USA

Jason Clermont – Road to USA #6

Images: Mailys Bauny

Son aventure Américaine, Jason Clermont espérait pouvoir la conclure sur une bonne note. Malheureusement, c’est dans la déception que le pilote Français a plié bagages de manière prématurée au soir du Supercross de Glendale. 41ème des essais chronométrés, Jason a fait office de premier pilote non-qualifié pour la sixième épreuve du championnat SX US, pour seulement … 0.009 seconde. Un coup dur pour le garçon qui se sentait bien sur la piste, comme sur la moto ce samedi. Il raconte, à l’occasion de l’épisode final de notre rubrique “Road To USA”.

“La piste de Glendale était vraiment très grande. Il y avait de longs enchaînements, et on prenait pas mal de vitesse tout le long. L’avantage, c’est que les 450 évoluaient en premier, donc il y avait moins d’ornières que lors des dernières courses. La surface était assez dure, et l’organisation a souvent refait la piste, donc c’était plutôt roulant. Par contre, les enchaînements étaient plus raides, surtout celui où Nate Thrasher s’est mis un gros caramel. J’ai passé tous les enchaînements, à l’exception de celui-là d’ailleurs. Au lieu de faire le 3-3 sur la fin, je faisais 2-2-2.; je perdais un peu de temps dans cette portion là. L’appel de ce fameux saut était petit, la réception était grosse et raide; il fallait monter vraiment haut. Pour le reste, je me démerdais pas trop mal dans les whoops, même si Yannig disait que je perdais un peu de temps dedans; je me sentais bien et ils ne se sont pas trop creusés.”

Au terme de la première séance qualificative, Jason Clermont pointe 37ème du combiné 450. Conscient qu’il est en mesure d’améliorer son chrono dans la deuxième séance en sortant sa carte secrète – le triple sur table après le saut d’arrivée – Jason aborde la seconde séance en confiance, mais peine à aligner le tour espéré. La piste de Glendale étant plus longue que d’habitude, le chrono défile vite et les occasions de signer un bon tour sont réduites. Jason améliore tout de même son temps de 0.5 secondes; pas assez pour aller chercher la qualif’ pour la soirée.

“Je n’ai pas pensé une seule seconde que je n’allais pas passer la qualif’ aux chronos. Lors de la dernière séance, ils ont refait tous les virages et ça roulait encore plus vite. Par rapport à la première séance, je n’ai presque pas amélioré mon temps alors que j’avais envoyé le triple sur table après le saut d’arrivée. J’étais surpris de ne pas passer, surtout à 0.009 seconde près alors que je n’étais qu’à 5 secondes de la pôle. C’était décevant, et rageant en même temps. Je suis rentré au camion, et j’ai remballé directement. On avait cinq heures de route, donc on est rentrés. J’étais déçu, forcément. Je n’ai pas regardé la course sur place. J’ai conduit d’une traite pour rentrer à la maison et quand on est arrivés, c’était l’heure de la finale 450, je l’ai regardée à la télévision. Pour moi, il n’y avait pas d’intérêt à rester. J’ai déjà vu ce que c’était le Supercross US, moi j’étais là pour rouler. Je préférais rentrer directement plutôt que de regarder les autres en marmonnant. J’ai pu faire autre chose, et penser à autre chose comme ça.”

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Plus de deux mois passés aux USA, 5 épreuves, quatre qualifications au programme de soirée et une finale. Nous voilà à l’heure du bilan pour Jason Clermont qui a progressé au fur et à mesure des semaines et notamment grâce à l’aide de Yannig Kervella, qui a suivi – et guidé – Jason Clermont à l’entraînement comme sur les épreuves.

“Au niveau de la progression, c’est un ensemble. J’ai bien progressé physiquement même si sur le papier, je n’ai pas vraiment eu à faire de finale de 20 minutes à aller taper dans le physique. Sur la moto, l’évolution était constante chaque semaine, même si je manque toujours de confiance et d’intensité pour me mettre vite dedans. Ce sont des choses qui venaient petit à petit, à chaque semaine. L’évolution n’est pas flagrante mais je progressais un peu partout à chaque semaine. Techniquement, je faisais de plus gros enchaînements, j’étais un peu mieux sur la moto vers la fin qu’au début du séjour, je me relâchais un peu plus. Cette préparation me servira, je l’espère, une fois rentré en France.”

Plus grosse ombre au tableau, le peu d’heures passées sur la moto à l’entraînement. Jason, qui avait tablé sur 3 à 4 entraînements par semaine, a souvent dû faire l’impasse sur l’entraînement moto. Un temps problématique, l’épaule de Jason n’a pas gêné le garçon en fin de séjour et ce dernier comptait bien profiter des 15 jours entre Anaheim 2 et Glendale (Jason ne roulait pas à Detroit) pour mettre les bouchées doubles, mais le mauvais temps persistant en Californie en aura finalement décidé autrement.

