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Kevin Horgmo “je suis vraiment content d’être arrivé là où j’en suis aujourd’hui”


Meilleur rookie mais aussi meilleur pilote non-factory du championnat du monde MXGP cette année, Kévin Horgmo réalise une grosse saison au sein du team Honda SR Motoblouz. Signé à l’intersaison dernière, la nouvelle recrue de Josse Sallefranque a déménagé ses quartiers en France l’hiver dernier pour se préparer sous la coupe d’Yves Demaria, aux côtés de son coéquipier Valentin Guillod. 8ème du GP de Suisse ce week-end mais également 8ème du provisoire MXGP, Kévin Horgmo s’avère être l’une des révélations de l’année dans la catégorie. Un garçon généreux sur la poignée de gaz, comme en interview. Micro.

Kévin, une huitième place au général en Suisse. Ce n’est pas ton meilleur week-end de la saison, mais c’est un nouveau gros résultat dans le top 10 de nouveau. On s’est senti comment, à Frauenfeld ?

C’est sûr que ce n’est pas mon tracé favori, mais je pense que les conditions m’ont vraiment convenu, surtout le dimanche. Malheureusement, mes départs n’ont pas été terribles. Le samedi, j’ai dû revenir de la 20ème à la 7ème place pendant la manche qualificative. En première manche le dimanche, je suis revenu de la 20ème à la 12ème place avant de tomber, pour revenir 11ème. Le résultat était correct. En seconde manche, j’ai fait un départ aux alentours de la 12ème place et je suis remonté 8ème. Je pense que si j’étais parti devant, l’histoire aurait été toute autre, mais on ne peut pas toujours partir devant. Je me sentais vraiment bien, même si ce n’est pas mon terrain préféré, j’ai pris du plaisir ce week-end.

Tu me parles du circuit, j’aimerais ton opinion sur Frauenfeld. C’est un circuit qui est à la hauteur d’un championnat du monde de Motocross ?

Oui et non. En fait, il faut qu’on évolue sur différentes pistes. Oui, c’est un petit terrain mais pour le championnat, il faut des terrains variés donc ce n’est pas un problème. Selon moi, ils pourraient un peu améliorer la disposition du circuit, comme la longue ligne droite dans le fond du circuit, avant de revenir sur le dévers. On pourrait facilement améliorer cette partie de la piste. Globalement, j’aime qu’on ait un championnat sur lequel chaque tracé est différent. Il y a de grosses pistes, certains plus petites. C’est ce que doit proposer un championnat du monde, on peut ainsi voir qui est vraiment le meilleur et le tracé reste de toute façon le même pour tout le monde.

Faire la transition à la catégorie MXGP n’est pas une mince affaire pour tout le monde. J’imagine que tu avais des attentes durant l’hiver, nous aussi on avait fait quelques projections à ton sujet. Est-ce qu’on peut affirmer que tu dépasses les attentes, cette saison ?

Oui, c’est certain. J’avais pour objectif de jouer le top 10, mais je ne m’attendais pas à me battre dans le top 10 à chaque épreuve. Pourtant, j’ai le sentiment qu’à chaque week-end et même si je ne suis pas à 100%, je suis tout de même capable d’être proche du top 10 avec un bon départ. En fait, cet hiver j’ai roulé avec Valentin [Guillod]. J’avais vu qu’il avait la vitesse pour jouer dans les 7 à de nombreuses reprises l’an dernier. À l’intersaison, j’ai été en mesure d’égaler sa vitesse sur certains terrains, alors je savais en débutant la saison que tout était possible même si l’entraînement et la course, ce sont deux choses bien différentes. Je pense que j’ai franchi un cap lors des courses du mondial car sur le championnat de France Elite, j’ai un peu galéré, mais à chaque fois qu’on allait sur les grands prix, j’ai redoublé d’efforts et je me suis toujours senti plus à l’aise sur les pistes des GP car ce sont des pistes sur lesquelles j’ai déjà roulé à de nombreuses reprises.

