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Vincent Bereni « Pour remplacer Mikkel, il nous a fallu revoir notre approche et notre stratégie »

Images: Ray Archer

En 2024, Triumph faisait ses premiers pas sur la scène du championnat du monde MX2 avec Mikkel Haarup et Camden McLellan. Aux commandes de cette nouvelle aventure, Vincent Bereni, team manager de la structure officielle, a guidé l’équipe à travers les hauts, les bas, et tout ce qui fait le quotidien d’une saison de Grand Prix. Une entrée en matière marquée par un podium historique décroché par Haarup dès l’épreuve d’ouverture en Argentine, tandis que McLellan montait progressivement en puissance avant qu’une blessure ne freine sa progression.

Un an plus tard, en 2025, la dynamique se poursuit. L’arrivée de Guillem Farres aux côtés de McLellan a permis à l’équipe de décrocher ses premières victoires de manche et de s’inviter régulièrement sur les podiums. De quoi confirmer que Triumph comble rapidement l’écart avec les constructeurs les plus établis du paddock. Durant le break avant le GP de Finlande, notre confrère Andy McKinstry s’est entretenu avec Vincent Bereni pour faire le point sur ces deux premières saisons, mais aussi parler des grandes lignes pour l’avenir. Micro.

Vincent. Pour commenter, un mot sur l’an dernier. 2024 marquait les débuts de Triumph en mondial MX2. Avec le recul, quel bilan on tire de cette saison avec Camden & Mikkel ?

C’était très positif dans l’ensemble ; on apprenait un peu plus chaque week-end en catégorie MX2 en tant qu’équipe, et on a bossé dur tout au long de la saison pour améliorer la moto dès qu’on voyait une opportunité d’aller de l’avant.

Pour Camden, tout se déroulait comme prévu, on suivait la stratégie et on faisait les choses étape par étape, même si la blessure au Portugal a un peu ralenti sa progression. Cela dit, il a montré beaucoup de choses positives et a progressé sur pas mal d’aspects, que ce soit sur la moto ou en dehors. On pense qu’il aurait pu décrocher plus de podiums, mais l’expérience joue énormément dans cette catégorie – tout ça lui servira pour la suite de sa carrière et pour son avenir.

Concernant Mikkel, que dire à part du positif ? Dès la première course, un premier podium ! Il a marqué l’histoire de Triumph et son nom restera à jamais dans les petits papiers de la marque. On a un peu galéré lors de la deuxième manche d’épreuve en tant que team, ce qui a coûté cher à Mikkel, et on a passé quelques épreuves à chercher les bonnes améliorations. Malgré ça, Mikkel a été régulier, sa motivation est restée intacte et il avait toujours espoir. Dès qu’on a commencé à être plus à l’aise et que la moto se comportait mieux, il est monté en puissance et a terminé la saison en forme, avec une superbe 5e place finale. Disons qu’il a vraiment contribué à la réussite de l’équipe et de Triumph – c’était une saison au top, on a adoré bosser avec lui. C’était un vrai plaisir.

Mikkel a dépassé l’âge limite pour évoluer en MX2 fin 2024. C’était difficile de lui trouver un remplaçant ?

Pour 2024, on avait misé sur un pilote jeune (Camden) et un pilote expérimenté (Mikkel). Pour remplacer Mikkel – tout en sachant que le marché des pilotes était bouché – il nous a fallu revoir notre approche et notre stratégie. On a décidé de se faire confiance et de croire en nos objectifs. Signer Guillem était un risque calculé et jusqu’ici, ça semble plutôt porter ses fruits.

La signature de Guillem était plutôt claire et simple. La liste des pilotes qu’on visait pour pouvoir atteindre nos objectifs n’était pas bien longue. On a planché sur quelques profils qu’on estimait du même calibre que Mikkel, mais quand on a vu que ça devenait surtout une histoire d’argent, je suis revenu à ma propre façon de voir les choses : il faut un pilote qui veut vraiment faire partie de l’équipe, parce qu’il croit en toi et qu’il est prêt à tout donner. J’ai commencé à discuter avec Nani Roma, et juste après être rentré d’Indonésie, j’ai sauté dans le premier avion pour Barcelone afin de les rencontrer, d’avoir un premier feeling. De là, il est devenu évident qu’on était intéressés de travailler avec Guillem ; son parcours parle pour lui. Il est déterminé, il est motivé et aujourd’hui, on est vraiment contents de notre choix.

