Privés de leur star Tim Gajser, les fans slovènes avaient tout de même fait le déplacement à Loket ce week-end et n’ont pas été déçus. Le dimanche, Jan Pancar, pilote 100 % privé, a livré la manche d’une vie lors du premier débat. Pendant 25 minutes, le garçon a résisté au leader du mondial Romain Febvre, avant de décrocher son tout premier podium de manche en championnat du monde MXGP. Une performance qui récompense toute la famille Pancar, impliquée corps et âme dans la carrière de Jan ces dernières années. Micro.
Jan, tu es le premier pilote 100 % privé à signer un podium de manche en MXGP cette saison, et peut-être même bien de cette dernière décennie. J’ai jeté un œil aux classements, et je ne pense pas avoir trouvé un pilote qui ait été en mesure de faire ça en MXGP durant cette période. Ce résultat, ce doit être une énorme récompense pour toi et ta petite équipe, malgré une seconde manche plus compliquée.
Ouais, c’était vraiment une belle manche. En fait, je n’ai même pas pu rouler à mon plein potentiel, parce que j’avais vraiment les avant-bras en béton et j’essayais juste de m’accrocher au guidon. C’est comme ça. J’ai regardé un peu le replay de la manche, et ce n’est pas comme si j’avais bloqué les pilotes qui étaient derrière moi. Lors de certains tours, je reprenais 20 ou 30 mètres d’avance ; c’était vraiment top. Je crois qu’à trois tours de la fin, j’étais encore second, donc terminer troisième, c’est un très bon résultat. J’espère que les teams vont finir par me remarquer, tu sais… Parce que j’ai la vitesse. On peut voir durant les essais – sur le dur bien sûr – que je suis bien souvent aux alentours du top 5 à chaque épreuve, je crois bien.
Mais bon, dans la seconde manche, j’ai été malchanceux. Je suis parti 6ᵉ et je suis tombé dans un virage parce que j’ai fait un neutre. Je ne sais pas trop comment c’est arrivé, peut-être avec ma botte… Je suis tombé, et je suis reparti 9ᵉ. Ça aurait pu être un bon résultat, mais ma chaîne a déraillé. Ce n’est pas la première fois… donc j’ai enfilé ma casquette d’ingénieur, et je l’ai remise en place assez rapidement [rires]. Je crois que je suis reparti 18ᵉ. J’ai doublé 2 pilotes, et j’ai fini 16ᵉ. C’était quand même dur de rouler, parce que mon guidon était tordu et mon embrayage pointait vers le bas après ma chute en début de course. C’est dommage.
Je comprends mieux. En regardant les temps au tour, tu as enregistré un 1:50 en seconde manche. Tu étais bien plus rapide que les mecs devant toi, mais tu n’as pas vraiment réussi à revenir ; je me demandais ce qu’il se passait réellement.
J’étais 6ᵉ, j’étais à l’aise, j’essayais d’aller de l’avant. Dans ma tête, je me suis dit « Okay, là, il faut attaquer pour essayer d’aller chercher Vlaanderen et Gifting », parce que j’y étais presque ; puis je suis tombé. Après ça, c’était vraiment difficile de rouler avec le guidon tordu.
C’était comment de tenir Romain Febvre comme ça pendant 25 minutes ? Il est champion du monde, il porte la plaque rouge. Pas trop nerveux ? C’était dingue en fin de course. Tu t’es dit quoi ?
Franchement, c’était vraiment cool. En fait, c’est top d’avoir pu faire une expérience similaire en Allemagne lors de la manche qualificative, car je sais à quoi m’attendre maintenant et c’est un peu plus simple. J’ai essayé de rester calme au possible, mais le mal de bras est vite arrivé… Peut-être que je n’ai pas assez respiré en début de manche, car j’avais les bras en béton.
On avait fait un sujet ensemble en 2023 pour présenter un peu ton programme, tu étais encore en MX2. Finalement, j’ai l’impression que rien n’a trop changé, alors que tu es désormais en MXGP. Ton père fait toujours la mécanique, je crois avoir vu ta mère te panneauter ce week-end. Ça se décline comment, les rôles dans la famille Pancar ? [rires].
