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Jeffrey Herlings « Il y a eu beaucoup de hauts et de bas, mais je n’ai pas lâché »

Images: DailyMotocross

Jeffrey Herlings renoue avec la victoire de Grand Prix à Teutschenthal. Blessé au genou au terme de la saison 2024 et contraint de se faire opérer, le pilote Néerlandais revenait dans le grand bain du mondial en Sardaigne sans avoir fait la moindre préparation. S’il n’a pas été épargné par les pépins depuis son retour sur la moto, le pilote Néerlandais a progressé week-end après week-end, retrouvant rythme comme vitesse au fil des épreuves. C’est finalement à l’occasion du 10ème GP de la saison – en Allemagne – que l’officiel Red Bull KTM gagne un nouveau grand prix. Son 108ème succès de carrière.

« Ça fait vraiment du bien » nous explique Jeffrey Herlings après sa victoire. « Quand j’ai repris la moto, j’ai décidé de faire une petite course à côté de chez moi au bout du troisième jour. Je me suis fait percuter au niveau du dos lors d’un départ et je n’ai pas pu rouler pendant deux semaines. De là, j’ai roulé un jour avant la Sardaigne. J’ai réellement roulé 4 jours avant mon premier GP de l’année. Depuis, et à chaque fois, j’ai progressé un petit peu. Je suis passé de 15ème, à 10ème, à 7ème. Au Portugal, je sentais que j’étais prêt à aller chercher un podium, mais je suis tombé et Romain m’a percuté. Il n’y pouvait rien, c’était de ma faute. Je me suis fracturé une côte et j’ai dû rouler comme ça au Portugal comme en Espagne; dans la douleur. Le week-end dernier, j’étais en mesure d’aller chercher un podium et je suis tombé. J’ai terminé 4ème avec le même nombre de points que le 3ème. Il y a eu beaucoup de hauts et de bas,mais je n’ai pas lâché; j’ai continué à progresser, à aller de l’avant. »

Sur un tracé exigeant et face à une concurrence affûtée – répondant aux noms de Lucas Coenen et Romain Febvre – Jeffrey Herlings a fait parler son expérience dans des conditions changeantes. Le pilote Red Bull KTM a su rester lucide face à l’enjeu, et particulièrement en seconde manche.

« La concurrence est rude, et le tracé était vraiment difficile » continue le vainqueur du jour qui revient sur son week-end en Allemagne « Je me suis battu avec Lucas le samedi pendant la manche qualificative. J’ai énormément de respect pour lui car à 18 ans, il est déjà en mesure de résister face à la pression chaque week-end, sans faire d’erreurs. Le week-end dernier, c’était face à Romain et ce week-end, c’était face à moi. C’est un vrai champion en devenir. J’ai fait toute la première manche du dimanche derrière Lucas et j’ai terminé second. Il n’a pas fait d’erreurs, il a bien roulé, et si tu ne trouves pas d’endroit pour le déborder, ça devient compliqué car il est solide. En seconde manche, il y avait de la boue. J’ai laissé Romain me distancer un peu parce que je voulais conserver mes lunettes. Je savais que si j’utilisais tous mes tear-off et mon roll-off, ce serait vite terminé. J’ai attendu les retardataires. J’avais une très bonne trajectoire que personne n’utilisait. J’ai pu déborder Romain et, quelques tours plus tard, Lucas. Ça fait du bien de gagner; ça faisait longtemps. »

Revenu en Sardaigne à l’occasion du quatrième GP de la saison, Jeffrey Herlings avait pris plus d’une minute par le leader dans chaque manche. Depuis lors, The Bullet a mis la tête dans le guidon pour revenir au niveau. Deux mois plus tard, les efforts payent.

« J’ai fait en sorte de rouler le plus possible, même si j’ai dû prendre quelques jours de repos avec la côte fracturée » commente Jeffrey Herlings à propos de ces deux derniers mois. « J’ai fait en sorte de rouler le plus possible pour m’améliorer. Il fallait que je roule pour rattraper mon retard par rapport aux autres. En Sardaigne par exemple, j’avais la vitesse, mais mes bras sont devenus durs comme du béton très rapidement. Il fallait que je roule contre les gars des GP pour retrouver le niveau, et c’est ce que j’ai fait. Je sens que je suis proche d’être au niveau des autres, et j’essaie de continuer à progresser chaque week-end. Je veux finir la saison sur de bonnes notes. Pour moi, le titre est hors de portée de toute façon. Je roule pour les victoires d’épreuves, pour prendre le maximum de points, et pour essayer de gagner le plus de manches possibles. Mais comme je l’ai dit, mes adversaires sont coriaces, donc ce ne sera pas une chose facile. »

« Je suis revenu de beaucoup de blessures, alors j’ai fini par m’y habituer » continue l’officiel Red Bull KTM, qui n’avait plus gagné depuis le GP d’Arnhem, en août 2024. » Je suis passé par beaucoup de hauts et de bas dans ma carrière. Quand tu as le talent, tu l’as; il ne va pas s’envoler comme ça. Ce qui change, c’est que quand je me réveille le matin, je suis parfois un peu plus rouillé qu’à mes 18 ans mais le talent, tu le gardes quoi qu’il arrive. Il faut surtout fournir le travail; beaucoup de travail pour être de nouveau compétitif. Comme tu peux le voir, il m’aura fallu 2 mois pour être de nouveau compétitif. Il y a quelques mecs qui arrivent et qui sont très bons, donc il faut que j’essaye d’en gagner encore d’autres pour que le record soit encore plus important, pour le jour où je prendrais ma retraite [rires]. »

Plutôt que de s’efforcer a faire du testing lors de son retour, Jeffrey Herlings a préféré se contenter de l’essentiel : rouler, encore et encore. Une approche qui porte finalement ses fruits alors qu’il envisage – désormais – de mettre un accent plus fort sur le développement de sa 450 SX-F. Oui, Jeffrey Herlings progresse et se rapproche petit à petit de son meilleur niveau.

