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David Herbreteau « Les puristes y voient des inconvénients, j’y vois beaucoup d’avantages »

Image: 24MX Tour / Elite Motocross

David Herbreteau est du genre à aimer les challenges. Après avoir participé à quelques épreuves du championnat de France des sables sur son 500CR puis à l’Enduropale du Touquet sur la Triumph, le garçon s’est attaqué au championnat de France Elite MX1 avec la Stark Varg. Soutenu par la maison mère mais aussi par OxMoto, David a ramené un tout premier top 5 avec la Varg à Castelnau-de-Levis ce dimanche. Sixième du championnat, il nous livre ses motivations, et ses impressions. Micro.

David, tu évolues sur l’Elite MX1 avec la Stark Varg cette saison. Ça change du 500 CR. Comment ça s’est fait, et qu’est-ce qui t’a séduit dans ce challenge ?

Pour moi, tout a commencé il y a deux ans à la Rookies Cup. C’était le début de la commercialisation de la Stark, et OxMoto avait une Varg à disposition. Le vendredi, je me suis dit que ce serait cool d’essayer de rouler en course avec. OxMoto a demandé à Sébastien Tortelli si c’était jouable, parce qu’en fait, Stark Future était déjà présent sur place pour faire des essais de la moto. Ils ont accepté, donc j’ai roulé.

C’était vraiment au début de la commercialisation des Varg. Il y avait encore quelques petits bémols et défauts à corriger sur la moto, mais j’avais pu faire la course et me faire une idée. À la fin de ce week-end, j’avais soumis une idée à Sébastien Tortelli. Je lui avais dit « pourquoi ne pas rouler avec les Stark pour développer la machine en Motocross ?« . Ils avaient déjà un programme et des pilotes en Supercross et moi, je ne suis pas un pilote de SX. J’avais proposé un programme en Motocross, mais ça n’avait pas été plus loin que ça.

L’année suivante, rebelote. Stark Future était présent à la Rookies Cup. La moto avait subi des améliorations, j’ai de nouveau pu rouler avec la Varg d’OxMoto. J’ai gagné, sans être classé car j’avais dépassé l’âge maximal pour la Rookies Cup. En fin de week-end, même scénario. J’ai de nouveau discuté avec Sébastien pour leur proposer de faire un programme en Motocross pour développer la Varg dans la discipline en 2025. Ils avaient fait une grande avancée en Supercross, et ils avaient déjà des pilotes qui roulaient à l’international, et sur les championnats de France de Supercross avec la Moto. Quelques semaines plus tard, Sébastien m’a fait un retour. Il m’a proposé un programme en championnat de France Elite, en plus de quelques courses selon leurs demandes. Voilà.

Ce qui m’a séduit dans ce projet, c’était déjà la moto dans un premier temps et l’esprit de la marque, cette envie de développer quelque chose de nouveau et de montrer qu’une moto électrique était performante, qu’on pouvait faire de belles choses avec. En fait, c’est surtout de pouvoir montrer que c’est une moto qui peut très bien être utilisée par un bon pilote, que par un pilote amateur; montrer que cette moto-là peut aussi rouler à haut niveau. Je pense qu’on n’y est pas encore, qu’il y a un peu de travail à faire, mais toute l’équipe travaille là-dessus. L’usine est vraiment sur la bonne voie, ils bossent vraiment pour développer la meilleure moto possible et la meilleure moto électrique du marché. En fait, c’est déjà la meilleure moto électrique du marché, mais ils veulent aussi être l’une des meilleures motos parmi les thermiques; c’est ce qui m’a séduit.

En plus de ça, il y a ce côté pilotage, feeling, ce qu’apporte la Stark Varg au Motocross. Les puristes y voient des inconvénients, j’y vois beaucoup d’avantages. Je voulais défendre ce projet-là, aider à le mener à bien, donner la meilleure image possible de Stark Future et mettre ma pierre à l’édifice dans le développement de la Varg en Motocross.

C’est quoi ton statut au sein de Stark Future? Tu es pilote officiel comme Yannis Irsuti ou Eddie Wade ?

