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Jan Pancar “être pilote privé, c’est fatigant et c’est beaucoup de boulot”


100% privé ces dernières saisons, Jan Pancar ne cesse de se mêler aux pilotes Factory en MX2, comme en MXGP. Ayant soufflé sa 23ème bougie, le pilote Slovène a dû quitter la catégorie MX2 fin 2023, et évolue désormais en catégorie reine. Un camping-car, deux motos, des sponsors fidèles et une famille dévouée, voilà le programme du garçon qui décroche une huitième place de journée à Maggiora. On a été prendre la température avec le pilote Slovène à la mi-saison. On avait des questions, on a eu des réponses. Micro.

Jan, tu termines 8ème à Maggiora avec un 12-8 en manches. C’est ton meilleur GP de la saison. C’était comment ?

C’était un bon week-end, ouais. C’est mon meilleur résultat cette saison, et en catégorie MXGP, il n’est pas simple d’intégrer le top 10. Comme tu peux le voir, je suis toujours avec mon propre programme privé, donc je pourrais être dans de meilleures dispositions. En première manche, je n’étais vraiment pas à l’aise sur la piste mais en seconde manche, ça allait. J’étais quand même bloqué derrière Benoit Paturel, j’avais beaucoup de mal à trouver des solutions pour doubler. Quoi qu’il en soit, une huitième place, c’est vraiment bien.

J’imagine que tu avais des attentes avant le début de l’année. À la mi-saison, on est dans les objectifs ?

Je dirais que oui et non. En fait, je pense que la plupart des gens n’en attendaient pas autant de moi. Moi par contre, j’en attendais autant car je me sentais vraiment bien à l’intersaison. Je pense que la 450 convient plus à mon style de pilotage, je suis un pilote plutôt coulé, pas très agressif, et la 450 me correspond mieux de ce point de vue là.

Je me sentais bien pendant l’hiver, à l’entraînement et tout ça. Je me suis un peu blessé cette saison, mais c’est comme ça qu’est le sport. Je me suis tordu le genou en Allemagne et j’ai chuté fort en Lettonie; je me suis bien cogné la tête. Ce sont des petits aléas. Le truc, c’est que si tu n’es pas à 100%, ça devient tout de suite plus dur en catégorie reine parce qu’il y a vraiment beaucoup de gars rapides.

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Tu étais régulièrement dans le top 10 en MX2. Qu’est-ce qu’il te manque pour que ce soit également le cas en MXGP désormais ?

Les départs. Je me sens en forme. Sur le dur, je sais que j’ai la vitesse. Il faut que je puisse partir devant, dans le top 10 et je pense que ça devrait le faire. Dans le sable … ce n’est toujours pas facile pour moi mais sur le dur, je suis plutôt rapide. Il faut partir devant parce que les mecs sont rapides et il est toujours compliqué de doubler sur les circuits du MXGP. Si tu perds trop de temps ou de places en début de course, tu peux être sûr que tu en doubleras jamais autant de mec en une manche, à moins d’être vraiment beaucoup plus rapide qu’eux.

En 250, il faut vraiment bosser sur le moteur pour avoir la puissance et être compétitif. C’est difficile pour les privés. Désormais, tu es en 450. La puissance d’une 450 d’origine est largement suffisante pour rouler devant. Ceci-dit, est-ce que tu te trouves quand même désavantagé face aux motos factory en tant que privé dans la catégorie ?

Si on parle juste de rouler et de piloter, ma moto est compétitive. C’est sûr que mes suspensions pourraient être meilleures. Les pilotes usine ont bien plus de gens derrière eux alors que nous, on n’a personne. On fait tout le travail sur nos suspensions nous-mêmes, même l’entretien. On pourrait peut-être faire mieux si on avait plus, mais nous, on fait du mieux qu’on peut avec ce qu’on a.

Au niveau des départs, les pilotes factory ont un avantage, c’est certain. Ils ont de l’électronique ou je ne sais quoi. Moi, je les vois quand ils font des tests de départ. Ils ruptent, relâchent rapidement l’embrayage et la moto ne lève pas de l’avant … Si je fais la même chose, je me retourne [rires]. Du coup, c’est difficile d’avoir une bonne réaction au départ tout en gérant la gestion de l’embrayage; c’est un peu plus dur de ce côté-là pour moi sur une moto d’origine je dirais. Mais sur la piste en général, ma moto est compétitive. Je pense que si je prêtais ma moto à Tim, il serait toujours devant.

Finalement, la catégorie MX2 est-elle différente de la catégorie MXGP ?

Non. Et moi, je suis du genre à dire peu importe contre qui tu roules. Tu dois te battre sans regarder qui est devant ou derrière toi. Pour moi, ce n’est pas une grande différence. Tout le monde est rapide et agressif en MX2 comme en MXGP. Tout dépend de toi, finalement.

En 2025, l’Australie sera au calendrier. Est-ce que c’est quelque chose qui t’inquiète en tant que pilote privé, de voir ces GP toujours plus coûteux et toujours plus lointains au programme ?

Espérons que je ne serai plus un pilote privé l’an prochain, c’est vraiment mon objectif. Mais c’est sûr que ce déplacement, c’est encore beaucoup d’argent … Je ne sais pas combien ça coûte exactement, mais ce n’est pas donné d’aller là-bas. C’est bien sûr fun d’aller en Australie, sauf pour les araignées [rires]… Les frères Lawrence viennent de là-bas, ils ont vraiment de belles pistes. On verra bien … Mais j’espère que je pourrais avoir un bon guidon pour l’an prochain, et que je n’aurais pas trop à m’inquiéter de ce déplacement.