C’est toujours juste moi, mon père, ma mère et ma petite copine. Voilà tout. Je n’ai jamais eu de mécanicien avec moi. Je suis le pilote, mon père est le mécanicien, ma mère et ma copine font la cuisine et me lavent mon casque, mes bottes et mes tenues… [sa copine l’interpelle : « je suis aussi entraîneur ! »]. Oui, c’est la coach, on va dire qu’elle est coach mental [rires]. C’est quand même beaucoup de boulot mais d’une façon ou d’une autre, on arrive à gérer et ça se passe plutôt bien.
Quatrième d’une manche qualificative, troisième d’une manche en MXGP, est-ce qu’on peut dire que tu es le pilote le plus sous-estimé du paddock ? Tu es 100 % privé, tu te démerdes, et tu n’es qu’à quelques points de la 12ᵉ place, à te battre avec des pilotes factory sur tous les GP.
Je dirais que oui. Il y a Isak Gifting qui est aussi vraiment bon. Je pense que tous les deux, on a un très bon niveau. C’est d’ailleurs pour ça que le championnat italien est aussi dur [rires]. Après, c’est aussi à moi de bien faire les choses. J’ai montré de belles choses aux essais libres et chronométrés, mais mes départs n’étaient pas au point jusqu’à aujourd’hui. On a fait quelques changements, et ça s’est vu ce week-end car j’ai pris deux bons départs.
En première manche, j’ai presque signé le holeshot. Je pense qu’à cause de mes mauvais départs, les résultats ne suivent pas toujours. Si tu pars 15ᵉ ou 20ᵉ, c’est impossible de revenir dans le top 5, même pour Romain Febvre ou Lucas Coenen. C’est vraiment dur de revenir devant après un mauvais départ, voilà pourquoi je pense que les résultats ne reflètent pas tout le temps ma vitesse.
Je pense que j’ai une très bonne vitesse, que je ne suis pas loin des autres. Je dirais aussi qu’avec un vrai team factory, je pourrais franchir un cap durant l’hiver et être encore plus devant. Mais bon, ça, c’est à eux de le voir. Et j’espère qu’ils le verront.
Est-ce que tu penses que ce genre de performance peut t’ouvrir des portes et attirer l’attention ?
Tout ce que je peux te dire, c’est que je l’espère.
D’un autre côté, qu’est-ce que tu pourrais faire de plus, honnêtement ?
Voilà, exactement. Je fais ce que je peux. Évidemment, mon gros point faible, c’est le sable et c’est un problème. Mais d’ici à la fin de saison, je vais tout donner à chaque course et surtout essayer de prendre d’aussi bons départs que ce week-end à Loket pour aller décrocher les meilleurs résultats possibles. Je pense que je peux surprendre pas mal de monde.
Ce serait quoi le scénario idéal pour Jan Pancar en 2027 ? La saison n’est pas terminée, mais on sait que les discussions ont lieu en ce moment même. Tu pourrais être une bonne addition à un team. Je pense que tu le mérites…
C’est assez évident, pas vrai ? Une place dans un team factory, ce serait l’objectif. Mais bon, tu sais, beaucoup de bons pilotes MX2 qui montent en MXGP décrochent ces guidons-là, et il y a aussi les pilotes déjà en place sur le championnat. C’est difficile de les pousser vers la sortie alors que moi, j’arrive juste. J’espère que j’aurai quelque chose. Quoi qu’il en soit, je pense qu’ils auront l’occasion de me voir de nouveau sur le mondial MXGP l’an prochain !
Le genre de performance en première manche, c’est aussi un pied de nez aux teams qui n’ont pas voulu miser sur toi pour cette saison ?
Peut-être bien, oui. Mais je ne vois pas vraiment les choses comme ça. J’essaie vraiment juste de faire de mon mieux, tu sais. J’ai encore beaucoup de bons sponsors loyaux derrière moi cette année. C’est grâce à eux que je suis là et que je peux faire tout le championnat. Je sais aussi que rien n’est facile pour les teams et je le comprends. Mais j’espère quand même.
En fin d’année, il va falloir aller en Turquie, en Chine, en Australie. Ça risque de coûter un bras. Est-ce que tu vas pouvoir faire ces rounds aussi ?