J’ai un contrat Stark, sans être un pilote officiel en fait. Les pilotes officiels, ce sont Wade, Zaragoza, Irsuti par exemple. Moi, j’ai un soutien de l’usine, un contrat avec l’usine, du financement de l’usine et le matériel de l’usine sans avoir le statut de pilote officiel. On s’est associés avec OxMoto. Antoine est un ami de longue date qui m’a toujours soutenu, je les représente aussi aujourd’hui. Avec OxMoto, on avait pour projet d’aider le développement, et de pouvoir mener à bien le projet de Stark en France de notre côté, à la base. On voulait aussi pouvoir faire marcher le commerce d’OxMoto avec Stark Future. Aujourd’hui, OxMoto m’aide sur la partie logistique, me laisse un mécanicien à l’année: Karl Barbarit, qui me suit sur toutes les épreuves.

@24MX Tour

Après 3 épreuves, tu pointes 6ème de l’Elite MX1 et tu viens de ramener le premier top 5 à Stark sur le championnat à Castelnau. Ça se passe comment, cette première moitié de saison ?

Top. J’ai signé mon contrat tard, et j’ai donc eu mes motos tard; peut-être une semaine et demie avant la première épreuve de Lacapelle-Marival. Je n’avais pas pu beaucoup rouler avec la moto, pas pu faire de testing suspensions. On y a un peu été à la bonne franquette pour être honnête avec toi. On avait le matos, tout ce qu’il fallait, mais c’était un poil juste au niveau du timing. J’ai fait faire un jeu de suspensions à Goby rapidement. Il avait déjà bossé sur des Varg, il avait un peu développé des suspensions pour la moto, il avait roulé sa bosse dessus.

On a été très surpris à Lacapelle-Marival. On avait fait des tests en Espagne en amont pendant l’hiver pendant deux jours, pour voir si la moto était capable de faire des manches complètes, de tenir sur la durée. On avait vu que les feux étaient au vert, c’est aussi ce qui a permis à Stark Future de lancer ce projet en Motocross. À Lacapelle, franchement, on fait un très bon résultat, douzième de mémoire. La batterie a tenu les deux manches. En fait, on a fini avec largement assez de batterie dans les deux manches; c’était top. Il y avait de très bons pilotes en piste, le résultat était cohérent pour nous. Après, c’est sûr que toutes les conditions étaient réunies: il faisait beau, la piste était propre, pas trop molle, pas trop dure. Tout était réuni pour que ça fonctionne.

Après Lacapelle, je me suis fait mal au genou à l’entraînement. Je n’ai pas trop communiqué là-dessus. J’ai été hors circuit pendant un bon mois. J’ai roulé à Pernes-les-Fontaines, mais j’avais toujours mal. En plus de ça, la piste n’était pas évidente, il y avait beaucoup de parties très glissantes. Et c’est vrai qu’avec la Stark, pour le moment, on est encore en train de chercher à limiter un petit peu le patinage sur les accélérations. La moto est très puissante, il y avait beaucoup de relance, des parties glissantes, et ça avait tendance à patiner un peu. L’usine développe et teste des solutions pour qu’on améliore ça, que la moto tracte mieux. En fait, ils bossent à fond à chaque fois pour apporter des évolutions à la moto. Gérer cette puissance, ce n’est pas toujours facile à ce niveau-là. Pernes, ça n’a pas été un week-end facile. Je m’en suis mis une bonne en première manche, et ça m’a bien freiné. Le résultat n’était pas top, mais c’est comme ça.

Ce week-end à Castelnau-de-Levis, c’était différent. La piste était vraiment bien, je me suis bien senti dès le matin. On ne va pas se le cacher, ça roule vite devant. La moto est encore jeune, elle a encore besoin de développement, mais on avait encore une amélioration de disponible sur la moto, et je l’ai ressentie dès les premiers essais. J’étais très à l’aise sur la moto, et tout s’est bien goupillé. J’ai fait un holeshot en première manche et j’ai terminé neuvième. On va dire que j’aurais dû finir 6ème mais pour le coup, la piste était très molle, ça adhérait énormément, il y avait de grandes montées, des grosses accélérations; c’était un terrain qui était exigeant et qui demandait beaucoup d’énergie à la moto. On a pu finir les manches, top, mais c’est vrai qu’on a encore besoin de travailler sur quelques petits points sur la moto pour les fins de manche. Je fais 9-7 de la journée, et 5ème du général. Un premier top 5 pour la Varg, c’était le top.

