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Rick Elzinga « Parfois, ce sport peut se montrer cruel sur certains aspects »

Image: Beta

En 2026, Rick Elzinga fera ses débuts en mondial MXGP au sein du team MRT Beta. Après trois saisons en tant que pilote officiel Yamaha en MX2 et fort d’un titre de champion d’Europe 250, le Néerlandais, qui a soufflé sa 23ᵉ bougie cette année, fait partie de la vague de pilotes contraints de monter en catégorie reine la saison prochaine. Récemment annoncé chez Beta, Rick nous livre son regard sur sa saison 2025, revient sur ses années en MX2 et se projette sur son nouveau chapitre en MXGP. Micro.

Rick, direction la catégorie MXGP en 2026 ! Tu as fait une belle saison 2024, avec des podiums de manche et de GP, et plusieurs top 5. Ta saison 2025 a été plus compliquée. Tu as signé de bons GP, mais tu as été blessé. On l’a vu à maintes reprises : tout ne peut pas toujours être tout rose… Quel bilan tires-tu de cette dernière année en MX2 ?

Oui, je suis forcément mitigé à propos de la saison 2025, ce n’était clairement pas mon année. On peut le dire franchement : je ne venais pas sur les GP pour me contenter du top 10. Je considère que j’aurais dû me battre pour jouer le top 5, ou au moins autour de cette position. Et ce n’a pas vraiment été le cas cette saison, donc oui, je ne suis pas satisfait de ma dernière année en MX2.

Il y a eu quelques changements au sein de Yamaha qui ont rendu les choses plus compliquées pour moi. Mais bon, tout le monde a fait de son mieux, et voilà le résultat final. Je pense que c’était le maximum que je pouvais faire avec ce que j’avais à disposition cette année. C’est comme ça.

Je ne suis évidemment pas content non plus des blessures. Mais quand tu roules souvent à la limite comme c’était le cas cette année, les chutes sont plus fréquentes et tu as plus de chances de te blesser. Les blessures, j’y suis assez sujet. Dès que je me retrouve par terre, je me blesse. De ce côté-là, je manque aussi pas mal de chance.

Le fait que ce soit ta dernière année en MX2, est-ce que ça t’a mis une pression supplémentaire ? On sait à quel point le niveau en MXGP est relevé et combien il est difficile de décrocher un bon guidon chez les gros bras. Quand la saison démarre et que les choses se compliquent, est-ce que ça t’affecte mentalement ?

Pour moi, le fait que ce soit ma dernière année n’a pas vraiment ajouté de pression supplémentaire, parce qu’au final, le plus important, c’est de signer un contrat. Peu importe que ce soit en MX2, en MXGP, ou même ailleurs. C’est évidemment ce que tout pilote recherche avant tout. Et la meilleure manière d’y parvenir, c’est de ramener les meilleurs résultats possibles. Donc j’ai essayé de rester concentré là-dessus, sur mes objectifs, et sur le fait d’aller chercher les meilleurs résultats possibles pour m’assurer un contrat. Et parfois, c’est assez difficile pendant la saison, surtout quand tu te donnes à fond et que les résultats ne suivent pas. C’est la partie la plus compliquée à gérer. Mais il faut continuer à bosser, à aller de l’avant malgré tout.

J’ai eu le sentiment qu’en fin de saison, j’étais de nouveau dans un bon rythme : tout devenait plus naturel, plus fluide. C’est exactement ce que tu cherches en tant que pilote. Mais ça n’avait pas été le cas sur l’ensemble de la saison, parce que j’étais souvent blessé, ou de retour de blessure, ou en galère avec la moto. En fin de saison, je sentais que ça allait de mieux en mieux pour moi… mais la saison était déjà terminée. C’était frustrant. J’aurais aimé retrouver mon meilleur niveau plus tôt, mais avec les blessures, c’était compliqué.

En 2025, Rick Elzinga a fait face à de nombreuses blessures: une fracture de la clavicule à l’intersaison, une fracture d’un doigt en suisse, une nouvelle fracture de la clavicule en France et une autre blessure au doigt qui le verra contraint de louper le GP de Loket @DailyMX

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Quand on y repense, ton parcours est assez dingue. Tu as failli tout arrêter fin 2021. Tu as disputé quelques courses de l’outdoor sur une moto qu’on t’avait prêtée, avant de décrocher un guidon chez Hutten Metaal. De là, tu as été remporter le titre de champion d’Europe 250 en 2022. Tu t’es ouvert les portes du team Factory Yamaha, où tu es resté trois ans. Tu es l’exemple parfait qu’il ne faut jamais cesser d’y croire. Tu dois être fier du chemin parcouru, et sans doute reconnaissant envers Yamaha, qui t’a fait confiance quand personne d’autre ne semblait prêt à le faire ?