Rentré des USA, Guillem Farres a signé chez Triumph. Le pilote Espagnol sera toujours sous l’auvent l’an prochain @Ray Archer

L’an dernier, vous n’avez pas gagné de manche sur le mondial MX2, mais vous en avez déjà décroché deux à la mi-saison 2025, une avec Camden, et une avec Guillem. Quel bilan tire-t-on de cette saison 2025 ?

Nos pilotes ont vraiment bossé dur cet hiver avec Clément [Desalle], et honnêtement, ils méritent ces victoires. Avoir décroché une victoire de manche et un podium avec les deux, c’est top. Maintenant, il nous manque une victoire d’épreuve. Ils bossent pour ça, et je pense qu’on est compétitifs chaque week-end. En tant qu’équipe, on continue de se repousser et d’essayer de progresser pour leur permettre de chercher cette victoire de GP. La catégorie est vraiment impressionnante cette année. Pour moi, c’est clairement la référence de tout le championnat. Le fait qu’il y ait déjà eu cinq pilotes détenteurs de la plaque rouge montre à quel point le niveau est relevé. Je crois qu’on a aussi eu dix vainqueurs de manches différents, donc forcément, ça rend les victoires très compliquées à aller chercher. Ce n’est pas une excuse, évidemment, mais on bosse dur pour être à la hauteur.

Est-ce qu’on peut dire que Triumph a réduit l’écart avec les constructeurs bien établis du mondial MX2, comme par exemple KTM ?

L’équipe a fait le boulot pour aller en ce sens, et pour nous c’est vraiment fun de pouvoir se battre avec une marque comme KTM qui a eu énormément de succès. Ce sont les motos à battre, les références, clairement.

Finalement, c’est comment de travailler avec Guillem Farres ? Ce doit être un gros changement pour lui d’être en Grand Prix après son expérience américaine.

Guillem n’a jamais eu l’opportunité de faire une saison complète en GP, ni aux USA. Pour lui, il est important de se construire, et les deux formats sont très différents. En Europe, le format peut être éprouvant car les week-ends sont longs avec l’ajout du vendredi en plus du samedi et du dimanche. Il faut aussi s’adapter aux nombreux voyages dans différents pays et ça joue un rôle important. Son aventure aux USA lui a permis d’engranger de l’expérience qui lui est aujourd’hui bénéfique en GP.

Aussi, Guillem est arrivé chez nous après une blessure qui a été longue à soigner. Ce n’est pas comme s’il était simplement passé d’une moto à l’autre. Il s’est bien senti sur la moto, mais il a dû se reconstruire aussi pour qu’on puisse vraiment commencer à faire du testing pour voir où on se situait. Guillem est un garçon simple, il ne joue pas la diva. Je dirais qu’il nous fait confiance quand on prend des décisions pour faire des changements. Jusqu’ici, ça fonctionne bien avec lui.

À quoi a ressemblé l’hiver pour préparer la seconde année du projet Triumph en MX2 ? Vous avez fait des changements par rapport à l’année précédente ?

Oui, bien sûr, pendant la saison 2024, on a beaucoup appris, que ce soit sur la moto ou en tant qu’équipe. À la base, on était habitués à travailler avec des pilotes 450, donc c’était une approche très différente. On a ensuite cherché à améliorer certains aspects de la moto qu’on jugeait importants de revoir, tout en l’adaptant aux réglementations sonores. Autant dire qu’on n’a pas chômé. Clément a pris en main la préparation des pilotes, et il a fait un super boulot. C’est un point clé en MX2, où les pilotes ont vraiment besoin de ce soutien et de cette expérience. Nos deux pilotes roulent et s’entraînent chaque jour avec Clément, sur la moto comme physiquement. Ils sont en contact permanent, et bénéficier de ses conseils et de sa connaissance en tant qu’ancien pilote, c’est vraiment précieux pour eux. Camden & Guillem sont devenus très proches, ce qui a créé une super ambiance dans l’équipe — parfois on doit canaliser un peu tout ça — mais une fois sur la moto, c’est chacun pour soi.

avant d’être Team-Manager des effectifs Triumph MX2, Vincent Bereni était team-manager du team officiel Kawasaki. Un team repris par Ice One fin 2021 @Ray Archer

Les pilotes doivent aimer avoir un peu de liberté, tout comme les managers aiment que leurs pilotes suivent un plan bien établi. Est-ce qu’on se doit d’autoriser un peu de flexibilité ?