On a entendu les sceptiques, forcément, qui disaient que la moto ne tiendrait pas la durée des manches. Certes, on n’est toujours pas dans le sable de Lommel avec Romain Febvre mais tu n’es pas n’importe qui, tu mets du gaz, et tu termines des manches sur l’Elite – devant – avec la Stark. Il doit y avoir 95%, sinon 98% des pilotes qui roulent moins fort que toi. Montrer que la moto est capable de tenir des manches à ce niveau, c’était aussi un objectif ?

Je suis un peu surpris de voir comment la moto évolue à chaque course. On n’a pas de problèmes avec et ça, c’est top. C’est vrai que l’objectif de cette année, c’était de faire rouler la moto en compétition et de pouvoir montrer à la clientèle – ou à la future clientèle Stark – qu’ils pouvaient acheter une moto et faire leur week-end de course sans avoir le moindre problème.

La première manche à Castelnau a duré 37 minutes. Si moi, à mon niveau sur l’Elite, j’arrive à boucler une manche avec la Stark et à rentrer avec de la batterie, je pense que n’importe quel pilote de ligue va pouvoir en faire de même. L’objectif de cette année était aussi de prendre chaque départ, et de finir chaque manche. Pour l’instant, c’est un 6 sur 6. On a bouclé toutes les manches, et on a scoré à chaque épreuve. Le but de la démarche était aussi de montrer le potentiel de la moto, de montrer aux gens qu’ils pouvaient y aller les yeux fermés.

@Beyond Prod

Il me semble que la batterie de la Varg n’est pas rechargeable sans passer par la moto. J’imagine que tu utilises donc deux motos sur l’Elite pour faire une rotation. On peut savoir comment ça se passe à ce niveau-là, sur les épreuves pour toi ?

En soit, une moto avec une batterie que tu recharges peut largement te faire la journée de course. Nous, on arrive avec deux motos sur les épreuves, deux motos chargées. On a l’avantage – avec l’usine – d’avoir un peu de matériel, donc on a une batterie supplémentaire en rab’ qu’on charge aussi en amont de la course. En fait, c’est un peu le même principe que les pilotes qui ont des moteurs d’avance sur leurs thermiques. Je veux mettre l’accent sur le fait qu’on a largement le temps de recharger la moto complètement entre les séances sur le championnat de France Elite.

Pour le déroulement, ça se passe comme ça: on arrive avec deux motos chargées, je fais les essais libres. En général, s’il n’y a pas besoin de laver la moto, je demande à mon mécanicien de ne pas la laver pour éviter de chercher des problèmes pour rien à patauger dans la merde dans la zone de karcher. De là, on charge la moto, puis je vais faire mes essais chronos.

De là, le mécanicien va laver la moto parce qu’on a largement le temps avant la première manche qui se déroule vers 14h30 environ. Une fois lavée, la moto est de nouveau chargée. Je fais la première manche, et quand je rentre, c’est un peu le même principe. Si la moto n’a pas besoin d’être lavée, on ne la lave pas. En fait, la Stark nécessite très peu d’entretien le jour d’une course donc tu n’as pas grand-chose à faire dessus. Nous, pour le petit kiff personnel de la mécanique, on profite du matériel qu’on a et on change la batterie pour la seconde manche, au lieu de la recharger une nouvelle fois. On part avec une batterie qui est déjà chargée dans la moto pour la deuxième manche. En fait, on le fait parce qu’on peut, mais on pourrait largement la recharger entre les deux manches puisqu’on serait en mesure de faire la journée complète en rechargeant simplement la batterie d’une seule moto entre chaque séance.

Concrètement, il te reste combien de pourcentage de batterie après une manche, et est-ce que tu sens un changement de comportement au fur et à mesure de l’utilisation de la batterie ?