Quand je repense à tout ça, j’ai parfois du mal à me dire que j’ai été le gars qui est passé par tout ça. C’est vrai que l’histoire est assez folle. Je suis quelqu’un d’assez vrai avec lui-même. Quand tu roules sur l’Europe, que tu termines troisième du championnat et qu’il n’y a aucune offre qui t’est faite pour gagner ta vie… Disons que je suis capable de me dire : « OK, ça ne va plus le faire, il faut que je trouve autre chose pour travailler et gagner de l’argent. » Et c’est comme ça que les choses se sont passées à ce moment-là. J’en étais arrivé à ce point-là, j’étais dans cet état d’esprit fin 2021.

Puis un article à mon sujet est sorti. De là, j’ai eu une opportunité pour disputer quelques rounds du championnat de motocross US. C’était vraiment un rêve qui devenait réalité pour moi. J’aimerais bien pouvoir y retourner, d’ailleurs. L’ambiance là-bas est vraiment incroyable, ce serait top de retenter l’expérience. Par la suite, Yamaha est revenu vers moi. C’était vraiment top, car j’avais fait une belle saison en 2021 malgré tout.

De là, tout s’est enchaîné parfaitement, et j’étais vraiment super content de remporter le titre de champion d’Europe en 2022. Je pense que c’est l’une des saisons les plus satisfaisantes de ma carrière. Peu de gens le savent, mais j’avais contracté le virus d’Epstein-Barr. Je me suis vraiment battu jusqu’au bout juste pour tenir le choc et aller chercher ce titre. À ce moment-là, je n’étais plus moi-même, j’avais de gros problèmes de santé. Malgré ça, j’ai continué à me battre, coûte que coûte. Ensuite, je suis monté en MX2 dès 2023. C’était une année incroyable aussi. En 2023 et 2024, j’ai connu deux belles années, je me suis construit. Et tout s’est arrêté en 2025. Mais pour moi, ce n’est pas un échec. Je me dis que c’est simplement une étape de plus vers le succès.

En discutant avec Thibault cette année, il n’a pas caché avoir eu du mal avec sa Yamaha, surtout au niveau du moteur. Les départs semblaient — aussi — poser problème. As-tu rencontré les mêmes difficultés que lui cette saison ? Qu’est-ce qui s’est passé pour vous cette année ?

Clairement, on a tous roulé en dessous de nos attentes, assez loin de notre niveau et de ce dont on était capables.

Si j’avais été le seul dans ce cas, j’aurais été capable de me dire que c’était de ma faute, que le problème venait de moi. Mais visiblement, ça concernait tous les pilotes, et j’irais même jusqu’à dire que les pilotes de l’équipe MX2 étaient dans une situation plus compliquée encore que les pilotes de l’équipe MXGP.

Malgré tout, tout le monde a fait de son mieux dans l’équipe. Il y a eu quelques changements qui ont été faits entre 2024 et 2025. Ne me demande pas pourquoi, parce que je ne le sais pas non plus… Mais voilà, certaines choses ont changé et j’ai roulé avec le matériel qu’on m’a fourni. Je ne pouvais pas faire grand-chose pour améliorer la situation. J’ai donné le maximum, et j’ai fait avec ce que j’avais, et voilà. Parfois, ce sport peut se montrer cruel sur certains aspects.

Mais je ne peux pas critiquer qui que ce soit, parce que chacun a vraiment essayé de faire du mieux possible au sein du team. Je pourrais presque écrire un livre sur tout ce qu’il s’est passé cette saison, sur les galères mentales et tout le reste. Mais je ne le ferai pas, parce que je reste reconnaissant pour tout ce que l’équipe m’a apporté au fil de ces années.

Rick Elzinga, c’est 57 GP en MX2: 32 top 10, dont 6 top 5 / 2 podiums @DailyMX

Tiens, ton agent est français : Gérard Valat ! Comment ça se passe pour toi à ce niveau-là ? Tu discutes souvent avec lui, tu lui dis ce que tu cherches, ce que tu veux ?

C’est top de bosser avec Gérard. J’ai été mis en contact avec lui grâce à Loïc Le Foll, du team MJC. C’est top, parce qu’il sait ce que j’aime, ce que je recherche. On se parle un peu de temps en temps. Quand tout va bien, je n’ai pas vraiment besoin de lui, mais quand les choses se compliquent, il est toujours là — et c’est exactement ce dont tu as besoin dans ces moments-là.