“Au niveau de la plus grosse lacune, ça a été le manque de roulage. Je suis quelqu’un qui a besoin de rouler, beaucoup rouler. C’est con parce que je m’étais mis en tête de rouler 3 à 4 fois par semaine ici, et avec les péripéties, je n’ai vraiment pas beaucoup fait de moto. Ce n’était pas simple de progresser du coup. Mon épaule, la pluie … Pendant les 15 jours de pause pour moi, il y a eu des inondations à Los Angeles et du coup, je n’ai roulé que deux fois en deux semaines. La première fois, c’était sur la piste de Killian Auberson, une petite piste, c’était gras et du coup, c’était difficile de mettre de l’intensité. La seconde fois, c’était sur une petite piste à deux heures de route de chez moi, dans le désert; je n’arrivais pas à rouler, c’était la catastrophe. J’ai vraiment ressenti le manque de roulage pour pouvoir progresser pendant ce séjour. Tu peux faire du sport autant que tu veux, mais c’est vraiment en roulant régulièrement que tu progresses vraiment, en tout cas pour moi. Il m’aurait fallu encore deux mois pour pouvoir aborder les premiers essais plus sereinement, être plus en confiance sur la moto, être plus à l’aise sur les pistes le jour des courses.”

S’il avait déjà effectué des séjours aux USA par le passé – pour conjuguer vacances et Supercross US – Jason Clermont n’avait rien laissé au hasard pour cette nouvelle aventure à l’Américaine. Arrivé aux Etats-Unis en avance, Jason Clermont a effectué une préparation physique et technique sur place sous la coupe de Yannig Kervella. Pendant plus de deux mois, notre Français s’est investi à 120% dans son aventure pour se donner les meilleures chances de réussite. Alors que cette dernière touche à sa fin, c’est un poil perplexe que Jason nous donne son ressenti.

“Dans la globalité, et vu l’investissement que j’ai fait par rapport aux années où j’étais venu pour le plaisir, la différence n’est pas énorme. En 2020, je me suis qualifié pour 5 programmes de soirée et j’ai participé à une finale. Là, j’ai fait une finale – dans la boue – et je me suis qualifié pour 4 programmes de soirée sur les 5. La différence n’est pas flagrante vu l’investissement fait cette année. Je reste content de ce que j’ai fait, mais sur la moto, j’aurais vraiment voulu être plus détendu, pouvoir mettre plus d’intensité. Je me rends compte que je manquais vraiment de confiance pour pouvoir me lâcher complètement. J’ai quand même bien roulé dans l’ensemble, mais vu le temps consacré et le gros investissement financier, la différence avec les autres années n’est pas énorme. Je voulais faire ça comme ça pour voir au moins une fois. Je l’ai fait et je suis quand même content car j’ai passé 2 mois et demi vraiment top.”

Dans les grandes lignes, Jason a dû sortir +/- 35.000€ pour réaliser ce projet et participer à 5 épreuves du championnat de Supercross US. Les postes de dépenses ont été nombreux, divers, mais aussi variés. Jason a dépensé 8.1000$ pour s’acheter sa 450 KX-F 2023 sur place, dans laquelle il réinjectera 2.000$ de préparation suspensions mais aussi plusieurs centaines de dollars en entretien et en pièces. Il dépensera plus de 3.000$ en carburant, 4.000$ pour se payer un entraîneur de renom ou encore 2.000$ pour louer un van. Au total, le pilote Kawasaki aura lâché 400$ en frais d’hôtel ou encore 2.4000$ de droits d’entrées pour les entraînements. La facture s’alourdissait avec les frais médicaux (800$) ou encore avec les frais d’inscription aux courses (250$ par épreuve) mais aussi avec les dépenses du quotidien comme la nourriture (+/- 1.800$). Au niveau des recettes, Jason Clermont a touché plus de 6.000$ de primes de la part du promoteur, au fil des épreuves.

