MXGP & Europe

My Story – April Franzoni                                    


Depuis 2017 et la dernière saison de Livia Lancelot en championnat du monde, plus aucune pilote Française n’est parvenue à intégrer le top 10 final en mondial. Voilà qui pourrait bien changer dès cette année, car du haut de ses 17 ans, April Franzoni représente la relève tricolore du Motocross féminin.

Pour sa première saison complète en championnat du monde au guidon d’une 250 CR-F, April Franzoni joue des coudes pour intégrer le top 10 sur les épreuves du mondial féminin, se battant contre des adversaires bien souvent plus âgées et plus expérimentées. Pas impressionnée pour un sou, April Franzoni tente de se faire sa place aux avant-postes du mondial, non sans se faire également remarquer au niveau national. April est en effet devenue la première pilote à parvenir à vaincre la Belge Amandine Verstappen sur une épreuve du championnat de France, en cinq ans. Alors que le mondial Féminin observe une période de pause de deux mois, April s’est prêtée au jeu de l’interview pour nous raconter son histoire. Micro.

“Mon papa a fait de la moto quand il était jeune. Et puis, par la suite, il avait complètement arrêté d’en faire” nous explique April qui relate alors ses débuts dans le sport. “Il y a maintenant 7 ou 8 ans, il a été appelé pour faire une course des anciens champions de Picardie, parce qu’il avait été champion de ligue à quelques reprises. Le problème, c’est qu’il avait déjà tout revendu; il n’avait plus rien. Ma mère lui a alors dit que c’était une vraie poule mouillée s’il ne roulait pas. Du coup, il s’est tout racheté: une moto, des équipements, et il a été faire la course. En le voyant rouler, Ethan – mon frère qui a deux ans de plus que moi – a voulu en faire. Moi, j’ai suivi naturellement. Il n’y avait pas vraiment d’inspiration dans la moto pour nous à la base, parce qu’on n’avait jamais vraiment pensé à en faire avant que mon père ne s’y remette, en fait. Et puis directement quand on s’est lancé, c’est sûr que pour moi, il y a eu Livia Lancelot car c’est un peu la seule Française qui a su réussir dans ce sport au plus haut niveau. Chez les garçons, il y a forcément eu un Jett Lawrence ou un Jeffrey Herlings, ce sont ceux que je suis le plus.”

À peine montée sur une moto, et voilà qu’April Franzoni s’alignait derrière sa première grille de départ. Précoce, la jeune pilote Picarde montrait déjà de belles aptitudes un guidon entre les mains; elle fera ses gammes face aux garçons sur les championnats de Ligue.

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“La compétition, c’est arrivé assez vite pour moi.” avoue April “Au bout de 5 ou 6 mois de moto, j’ai directement voulu faire des courses, parce qu’Ethan a voulu en faire aussi en fait. On a commencé en ligue de Picardie et je roulais contre les garçons. On va dire que c’est assez rapidement devenu sérieux dans ma tête. J’ai commencé par la ligue, puis j’ai fait une première course de Minivert à Brigueuil, mais ça ne s’était pas très bien passé puisque je me suis cassé l’épaule. Après, j’ai fait le championnat de France Féminin, puis un peu de Juniors, et maintenant, je suis sur le mondial Féminin”.

En Espagne et pour l’ouverture de la saison de mondial, April Franzoni ramenait un top 10 pour sa première sortie sur le championnat au guidon d’une 250

Débarquée en championnat de France Féminin en 2020 à 13 ans, April Franzoni a empilé les titres quatre saisons durant en catégorie moins de 20 ans. Finalement, et fin 2023, elle délaissera sa 125cc pour effectuer sa transition à la 250 avec l’aide du team JS Racing. Lycéenne la semaine, pilote le week-end, April Franzoni connaît une année 2024 chargée tant sur le plan sportif que scolaire; la jeune Axonaise se devait en effet de passer les épreuves du bac après le Grand Prix de Maggiora. Une vie menée à 100 à l’heure.

