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Ben Watson « Parfois, j’ai l’impression que les gens sous-estiment le niveau en MXGP »

images: DailyMotocross

16. C’est le nombre de pilotes officiels engagés sur le championnat du monde MXGP cette année. Parmi ces 16 garçons, deux pilotes Beta: Tom Koch et Ben Watson. Ancien vainqueur de GP en MX2, Ben Watson est monté en catégorie reine dès 2021. D’abord officiel Yamaha (2021) puis Kawasaki (2022), il réalise cette année son troisième mandat avec Beta. Meilleur représentant Britannique en mondial – MX2 comme MXGP – depuis 3 ans, Ben Watson navigue – de nouveau – aux alentours du top 10 cette année, et au guidon d’une machine largement sous-cotée. Andy McKinstry est allé à la rencontre de l’officiel MRT Beta à Lugo. Micro.

Ben, tu faisais une bonne saison l’an dernier avant de te blesser. Pour débuter la nouvelle année, on imagine qu’il y avait forcément un peu d’incertitude puisque tu n’avais pas roulé depuis longtemps. Mais tu as bien démarré la nouvelle saison, tu roules régulièrement dans le top 10. Satisfait de cette première moitié de saison ?

C’est vrai que se faire une rupture du ligament croisé, ça représente une longue période sans faire de moto. J’ai passé six semaines sans pouvoir poser le pied par terre, donc j’ai perdu beaucoup de muscle dans la jambe. Au début, je ne pensais même pas vraiment à remonter sur la moto, l’objectif était juste de retrouver la forme, être assez remis pour pouvoir justement penser à remonter sur la moto. C’était étrange de passer tout un été à la maison – en Angleterre. Ce n’était plus arrivé depuis très longtemps.

C’était sympa d’un côté, mais j’ai débuté la saison 2025 en étant un peu dans l’inconnu. Quand tu rates beaucoup de courses, il faut quelques rounds pour retrouver le rythme. J’ai choisi de me faire opérer au plus tôt l’an dernier pour être de retour à temps pour commencer la préparation hivernale; afin de faire un hiver solide et prêt pour la première course en Argentine. Du coup, je n’étais pas complètement largué non plus. L’an dernier, j’avais bien commencé la saison; j’étais 10e du championnat quand je me suis blessé au Portugal. Cette année, le début de saison est un peu similaire; je suis toujours autour du top 10. Il me manque encore quelques petits trucs pour franchir un nouveau cap. Je sens que je roule mieux lors des courses cette année. Le vrai problème, ce sont mes départs, ils me pénalisent énormément. On travaille dessus avec l’équipe. Si on parvient à s’améliorer sur ce point, ça peut faire une grosse différence.

Concrètement, quand as-tu repris la moto l’an dernier ?

J’ai repris la moto vers fin novembre, et j’ai roulé jusqu’à Noël. Je suis rentré à la maison pour les fêtes, puis début janvier on est partis en Sardaigne pour faire notre bootcamp d’intersaison. Je pensais encore beaucoup à mon genou à l’époque, donc je ne prenais pas trop de risques. J’ai aussi eu pas mal de soucis avec mes avant-bras. La préparation en Sardaigne n’a pas été parfaite mais au moins, j’ai pu rouler sans avoir de problèmes. En quelques semaines je me sentais déjà beaucoup mieux. Ensuite, on a fait les courses de pré-saison avec l’équipe, les internationaux d’Italie, puis le premier GP en Argentine et depuis, on est sur la route chaque semaine.

C’est ta troisième année sur la Beta. Comment la moto a-t-elle évolué depuis tes débuts avec ? J’imagine que tu l’as beaucoup développée. Jeremy Van Horebeek avait bossé dessus avant toi, mais c’était avec une autre équipe.

Disons qu’il y a du bon et du moins bon. En tant que pilote, tu veux avoir le package complet qui te permette d’avoir confiance en ta moto et de là, tu t’en tiens au plan. Tu peux toujours faire des petits ajustements pour progresser et travailler sur les suspensions, la transmission et certains aspects pour régler la moto à chaque GP. J’ai bien apprécié la partie développement, car je suis en contact direct avec l’usine. Si j’ai besoin de quelque chose où que j’ai envie de faire un changement, je les contacte directement. La communication est assez simple en fait, mais ça prend aussi du temps.