« Quand j’ai repris la moto, j’ai décidé de ne pas faire de testing » concède le Néerlandais. « Il fallait juste que je roule, que j’essaye de retrouver de la vitesse. Je me suis dit qu’une fois que je serais un peu plus compétitif, alors on irait faire du testing. J’ai aussi amélioré mes départs. Ils ne sont pas parfaits, mais ils sont meilleurs. En France par exemple, je suis parti second dans une manche. Là, Lucas m’a fait un petit cadeau en laissant la première grille de libre à l’intérieur. Même si je préfère la seconde grille en général, je sais que partir depuis l’intérieur favorise bien souvent un top 5 au bout de la ligne droite. Le truc, c’est que la régularité n’est pas vraiment au rendez-vous, mais j’ai réussi à faire des bons changements sur la moto pour les départs. On va continuer de bosser, car les autres ne s’endorment pas. »

Revenir de blessures, Jeffrey Herlings l’a fait à maintes reprises, et bien trop souvent à son goût. On a voulu savoir si le pilote Néerlandais avait pu, un temps, douter de sa capacité à gagner de nouveau, compte tenu des résultats signés dès son retour sur le circuit Mondial.

« Quand j’ai décidé de rouler en Sardaigne, c’était tout simplement que ça avait plus de sens que de m’entraîner à la maison, et risquer de sauter sur un amateur » nous explique Herlings. « C’était mieux de rouler avec ces mecs-là sur les GP, également pour voir où j’en étais. De là, il a fallu bosser. Je savais très bien que je n’allais pas être compétitif lors de mon retour, mais je n’ai jamais douté de mes capacités à gagner de nouveau. Je sais qu’il faut du temps pour revenir. Je me souviens que quand Tim est revenu en 2023, il lui a fallu quelques courses pour gagner de nouveau. Je crois me souvenir qu’il avait terminé 15ème à Lommel lors de son retour. Ce qui était différent, c’est qu’il avait eu le temps de faire une bonne préparation hivernale. Que ça prenne du temps de revenir, c’est normal. Romain le sait aussi très bien. Quand tu reviens de blessure, ça prend toujours du temps. Je me suis retrouvé lancé dans l’arène sans avoir le temps de me préparer. Normalement, et quand tu te blesses, tu prends le reste de l’année pour te remettre, te reposer et tu reprends la moto en novembre. Tu as encore le temps de te préparer pour la saison suivante. Moi, je n’ai pas eu de préparation du tout. C’est comme ça. Je prends les choses comme elles viennent, et le but sera de décrocher un maximum de podiums et de victoires d’ici la fin de saison. On en est à mi-championnat, et je ne veux pas interférer dans la course au titre des deux autres. Je suis là pour faire mon job, et que le meilleur des deux autres gagne. »

Au sein du team De Carli, le double champion du monde MXGP Jorge Prado a laissé sa place à un nouvel adversaire redoutable d’efficacité: le rookie Lucas Coenen. Un garçon qui – selon Jeffrey – n’est pas sans rappeler l’Espagnol. Ce week-end à Teutschenthal, Jeffrey a passé le plus clair de son temps dans la roue du pilote Belge, avant de finalement le battre en fin de seconde manche pour aller chercher cette 108ème victoire en Grand Prix.

« Je trouve que Lucas est vraiment comme Prado. Il faut que je fasse attention à ce que je dise, parce que Jorge est un ami à moi. Je dirais que Lucas est un peu plus complet … En fait, je ferais mieux de ne rien dire [rires]. Les deux sont très talentueux, mais on sait que quand il pleuvait, Jorge avait tendance à avoir un peu de mal. Lucas est très jeune, on entend beaucoup de rumeurs à son sujet et notamment à propos d’un départ aux US. Peu importe ce qu’il fera, il sera très talentueux, et très bon. C’est un garçon qu’on verra devant pendant les 10 ou 15 prochaines années s’il parvient à éviter les blessures. Chaque pilote a ses propres caractéristiques en fait. Antonio, c’était une teigne qui était vraiment du genre à se faufiler ici et là. Jorge, on avait l’impression qu’il avait des rétroviseurs sur sa moto, il nous sentait toujours arriver. Il faut s’habituer à se battre avec chaque pilote car ils sont tous différents. Moi, je m’assure d’être propre avec eux en piste, et jusqu’ici ils ont été propres avec moi. Je veux qu’on me respecte sur la piste, car je respecte beaucoup les autres pilotes. »

Jeffrey Herlings « Il y a eu beaucoup de hauts et de bas, mais je n’ai pas lâché »
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