“Actuellement, je suis toujours à l’école. Je suis au lycée, en terminale générale.” nous explique April “Je fais Maths, Physiques, SVT. Concernant mon quotidien, ce n’est pas compliqué: Je me lève tous les matins pour aller en cours. Je n’ai pas de temps aménagé; je fais mes journées comme tout le monde. Quand je rentre, et si c’est un lundi, on lave les motos et sinon, on fait de la mécanique. De là, je vais me changer pour aller faire du sport, puis je mange, je me douche et je vais au lit. Je n’ai pas vraiment le temps de faire autre chose durant la semaine. Ma maman est professeur, on va dire qu’elle préfère que je continue les études et surtout que je décroche le BAC, qui est d’ailleurs dans quelques jours. Ça va être compliqué mais même après le BAC, je pense que je vais continuer encore les études, et peut-être me diriger vers un STAPS pour avoir quelque chose derrière. Je ne me vois pas non plus passer toutes mes journées à la maison, je pense que je finirais par m’ennuyer, par faire moins de sport que quand je suis à l’école par exemple. C’est sûr que je serai peut-être moins fatiguée avec un quotidien moins chargé, mais je ne sais même pas si ce serait bénéfique pour moi d’arrêter les études par la suite. En fait, je ne sais pas vraiment ce que je veux faire plus tard. STAPS, ça me permet de continuer à faire de la moto parce que ce n’est pas loin de la maison. Si je pars faire une école d’ingé’ dans une grande ville, je ne pourrais plus faire de la moto à côté.”

Vivre une adolescence normale tout en conciliant un sport de haut niveau relève du challenge. Contrairement à ses pairs, April doit bien souvent renoncer à certains plaisirs, préférant se concentrer sur son entraînement et son avenir sportif. Voilà de quoi se forger une mentalité bien distincte, où les loisirs passent bien souvent au second plan; les sacrifices faits par April – comme par sa famille – ne se comptent plus.

“Je pense que cette vie est quand même bien différente de celles des autres adolescents. Par exemple, on ne va pas aux soirées, on ne va pas aux anniversaires, etc. Après, je pense qu’on a quand même une mentalité différente des autres personnes de notre âge. Quand on rentre des cours, il faut qu’on aille courir ou faire du vélo. Les autres vont s’allonger dans leur lit, sur leur téléphone ou quelque chose comme ça. Et puis moi, aller en soirée pour tous les voir sur leurs téléphones, honnêtement je n’y vois pas un grand intérêt. La vie de sportif de haut niveau, c’est forcément une vie différente des gens qui ne font pas de sport”.

Au niveau National, April Franzoni est la première pilote à parvenir à battre Amandine Verstappen sur une épreuve (Vesoul) depuis l’arrivée de la Belge sur le championnat de France, en 2019@MarieR

Malgré les apparences, la transition de la 125cc à la 250cc n’a pas été un long fleuve tranquille pour April Franzoni cet hiver. Passée d’une marque Autrichienne à une marque Japonaise, elle devra également s’habituer au passage du 2 temps au 4 temps. Des changements difficiles à assimiler mais pour autant, April Franzoni réalise une très belle saison 2024. Rappelons tout de même qu’elle réalise son premier mandat complet en championnat du monde féminin cette année, et pointe 11ème du provisoire après 5 épreuves.

“La saison 2024, et pour l’instant, je dirai qu’elle se passe bien. On va dire que cet hiver, le passage en 250 – et contrairement à ce qu’on pourrait penser – s’est très mal passé.  Pour moi, ça a été très dur de faire la transition et finalement, depuis le début de l’année, ça se passe vraiment bien. En fait, j’avais déjà roulé sur des 250 par le passé. À chaque fois, ça ne se passait pas trop mal mais cet hiver c’était la cata’ … Peut-être que c’était à cause du frein moteur, je ne sais pas trop car je ne comprenais pas pourquoi j’avais du mal. Mais, sur la 250, je n’y arrivais tout simplement pas. Et puis d’un coup, sans trop savoir pourquoi, ça s’est débloqué. Lors de la première épreuve du mondial en Espagne, tout s’est bien emboîté et finalement, ça se passe bien depuis. Je ne pensais peut-être pas faire ces résultats-là et puis en fin de compte, plus je fais d’épreuves, mieux je fais. En début d’année et sur le mondial, j’étais plus aux alentours des 20 et à Teutschenthal, je fais 8ème et 7ème des manches. Je me rapproche doucement du haut du classement. Après, je suis consciente que ça ne va pas continuer comme ça indéfiniment parce que sinon, ça veut dire que je vais finir par gagner [rires]. Il faut continuer à travailler, et se rapprocher du top 5; ce serait vraiment bien pour moi. “

