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Rick Elzinga “Fin 2021, je me demandais si une année supplémentaire en valait la peine”

Illustration: Hutten Metaal

L’histoire de Rick Elzinga, c’est un peu la feel good story de la saison 2022. Troisième de l’Europe 250 en 2021, le pilote Néerlandais avait pensé à jeter l’éponge et à stopper sa carrière pour se consacrer à ses études, faute de gagner sa vie en Motocross. Avance rapide, un an plus tard, le garçon a décroché le titre de champion d’Europe 250 et un guidon usine chez Factory Yamaha pour évoluer aux côtés de Jago Geerts et Thibault Benistant en 2023. L’équipe Hutten Metaal Yamaha avait visé juste en signant Rick Elzinga à l’intersaison, pourtant, rien n’a été simple pour le pilote Néerlandais qui a été terrassé par deux virus alors qu’il menait le championnat d’Europe 250 cette année. Micro.

Rick, tout d’abord, félicitations pour ce titre de champion d’Europe 250. Les gens voient les succès, mais rarement les galères. Depuis que tu es arrivé sur l’Europe 125 en 2016, tu as prouvé que tu pouvais être un top pilote mais à chaque saison, les blessures t’ont empêchées de t’exprimer. Tu n’as jamais rien lâché et 6 ans plus tard, te voilà champion. Ça doit être un gros soulagement.

C’est un énorme soulagement. J’étais très content également pour les personnes loyales qui m’ont toujours soutenu, et n’ont jamais perdu foi en moi. Grâce à eux, j’ai pu continuer à faire ce que j’aimais le plus et après une année sans incident particulier, j’ai signé l’une de mes meilleures saisons, sinon la meilleure saison, de ma carrière. C’était très difficile de ne jamais être en pleine santé, d’être toujours blessé, ou mentalement d’être au plus bas. J’ai toujours essayé sans ne jamais rien lâcher mais j’avais l’impression qu’à chaque fois que j’étais au top, je tombais. La plupart du temps, c’était des accidents hors de mon contrôle et je me cassais directement quelque chose. C’était dur à avaler. Si tu me regardes rouler, tu verras que je ne suis pas sur le fil, que je ne dépasse pas mes limites et pourtant, à chaque chute je me relevais avec une fracture. J’ai travaillé très dur et pendant très longtemps avec mes parents et mes sponsors personnels, alors j’étais vraiment très heureux de pouvoir enfin décrocher un titre. Pour moi, c’était surtout un soulagement au niveau du stress. Je suis passé du gars qui nettoyait sa propre moto, sans équipe, à signer un contrat Factory en l’espace de trois ans, c’est vraiment dingue pour moi.

En 2021, tu roulais pour TBS Conversion KTM. Tu as gagné des courses, un général, et terminé 3ème du championnat. Pourtant, tu n’es pas passé bien loin d’arrêter la moto à cause du manque de moyens financier. Être dans cette situation en étant l’un des meilleurs pilotes de l’Europe 250, ça ne devait pas être simple.

Après toutes ces saisons difficiles, j’avais enfin fait une saison convenable, je roulais dans le top 3 du championnat d’Europe et pourtant, je n’ai pas vraiment retenu l’attention; ça semblait sans espoir, sans fin. Fin 2021, je me suis demandé si une année supplémentaire allait en valoir la peine. J’allais toujours à l’école, ça me prenait du temps, et je ne voulais pas continuer à rouler en Europe 250 ou sur le mondial avec un équipement qui n’allait pas pour me retrouver au milieu du paquet. Heureusement, j’ai reçu une offre de Yamaha et j’ai finalement réalisé une saison sans grosse blessure. Désormais, avec un contrat Factory, je suis de retour sur les bons rails. Pour info, je vais toujours à l’école à côté !

L’équipe Hutten Metaal Yamaha a misé sur le bon cheval en 2022 @dailymotocross

Tu as aussi eu l’occasion de participer à deux courses de l’outdoor 250 grâce à une personne nommée Brent Norman. Comment ça s’est fait, et comment ça s’est passé ?