Si tu veux faire des changements, il faut faire du testing. Je ne peux pas faire un gros changement sur la moto et me lancer sur une course du mondial sans avoir testé. Il faut s’assurer que ce soit fiable et ça prend du temps, bien plus que les gens ne pensent. L’intersaison, c’est toujours la meilleure période pour faire et proposer des changements mais parfois, on n’est réellement prêt qu’à partir de la mi-saison, et c’est ce qui rend les choses difficiles. Tout le monde, chaque pilote du paddock, va vouloir faire des changements sur sa moto durant la saison pour l’améliorer.

Je dirais que chez Beta, on a vraiment été dans la bonne direction début 2023 quand j’ai rejoint l’équipe. Là, c’est ma troisième année sur la moto, et je m’améliore à chaque fois. On va dans la bonne direction, tout le monde travaille très dur en coulisses. Zach Osborne vient aussi d’être nommé ambassadeur de la marque pour aider au développement de la moto, je pense qu’il peut apporter beaucoup avec son expérience. C’est un excellent pilote, il va pouvoir monter sur la moto, avoir un feeling et nous aiguiller vers certains changements. C’est bon d’avoir un mec de ce calibre avec nous, un peu à l’image de ce que fait Cairoli avec Ducati par exemple.

J’espère que Zach pourra venir rouler avec nous. Notre moto est un peu différente de celle utilisée aux USA, notamment à cause des normes autour de l’essence, et du bruit. J’aimerais qu’il puisse rouler sur ma moto, avec nous, et qu’il nous donne son ressenti.

Depuis son arrivée en MXGP en 2021, Ben Watson a jonglé entre les teams factory: Yamaha (2021), Kawasaki (2022) et Beta depuis 2023

Avec Tom Koch, vous êtes les deux seuls pilotes à rouler en Beta. Aucun autre team ou pilote privé ne roule sur cette moto. Tu dirais que vous évoluez un peu dans l’ombre ?

Un peu, oui. En même temps, peu de Beta sont disponibles. Je crois qu’elle n’a été disponible à la vente que l’an dernier, et en nombre très limité. Cette année, ils vont en produire un peu plus. Je pense qu’ils voulaient attendre de voir comment ça allait se passer en premier lieu. C’est sûr qu’on ne voit pas beaucoup de Beta sur les terrains, comme à l’entraînement, sauf en Italie. C’est surprenant car en Enduro, Beta est vraiment très présent. Je pense d’ailleurs honnêtement qu’ils ont la meilleure moto dans la discipline. Ils visent haut, avancent doucement, mais sûrement. Du côté de l’usine, les gars bossent dur; il y a aussi une nouvelle ligne de production qui va être ouverte, donc c’est une bonne chose.

On entend dire que chez Beta, ils planchent sur une 250cc 4 temps, et les rumeurs suggèrent qu’on pourrait voir des pilotes officiels en MX2 ? Tu as entendu certaines choses à ce sujet ?

J’ai entendu et vu certaines choses, mais on va attendre de voir comment ça va se dérouler. La situation est la même que pour nous; tout est actuellement en plein développement et ça prend forcément du temps. Pour l’heure, je ne pense pas qu’il y ait une date de sortie de la moto, ou de début d’un programme en MX2.

Est-ce que tu aimerais faire partie du programme de développement de cette 250 ?

Pour l’instant, pas vraiment, parce que je suis le pilote principal de la marque sur le championnat du monde MXGP pour Beta. Il n’y a que nous deux – Tom et moi – donc je préfère me concentrer sur mon job à l’heure actuelle. Il y a encore beaucoup de travail à abattre et de choses que j’aimerais pouvoir faire sur la 450cc, donc je reste concentré là-dessus. Sinon, durant mon temps libre ou à l’intersaison, ça pourrait être cool de rouler un peu en 250cc.

Tu vis en Italie désormais, et ton frère Nathan aussi du côté de Bergamo. Tu te sens comme à la maison, en Italie ?

Honnêtement, je n’aime pas trop vivre là-bas. Ce n’est pas exactement ce que les gens imaginent. Ils pensent aux avances en Italie dans les coins sympas et c’est normal, car il y a vraiment de très beaux endroits en Italie, comme en bord de mer, et le climat est vraiment 10 fois meilleur qu’en Angleterre – surtout en été. Tu peux aussi faire du ski en hiver aussi, le pays est vraiment sympa mais d’un autre côté, j’ai parfois l’impression qu’on vit parfois avec 100 ans de retard là-bas. Disons que c’est différent, c’est cool, mais je ne m’y sens pas vraiment comme chez moi.

Il n’y a plus beaucoup de britanniques en MXGP. Sans toi, Adam Sterry, Josh Gilbert et John Adamson, il n’y aurait pas de représentants Britanniques. Tu dois être fier de ce que tu fais, surtout sur la Beta.

