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Jeffrey Herlings “il se pourrait bien que ce soit mon dernier contrat en MXGP”

Images: Ray Archer / KTM

Jeffrey Herlings débute la saison 2024 avec une huitième place en Argentine, et une quatrième place en Espagne. Dans un état d’esprit différent, et surtout bien plus détendu qu’à son habitude en début de campagne, l’officiel Red Bull KTM s’est prêté au jeu de l’interview avec notre confrère Jonathan McCready, au soir du GP d’Arroyomolinos. Le pilote Néerlandais n’est pas le plus rapide en piste et doit encore travailler pour pouvoir jouer les podiums et les victoires de manches. Les années passent, les temps changent. Micro.

Jeffrey, il y avait du mieux en Espagne en comparaison avec l’Argentine, tu termines au pied du podium à Arroyomolinos. Comment tu décrirais ton week-end, mais aussi l’ouverture de saison en Argentine ? On aurait-dit que tu trouvais le tracé dangereux, et que tu voulais juste rentrer en un seul morceau.

En fait, les deux premiers tracés n’étaient pas terribles. Ce tracé Espagnol aurait pu être bien mieux, mais ils l’ont ruiné avec leur organisation. Comme on a pu le voir, il n’y a eu que très peu de dépassements. Au niveau de la préparation des terrains, ils devraient regarder comment font les Américains, car ils font ça très bien. En Argentine, le tracé était vraiment tendu; celui-là l’était un peu moins.

Au niveau des courses, je ne pense pas que ce soit très cool à regarder à la TV. J’ai regardé les manches MX2, et les mecs se suivaient partout, le tracé n’offrait pas vraiment de place pour dépasser. Je ne me sers pas de ça comme d’une excuse, car de toute façon, je n’avais aucune chance de contrer Prado. J’ai été malade tout le week-end et ce n’était pas vraiment l’éclate. À chaque fois que je mangeais, j’avais l’impression de n’avoir aucune énergie et j’étais rincé en seconde manche, on peut le voir à ma façon de piloter. Je roulais, mais sans plus, je n’avais plus de quoi vraiment attaquer. On va mettre la tête dans le guidon, j’espère qu’il y aura du mieux en Sardaigne. J’ai terminé à égalité de points avec Febvre en Espagne, pour la troisième place. Je n’ai pas terminé sur le podium mais j’ai marqué le même nombre de points, ce n’est pas si mal.

Je ne suis toujours pas où je voudrais être, je suis encore loin du niveau de Jorge Prado à l’heure actuelle, mais il est vraiment fort, genre, vraiment très fort. Pour espérer le contrer ou le battre, il va falloir mettre la tête dans le guidon, et travailler dur.

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Quand tu parles du travail à effectuer, tu parles de quoi ? Tu vas faire quoi ces prochaines semaines pour te rapprocher d’un Jorge Prado ?

Il faut que je m’améliore partout. Je pense que physiquement, ça va, mais il faut que je trouve un peu plus de vitesse, que je prenne de meilleurs départs. J’ai fait quelques bonnes sorties de grille à Hawkstone en signant deux holeshots, j’ai aussi pris deux très bons départs lors de l’ouverture du Dutch Masters, mais il faut être capable de répliquer ça sur les grands prix.

À chaque fois, je me retrouve à côté de Jorge sur la grille et il prend de très bons départs. Il se déporte un peu sur la droite en sortie de grille, et ça me fait foirer mon départ. En vrai, je sais très bien ce qu’il va se passer quand je me place à côté de lui car il se déporte toujours un peu pour ouvrir le premier virage; je m’en doutais un peu. Ce n’est pas une excuse de ma part, car même si j’avais signé le holeshot en Espagne, je n’aurais pas été en mesure de le battre. Ce n’est pas grave, j’étais meilleur qu’en Argentine et la prochaine étape, c’est de monter sur le podium; c’est ce que j’espère.

C’est comment pour toi, d’accepter le fait de ne pas être le pilote le plus rapide en piste ?

C’est difficile. Par exemple ce week-end, lors des essais chronométrés, j’étais à une seconde du meilleur temps. Pourtant, quand j’ai franchi la ligne d’arrivée après avoir signé mon meilleur tour lors de la séance, je me suis dit “franchement, je n’en ai pas plus que ça sous le coude pour l’instant”, et je me prenais une seconde ! Tu sais, je ne rajeunis pas, j’ai bientôt 30 ans et on voit un peu la même chose avec Eli Tomac. Il a été le plus rapide pendant 10 ans et là … Disons que les choses changent. J’espère que Prado ira aux USA, comme ça, il ne sera plus là l’an prochain ! [rires].

