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Glenn Coldenhoff “Ça ne se passe pas comme je le voudrais”

Interview: Tom Jacobs

Glenn Coldenhoff est l’un des pilotes les plus réguliers de la catégorie MXGP. Double vainqueur par équipe au Motocross des Nations, le Néerlandais n’a jamais terminé en dehors du top 10 final en 9 saisons en catégorie reine. Quatrième la saison passée pour son dernier mandat chez Yamaha, Glenn Coldenhoff est désormais officiel Fantic cette année – toujours pour le compte de Louis Vosters. Actuel 8ème du championnat MXGP avant l’Allemagne, Glenn n’a pas encore intégré le top 5 d’épreuves et ne saurait se satisfaire de ce début de saison 2024. Micro.

Glenn, quel bilan dresses tu des sept premiers GP de la saison ?

Pour l’instant, ça ne se passe pas comme je le voudrais. J’essaie de régler certaines choses. J’avais l’intention d’inverser la tendance au cours des trois dernières courses, car ces épreuves consécutives peuvent vraiment t’aider à t’améliorer et à te préparer pour la suite. Le GP d’Espagne s’est plutôt bien passé, mais le Portugal et la France ont été plutôt mauvais. J’ai terminé 4e d’une manche à Agueda, mais je garde un mauvais arrière-goût lorsque le résultat n’est pas à la hauteur des attentes. Maintenant, on se remet au travail avec trois autres GP consécutifs. Je suis très motivé pour revenir devant, on continue à travailler et normalement, le travail acharné est toujours récompensé.

Est-ce que ces courses consécutives sont plus difficiles à aborder, parce qu’il y a peu de temps pour faire des ajustements entre chaque ?

C’est plus une question d’habitude. Avec seulement quelques jours d’intervalle entre les courses, il n’y a pas grand-chose à faire pour s’améliorer. Une partie du temps libre est consacrée au voyage, une autre à la récupération. Il ne reste donc qu’un voir deux entraînements moto. C’est pourquoi le temps dont on disposait après la France était important, pour en faire le meilleur usage possible. Mais je reste optimiste pour les prochains GP.

Roan van de Moosdijk a été rapidement remplacé par Brian Bogers chez Fantic. Est-ce que ça a eu un impact sur la dynamique de l’équipe ? Le fait d’avoir un coéquipier plus expérimenté fait-il une différence ?

Pas vraiment, ce n’est pas nécessairement une meilleure situation pour moi. J’avais une bonne relation avec Roan et les réglages qu’il avait sur sa moto et ceux que Brian a maintenant sont très similaires. Quand tu as un coéquipier – et quel qu’il soit – tu peux partager des informations avec lui. Mais en dehors de la moto, je m’entends bien avec Brian. On se connaît depuis longtemps. C’est un bon gars, agréable. Alors oui, je suis content de l’avoir dans l’équipe.

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Jusqu’à l’année dernière, Kevin Strijbos était l’entraîneur de Romain Febvre. Tu as commencé à travailler avec lui cette année. Ça se passe comment ?

C’est très positif. Je suis content de ma collaboration avec Kevin. Il m’aide dans tous les domaines, pour me préparer. On partage la même vision sur la manière d’être en forme physiquement en tant qu’athlète. Kevin est très expérimenté, et c’est une bonne chose de pouvoir partager cette expérience. De plus, il s’y connaît très bien en réglages moto, etc. Je lui pose des questions quand j’essaie de résoudre quelque chose. Kevin a eu une longue carrière au haut niveau, ce qui fait de lui une ressource très précieuse.

De John Van Den Berk à Harry Everts en passant par Joël Smets, Ryan Hughes, Kenny Vandueren, Bart Nelissen et quelques autres. Au fil des ans, tu as travaillé avec une poignée d’entraîneurs. Est-ce que ça change, d’un entraîneur à l’autre ?

