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Giacomo Gariboldi “Investir dans de nouveaux talents a toujours été ma priorité”

Image: Honda HRC

L’histoire de Giacomo Gariboldi, c’est celle d’un passionné qui a commencé petit en 2004, pour finalement devenir patron de l’une des équipes les plus prestigieuses du paddock MXGP. 5 fois champion du monde avec Tim Gajser (1 titre MX2, 4 titres MXGP), Giacomo Gariboldi vise une sixième couronne mondiale cette saison avec le pilote Slovène qui évolue au sein de sa structure depuis 11 ans déjà. Outre la présence de Tim Gajser – rejoint par Ruben Fernandez en 2023 – un certain Ferruccio Zanchi vient d’arriver chez les rouges cette saison pour reprendre le flambeau d’un programme renouvelé en catégorie MX2. Entretien avec le patron du team Honda HRC.

Giacomo, d’une structure évoluant au niveau national à l’une des meilleures équipes du mondial MXGP, vous avez construit un sacré team. Plus de 10 ans de collaboration avec Honda, beaucoup de succès au fil des ans avec un titre en MX2 et 4 couronnes en MXGP avec Tim Gajser. En y repensant, quand vous avez débuté avec Gariboldi Racing, est-ce que vous vous attendiez à aller aussi loin dans le sport avec votre équipe ?

C’est ma treizième saison avec Honda, après avoir débuté avec Yamaha et gagné un titre de champion d’Europe 250 avec Christophe Charlier en 2009. Honnêtement, quand – fin 2011 – j’ai décidé de faire la transition chez Honda, je n’aurais pas pu faire un meilleur choix dans ma vie ! Travailler directement avec le Japon, et avec un département motorsport aussi professionnel que celui de HRC est tout simplement un rêve. Ensemble, nous avons décroché 5 titres mondiaux avec Tim Gajser et ce, alors que Honda n’avait plus gagné en MXGP depuis 20 ans. Nous pouvons être très fiers de ce que nous avons accompli en si peu de temps. Nous avons développé l’une des meilleures équipes du paddock MXGP et avons ramené HRC à ses jours de gloires des années 80′ & 90′ quand personne ne pouvait les battre. Désormais, nous travaillons – pour les années à venir – afin d’avoir un avenir prospère avec les jeunes pilotes, mais aussi d’excellentes motos, avancées sur le plan technique afin de garder une longueur d’avance sur nos concurrents. Ça a été une très belle aventure, et je me dois de remercier toute mon équipe, ainsi que le personnel et la direction de HRC

Étant présent dans le paddock – au plus haut niveau – depuis plus d’une décennie, la passion est-elle la même après toutes ces années, et qu’est-ce qui vous pousse à continuer, année après année ?

La passion, c’est le moteur de ce sport. Si tu n’es pas passionné de ce sport, tu ne pourras pas faire de projet, investir, et te développer. Je suis très motivé, et je veux gagner encore de nombreux titres d’ici les prochaines années. La victoire, c’est l’essence qui alimente la passion. Plus tu gagnes, plus tu es motivé pour faire encore mieux par la suite.

Le sport et le mondial MXGP ont beaucoup changé ces 10 dernières années. Quelle serait la plus grosse évolution que vous avez pu observer durant cette période ?

Je pense que le plus gros changement dont nous avons été témoins ces dernières années, c’est le niveau de professionnalisation du paddock MXGP. Les nouveaux camions que nous avons introduits – avec le team Ice One – il y a quelques années sont un grand pas en avant pour l’image que nous donnons de nos partenaires, et pour nos équipes qui peuvent travailler durant les grands prix avec les plus hauts standards en terme de sécurité et de confort.

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@DR

Cette année, Honda fait son retour en MX2 avec Ferruccio Zanchi. À quel point ce retour était-il important pour vous, compte tenu que vous étiez focalisé sur le mondial MXGP ces dernières années ?

Le cap franchi par HRC pour revenir dans la catégorie MX2 était fondamental pour préparer la nouvelle génération de pilotes pour HRC. Investir dans de nouveaux talents a toujours été ma priorité durant ces 20 dernières années, et j’ai toujours beaucoup insisté sur ce point. Si nous voulons pouvoir trouver le nouveau Tim Gajser, nous devons tester les jeunes au guidon de nos 250 CR-F. Ferruccio Zanchi est un potentiel top pilote, une fois qu’il aura rassemblé toutes les pièces du puzzle. Nous savons que cela peut prendre un certain temps, mais nous avions besoin d’avoir un programme bien défini pour la catégorie MX2 également, et toute la direction de HRC est désormais très enthousiaste à propos de ce dernier.