Ça, c’est un peu aléatoire. Ça dépend des conditions de piste, de la piste en elle-même. De la texture, de la météo, de plein de choses. À Lacapelle-Marival, je suis revenu avec 20% de batterie en première manche, et 23% en seconde manche. À Pernes-les-Fontaines, avec 24% et 25% en première et seconde manche.

À Castelnau-de-Levis, on a eu affaire à une piste qui consommait plus d’énergie, qui était beaucoup plus molle. On est revenus avec moins de batterie, mais assez pour finir les manches. Comme tout ce qui est électrique, il y a une perte de puissance à un moment donnée, car c’est cette énergie qui alimente le moteur. L’usine est justement en train de faire un gros travail pour pouvoir au mieux régulariser l’énergie disponible avec la puissance du moteur. On sent une petite différence au fil de l’utilisation, surtout dans les 15 derniers pourcents de la batterie. Je sais que c’est un axe de travail; ils sont en train de voir pour pousser les performances du moteur au plus tard dans la dégénération de la batterie.

@Stark Future

Il me semble que tu fais préparer tes suspensions par Goby. Dans l’essence et quand tu fais du testing suspensions avec la Varg, il y a des différences avec les thermiques avec le poids, l’inertie, tout ça ?

Exact, je bosse avec Steph’ depuis des années, je ne sais même plus combien de temps tellement ça commence à dater. J’ai toujours fait confiance à Steph’ à 8000%. Je ne te cache pas qu’au niveau des suspensions, j’ai lâché l’affaire. Quand je faisais mes saisons de Grand Prix, je me suis un peu perdu. J’avais des entraîneurs qui me faisaient changer ma façon de piloter, ma manière de rouler, etc. Je me suis perdu dans les réglages des suspensions. Quand j’ai rencontré Steph’, j’étais complètement largué et il m’a sorti de mon brouillard. Il a appris à me connaître, il m’a regardé rouler, et je lui ai toujours fait confiance depuis ce jour là.

Il me regarde rouler, et il voit des choses. Parfois, je lui dis ce que je ressens sur la moto, ce que je pense, ce que j’aimerais qu’on fasse, comment je vois la moto évoluer et il m’aiguille. Il était là à Castelnau par exemple, il fait tous les Elite. Il regarde, il me connaît, il sait comment j’aime ma moto et il arrive à vraiment bien me cerner, à faire travailler mes suspensions.

C’est vrai qu’il y a une grosse différence entre la thermique et l’électrique au niveau des réglages de suspension. Avec l’électrique, la moto a tendance a s’écraser un peu plus avec l’inertie, la puissance, la vitesse. On roule plus dur que sur une thermique, c’est certain.

Tu roules avec le frein arrière au guidon. Pourquoi ?

C’est un choix personnel. Je voulais juste du changement, je trouvais ça cool d’avoir le frein à la main. Techniquement, ça t’ouvre la porte à pas mal de choses et tu découvres un nouveau style de pilotage. J’avais besoin de ça, ça me faisait plaisir d’apprendre, et de découvrir une nouvelle façon de piloter. Ça change le positionnement des pieds, et la façon de piloter la moto.

Selon toi, quels sont les avantages et les inconvénients de cette Stark Varg ?

Parmi les avantages, je dirais l’entretien, la maniabilité, la puissance et le fait de pouvoir rouler à n’importe quel moment. Il n’y a pas de bruit, donc on ne dérange personne. L’inconvénient, je dirais que c’est le fait de devoir patienter pendant que la moto charge, c’est tout. Personnellement, je vois plus de positif que de négatif. Forcément, ce n’est pas aussi simple que de mettre de l’essence et de pouvoir repartir aussitôt. Si tu n’as pas deux motos ou une batterie de rechange, tu es — comme pour tout véhicule électrique — obligé d’attendre que ça charge. Ce n’est pas un gros inconvénient, mais c’est un inconvénient potentiel.

David Herbreteau « Les puristes y voient des inconvénients, j’y vois beaucoup d’avantages »
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