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En 17 GP disputés, Kevin Horgmo a intégré le top 10 overall à 11 reprises @DailyMotocross

Si mes souvenirs sont bons, à Sommières, tu m’avais dit que tu ne connaissais pas grand-chose sur l’équipe Honda SR avant de signer chez eux. Ça a été un saut vers l’inconnu pour toi, car tu te retrouvais à déménager en France, pour faire la transition en MXGP sur une nouvelle moto. Finalement, il s’avère que c’était une très bonne décision pour tes débuts en 450.

Oui. En fait, ce qui a été important pour moi, c’est que j’ai senti que le team ShipToCycle Honda Motoblouz SR voulait vraiment de moi, ils m’ont montré qu’ils voulaient travailler avec moi. Du coup, j’ai tout de suite eu plus confiance en eux car ils ont vraiment fait en sorte de m’avoir parmi leurs effectifs, ce n’est pas comme si j’avais eu à me battre pour un guidon au sein d’une autre équipe; dans ce cas-là, tu sens parfois que l’intérêt n’est pas mutuel. Je ne connaissais pas grand-chose à propos du team ShipToCycle Honda Motoblouz SR, mais j’avais vu ce qu’ils avaient fait avec Valentin [Guillod] l’année dernière sur une moto complètement d’origine. Je savais que leur programme était bon. Pour moi, l’hiver est également très important et passer l’hiver dans le sud de la France, c’était vraiment top. On est loin du froid de la Hollande, et cet hiver j’ai vraiment pris du plaisir. Je suis resté en France six mois sans rentrer chez moi en Norvège, à l’exception d’un week-end, et ça ne m’a pas manqué. J’aime vraiment être en France avec le team, c’est comme une seconde maison pour moi. C’est important, pendant cette longue période hivernale, de se sentir vraiment bien là où tu vis.

Dirais-tu que travailler avec Yves Demaria a joué un rôle important dans tes progrès et dans les résultats décrochés cette saison ?

C’est sûr. Yves me donne toujours des informations qui m’aident, et il m’aide aussi à être dans une bonne position mentalement. Il va me dire “Okay, tu n’as pas fait un bon résultat mais niveau pilotage, c’était très bien Kévin” ou encore “On va plutôt se concentrer sur les points positifs”. Il arrive à m’aider à me concentrer sur les points positifs, grâce à lui j’ai de nouvelles perspectives à chaque fois que je suis sur les courses. Aussi, il m’a beaucoup apporté sur le plan technique durant la préparation hivernale et, même si je pense que j’ai toujours eu une bonne technique, Yves a été impressionné de voir comment je roulais en 450 et à quel point j’avais réussi à bien m’adapter à la moto dès décembre. Pour moi, c’est surtout important de pouvoir travailler avec Yves sur l’aspect mental aujourd’hui.

Quand on parle aux pilotes non-factory, le discours qui revient souvent c’est de dire qu’il est impossible de se battre avec les pilotes d’usine sans matos d’usine. J’imagine que tu prouves que c’est possible.

Je pense que c’est tout à fait possible. Parfois, c’est plus déroutant qu’autre chose d’être un pilote d’usine car tu as tellement d’options et de possibilités de faire des changements sur la moto que tu te perds. Nous, on a la liberté de pouvoir faire ce qu’on veut sans avoir à demander à qui que ce soit, et devoir attendre deux mois que nos changements soient approuvés. C’est l’un des côtés positifs. D’un autre côté, on a des réglages de base et on ne peut pas trop s’en éloigner non plus, donc il faut s’habituer à ce qu’on a et faire en sorte que ça fonctionne un peu partout. Ce qui va par contre nous pénaliser un peu plus face aux pilotes Factory, c’est surtout au niveau des départs. Après, je ne sais pas d’où ça vient réellement. Peut-être que c’est mental parce que sur la grille, quand je me retrouve entre Jorge Prado et Jeremy Seewer je me dis forcément “M*rde, il va vraiment falloir que je fasse une bonne sortie de grille si je veux partir devant ces mecs là”. Il y a ce petit truc qui fait qu’on manque un peu de régularité au niveau des départs. Eux partent toujours devant, et nous on part parfois devant, parfois pas. Peut-être que leur embrayage est différent, quelques pièces et modifications les avantagent un peu plus aux départs mais bon, c’est comme ça. En fait, c’est difficile à dire car je n’ai jamais été dans un team usine [rires]. Ceci dit, aujourd’hui je sais ce que j’ai, où j’en suis, et je suis très content d’être ici. Je préfère franchir une étape de plus avec les personnes qui m’entourent actuellement, car c’est plus satisfaisant que partir après une saison pour reprendre à zéro ailleurs. C’est bon de pouvoir leur rendre la pareille, et de continuer pour une saison supplémentaire avec ShipToCycle Honda Motoblouz SR.