J’essaie de gérer un maximum de choses moi-même, mais dès qu’il s’agit de contrats, dans ce milieu, il faut quelqu’un qui s’y connaisse, qui puisse t’aider à trouver des opportunités et qui ait les bons contacts. Et c’est ce que Gérard fait pour moi. Il m’est d’une grande aide, vraiment. Je suis content de l’avoir à mes côtés, il fait du super boulot à ce niveau-là. Surtout cette année. Même si je baigne dans ce milieu depuis toujours, tout ce qui concerne les négociations de contrats, c’est un autre univers… Il faut en connaître tous les rouages et — clairement — ce n’est pas mon cas. Donc je suis content de pouvoir compter sur Gérard pour gérer tout ça.

C’était comment, de passer trois ans chez Factory Yamaha en MX2 ? C’est l’une des meilleures équipes de la catégorie, et quand tu roules pour eux, on s’attend forcément à te voir performer, à te battre pour le podium au minimum. Dirais-tu que c’est un environnement stressant, voire usant, ou au contraire motivant, puisque tout le monde travaille dans le même but : gagner ?

Pour moi, c’était surtout motivant. Mais j’ai le sentiment de ne jamais avoir pu pleinement montrer ce dont j’étais capable, pour plusieurs raisons. Comme le fait de ne pas être dans le bon état d’esprit, d’être blessé, de ne pas avoir la bonne condition physique, ou à cause des problèmes avec la moto. C’est un mix d’un peu de tout, tu vois. Mais bon, si tu veux être champion, tu dois bosser pour, parce que les choses ne s’alignent pas toujours parfaitement toutes seules. C’est à toi de faire le job. Donc le constat, c’est que je n’étais pas assez bon, tout simplement.

Je ne dirais pas que c’était une situation stressante. Je faisais juste de mon mieux. La meilleure façon de plaire à ton équipe, c’est de ramener du résultat. Et je dirais que dans l’ensemble, mes résultats étaient plutôt corrects pendant ces trois ans. Ça restera une belle aventure pour moi. Les saisons 2022 et 2023 ont été les meilleures, les plus funs pour moi — mon année sur l’Europe 250 et ma première saison en MX2 avec eux. Après ça, les choses ont un peu pris la mauvaise direction. Et cette année, c’était vraiment difficile. Mais bon, je préfère garder les bons moments en mémoire. Qui sait, peut-être qu’un jour on aura l’occasion de retravailler ensemble ?! On verra bien.

Rick Elzinga a déjà fait quelques séances de testing à Lommel sur la Beta @MXGrietje

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Tu viens d’être annoncé chez MRT Beta pour 2026. Signer avec Beta implique beaucoup de changements pour toi : nouvelle catégorie, nouvelle équipe, nouvelle marque… On est à environ quatre mois du début de 2026, il doit y avoir pas mal de travail à abattre, non ?

Oui, il va y avoir beaucoup de changements pour moi durant l’intersaison. Je suis content de monter en 450, parce que je suis un grand gabarit, et mon style de pilotage correspond mieux à la 450. Sur la 250, disons que mon style ne me permettait pas toujours de m’exprimer de la meilleure des manières. Je pense que sur la 450, ce sera mieux.

Jusqu’ici, l’expérience avec Beta est bonne. On a déjà fait du testing au niveau des suspensions pour trouver une base. Maintenant, on va prendre un peu de repos. Début novembre, j’attaquerai la préparation physique. Peut-être même la semaine prochaine, histoire de rester actif car j’ai déjà pris quelques semaines de repos après le GP d’Australie.

Puis en novembre, je reprendrai l’entraînement en motocross et on fera un peu de testing. Tu sais, il faut quand même un peu de temps pour s’habituer à une nouvelle moto. Donc d’abord on va s’habituer, et ensuite on fera du testing pour améliorer la moto. Selon moi, on dispose de bien assez de temps pour régler la moto. J’aimerais aussi pouvoir progresser sur le plan personnel, je vais aussi me concentrer là-dessus cet hiver.

La Beta, c’est une moto qui a vraiment une grande marge au niveau des réglages. Disons qu’il y a beaucoup de moyens de l’adapter. En ce moment, je roule sur les réglages de Ben Watson, et je sens que ce n’est pas franchement mon type de setting. Mais malgré ça, la moto reste très polyvalente, assez facile à piloter et puissante. Je pense que ce sera assez simple de la régler sur la plupart des circuits, tout en roulant librement.