Parlons de Ferruccio. Il a montré une grosse vitesse et du potentiel. Il a aussi chuté quelques fois, et décroché quelques résultats moyens cette année. C’est une saison de rookie pour lui; un nouveau team, une nouvelle moto, une nouvelle catégorie. Quel bilan tire-t-on de ses progrès cette année ?

En fait, Ferruccio dépasse nos attentes. Il ne faut pas oublier qu’il n’a que 17 ans et qu’il y a encore seulement deux ans, il roulait sur une 125cc. Il n’a fait qu’une saison en championnat EMX250, et il a directement fait la transition en mondial MX2 cette année; il a franchi beaucoup d’étapes en une courte période. À de nombreuses reprises cette année, il a terminé dans le top 6/8. Ferruccio a signé le meilleur temps lors des essais chronométrés en Italie et a terminé à une très belle 3ème place en manche qualificative. Il nous a montré qu’il pouvait égaler la vitesse des meilleures pilotes dès ses premiers essais dans cette catégorie très compétitive. Bien sûr, la saison prochaine nous en dira davantage sur son potentiel, mais je pense que s’il progresse comme on l’espère, en 2026, il pourra se battre pour le titre.

@DailyMotocross

En travaillant au fil des années avec Tim Gajser, comment s’est-il développé en tant que pilote, mais aussi en tant qu’homme et surtout depuis qu’il a opéré de gros changements dans son programme en 2018/2019 ?

C’est désormais la 11ème saison de collaboration avec Tim Gajser. Il est arrivé dans notre team à l’hiver 2013 et il n’avait alors que 17 ans – le même âge que Zanchi – donc nous travaillons ensemble depuis longtemps, et nous avons vu beaucoup de changements tant du côté du pilote que de l’homme. Comme je l’ai déjà mentionné dans quelques interviews, je pense que la saison 2024 est la meilleure “version” de Tim en tant que pilote. Il a beaucoup appris mais il a toujours cette vitesse incroyable dans toutes les conditions et il a tendance à prendre moins de risques que lors des saisons précédentes, lors desquelles il tombait assez souvent. C’est un pilote beaucoup plus mature, il est capable de mieux analyser le déroulement d’une course et d’établir des stratégies. Quand il était jeune, il était à fond partout et il tombait beaucoup; on l’appelait alors “l’homme élastique” parce qu’à chaque fois, il parvenait à se relever et à remonter sur la moto pour finir sans être blessé. Le gros changement pour Tim – en tant qu’homme – est intervenu quand il a décidé de marcher tout seul, sans la présence permanente de son père. Ça a été une grosse décision pour lui, car il avait passé toute sa vie aux côtés de son père et il a dû apprendre – rapidement – comment construire sa vie privée, mais aussi professionnelle. Il y est parvenu avec succès puisque, après sa séparation, il a de nouveau remporté trois titres de champion du monde !

Ayant rencontré autant de succès avec Tim ces 10 dernières années, est-ce que cela ajoute une pression supplémentaire chaque saison sachant que Tim et le team Honda HRC sont censés performer, saison après saison ?

Quand tu fais partie d’une équipe comme le team HRC, il faut être capable de supporter la pression. On sait, et tout le monde sait également, qu’on se présente sur les grands prix pour gagner, et pas simplement pour participer. Tout le monde au Japon et à travers le monde entier s’attend à ce que notre équipe gagne des courses et soit constamment présente sur le podium, et ce doit être l’état d’esprit de chaque personne impliquée: pilotes, mécaniciens, sponsors et partenaires. Si tu ne peux pas supporter cette pression, il y a de nombreux autres teams qui sont présents dans les paddocks.

@DailyMotocross

Ruben Fernandez a également montré son potentiel en catégorie MXGP depuis 2022. L’an dernier, il a réalisé une très belle saison au guidon de la 450 CR-F officielle. C’est vraiment dommage qu’il se soit blessé cette saison, car vous deviez avoir de grosses attentes à son sujet, tout comme lui.