Son meilleur résultat de la saison, le pilote Norvégien l’a décroché en Indonésie avec une 6ème place @DailyMotocross

J’imagine qu’après une mauvaise course, tu rentres énervé au camion. Par curiosité, est-ce qu’il t’arrive – dans ces moments-là – de regarder en arrière, de repenser au chemin parcouru et de te dire “J’ai rêvé de tout ça en étant plus jeune, et j’ai réussi” ?

Absolument tous les jours. Ce week-end, j’ai terminé 8ème et je me suis dit que j’aurais pu faire bien mieux si j’étais parti devant. Et puis je repense à mon parcours: il y a 10 ans, j’étais juste un pilote Norvégien lambda et désormais j’évolue dans la catégorie reine du mondial MXGP, et j’en suis rendu à me dire que finir 8ème c’est presque une déception. C’est quand même un bon résultat, mais je sais que j’en ai bien plus sous le coude. C’est sûr que si on repense à l’objectif initial, je suis vraiment content d’être arrivé là où j’en suis aujourd’hui, et de pouvoir vivre de ce sport.

Vu tes résultats cette année, le prochain objectif doit être de pouvoir intégrer le top 5 régulièrement puisque tu es présent dans le top 10 quasiment à chaque épreuve. Qu’est-ce qu’il manque, pour intégrer ce top 5 ?

Difficile à dire. Je pense que c’est plus ou moins une question de départ; partir devant permet d’apprendre des meilleurs pilotes. Il faudrait aussi que je sois un peu meilleur lors des essais qualificatifs, pour avoir de meilleures places sur la grille et espérer de meilleurs départs en manche qualificative; de là je ne devrais pas être trop loin. Il me manque encore un peu de vitesse pure. Lors des manches, je suis comme un diesel. Je suis toujours en forme vers la fin des manches, mais il me manque ce petit truc en plus au niveau de la vitesse. J’ai encore un peu de mal, avec la 450, à aller vraiment à fond. Quand tout es sous contrôle, je suis plutôt bon, assez fluide, mais dès que j’attaque à fond pendant un tour, je me retrouve presque à rouler moins vite [rires].

Meilleur rookie cette année, meilleur pilote non-factory également. J’ai le sentiment qu’on ne t’accorde pas le crédit que tu mérites cette année. Est-ce que c’est ce que tu te dis, parfois ?

Oui et non. Je pense que beaucoup de gens arrivent à apprécier ce que je fais cette saison, mais c’est sûr qu’on se concentre davantage sur le top 3, ce sont les places importantes. Personne ne s’intéresse à nous autres, derrière [rires]. Surtout au niveau de la production TV. C’est sûr que ce serait top pour les teams et les pilotes privés d’être un peu plus mis dans la lumière mais d’un autre côté, je pense aussi que beaucoup de gens remarquent qu’on fait un excellent boulot cette année.

 Faire 8ème d’un GP, c’est finir juste derrière les Gajser, Herlings, Prado, Seewer, Febvre … Est-ce qu’on se demande parfois ce qu’il va falloir faire pour parvenir à se battre avec eux ?