Il y a eu un article qui a été publié sur mes difficultés à choisir entre l’école et le Motocross, qui a fait son bonhomme de chemin jusqu’au forum VitalMX. Brent Norman l’a vu et il m’avait déjà vu rouler sur l’Europe à la télévision, il ne voulait pas que mon talent soit gaspillé et il m’a offert de venir faire un séjour aux USA. Après avoir discuté un peu en essayant de se dépêcher pour tout faire, j’ai eu l’opportunité de participer à deux épreuves du championnat de Motocross US avec une KTM d’origine, on avait de quoi faire quelques petites modifications avec les pièces ramenées de la maison.

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C’était assez difficile parce qu’aux Etats-Unis les motos sont très rapides et les pistes sont hersées profondement, donc la puissance fait une énorme différence. De plus, il a fallu s’habituer à la chaleur à Fox Raceway et à Hangtown. Je suis originaire des Pays-Bas, et quand il fait plus de 25 degrés, c’est l’été pour moi. Mais à Fox Raceway, il faisait 45 degrés ! Je n’ai pas eu de chance là-bas, mon essence a surchauffé dans les deux derniers tours de la première manche et elle a giclé sur mon visage. J’ai avalé un peu de carburant et j’ai été bien malade après. J’ai essayé de rouler en deuxième manche, mais sans succès. La semaine suivante, j’étais toujours malade mais au bout de quelque temps, ça a fini par aller mieux. C’est dommage parce qu’il y avait une possibilité de faire un top 10 dans cette première manche, puisque j’étais 9ème et il ne me restait que trois tours à boucler.

À Hangtown, j’ai rencontré quelques difficultés avec mes suspensions et avec la piste car le style des pistes est un peu différent. Néanmoins, j’ai fait deux bonnes manches et j’ai obtenu la 16ème place au général de la journée. Pour moi, c’était une bonne expérience, qui m’a permis d’ouvrir mon esprit, et m’a permis de me faire connaître un peu sur place. Les USA, c’est sympa, les gens et le personnel de l’AMA sont très cool. Pour moi c’était comme participer à une course locale. Et j’ai vraiment aimé l’aide que j’ai reçue de tout le monde. Si tu fais une erreur, ce n’est pas grave, ils vont t’aider, t’expliquer. En Europe, c’est un peu plus sérieux, et plus strict. J’aimerais avoir l’opportunité de rouler à nouveau là-bas et peut-être de faire du Supercross. Mais je me concentre d’abord sur l’année prochaine, ma première année en MX2, au guidon de la fusée Kemea Yamaha. Ce sera une autre expérience importante et je suis impatient d’évoluer au plus haut niveau.

En 2022, tu rejoins l’équipe Hutten Metaal Yamaha, le team officiel Yamaha sur l’Europe 250. En venant d’une plus petite structure comme TBS Conversion, quels sont les plus gros changements observés ?

La plus grande différence entre les équipes, c’était le budget. Les teams TBS Conversion KTM & Hutten Metaal Yamaha sont deux teams qui aiment vraiment le sport, ils vivent pour ça. Ils font tout ce qu’ils peuvent, mais être au sein d’une équipe qui est soutenue par la marque, c’est d’une grande aide. Toute l’équipe m’a soutenu cette saison et s’il y avait un problème, ils ne me pointaient jamais du doigt, ils essayaient de le résoudre pour que je puisse être le meilleur possible. Ils m’aidaient pour tout et ils travaillent vraiment très dur. J’ai adoré le temps que j’ai passé avec eux et j’ai beaucoup appris cette année, sur mon corps, sur la technique moto et même en dehors. À mon avis, c’est l’une des meilleures équipes du paddock.

Le saviez-vous ? Le pilote Néerlandais a été diminué par deux vilains virus en pleine saison, et alors qu’il était leader de l’Europe 250 @dailymotocross

Tu as gagné les deux premières épreuves de l’Europe 250 cette année mais perdais la plaque rouge à Maggiora. En dépit de la pression, tu as été en mesure de faire 1-2-2-1 lors des quatre épreuves suivantes, de récupérer la plaque rouge et de creuser l’écart sur Toendel. Les dernières courses ont été plus difficiles pour toi. La pression de devoir récupérer la plaque rouge, et de la garder jusqu’à la fin malgré l’adversité, c’était difficile à gérer ?

