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Dossier: La nutrition du pilote avec Anthony Micheau


Aussi technique qu’un Jett Lawrence, plus affûté physiquement que Chase Sexton, vous êtes – tel Eli Tomac – capable de coller 4 secondes à tout le monde sur un tour aux essais et pourtant, on mettrait notre main à couper qu’on vous retrouvera avec un saucisson en main à la veille d’une épreuve. Souvent négligée, la nutrition du pilote reste l’un des éléments clefs-de sa réussite. Un sportif – quel qu’il soit – se doit d’avoir un régime alimentaire qui lui est propre afin d’optimiser ses résultats à l’entraînement comme en compétition. Sur le papier, ça semble logique mais dans la pratique, certains ont plus de mal à s’y retrouver. Diplômé en Nutrition et Micronutrition à l’Université des Sciences et du Sport, Anthony Micheau accompagne des athlètes de tous niveaux et les aide à améliorer leurs performances et leur récupération grâce à un programme nutritionnel et un suivi personnalisé. On est allé lui demander quelques conseils pour ceux qui cherchent à optimiser leur programme sans trop savoir comment s’y prendre sur le plan nutritionnel. À vos notes ….

Hello Anthony ! Pour commencer et poser les bases, est-ce que tu peux nous rappeler quelle est la différence entre la nutrition et la micronutrition ?

La nutrition s’intéresse essentiellement aux apports en macronutriments, c’est-à-dire aux apports en glucides, en protéines et en lipides. Elle s’intéresse aux apports caloriques pour savoir si nous mangeons la bonne quantité par rapport à notre âge, notre taille et notre activité physique par exemple, et à la répartition de ces apports, c’est à-dire-à ne pas avoir un excès ou une carence en glucides, en graisses (lipides) ou en protéines. C’est un peu comme si on se souciait du carburant du pilote.

La micronutrition s’intéresse quant à elle aux apports en vitamines, minéraux et oligo-éléments de l’alimentation. C’est une discipline plus complexe mais qui mérite de s’y attarder, car les excès ou les carences en ces éléments jouent un rôle important dans la performance sportive, dans la récupération et dans la prévention des blessures.

À titre d’exemple, une carence en vitamine D diminue la réponse anti-inflammatoire post-effort et nuit à la reconstruction musculaire, allant même jusqu’à avoir une incidence sur le moral de la personne carencée.

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Une carence en calcium augmente le risque de fracture en diminuant la densité osseuse, surtout si le pilote a une alimentation de type acidifiante (à ne pas confondre avec acide). Ce qui est le cas de beaucoup de personnes qui consomment souvent trop de protéines animales, de céréales et de sucre au détriment des fruits et des légumes.

La micronutrition, en résumé, c’est un peu le « setting » du pilote, qui comme pour le moteur ou les suspensions, doit impérativement être individualisé.

On voit passer beaucoup de publicités sur internet au sujet des compléments alimentaires, que faut-il en penser ?

Les publicités pour les compléments alimentaires, à l’instar de certains régimes dont nous parlerons juste après, prétendent répondre de manière simple et efficace à des problématiques complexes.

S’il suffisait de prendre une gélule pour être plus performant, clairement, ça se saurait et les chercheurs ne perdraient pas leur temps à entreprendre des études poussées sur la question. En plus, cela voudrait dire que tous les sportifs ont la même problématique, ce qui, par expérience, est faux.

Bien-sûr, il m’arrive d’utiliser des compléments dans mon activité, mais uniquement pour combler des choses qui n’auraient pas pu l’être par l’alimentation, et uniquement après avoir validé une carence ou un problème avec le pilote en question.

Je conseillerai donc aux pilotes, surtout amateurs, de se concentrer sur leur alimentation avant de dépenser de l’argent dans les compléments. Je vois certains pilotes faire des cures de multivitamines et minéraux, mais cela n’est pas sans risque sur les performances et sur la santé. En effet, un excès de vitamine C nuira aux performances sportives en réduisant la biogenèse mitochondriale, surtout si elle est associée à la vitamine E. On peut également citer l’exemple d’une personne en excès de fer, ce qui aura un effet pro-oxydant, et un excès de zinc augmentera le risque de cancer de la prostate, tout en diminuant l’absorption d’autres minéraux comme le cuivre, le fer et le calcium.

Enfin, choisir le mauvais magnésium (oxyde de magnésium par exemple) pourra entraîner des diarrhées et des douleurs digestives.

Que penser de ces régimes miracles qui fleurissent ? Le sans gluten, cétogène (kéto)…

Là aussi, on cherche à apporter des réponses radicales à des problèmes complexes. On va accuser le gluten ou les glucides d’être la cause des contre-performances sportives, mais les études, bien que parfois contradictoires, montrent que ce n’est pas forcément le cas. Le sans-gluten s’adresse aux personnes atteintes de la maladie cœliaque, et si certains sportifs se sentent mieux en le diminuant, il faut souvent se poser la question d’un éventuel dérèglement du microbiote (la fameuse flore intestinale).

Quant au régime cétogène, qui consiste à supprimer tous les glucides pour ne garder que les graisses et les protéines, par expérience, il demande un temps d’adaptation souvent compliqué et les résultats ne sont pas à la hauteur des promesses.