Tout le temps. Je suis quelqu’un de très curieux et j’essaie toujours de revisionner les manches pour voir ce qu’ils font de plus, ou de différent. Je n’ai pas encore vraiment trouvé; c’est difficile de se mettre dans la peau de ces mecs-là. On ne se voit pas beaucoup non plus également hormis sur les courses, mais j’essaie d’analyser ce qu’ils font. J’ai l’impression qu’ils sont toujours sur un rapport supérieur, et qu’ils vont tout simplement un tout petit peu plus vite partout, ils sont un peu plus fluides. Aussi, ils sont toujours devant au départ, et c’est vraiment important car la catégorie MXGP est vraiment très, très homogène. Quand je pars 12ème ou 13ème, je suis un peu bloqué dans le même rythme pendant les 10 premières minutes. J’ai du mal à aller de l’avant mais une fois que mon diesel se met en route, j’arrive à doubler des pilotes vers la mi-manche et en fin de manche. Il me faudrait un peu plus d’intensité en début de manche, il faut que je travaille dessus mais c’est difficile à faire en plein milieu de la saison. Désormais, c’est surtout l’aspect mental qui est important. Il faut s’aligner sur la grille en étant prêt à ce qu’il va arriver, et essayer de rentrer dedans un peu plus rapidement en début de manche.

Kevin Horgmo a d’ores et déjà prolongé son entente avec ShipToCycle Honda Motoblouz SR pour la saison 2025 @DailyMotocross

Tu as été déclassé en France avec Jeremy Seewer. Ça a en quelque sorte démarré une controverse et beaucoup de pilotes se sont mis à parler de la sécurité des pilotes, des tracés, des retardataires, des commissaires de piste. Ce sont des sujets importants à mettre en avant ?

Bien sûr. La sécurité, c’est toujours important. Que les commissaires soient visibles, c’est très important ! Je pense qu’après ces quelques incidents, ils ont essayé de s’améliorer. Pour moi, il y a aussi beaucoup de dangers aux abords des pistes. Par exemple, ça fait 20 ans qu’on va sur la même piste chaque année et qu’on retrouve le même bloc de béton en bord de piste; parfois je me demande qui a pensé que c’était une bonne idée de mettre ça là. Si tu sors de la piste à cet endroit-là … Bien sûr, tu n’es pas censé sortir de la piste mais en Motocross, ça arrive. Tu n’as aucune marge d’erreur si tu sors de la piste. Dans les autres sports, si tu sors de la piste ils font en sorte que tu sois en sécurité, mais pas en Motocross. On a des panneaux publicitaires, des poteaux et tout le reste. Il faudrait prendre un peu de recul et se demander ce qu’il pourrait arriver si un pilote sort de la piste à tel ou tel endroit; c’est important. Je sais qu’il n’est pas possible d’être parfait sur ce point parce qu’il n’y a pas beaucoup d’espace, mais il serait assez simple de faire quelques modifications pour améliorer la sécurité.

Tu écumes les paddocks depuis quelques années. Tu connais donc la plupart des circuits du calendrier car ils reviennent bien souvent, saison après saison. Certains terrains ne changent pas du tout depuis des années. Est-ce que ce serait un de tes souhaits, de voir les organisateurs faire des efforts sur les pistes, les modifier un peu plus, pour éviter la routine ?

Oui, ce serait bien. Chaque année, on se pointe sur un circuit et ils font leur maximum pour qu’il soit encore moins rapide que l’année précédente. Chaque année, ils changent de petites choses, mais on parle d’un roller avant un virage, ou de quelques vagues histoire qu’on aille moins vite comme à Loket par exemple. J’ai le sentiment qu’ils essaient de faire en sorte que les circuits soient moins dangereux en les rendant moins rapides, mais ça altère aussi les courses. J’aimerais bien que les pistes soient un peu plus ouvertes, qu’on puisse un peu plus utiliser la largeur, se déplacer, créer de nouvelles traces et jouer avec la piste. Ce dimanche en seconde manche, j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir parce qu’on pouvait faire exter-inter ou inter-exter, suivre les trajectoires ou les recouper, vraiment changer de trajectoires. Pour moi, c’est le plus important. Pour améliorer un terrain un petit peu chaque année, pas besoin de refaire complètement le circuit où de l’emprunter dans l’autre sens. Il faut juste faire quelques petits ajustements pour améliorer les courses, pas réduire la vitesse. Ça rendrait finalement les terrains moins dangereux, et plus intéressants pour les courses.

Kevin Horgmo “je suis vraiment content d’être arrivé là où j’en suis aujourd’hui”
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