“Pour pouvoir jouer le top 5, il faudrait déjà faire un bon départ et ne pas couper au bout de la ligne droite comme j’ai pu le faire à Maggiora” continue April. “Après, si je pars devant, je vais voir le rythme des meilleures et je vais voir comment elles font, je vais pouvoir apprendre d’elles. Plus je vais réussir à partir devant, mieux ça ira pour moi. Au début je vais peut-être réussir à faire 2 tours avec elles, et après ça va être 4-5 tours et à la fin, ce sera une manche complète. Je pense que pour aller chercher ce top 5, il me faut en premier lieu des bons départs. Les manches, on sait que je les tiens mais pouvoir emboîter le rythme des premières, c’est ce qu’il me manque pour commencer.”

Avec un 8-7 en Allemagne, April Franzoni ramenait son meilleur résultat en championnat du monde à Teutschenthal: une septième place.

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En début d’année, April Franzoni avait fait l’impasse sur les deux premières épreuves du championnat France pour évoluer sur le mondial en Espagne, mais aussi sur le championnat d’Europe Féminin qui faisait un détour par l’iconique tracé de Valkenswaard, désormais sorti du calendrier MXGP. Un championnat Européen qui avait été dominé par une certaine Lotte Van Drunen la saison passée; un tremplin finalement trop peu médiatisé pour justifier les lointains déplacements. S’engager sur la série représente finalement un budget que bon nombre de ces filles préfèrent injecter dans le mondial féminin.

“Il faut savoir que sur le championnat d’Europe féminin, les déplacements sont très lointains” nous explique April. “Il n’y a aucune médiatisation, ou de reconnaissance du championnat. Moi, je préfère les terrains du mondial parce que sur l’Europe, on retrouve véritablement des terrains de ligue qui ne sont pas hersés, sur lesquels ne se forment pas d’ornières; il n’y a pas grand chose d’intéressant sur le plan technique. C’est pourquoi il est beaucoup plus intéressant de venir rouler sur un mondial pour apprendre. Après, c’est sûr qu’en Europe, il y a quelques terrains qui valent le détour. Par exemple, en début d’année, on a été à Valkenswaard; c’était un grand et beau terrain. Je pense qu’il est tout de même bon de faire l’Europe parce que le niveau est plus relevé que sur le national quand même, plus homogène, mais aussi moins relevé qu’en mondial. Il y a quelques terrains qui valent le coup, parfois. C’est quand même une bonne transition mais moi, je préfère le mondial.”

Si les garçons ont un système pyramidal bien rôdé leur permettant une évolution dans les catégories au niveau national puis Européen, avant d’arriver – éventuellement – sur le mondial, beaucoup de ces filles ne disposent même pas d’un championnat domestique leur étant réservé. Le sport moto étant bien développé en France, nos féminines ont leur propre championnat dédié; mais ce dernier permet-t-il vraiment de se préparer à affronter le niveau international ?