Concrètement, à quoi ça devrait ressembler, l’alimentation quotidienne d’un pilote ?

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Tout d’abord, il faut avoir les bases : consommer des aliments les moins transformés possible, idéalement bio (et pas celui qui a fait le tour du monde) ou de production locale. 

Au réveil : Je préconise un grand verre d’eau tiède pour réhydrater le corps après la nuit. 15 à 30min après, on peut partir sur un petit déjeuner salé ou sucré, mais avec des protéines. Exemple: Oeuf brouillé, pancake (mélanger flocons d’avoine + 1/2 banane et 1 œuf), du skyr avec des flocons d’avoine et des noix, noisettes et amandes pour les oléagineux. Les protéines permettent au corps de produire suffisamment de dopamine (via l’acide aminé tyrosine qui compose les protéines), nécessaire à la motivation et à la concentration. De plus, cela permet d’éviter le pic de glycémie et le coup de barre en fin de matinée. Pour les adultes, on évite le lait, car l’enzyme (lactase) qui permet de le digérer est souvent manquante, ce qui entraîne des troubles digestifs.

Au déjeuner : 1/4 d’assiette de crudités, des protéines de type viande blanche, poisson, œuf (viande rouge 1 fois par semaine) et un peu de féculents de type riz basmati ou semi-complet, patates douces, quinoa… (pâtes et pain deux fois par semaine). Éventuellement un peu de fromage, plutôt chèvre ou brebis. Le fait de débuter le repas par un peu de crudité « prépare » le terrain de la digestion et amène des enzymes utiles. Concernant le mode de cuisson, on évitera de faire « griller » les aliments, car la réaction associée, appelée réaction de Maillard, augmente les risques cardiovasculaires et neurodégénératifs (cœur et cerveau). On privilégiera les salades composées au printemps et en été, et la cuisson douce ou vapeur en automne hiver.

En collation : 1 fruits frais de saison (pas de compote car la cuisson détruit les enzymes et la plupart des vitamines) en alternance avec des noix, noisettes et amandes (qui auront trempé dans un verre d’eau 3h avant pour les rendre plus nutritives et digestes)

Au diner : Du poisson blanc ou des lentilles / lentilles corail, des légumes CUITS (car plus digestes) du type woke, gratin, purée, soupe etc. S’il y a eu un gros entraînement l’après-midi, on peut rajouter 1/4 d’assiette de féculent comme à midi pour refaire les stocks de glycogène et terminer par un yaourt de brebis ou de chèvre (sans être obligatoire). On évitera surtout le porc et le bœuf, plus longs à digérer, et les plats gras de manière générale.

L’hydratation est également très importante, entre 1,5 litres et 2 litres par jour. Pour y penser, la gourde que l’on emporte avec soi est souvent d’une aide précieuse.  Un manque d’hydratation sera responsable de maux de tête, de crampes et abimera les reins au passage.

Enfin, on limite le café qui baisse l’absorption des vitamines du groupe B (importantes chez le sportif) et augmente les pertes en magnésium et en calcium. On peut le remplacer par le mate ou le matcha par exemple.

Et le jour de la course ?

Le jour de la course, on gardera le petit déjeuner protéiné 3h avant les premiers essais et on oubliera le croissant au Nutella. En effet, les gâteaux, brioche ou autres viennoiseries ne permettent pas une bonne production de dopamine et donc une bonne concentration, et surtout, comme elles ne contiennent que des sucres rapides, elles entraîneront un « coup de pompe » 1 à 2h après ingestion (appelé hypoglycémie réactionnelle). Pas le top en plein chrono !

Au déjeuner, une salade composée avec un peu de poulet, des pâtes ou du riz basmati (on évitera les fibres le jour d’une course car elles peuvent irriter les intestins, déjà malmenés par l’effort intense). On évitera surtout les aliments gras (charcuterie, saucisses, fromage…) qui stagnent dans l’estomac et dont la digestion demande beaucoup d’énergie au corps. 

15 min avant le départ (essais, chrono, course), on boira un grand verre d’eau et même chose à l’arrivée.

Entre les manches, on privilégiera la banane, la figue ou les dattes qui se digèrent rapidement et remontent le stock de glycogène des muscles, diminué pendant le roulage. 

Enfin, en cas de course dans des conditions chaudes, je vous conseille de boire entre les manches 50cl de boisson isotonique riche en électrolytes, par petites gorgées, afin de compenser les pertes en minéraux. Attention cependant à la tester à l’entraînement avant pour savoir si vos intestins la tolèrent bien (le cas échéant, essayez une autre marque).

Le mot de la fin ?

La nutrition et la micronutrition font partie intégrante de la préparation du pilote, au même titre que la préparation physique. Il est admis que les pilotes dépensent souvent beaucoup d’argent dans la préparation de leur moto (échappement, suspensions…), mais oublient de prendre soin de leur propre « carburant »  . Une attention à ces conseils pourra, en plus d’augmenter les performances (et donc les résultats en course), limiter les risques de blessures et participer à la récupération.

Pour ceux qui seraient désireux d’aller plus loin, vous pouvez me retrouver sur www.micronutrisport.com ou prendre contact avec moi à l’adresse suivant: contact@micronutrisport.com

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