Je pense que j’ai toujours été très motivé, et curieux d’apprendre. Je suis ouvert à la recherche de nouvelles façons de m’améliorer. Bien sûr, mes références ont évolué avec le temps. Après toutes ces années en MXGP, je sais ce qui fonctionne pour moi, et ce qui ne fonctionne pas. C’est de ça que je parle la plupart du temps avec Kevin. Les petites choses à adapter dans mon programme : Sur quel circuit doit-on aller pour les entraînements ? Est-ce qu’on doit changer notre façon de travailler à la salle de sport ? Faut-il faire de plus longues sorties vélo ou y ajouter plus d’intervalles ? Une chose qui ressort surtout, c’est le besoin de simplicité. Il ne faut pas trop compliquer les choses dans son programme d’entraînement. Il faut bien faire les choses, et le travail acharné portera ses fruits. C’est vraiment l’essentiel.

Depuis l’année dernière, les manches qualificatives distribuent des points aux 10 premiers. Ça a impacté les courses ?

Même avant l’introduction de ce système de points pour les qualifications, les manches en MXGP étaient déjà devenues plus intensives. Au cours de mes premières saisons dans la catégorie, il s’agissait avant tout de trouver son rythme. Prendre un bon départ, trouver son rythme et peut-être, si on était encore en forme, tenter d’attaquer sur la fin de manche. Aujourd’hui, tout le monde est en super forme et dès le premier tour, le rythme est relevé et ce, jusqu’au drapeau à damier. Il n’y a pas le temps de se relâcher. Chaque course, chaque manche, que ce soit le samedi ou le dimanche, est disputée à très haute intensité. C’est une grande différence par rapport à il y a 3 ou 4 ans.

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Cette saison, de nombreux fans ont le sentiment que les courses sont plus disputées en MX2. Ils pensent probablement que les pilotes MXGP sont moins sur le fil à cause de la puissance des motos, des risques plus élevés, et aussi de l’expérience des pilotes. Tu es d’accord avec ça ?

Je ne vois pas les choses comme ça. Tous les pilotes qui sont aux avant-postes en MXGP attaquent, et prendre des risques fait partie du jeu. La plupart du temps, les différences en piste sont minimes. Il y a 4 pilotes de tête avec Gajser, Prado, Febvre et Herlings, puis il y a un petit groupe dans lequel je suis présent normalement. Aussi, on ne peut pas nier que les erreurs sont plus pénalisantes sur une 450. Jorge (Prado) m’a dit la semaine dernière qu’il avait évité d’envoyer le saut de Saint-Jean d’Angély où Thibault Benistant a chuté. Il suffit de tomber une fois pour se blesser et perdre toute chance de titre; c’est une réalité. De ce point de vue, les pilotes MXGP sont probablement plus calculateurs. Sur une 450, tu peux flirter avec les limites et t’en tirer avec un ou deux avertissements, mais si tu en fais trop, tu sais que tu finiras par en payer le prix. À chaque chute, on espère que ce ne sera pas trop grave.

Tu n’est pas arrivé sur le mondial tel un enfant prodige, ni comme quelqu’un qui a remporté des titres mondiaux et européens dans ta jeunesse. Année après année, tu as continué à travailler pour gagner. De quoi es-tu le plus fier ?

D’avoir réussi à aller aussi loin, je pense. Gamin, je ne me suis jamais dit que je deviendrais un pilote d’usine et que je gagnerais des GP. Oui, j’aurais aimé avoir signé plus de podiums et plus de victoires en GP, mais on continue d’aller de l’avant. Je continue à prendre du plaisir en travaillant dur, mais je dois admettre qu’une grande partie du plaisir vient des résultats. Si tu ne signes pas de résultats, comme c’est le cas ces derniers temps, le processus est un peu moins fun ! Mais ça rend aussi plus intéressant le défi que je dois relever pour retrouver les places qui sont miennes. Il faut continuer à y croire, et à faire des efforts.

Tu as fait du BMX avant de faire du MX, dans les traces de ton frère Kay. À l’inverse de la majorité des pilotes aujourd’hui, tu ne viens pas d’une famille qui a vraiment fait du Motocross. Est-ce que ça a été un désavantage pour toi ?