“Finalement, le plus difficile, c’était de gérer l’aspect financier. Côté sport, moto, j’arrivais à m’adapter assez facilement, à me lever le matin et à enchaîner. Mais gérer les dépenses, c’était quelque chose. Il fallait faire attention à tout, et calculer la moindre dépense. Que ce soit pour la nourriture ou lors des entraînements, il fallait toujours regarder ce que ça coûtait. On vivait un peu au jour le jour depuis Anaheim. Ce week-end, je comptais me qualifier à Glendale et prendre un peu d’argent et là, je dois clairement m’assoir dessus. C’est un peu ric rac. Est-ce que je recommencerais ? Difficile à dire. Là, je suis au fond du trou financièrement parlant [rires]. On en revient toujours au même, l’aspect financier. Moi, je ne sais pas démarcher pour trouver de l’aide, je n’ai pas de sponsors, je suis privé à 100% et je fais juste mon petit truc de mon côté en bossant et en économisant, et aussi avec l’aide de la famille, et de proches. Après, si tu arrives à te qualifier pour les finales tous les week-ends, tu as moyen de gagner ta vie de course en course, et c’est vraiment pas mal. Quand je fais 10e en LCQ, je prends 1.300s. Quand je suis passé en finale, j’ai pris 2.000$. Si tu fais 4 finales par mois, tu peux faire un peu d’argent et si tu fais attention à tout, tu peux faire les courses avec tes primes même s’il faut prendre en compte le changement de côte et les frais que ça engendre. J’ai été dans le paddock du SX US pendant 5 épreuves, et j’étais bien l’un des seuls a avoir si peu de moyens. Quand on parle de pilotes privés comme Justin Starling, il faut savoir qu’il y a déjà une petite structure avec plusieurs mecs pour aider. Justin, il ne paie rien, il touche les primes et j’imagine qu’il a de l’argent de ses sponsors selon ses résultats. Déjà, quand tu te dis que tes primes sont ton argent de poche, c’est énorme. Moi, ça me servait à payer mes frais d’entraînement, à me nourrir, à vivre. Ce n’est pas pareil. L’avantage, c’est que si tu es bon, que tu as la niaque, et que tu parviens à te qualifier tous les week-ends, tu peux en vivre. En Europe, ce n’est même pas la peine d’y penser.”

Ce lundi, Jason était de retour à l’entraînement pour préparer Los Angeles @Mailys Bauny

Jason Clermont n’est pas parti vivre deux mois aux Etats-Unis tout seul. Le garçon pouvait compter sur la présence de sa compagne, Mailys, qui a perdu le compte des heures passées au bord des pistes et au sein des stadium. Dans l’ombre de son homme, Mailys a enfilé plusieurs casquettes pendant ces quelques semaines au pays de l’oncle Sam. Si cette dernière est désormais rodée aux déplacements aux 4 coins de l’hexagone, elle découvrait les Etats-Unis pour la toute première fois.

“On reprend l’avion vendredi mais s’il ça ne dépendait que de moi, on ne rentrerait pas.” avoue Mailys. “Ce genre d’aventure, tu ne vis ça qu’une seule fois dans ta vie. On n’a pas du tout vécu la même vie aux USA qu’en France. Le climat est différent, la mentalité des personnes est différente aussi. Je ne parle pas Anglais, donc la barrière de la langue était difficile même si j’arrivais à me débrouiller ici et là. Il y a toujours quelqu’un pour t’aider si tu as besoin. Les gens sont souriants, bienveillants. Hier, Jason et Flavien [hôte de nos Français aux USA] ont été faire les courses et devant eux à la caisse, il y avait une petite mamie qui ne pouvait pas payer ses courses. Elle n’avait pas assez sur ses cartes de crédit et elle essayait de choisir quoi enlever de son caddie. Flavien lui a payé son petit caddie de courses de première nécessité; la mentalité est assez différente et c’était le plus marquant. Même dans le paddock de Glendale, il y a des mecs qui sont venus filer un petit billet à Jason pour le féliciter, et l’encourager. Ce que je retiendrai, c’est que les gens étaient vraiment plus gentils qu’en France.”

“C’est vrai que c’est assez différent de ce côté là” ajoutera Jason. “Un jour, j’ai oublié mon portefeuille au restaurant alors que je venais de retirer 1.000$ … Ils ont fait une annonce au micro pour que je vienne le récupérer parce que quelqu’un l’avait ramené. Il y avait encore mes 1.000$ dedans ! Et puis c‘était assez marrant à Glendale, car ces deux mecs m’ont filé un billet de 20$ chacun et m’ont dit bon courage. Ils ont dû voir que j’étais vraiment à l’arrache dans les paddocks comparé aux autres. Je peux t’assurer qu’on ne m’a jamais donné un petit billet en France, et même quand je me pointe sur les courses avec la Kawasaki en pièces dans le coffre de ma 307 [rires].”

Remerciements: Kawasaki Latitude Moto, Pirelli, Fly Racing, Scar, Freddy & tantine, V and B Blain, C’ Gonflé Loisirs, Une Histoire de Chaussures, Team Berryli4ni, Moto Club Briochin St Brieuc, Exess Moto, Le QG Blain, Cadorelec, Pro Tech Étanchéité, Sani-Chauffe Le Gavre, Abel Pasquet, Gaël Clermont, Cat racing, Pirelli USA, Flavien et Lucile Masselin, Doc SX Factory, Céline et Jérôme Leclaire.

Retrouvez tous les épisodes de la rubrique “Road To USA – Jason Clermont” (1 à 6) en cliquant ici.

Jason Clermont – Road to USA #6
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