Ça devrait le faire, on devrait y être. On a promis aux sponsors qu’on ferait toute la saison, alors on ira. On a déjà envoyé tous les e-mails pour gérer les motos, tout ça. Mon rôle prochainement, ça va être de passer beaucoup de temps sur l’ordinateur pour envoyer des e-mails, réserver des avions et des hôtels. On va faire en sorte que ça nous coûte le moins cher possible, pour qu’on puisse s’y rendre.
Je suis curieux, tu sais combien de kilomètres tu fais en camping-car par an ? Tu dois faire un moteur par an, vu ton rythme [rires].
Je crois qu’on est aux alentours des 50 000 km par an, peut-être en comptant aussi tous les entraînements, le MXGP et le championnat italien. C’est beaucoup pour un camping-car. On doit le revendre tous les deux ou trois ans, et on ne dispose pas vraiment du budget pour se le permettre. Ce n’est pas l’idéal pour nous.
Tu seras à Lommel le week-end prochain. Elle va ressembler à quoi, la semaine de Jan Pancar ?
Demain [ndlr : lundi], on va prendre un peu de repos, puis on ira s’entraîner sur quelques terrains de sable. Le truc, c’est que c’est loin, c’est à 3 heures de chez moi, parce qu’il n’y a pas de terrains de sable en Slovénie. Je vais essayer de me préparer au mieux. J’espère faire quelques top 15, pourquoi pas un top 10 dans le sable ? Ce serait parfait. Ce n’est jamais facile, car je n’ai commencé à rouler dans le sable qu’à partir de mes 14 ans. Pour moi, c’est un handicap important.
Si tu rejoins un bon team, tu seras probablement basé en Belgique. Une bonne intersaison dans le sable, ça pourrait le faire pour combler le retard, non ?
Exactement. Un hiver complet dans le sable, ça me filerait un bon coup de main. Nous, on est allé deux semaines en Sardaigne cet hiver car mon père n’a pas beaucoup de vacances avec son travail. Si je parvenais à faire deux mois – ou au moins un mois – en Sardaigne, ce serait déjà beaucoup plus simple pour moi de progresser dans le sable
Tu penses pouvoir tenir cette cadence et ce programme pendant combien de temps ? Ça a l’air de fonctionner, mais c’est tenable sur le long terme ? Tu dois être crevé, et je dis ça sans avoir vraiment connaissance de tout ce que tu dois faire au quotidien.
C’est sûr. Je ne sais pas si les gens en ont vraiment conscience, mais on fait tout nous-mêmes : les suspensions, les entretiens, tout. À la maison, on doit préparer la moto. On ne la dépose pas quelque part pour qu’ils travaillent dessus pour nous. C’est un job à temps plein. Même moi, je suis pilote, et je dois laver les motos, changer les pneus, tout faire aussi. Difficile de dire si ce programme serait tenable sur le long terme. J’espère que ça l’est, mais sur la durée, je doute que ça le soit vraiment.
Est-ce qu’on peut parler de ton père ? Il a l’air d’être investi à 400 %, c’est dingue de voir son investissement alors qu’il bosse à côté. Il est incroyable, ton père, Jan.
C’est clair. C’est vraiment dur pour lui aussi, tu sais. Il travaille normalement, comme tout le monde. Je crois qu’il a une trentaine de jours de « vacances » par an et on doit s’organiser avec ça. On essaye de partir sur les épreuves le jeudi soir, donc il travaille, puis on part. On arrive sur les épreuves vraiment tard. On doit conduire toute la nuit, et c’est vraiment fatigant pour lui comme pour moi, car je dois conduire aussi. Mon père, ce n’est pas un robot – même si je me demande parfois [rires]. Il arrive à conduire pendant 9 heures sans problème. Moi, je fais trois ou quatre heures et je dois aller dormir parce que c’est trop pour moi [rires]. Parfois, je dois me lever à 3 heures du matin pour prendre le relais et conduire le camping-car. Ce n’est pas idéal, mais c’est comme ça. Mon père est vraiment un grand passionné. Il fait vraiment de son mieux, et faire tout ça, ce serait tout simplement impossible sans lui.

Pierre angulaire du programme de son fils Jan, Igor Pancar est un homme aux multiples casquettes. Au terme de la première manche de Loket, l’émotion était palpable, sous le petit auvent de la famille Slovène
Publié le 28 juillet 2025