Je n’ai jamais considéré ça comme un obstacle. Mais les temps ont beaucoup changé. Avant de participer au championnat d’Europe 85cc, je n’étais jamais allé sur une piste en dur. C’est à partir de ce moment-là qu’on est allé à l’étranger pour s’entraîner sur des terrains bétons pour la première fois. Aujourd’hui, les jeunes pilotes vont partout pour s’entraîner, sur tous les types de terrain. Je viens d’une famille très “normale”, on n’était pas très riches et tout le processus a été assez lent. Le chemin a été long, c’est certain. Pourtant, rien de tout ça ne serait arrivé sans l’aide de sponsors extra-sportifs. Certains d’entre eux, comme Van de Wetering, me soutiennent depuis le premier jour. Je suis très reconnaissant de ce genre de soutien et de fidélité.

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Tu es plutôt doué sur un BMX, et les Pays-Bas ont une belle histoire dans ce domaine avec Niek Kimmann, les sœurs Smulders, Jelle van Gorkom et bien d’autres. Tu aurais pu aller jusqu’au niveau olympique ?

Je n’en suis pas certain ! J’ai fait de la compétition en BMX pendant deux ans. C’est un sport sympa, mais je n’aimais pas le fait de devoir attendre autant de temps avant de pouvoir disputer la prochaine course, qui ne dure d’ailleurs qu’un tour. Alors, entre les courses, on creusait pour construire des sauts avec les copains. C’est ce que je faisais à chaque fois quand j’étais jeune. Quand je faisais du BMX en compétition, mes parents venaient un jour avec moi et l’autre jour, on allait faire du MX pour mon frère. Je me suis dit que j’allais rendre les choses un peu plus faciles pour tout le monde en faisant aussi du motocross. Avec tous ces gens autour de moi qui faisaient du MX, l’attrait était évident. Et ça a bien fonctionné. J’ai repris la vieille moto de mon frère, et on a commencé à s’entraîner ensemble.

Quel objectif te reste-t-il à cocher après 15 ans en grands prix ?

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J’aimerais bien gagner mon Grand Prix aux Pays-Bas, à Arnhem. Je suis monté deux fois sur le podium à Assen. Monter sur la plus haute marche du podium, voir les fans et entendre l’hymne national, c’est vraiment une belle émotion. J’ai goûté au partage de la victoire lors du Motocross des Nations à Assen en 2019. Et c’est évidemment spécial de gagner à Lommel aussi. C’est la course la plus exigeante de la saison et elle a une énorme histoire. J’ai été proche à plusieurs reprises à Lommel, mais je n’ai jamais remporté le grand prix.

On veut toujours en faire plus quand on roule devant son public. On a encore plus l’envie de bien faire car il y a beaucoup de gens qui viennent juste pour nous. Je roule aussi pour une équipe Néerlandaise. Demandez donc à Romain ou à Jorge. Ils sont champions du monde et on décroché de nombreuses victoires, mais monter sur la plus haute marche du podium à domicile reste l’une des plus belles victoires.

Quels sont les pilotes que tu admirais le plus quand tu étais gamin ?

Au début de ma carrière, James Stewart était comme une sorte de super-héros. Ses résultats, son style ou la fameuse vidéo tournée en hélicoptère sur son compound… C’est le rêve d’un gamin ! James faisait les choses différemment, et c’était un novateur. Il suffit de penser au scrub par exemple. Tout cela fait de lui l’un des plus grands pilotes de tous les temps. Bien sûr, il y a des pilotes qui ont gagné plus que James, comme Ricky Carmichael, Ryan Villopoto, Stefan Everts ou Jeremy McGrath, mais Stewart faisait des choses que personne d’autre ne faisait. Il faisait ces choses avec une certaine facilité. D’accord, il a connu des moments difficiles, mais le battage médiatique qui l’entourait était absolument justifié.