Je sentais que j’étais le plus fort. Tout pouvait arriver et je n’avais pas de raison de stresser pour autant. Arrivé à Maggiora, j’ai rencontré un problème mécanique sur la moto, j’étais énervé et aussi déçu de ne pas pouvoir performer. Pour autant, l’équipe et moi, on a surmonté ça sans problème.

Juste avant la quatrième épreuve, je suis tombé vraiment malade. J’étais tellement mal que je suis resté au lit pendant près de deux mois. J’avais contracté deux virus: Le cytomégalovirus et le virus d’Epstein Barr. Quand il y avait une épreuve, il me fallait une semaine pour récupérer et je n’ai pas passé beaucoup de temps à m’entrainer physiquement où à rouler à côté de ça. Quand j’ai signé ce fameux 1-2-2-1, en fait, j’étais vraiment en train de galérer. Je ne pouvais pas me donner mieux qu’à 80%, et pas pendant longtemps. Le team a tout fait pour m’aider, de toutes les manières possibles, et on a commencé à se concentrer sur d’autres aspects: prendre de bons départs, éviter les erreurs, prendre les lignes les plus simples. Je ne faisais qu’un tour rapide lors des qualifications pour tenter d’économiser un maximum d’énergie. Au final, j’ai eu un peu de chance lors de certaines manches mais j’ai surtout décroché de bons résultats en étant régulier et en prenant de bons départs pour pouvoir me retrouver devant dès le début des manches; ensuite, j’essayais de tenir aussi longtemps que possible.

En fin de saison, physiquement, mon corps était épuisé d’avoir dû autant donner pendant tous ces week-ends et j’ai vraiment eu du mal. Heureusement, j’avais une bonne avance aux points et j’ai été en mesure d’être régulier sans avoir à trop attaquer. Les trois dernières épreuves ont été mauvaises, mais c’était à cause du physique. Mon corps était épuisé et je ne prenais plus de plaisir à rouler. Quand je suis devenu champion, c’était un énorme soulagement car toutes les galères étaient enfin terminées et j’avais fait le job. Après quoi, j’ai pris presque 2 mois de repos car mon corps avait besoin de temps pour récupérer. Désormais, je suis de nouveau en forme, heureusement !

Tu as également eu l’occasion de rouler sur quelques épreuves en MX2 cette saison et tu as montré une belle vitesse. Ce n’est pas tous les jours que le leader de l’Europe 250 prend le risque de rouler en mondial en parallèle. Tu pensais à ces risques, parfois ?

Quand je roulais cette année, la seule chose que je cherchais à faire, c’était de m’améliorer et d’apprendre de nouvelles choses, j’aime le sentiment que le progrès me procure, ça me donne envie d’améliorer mon pilotage, ma technique, et chaque petit détail. Quand j’ai participé au mondial MX2, je ne me concentrais pas vraiment sur les résultats, mais plutôt sur ma façon de rouler. Je pense que ça m’a aidé et c’était une belle expérience de participer à quelques GP en parallèle. En motocross, on sait qu’on peut tomber à tout moment, je ne me suis pas dit que les courses du mondial allaient être plus dangereuses. Peut-être que dans certaines situations risquées, je prenais du recul pour rester en sécurité parce que ce n’était que de l’entraînement, de l’expérience pour moi. Mais finalement, c’était un peu la même chose en étant en tête de l’Europe 250. Parfois je préférais jouer la sécurité et prendre les points plutôt que de tout donner et risquer de chuter. Cette approche, c’est ce qui m’a rendu très régulier.

Comment comparerais-tu le niveau et l’intensité de l’EMX250 au MX2, avec ces expériences ?

