des pilotes ?
C’est vrai qu’ils font le maximum pour garantir notre sécurité, et c’est une bonne chose. Mais ça reste malgré tout un sport dangereux… Réduire le nombre de whoops, est-ce vraiment la solution ? Je ne suis pas sûr.
Pour réduire le nombre de blessés, je dirais qu’il faudrait presque revenir à des motos moins performantes, et donc ça voudrait forcément dire avoir moins de vitesse. Cela dit, aujourd’hui, difficile d’imaginer ralentir le progrès alors que c’est justement ce que tout le monde recherche.
Le Supercross, comme le Motocross, reste un sport à risque. Ça va de plus en plus vite, tout le monde se prépare au maximum et flirte avec la limite pour décrocher les meilleurs résultats. Je pense que c’est en grande partie ce qui explique le nombre élevé de blessures.

Le pilote Français espère revenir en piste – en France – dès cet été. Objectif pour 2026: un retour aux USA @CONVRG Media
Avec le recul de ces dernières années, quel est le facteur sur lequel ta marge de progression est la plus importante selon toi ? Vous faites tous des préparations physique, de l’entraînement moto, bossez sur la technique, vous suivez une diète, des plannings, avez un mode de vie assez rôdé, etc. Les facteurs au haut niveau sont nombreux ; on doit toujours chercher le petit détail, le petit plus qui permet de progresser, finalement ?
Le facteur sur lequel j’ai, je pense, la plus grosse marge de progression, c’est le physique. David Vuillemin dirait sûrement que c’est dommage, parce que c’est justement le plus facile à travailler ! Et il n’a pas tort…
En bossant avec lui, j’ai compris que je n’en faisais clairement pas assez à ce niveau-là pour passer un cap. J’aime profiter de la vie, je ne me prive pas énormément que ce soit côté diète ou rythme de vie. Je n’ai pas de planning ultra strict.
Par contre, quand je suis à l’entraînement, je roule vraiment. Je fais mes tours, je bosse dur sur la moto. Et c’est ça qui fait ma force aujourd’hui : j’adore rouler, passer du temps sur la moto. Contrairement à certains pilotes aux US, qui font parfois moitié moins de tours à l’entraînement.
Mais je sais aussi que si je veux aller chercher mieux, que ce soit aux US ou en France, le petit plus passera par le physique. J’en fais, oui, mais pas encore assez. Et c’est quelque chose que je suis prêt à changer pour progresser et viser plus haut.
J’avais eu vent de tes potentiels projets en France après la saison Américaine. Dans quelle mesure les projets pour le reste de l’année vont être impactés ? J’imagine qu’on ne parle pas d’un retour en piste tout de suite, et que tu avais un programme SX Tour voir WSX ?
Mon objectif, c’est de revenir assez rapidement. Comme je l’ai déjà dit, si tout se passe bien, j’espère pouvoir remonter sur la moto courant juin. Ce qui fera à peu près quatre mois depuis ma blessure.
Je dois encore passer des examens et revoir le chirurgien à la sortie du CERS, fin mai, donc on y verra plus clair à ce moment-là. Mais dans l’idée, le but est de revenir pour le SX Tour et de me battre pour le titre en SX1, après avoir terminé deux fois vice-champion en 2023 et 2024.
Concernant le WSX, rien n’est signé pour l’instant, mais c’est clairement un championnat que j’aimerais intégrer à mon programme.
Est-ce qu’on a déjà le regard tourné vers 2026, et est-ce qu’on a déjà prévu de retourner sur le Supercross US l’an prochain, ou est-ce que c’est encore trop tôt pour en parler ?
Bien sûr que j’ai déjà le regard tourné vers 2026, et évidemment que je prévois de retourner aux US pour rouler en Supercross ! Je suis ultra motivé pour revenir encore plus fort là-bas. Juste avant ma blessure, je commençais à vraiment titiller certains pilotes qui roulent avec des motos officielles, et ça, ça m’a énormément boosté.
Je sais maintenant que le niveau pour être aux alentours du top 5 en 250 n’est pas inaccessible. Ça me donne encore plus envie de bosser et de revenir pour montrer ce dont je suis vraiment capable.
Quand je vous vois rouler, honnêtement et même après toutes ces années, je me demande toujours comment vous faites… Je suis curieux de savoir s’il t’arrive de te dire la même chose quand tu vois certains des plus grands rouler aux US ? Est-ce qu’il y a des mecs qui t’impressionnent – aussi – alors que tu fais partie des meilleurs pilotes de Supercross aujourd’hui ?
Honnêtement, je ne suis plus aussi impressionné qu’à l’époque où j’avais 10 ans, parce que je sais que je suis aujourd’hui capable de faire presque les mêmes choses que les meilleurs pilotes en Supercross. La vraie différence, c’est que si je vais peut-être réussir à faire un passage identique au leur, eux vont répéter ce passage à chaque tour, pendant 15 ou 20 minutes, à une intensité folle. Et ça, oui, c’est vraiment impressionnant.
Après, il y a quand même des mecs qui me bluffent. Par exemple, ce que fait Cole Davies à son âge, c’est juste incroyable. Le voir passer les whoops à bloc, sans hésiter, alors que la majorité des pilotes 250 galèrent, c’est quelque chose.
Donc si je dois en citer deux qui m’impressionnent aujourd’hui, je dirais Cole Davies, pour son âge et sa technique, et Jett Lawrence pour sa technique incroyable.