C’est une question qu’il faudrait poser aux pilotes, mais je peux tenter d’y répondre. Tout d’abord, je suis un manager novice. J’ai passé la majeure partie de ma carrière en tant que technicien, donc bien sûr, j’apprends tous les jours. Je dirais que je suis assez décontracté avec mes pilotes tant qu’ils font leur travail. J’attends d’eux un travail acharné et une implication à 200 %. Si ce n’est pas ce que tu me donnes, disons que je ne mâcherai pas mes mots. Parfois, les gens pensent que je suis dur, mais je suis bien plus dur avec moi-même, ce qui fait que je vais droit au but sur certains sujets. Tout le monde travaille dur pour obtenir des résultats.

En début d’année, on entendait que Camden n’allait pas rester au sein de l’équipe au-delà de la saison 2025. Qu’en est-il désormais ? Il semble désormais entendu qu’il pourrait rester.

On exécute le programme et on a une idée claire de la direction qu’on souhaite prendre – on transmet ça à Triumph, mais la décision finale leur revient quant à la suite des opérations. Ils travaillent bien sûr aussi sur des plans sur le plus long terme, basés sur les deux dernières années de travail. On a travaillé dur pour aider Camden à se faire un nom en MX2 et, en tant qu’équipe, on serait heureux qu’il reste avec nous, mais à l’heure actuelle, aucune confirmation n’a été donnée, dans un sens comme dans l’autre.

Mikkel a un contrat pour rouler en MXGP l’an prochain. Qu’en est-il ? Il se dit qu’il pourrait rester là-bas.

Pour l’instant, il y a beaucoup de discussions à propos de la saison 2026, et on ne peut rien confirmer.

Un temps pressenti sur le départ, McLellan pourrait bien prolonger chez Triumph l’an prochain, voir plus. @Ray Archer

Il semble que le développement de la 450cc se fasse plutôt discret ces derniers temps. Est-ce que vous avez commencé à travailler dessus ? J’imagine que Clément sera intégré au projet quand il débutera, s’il n’a pas déjà débuté.

Oui, Clément est toujours l’un de nos pilotes de testing. Je suis impressionné car entre les GP, il endosse son rôle de pilote testeur tout en aidant et en suivant les pilotes. Il fait beaucoup de choses pour Triumph en arrière-plan. Triumph contrôle un peu plus le côté 450. Nous, on a fait beaucoup pour poser les bases du programme 250 car on n’était pas encore présents sur les courses à l’époque. En tant qu’équipe, on apportera notre touche au projet 450, mais les fondations de ce projet sont entre les mains des ingénieurs de Triumph.

Il est peu commun de voir un constructeur mettre une machine sur le marché sans avoir de programme officiel. Cette année, c’est Tom Guyon qui a été le premier pilote à rouler sur la 450cc de Triumph sur le mondial.

En tant que team, on est concentrés à 200 % sur notre programme en MX2, et pas nécessairement sur la stratégie marketing de Triumph en général. Depuis le début, on savait que le projet de Triumph était d’aborder les choses étape par étape. Aujourd’hui, on fait partie de cette structure, mais on se concentre sur nos résultats sur le mondial MX2 à l’heure actuelle.

Si Mikkel ne revient pas en MXGP l’an prochain, est-ce que le team sera quand même engagé sur le mondial MXGP avec un pilote en 2026 ?

On travaille actuellement sur les projets pour la saison prochaine. Triumph bosse aussi sur son programme en Motocross pour 2026. Pour l’heure, rien n’a encore été confirmé pour 2026 et au-delà. Je ne peux pas commenter là-dessus. On sait qu’il y a un désir d’être en MXGP, et il se passera beaucoup de choses derrière les portes fermées pour pouvoir y parvenir.

Est-ce que vous pourriez envisager d’intégrer un pilote EMX250 au sein de votre structure dans un futur proche ?

Pour être très clair, ce n’est pas le plan à l’ordre du jour. Le team doit rester concentré pleinement sur le mondial MX2 et MXGP. Compte tenu du calendrier de l’Europe, je pense qu’il serait difficile de bien travailler sur tous les plans.

Vincent Bereni « Pour remplacer Mikkel, il nous a fallu revoir notre approche et notre stratégie »
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