Sur l’Europe comme en MX2, tout le monde attaque aussi fort que possible, mais j’ai l’impression qu’en EMX, la plupart des pilotes sont un peu imprudents, ils chutent ou prennent les mauvaises décisions, ce qui peut les amener à faire des erreurs, à tomber ou à te mettre hors-jeu. En mondial, les pilotes sont un peu plus chauds, mais aussi un peu plus calculés. S’ils veulent te dépasser, ils le feront et ils te toucheront probablement mais en général, ils gardent toujours un minimum le contrôle. Le rythme est également différent. Sur l’Europe, tu peux terminer la manche tranquillement et atteindre la ligne d’arrivée. En GP, ils attaquent toujours jusqu’à la ligne d’arrivée, ce qui fait que c’est beaucoup plus intense. Si tu relâches, il y a beaucoup de pilotes qui seront là pour te dépasser. Tout doit être réglé au millimètre près pour être rapide et régulier sur le mondial. Je suis très content d’avoir pu expérimenter ça pour l’an prochain.

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Rick Elzinga n’a pas ménagé ses efforts cette saison, malgré les pépins de santé. @dailymotocross

Tu as signé un contrat avec Factory Yamaha MX2 pour l’an prochain. C’est génial, surtout si on regarde où tu en étais fin 2021. Cette offre, elle était sur la table depuis longtemps, où elle dépendait de tes résultats de la saison 2022 ?

J’avais un contrat d’un an avec une extension pour 2023. Ils m’ont signé pour 2023 assez rapidement mais je ne savais pas vraiment dans quel team j’allais atterrir. Il y avait plusieurs raisons à cela et j’étais d’accord avec ces termes, ils étaient plutôt clairs sur les raisons et la façon dont ils y pensaient. C’était bon de voir que c’était important pour eux, qu’ils voulaient avoir la meilleure équipe pour la saison 2023. Je me suis juste concentré sur le titre de champion d’Europe et en le décrochant, le choix logique était de finir chez Kemea Yamaha. J’ai su que j’allais rejoindre Kemea avant le GP de France et ça me faisait vraiment plaisir, mais il fallait que je m’occupe de décrocher ce titre avant de penser à 2023. On m’avait engagé cette saison pour l’Europe, pas pour penser au GP, l’objectif était clair.

Quelles sont tes attentes pour 2023 ? Pouvoir t’entraîner aux côtés de Jago et Benistant doit être top, tu pourras te comparer aux deux gars qui sont attendus pour jouer le titre mondial la saison prochaine.

Tout ce que je vais faire, c’est apprendre, m’améliorer et profiter de façon positive du temps que je vais passer à rouler pour une équipe aussi incroyable, aux côtés des pilotes les plus rapides de la catégorie. Bien sûr, j’aimerais pouvoir rouler le plus haut possible dans le classement, mais je pense qu’il est préférable d’essayer de m’améliorer plutôt que de me mettre la pression. Le fait de ne pas être stressé et d’être heureux me permet de donner le meilleur de moi-même, d’être le plus rapide en piste. C’est bon de savoir que je suis dans une équipe avec de si bons pilotes, je vais pouvoir apprendre d’eux et voir ce qu’ils font de très près.

Il est évident que tu ne seras pas affecté par les nouvelles règles d’éligibilité sur l’EMX250. Par contre, que penses-tu de cette dernière ?

Je pense que cette règle est une bonne chose pour faire en sorte que le championnat d’Europe 250 soit vraiment une étape vers le mondial MX2. Mais avec cette règle, le prix des engagements en mondial MX2 devrait être réduit, c’est ce que j’ai entendu. Sinon, la plupart des pilotes que la nouvelle règle concerne ne voudront pas dépenser autant d’argent pour participer à un week-end de grand prix et je peux les comprendre. Il y aura des pilotes qui monteront en mondial grâce à cette nouvelle règle, mais aussi des pilotes qui jetteront l’éponge à cause de celle-ci, et ça, ce n’est pas une bonne chose.

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Rick Elzinga, champion d’Europe 250 2022, et son staff Hutten Metaal Yamaha @Hutten Metaal

Rick Elzinga “Fin 2021, je me demandais si une année supplémentaire en valait la peine”
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