“Je ne pense pas, parce que tout le monde le sait, et même en championnat de France les filles le disent: la différence entre les terrains du mondial et du France est … compliquée” répond April. “Après, c’est sûr qu’on ne peut pas avoir des épreuves sur des pistes comme Ernée tous les week-ends. Mais entre un Saint-Eloi, un Bourg-D’oisans et un Maggiora, il y a vraiment un gros écart. Après, et comme papa m’a toujours dit, quand on est un bon pilote on doit savoir rouler partout. Mais dans la pratique, c’est quand même différent de rouler dans des gros trous, des rails et des ornières que de rouler sur du plat”

Encore prise dans ses études, April Franzoni fait preuve de réalisme et, pour l’heure, la pilote Axonaise ne se voit pas en mesure de rivaliser avec les Lotte Van Drunen, Courtney Duncan & Daniella Guillen; des filles qui se sont jetée corps et âme dans leur carrière sportive et s’y consacrent désormais exclusivement, et à temps plein. Pour pouvoir performer au plus haut niveau, toutes les cases doivent être cochées.

“Je ne saurais pas trop dire ce qu’il me manquerait pour performer comme elles” avoue April. “Je ne pense pas qu’avoir une moto d’usine me changerait beaucoup la vie. Je pense qu’avoir peut-être un peu plus de roulage me serait bénéfique, parce que ces filles roulent 4 fois par semaine. Qu’est-ce qu’il me manque ? Peut-être du temps, soit pour me reposer, soit pour aller à la piscine, ou faire plus de sport. Du côté de la carrière Moto, je ne me projette pas encore vraiment. Il faudra voir comment ça évoluera par la suite. Quand on se compare avec des Duncan ou des Van Drunen qui ne font que ça de leur vie depuis qu’elles ont 7 ou 8 ans, c’est quand même bien différent. Elles n’ont que la moto à penser. Moi, il faut que je pense à l’école, il faut que je jongle avec la moto et parfois, c’est compliqué et je suis bien fatiguée.”

L’épreuve de Maggiora n’a pas été tendre avec les filles du WMX, en particulier pour April Franzoni qui devra abandonner après un très bon début de course

En plus de sa présence sur le championnat de France Féminin et sur le mondial féminin, April Franzoni a participé à trois épreuves du Junior la saison passée, face aux garçons. Elle n’exclut pas de se mesurer à eux de nouveau, dans un avenir proche, au niveau national.

“J’ai toujours voulu continuer à rouler avec les garçons” confie April. “L’année dernière, j’ai fait du Junior. Cette année, on n’a pas été faire d’Elite parce que pour moi, ce n’était pas très enrichissant; les dates ne tombaient pas très bien. Mais sinon, je suis partante pour faire du national ou même de l’Elite, ça peut être une bonne chose. Après, il faut savoir que je fais toujours de la ligue quand même à côté. Dès qu’on a un week-end de libre, je vais faire de la ligue et il y a un très bon niveau. Je ne vais pas dire que je préfère rouler avec les garçons, mais je trouve ça toujours bien quand même de pouvoir me battre avec eux.”

Si sa famille représente son premier soutien et sa première source de motivation, April Franzoni peut aussi compter sur l’aide de la Fédération Française de Motocyclisme. Elle fait en effet partie du collectif France depuis une poignée de saison, bien qu’elle soit – depuis cette année – la seule pilote féminine au sein de l’équipe de France.

“Je suis en équipe de France 250 avec Mathis Valin, Maxime Grau ou encore Alexis Fueri.” nous explique April “Même si je suis la seule fille, ça ne me dérange pas; ça me tire vers le haut de rouler avec eux, même si l’écart est forcément important. Mais pouvoir voir tout ce qu’ils font quand on est en stage avec eux, ça me pousse vers le haut et ça m’amène à progresser. C’est Sébastien Bonal qui gère l’équipe de France 250 et dès qu’ils font un stage, ils demandent à toute l’équipe de France de venir: ils m’appellent comme si j’étais Mathis ou Maxime. L’équipe de France nous aide pour les stages, mais ils ne peuvent pas toujours être à nos côtés donc le reste du temps, c’est mon père qui m’entraîne et me coache. Sur les grands prix, il y a toujours un entraîneur. À Maggiora par exemple, c’est Lucas Bechis qui est là pour nous guider. Ils peuvent aller sur la piste avec nous, nous aider, c’est forcément du positif. Sinon, ce statut nous permet aussi de bénéficier d’aides de la part de la FFM, pour les déplacements.”

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Chez les Franzoni, le MX est une histoire de famille

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