Je suis fier. Mais je me concentre surtout sur moi-même. J’ai une petite famille, un petit groupe qui me soutient et qui vient sur les courses pour m’aider. Il y a aussi quelques fans de la première heure qui étaient déjà là pour me soutenir quand j’étais au plus bas. Vu que je ne roule plus vraiment en Grande-Bretagne, j’ai le sentiment d’être un peu oublié par les fans Britanniques. Parfois, j’ai aussi l’impression que les gens sous-estiment le niveau affiché en MXGP. Ils voient que je termine 12ème d’un grand prix et ils se disent que ce n’est pas terrible. Surtout qu’à un moment dans ma carrière, je gagnais des Grands Prix en MX2. Du coup, beaucoup de personnes en attendent peut-être plus de moi. Oui, je peux mieux faire, mais je pense quand même que je fais du bon boulot, et que je ne suis pas fini. J’en ai encore sous le coude.

Le pilote Britannique termine 10ème à Lugo

Quels sont les objectifs pour le reste de la saison ? Il y a des cases que tu aimerais pouvoir cocher ? Tu sembles avoir la vitesse, mais les départs te pénalisent comme tu le disais justement.

Il faut vraiment que je sois meilleur lors des essais chronométrés, parce qu’une séance en amène une autre et vu que je fais de mauvais chronos aux essais, j’ai une mauvaise place sur la grille pour la manche qualificative. Si je prends un mauvais départ en manche qualificative, je vais me retrouver dans une mauvaise position sur la grille pour les manches du dimanche. Il va falloir beaucoup bosser là-dessus. Ça a toujours été l’un de mes points faibles, et ça l’est encore plus pour moi à ce niveau. Le rythme est très relevé, et il faut prendre des risques pour claquer un chrono qui te permettra d’intégrer le top 10. Au niveau des objectifs, je vais continuer à dire que je veux être dans le top 10. Quand je suis dans les 10, je me dis que j’ai fait du bon boulot parce que quand on regarde les noms des mecs qui sont présents … Je ne sais pas combien de mecs ont déjà gagné des grands prix ou un titre, mais le plateau en MXGP est juste dingue. Il faut que je sois régulier, que je continue de bosser, et que je garde en tête que la saison sera longue.

Lors des Nations, tu avais mentionné lors d’un passage sur le PulpMX Show que tu avais pour projet de faire des piges sur le championnat outdoor. C’est toujours d’actualité ?

C’était le cas, et tout avait été accepté par Beta, le team, etc. Puis le calendrier MXGP a changé quand ils ont annulé l’Indonésie, et ils ont mis le GP de Finlande à la date où je voulais être aux US pour faire une épreuve de l’outdoor. Ça a mis des bâtons dans les roues de ce projet et depuis, rien n’a été re-confirmé. J’adorerai y aller pour faire une course. On peut juste y aller avec mes suspensions et utiliser une de leurs motos sur place; c’est assez simple à organiser. C’est l’un des rêves de beaucoup de pilote de rouler aux USA. J’ai l’impression que c’est presque un autre sport aux USA par rapport à l’Europe. Le tracé de Lugo est vraiment sympa et aux USA, j’ai l’impression que toutes les pistes sont comme ça: rapides, larges, avec de gros sauts. Je ne veux pas aller là-bas pour décrocher un résultat particulier, je pense juste que ce serait quelque chose de fun à expérimenter.

Un mot sur ton avenir. Tu as engrangé une certaine expérience en mondial. Tu te vois continuer pendant encore combien de temps ? Les rumeurs suggéraient que tu pourrais éventuellement faire ta transition vers l’enduro.

J’ai 27 ans, donc j’ai encore du temps devant moi, surtout quand on voit qu’un mec comme Glenn Coldenhoff roule toujours devant à 34 ans. Physiquement, je sens que j’affiche la meilleure forme de ma carrière. Depuis 2022, j’ai progressé doucement mais sûrement, donc si je peux continuer dans cette dynamique, ça me va. L’enduro, ce n’est pas à l’ordre du jour et c’était vraiment étrange de voir cette rumeur circuler. Évidemment, mon frère Nathan roule pour Beta en Enduro, mais la rumeur était franchement drôle et il n’a jamais vraiment été question de partir faire de l’Enduro pour moi. J’ai signé une prolongation de contrat avec le team, donc tout était déjà planifié. Je vais rester en MXGP encore quelques saison; j’ai un contrat avec Beta pour 2026 également.

Ben Watson « Parfois, j’ai l’impression que les gens sous-estiment le niveau en MXGP »
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