On peut parler de ces manches qualificatives ? En Argentine, tu n’es pas passé loin de te faire atterrir dessus et en Espagne, c’était chaud le samedi dans les premiers virages …

Je ne comprends pas, Infront devrait vraiment apprendre du Supercross et du Motocross US, et faire un format sur une journée. Là-bas, ils en sont à la seconde moitié de saison et je ne sais même pas s’il y a des pilotes blessés parmi les tops pilotes. Ici, on a déjà la moitié du plateau qui est blessé. Regarde Guadagnini, Renaux, Fernandez, Geerts et d’autres, en seulement deux épreuves. Ils devraient ouvrir les yeux et se demander “Hey, est-ce qu’on fait quelque chose de travers ?”.

Si ça continue comme ça, on va finir par ne plus avoir un seul pilote en piste à un moment de la saison. J’ai aussi oublié Van Doninck qui s’est fracturé la jambe. Je pense que l’organisation en MXGP n’est pas si pire, mais la façon dont ils préparent les circuits … Il y a de meilleures façons de faire, plus sûres, qui permettrait des dépassements. Infront devrait vraiment se pencher sur le sujet, et tenter de copier ce qu’ils font aux USA.

Place au sable à Riola Sardo. Ça te met de la pression de disputer le prochain GP sur ta surface de prédilection ? Est-ce que tu regardes déjà les points au championnat ou est-ce que tu restes plus relax’, vu que tu t’améliores chaque week-end ?

Je perds des points à chaque manche, c’est simple. Chaque manche, je perds 5 points. Je ne sais même pas combien de retard j’ai au championnat, 25 ou 30 points j’imagine ? Je ne sais même pas. Ce que je sais, c’est qu’il y a beaucoup de boulot. C’est un championnat très long, on va disputer 54 manches. Ce n’est jamais idéal d’être à 30 points mais on va avoir beaucoup de manches. Par le passé, j’ai déjà eu 150 points d’avance sur le second et j’ai quand même perdu le titre, genre deux années de suite. Je me dois d’être honnête aussi, Gajser et Prado sont plus rapides, c’est comme ça.

On dirait que tu aimes toujours autant la compétition. Maintenant que tu prends de l’âge, tu penses à ce que tu feras après, où tu te concentres juste sur ta saison ?

Comme je l’ai toujours dit, il se pourrait bien que ce soit mon dernier contrat en MXGP, car mon contrat avec KTM se termine en fin de saison 2025. Ceci dit, je me dis que je roule toujours bien. Je suis toujours dans le top 5 et je pourrais être dans le top 3 si j’étais en meilleure forme. Il y a de nombreux constructeurs qui roulent sur le mondial MXGP, on voit Triumph qui arrive, Ducati qui arrive, et puis il y a GasGas, KTM, Kawasaki, Honda, Beta… Il y a tellement de constructeurs. Du coup, je me demande “pourquoi arrêter à la fin de l’année prochaine ?“. Évidemment, si je me blesse de nouveau l’histoire sera différente mais pour l’instant, je ne sais pas trop. Je ne veux pas rouler en MXGP jusqu’à 35 ans, mais je ne dis pas non plus que j’ai envie d’arrêter à la fin de la saison prochaine. Je pense que c’est encore trop tôt pour le dire, et du moment que je suis dans le top 3/5, ça devrait le faire.

Et une saison aux USA, comme Cairoli a fait dernièrement ?

Pour le Supercross, non car je suis trop vieux pour apprendre la discipline mais pour l’outdoor, pourquoi pas. Le truc, c’est Jett Lawrence … Actuellement, je ne suis pas en mesure de battre Jorge Prado donc je n’aurais aucune chance face à Jett car il est un cran au-dessus. Tant qu’il roulera là-bas, je n’irais pas aux Etats-Unis [rires].

La plupart des gens qui te regardent rouler se demandent comment c’est possible d’aller aussi vite. Est-ce qu’à contrario, tu te demandes pourquoi les autres ne sont pas aussi rapides que toi ? Et on ne parle pas des pilotes de GP, mais des amateurs. Tu fais partie du haut du panier donc toi, quand tu vois les autres rouler, le scénario s’inverse finalement.

Je respecte les mecs qui roulent pour le plaisir. Ils bossent de 8h à 17h du lundi au vendredi, ils vont faire de la moto le week-end ou le mercredi soir et ils se font plaisir; c’est différent. Je les respecte car grâce à ces gens qui achètent des motos, des pièces, on peut – nous – vivre de notre sport. On a besoin que les gens achètent des motos car sinon, les constructeurs mettent la clef sous la porte. J’ai beaucoup de respect pour eux, et aussi pour les fans qui viennent sur les courses, car c’est grâce à toutes ces personnes là qu’on a un boulot, nous pilotes et athlètes, toi média, et les équipes aussi.

Interview: Jonathan McCready – Gatedrop.com

Jeffrey Herlings “il se pourrait bien que ce soit mon dernier contrat en MXGP”
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