Oui, c’est certain. Cette année, on s’attendait à voir Ruben se battre pour le podium à chaque grand prix. On a également ajouté la présence d’un entraîneur et conseiller très expérimenté au programme en la personne de Jacky Vimond, pour l’aider et combler les écarts qu’il pouvait y avoir avec les autres tops pilotes. Malheureusement, il s’est blessé lors de la première manche qualificative de la saison en Argentine et tous ses rêves, comme les nôtres, sont partis en fumée. Ruben a la vitesse de rouler avec les trois meilleurs du championnat, il faut juste qu’il puisse rester sur ses deux roues et qu’il s’entraîne avec régularité. On espère qu’il sera en mesure de montrer quelque chose d’ici l’une des dernières épreuves de la saison, puisqu’il est de retour en Suisse.

Vous étiez également présent sur le World Supercross ces deux dernières années avec Honda Nils. Quelques teams ont quitté l’aventure, c’est le cas de votre structure. Est-ce qu’on peut discuter des raisons de ce départ ?

Quand le projet World Supercross a été annoncé il y a trois ans, j’étais le tout premier fan à l’idée d’avoir un championnat de Supercross ici même, en Europe. Je leur ai donné tout mon soutien. J’ai démarré une seconde structure juste pour le championnat du monde de Supercross, et les premières épreuves ont été incroyables; de belles courses, beaucoup de spectateurs dans les stades, je pensais que ça allait être le futur de notre sport. Le projet était bon, le calendrier devait progresser au fil des saisons avec toujours plus de dates excitantes et un beau support financier pour les teams comme pour les pilotes. Et puis d’un coup, tout a commencé à changer. L’investisseur principal s’est retiré et il n’y avait plus de calendrier, ni la garantie que le championnat allait pouvoir continuer.

Finalement, de nouveaux investisseurs ont repris la main, mais les annonces pour la saison 2024 sont arrivées trop tardivement. Les lieux où les épreuves étaient organisées n’étaient pas excitants, et il n’y avait pas un seul round en Europe !!! Exactement comme les rumeurs le présageaient l’hiver dernier. Donc nous avons décidé de faire un pas de côté, et d’attendre de voir ce qu’il adviendrait de cette saison avant de décider si on reviendrait en 2025. Ce que je peux dire, c’est que l’idée était excellente, c’était une bonne opportunité pour les constructeurs de montrer ce qu’était le Supercross et pas seulement aux USA, mais aussi à travers le monde et particulièrement de pouvoir toucher de nouveaux marchés sur lesquels ces constructeurs vendent des millions de motos. J’espère vraiment que la nouvelle direction du World Supercross pourra faire renaître un championnat crédible avec un calendrier cohérent pour les années à venir.

@Honda Nils

Infront Moto Racing a annoncé l’arrivée d’une catégorie E-MXGP à l’horizon 2026. Serez-vous impliqué dans cette catégorie sachant que Honda a montré de belles choses avec sa CR-E sur le championnat E-Xplorer Cup. Est-ce qu’il est là, le futur de notre sport ?

Nous sommes toujours en attente de savoir quels sont les plans définitifs du Japon de ce côté-là, mais je pense que Honda sera intéressé car nous avons cette Honda CR-E qui est prête à rouler. En ce qui concerne le Motocross électrique, je ne pense pas que ce sera le futur de notre sport. Des carburants éco-responsables sont désormais à l’étude et il se peut que l’avenir se dirige plutôt dans cette direction.

Triumph est arrivé en MX2 cette année. Kawasaki se remet à investir en MX2, tout comme Honda. Plus de guidons, plus d’opportunités, mais aussi plus de compétitions quand vient l’heure de signer un pilote. Il est dit que vous signerez un deuxième pilote MX2 pour l’an prochain. Avec ces nouveaux guidons sur le marché, est-ce qu’il devient plus difficile de signer un bon pilote ?

Toute cette compétition entre anciens constructeurs et nouveaux arrivants apporte simplement plus de visibilité et d’opportunité – au plan business – à notre sport, et c’est exactement ce dont nous avons besoin. Ces nouveaux guidons sont absolument bienvenus, et cela permettra aussi d’avoir de nouveau des grilles remplies avec 40 pilotes, comme le veut l’essence du Motocross. Avec une planification judicieuse, tu peux signer le pilote qui t’intéresse et je me dois de dire que dans notre cas, nous devons décliner beaucoup de demandes d’agents de pilotes qui veulent rouler avec nos CR-F. Je pense que rouler pour HRC, c’est un peu comme vouloir rouler pour Ferrari en F1, c’est un rêve pour la plupart des pilotes !

@Honda HRC

Giacomo Gariboldi “Investir dans de nouveaux talents a toujours été ma priorité”
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