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James Stewart a arrêté la compétition à 30 ans. Combien de temps comptes tu continuer au plus haut niveau ?

J’ai toujours dit que je voulais continuer tant que je serais toujours dans le coup, que je serais compétitif et que je pourrais gagner des courses. Bien sûr, je dois aussi prendre du plaisir. Évidemment, à 33 ans, je suis plus proche de la sortie que de mes premiers jours ! Si tu te blesses, ce que j’espère éviter, la décision d’arrêter peut être prise à ta place … De toute façon, j’ai un contrat de deux ans avec Fantic, donc je pense que la décision de continuer – ou non – sera prise année par année. Peut-être que je ferai encore deux saisons, peut-être trois ou peut-être que 2025 sera ma dernière année en compétition.

Qu’est-ce que tu aimes le plus finalement, dans le Motocross ?

J’aime quand c’est technique. Je préfère les pistes à l’ancienne avec beaucoup de sauts. C’est là que je prends le plus de plaisir. Quand les pistes sont trop simples et qu’il faut juste aller à fond, j’aime un peu moins. Et bien sûr, j’aime toujours autant les courses dans le sable. Ne me demande pas pourquoi, mais je trouve ça cool !

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Certains tracés ont beaucoup changé au fil des ans. C’est une différence avec le MotoGP, où les changements d’une année sur l’autre sont minimes.

C’est vrai. À Lommel, on a constaté des changements importants au niveau de la texture. Ils ont apporté de la nouvelle terre qui ne s’est pas parfaitement intégrée. Ce sont des choses que l’on remarque davantage à l’entraînement, mais heureusement la piste est bien préparée avant un grand prix. Un autre exemple est la piste de Teutschenthal. Au fil des ans, d’autres types de terre ont été introduits. À Kegums, le sens de la piste a été modifié il y a quelques années. Chaque fois que des modifications sont apportées à un circuit, il faut attendre de voir ce que ça va donner.

La sécurité des pilotes et la préparation des pistes sont des sujets importants. En tant que pilote expérimenté, quelqu’un de respecté et qui exprime clairement ses opinions, tu pourrais être bien placé pour agir en tant que représentant des pilotes ?

Je ne pense pas que ce soit un rôle qui me plaise vraiment. Il y a toujours des GP où c’est délicat: problèmes avec les drapeaux, endroits dangereux sur la piste …  Oui, c’est difficile de maintenir de bonnes conditions de piste avec toutes les courses qui se déroulent au cours d’un week-end. Avec 4 ou 5 catégories en piste, il y a très peu de temps pour travailler dessus. C’est un défi pour tout le monde, pour la FIM, pour Infront, pour les pilotes. Regarde la boue qu’on a eue au Portugal et en France. Qu’est-il possible de faire pour préparer le terrain entre les courses ? Pas grand-chose, surtout si la piste est aussi détruite.

Tu as vraiment un beau palmarès aux nations. Tu abordes ça différemment d’un week-end de grand prix ?

J’aime le fait que ce soit si différent de ce qu’on a l’habitude de faire. Là, tu représentes vraiment ton pays, tu roules en tant que membre d’une équipe et tout le monde se comporte comme une équipe. Je suis fier d’être néerlandais, ce qui me donne une motivation supplémentaire pour participer à cette course où les fans se déplacent pour soutenir leur pays plutôt qu’un pilote en particulier. Tout le monde se rassemble, ce qui crée une superbe énergie et notre objectif est clair : on veut entendre l’hymne néerlandais le dimanche ! Les dernières éditions du MXDN ont été plus compliquées pour nous et j’espère qu’on pourra gagner une nouvelle édition. Cependant, les choses deviennent de plus en plus compliquées avec l’arrivée de nouveaux talents. L’Australie est très forte avec Jett et Hunter Lawrence. La France et les Etats-Unis sont toujours présents. Mais les Nations, c’est une course unique en son genre, où les rebondissements sont plus la règle que l’exception !

Glenn Coldenhoff “Ça ne se passe pas comme je le voudrais”
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