Parlons de cette Beta. Certes tu changes de cylindrée, mais tu passes aussi sur une moto radicalement différente. Quelles ont été tes premières impressions, à la fois sur le châssis et sur le moteur ? Tu passes d’un cadre en aluminium à un cadre en acier, c’est quoi le ressenti ?

Les premières impressions ont été bonnes. C’est sûr qu’avec la 450 YZ-F, il y a de grosses différences. La Yamaha est vraiment puissante à bas régime, très agressive. La Beta est plus dans le style de la KTM : elle est un peu plus douce en bas, on sent que le passage au sol est différent. On ne peut pas vraiment dire qu’une moto est plus puissante que l’autre. Elles ont juste des comportements différents en piste. C’est difficile de comparer les deux, du coup.

Par contre, on sent tout de suite la différence avec le cadre acier. Moi, je trouve ça top, car je ressens un peu plus de choses. Certains pilotes sont un peu nerveux à l’idée de passer sur de l’acier. Mais moi, j’aime bien le retour d’information que j’ai avec la moto. J’aime savoir ce qu’elle fait, et ce qu’elle va faire. Ce cadre en acier me permet de vraiment ressentir les choses. C’est surtout là que c’est différent pour moi.

Après, je n’ai pas encore énormément roulé sur la Beta. Donc je vais devoir rouler davantage dessus, essayer de nouvelles choses, et on verra où ça nous mènera. L’équipe va aussi préparer quelques settings pour moi, à essayer, et on verra ce que je préfère. Ensuite, on pourra travailler ensemble, je pourrai formuler des demandes, afin qu’on peaufine tous ces réglages.

Ça prendra un peu de temps, mais on a tout l’hiver pour ça. On aura le temps de tout faire. En plus, ces dernières saisons, j’ai été blessé pendant la période hivernale ; à chaque fois. Je n’ai pas vraiment pu faire de préparation. Cette année, je vais essayer de rester en un seul morceau pendant l’hiver, et faire le plus de testing possible !

Le constructeur Italien mise sur la jeunesse en 2026@MXGrietje

Qu’est-ce qui a finalement fait que tu t’es dit : « C’est pour cette équipe, avec cette moto, que je veux rouler en 2026 » ?

Évidemment, la plupart des équipes factory avaient déjà leurs pilotes. Il n’y avait pas beaucoup de places pour les pilotes qui arrivaient dans la catégorie. Ce n’est pas facile de trouver un guidon en MXGP. J’ai été vraiment super content quand l’usine Beta m’a contacté en me disant qu’ils cherchaient un pilote plus jeune, pour envisager quelque chose sur le long terme. J’ai signé un contrat d’un an, mais l’idée est de construire une relation sur le long terme. Ça, ça m’a plu. J’ai pu essayer la moto pendant la saison, et j’ai été positivement surpris par la Beta. À partir de là, on a vraiment commencé à discuter sérieusement, et on a trouvé un bon compromis. Je suis vraiment content que Beta m’ait porté cet intérêt, et d’avoir cette opportunité aujourd’hui.

Seras-tu toujours basé aux Pays-Bas en 2026, ou devras-tu déménager en Italie ? Tu as commencé à travailler avec Alessio Chiodi en 2025, ce sera toujours le cas l’an prochain ?

Je serai en Italie cet hiver. J’y étais déjà durant l’intersaison dernière, car j’étais chez Alessio Chiodi. Ensuite, pendant la saison, j’étais basé aux Pays-Bas avec l’équipe. Mais avec Beta, ça restera à peu près pareil : un hiver en Italie et le reste du temps dans le nord. Pendant la saison, ils sont à Lommel car ils ont des installations là-haut. Je resterai donc chez moi, à environ deux heures de Lommel. On peut gérer comme ça. Je me sens mieux quand je suis à la maison, donc c’est une bonne chose pour moi.

Et évidemment, maintenant c’est encore plus pratique de travailler avec Alessio. L’an dernier, on a vraiment bien bossé pendant l’hiver. Là, je suis désormais dans une équipe italienne, proche de lui, c’est vraiment cool. C’est une belle coïncidence, en fait. Je suis content de travailler avec lui à nouveau. Pour moi, c’est toujours du positif de l’avoir à mes côtés. Sur le plan mental, ça m’aide également. Alessio est quelqu’un de très doué, il a un super feeling sur la moto. Je vais essayer de profiter un peu de son ressenti et de ses connaissances pour m’aider dans le réglage de la moto. Ça va être top de pouvoir travailler avec lui de nouveau.

Rick Elzinga « Parfois, ce sport peut se montrer cruel sur certains aspects »
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