Jeremy Seewer en parlait en conférence de presse, il disait qu’avec tous ces GP consécutifs et les conditions misérables de cette première moitié de saison, ça devait devenir vraiment compliqué pour les pilotes privés avec les pièces, le boulot, le budget. Il disait que si ça continuait, ils ne seraient plus que 10/12 derrière les grilles. C’est une réalité ?

Oui. J’ai de la chance d’avoir de très bons sponsors derrière moi, qui me soutiennent. Sans eux, ce serait tout simplement impossible. Avec ton propre argent, c’est impossible de pouvoir faire ça; ça fait vraiment mal au c*l. Il pleut chaque week-end, et tu dois tout nettoyer. Mon père doit absolument tout faire à chaque fois. S’il fait beau, c’est un peu plus simple mais désormais avec la météo, c’est du boulot absolument toute la journée. Moi, je dois nettoyer mes lunettes, mon casque, tout préparer … En plus de ça, on roule sur le championnat Italien. Heureusement pour l’heure, il n’y a eu qu’une course dans la boue là-bas. Mais tu vois le week-end prochain, je pourrais être disponible, avoir du temps pour moi mais non j’ai déjà une épreuve du championnat Italien. C’est un peu difficile d’être concentré et prêt pour chaque course, mais il faut que je le sois quand même.

La FIM a changé son système de sanction au niveau des drapeaux jaunes. L’infraction ne résulte plus en une perte de position sur la manche, mais sur une perte de points au championnat. Tu en penses quoi ?

Ce n’est pas une bonne idée. Je comprends pourquoi ils font ça mais … C’est difficile pour moi d’expliquer en Anglais. Disons que si Febvre revient, il n’en aura rien à faire des points au championnat car il ne sera plus dans la course au titre … Il pourra décider de doubler Tim ou Prado sur un drapeau jaune pour aller gagner la manche ou le GP et aller chercher le bonus qui va avec. Oui, il perdra 5 points au championnat mais pour lui, ça ne changera absolument rien dans sa situation. Le problème, c’est que certains en profiteront peut-être de cette règle … Mais je comprends qu’il soit difficile de trancher. Après les courses, l’organisation doit agir rapidement pour faire le podium et tout ce qui va avec, donc c’est compliqué pour les officiels de pouvoir tout gérer. Il n’y a pas vraiment le temps de réfléchir et d’analyser. Mais j’espère que certains mecs n’essayeront pas de profiter de cette nouvelle règle. Peut-être que ça finira par créer d’autres problèmes, finalement. Ce week-end, je crois qu’on n’a pas eu de problème avec les drapeaux jaunes.

Jaka Pelkaj est Slovène. L’an dernier ici même, tu étais à côté de lui dans les paddocks. Est-ce que tu l’aide ? Avec Tim, on sait que vous avez besoin d’un troisième pilote pour le MXDN depuis bien longtemps, surtout que tu es désormais en 450. Est-ce que vous lui filez un coup de main ? Il pourrait être le prochain pilote Slovène sur le radar !

J’espère que ce sera le cas ! Il a le talent, il faut juste qu’il parvienne à mettre toutes les pièces du puzzle ensemble. Tu sais, ce n’est jamais simple car tout le monde travaille très dur. Nous, on n’est pas investis dans le programme de Jaka mais on est tous amis, donc on traîne ensemble, on s’entraîne ensemble, on roule ensemble, tout ça. Avec Jaka, on a le même entraîneur physique donc on a l’opportunité de se pousser l’un et l’autre à la salle ou lors des séances de sports. J’espère qu’il sera en mesure de s’améliorer encore d’ici la fin de saison. Ce week-end, je crois qu’il a bien figuré, c’était un peu mieux pour lui. Franchement, ce n’est pas mal, il roule bien.

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As-tu entendu ce qu’Herlings a dit à propos de la sécurité des pilotes ?

Oui

Tu es d’accord avec ce qu’il a dit ?

Bien sûr. Après avoir lu ce qu’Herlings a dit, j’ai fait un peu plus attention ce week-end et c’est vrai qu’ils pourraient en faire bien plus pour que les pistes soient plus sécurisées. Il y a certains endroits où si tu sors de la piste, c’est dangereux. Tu te manges des rochers, où même ils ont leurs arches publicitaires sur les sauts … Quand tu sors de la piste, tu ne finis pas toujours sur une botte de paille et si tu tombes, tu finis parfois dans le fossé. Concernant les commissaires de piste … Disons que je n’ai pas de très bonnes relations avec eux [rires]. De ce que j’ai entendu, c’était mieux ce week-end. Mais après ce qu’a dit Herlings, j’ai l’impression qu’il y a déjà du changement.

Ce qui est vraiment agaçant c’est qu’ils agitent le drapeau un peu n’importe comment à chaque fois. Le mec peut très bien être tombé 200 mètres plus loin, le drapeau sera agité. C’est vraiment le plus chiant … Tu ne sais jamais trop à quoi t’attendre en réalité. Ils ne savent pas quand sortir le drapeau jaune fixe, et quand agiter le drapeau jaune. Tu arrives sur un saut, tu enroules, et tu vois que le mec est au sol 100m plus loin … Ce week-end, c’était mieux. On a reçu un e-mail dernièrement, ils ont dit qu’ils avaient augmenté le nombre de commissaires à 40. Je ne sais pas combien ils étaient avant mais 40, ça me paraît correct. Je pense qu’ils devraient aussi payer les pilotes. S’ils y arrivent aux USA, pourquoi on n’y arriverait pas en MXGP ? Mais ça … [rires].

Tu es content de voir un gars comme Herlings prendre parole sur ces sujets ? Il a un certain poids. Je suis désolé de dire ça comme ça, mais quand un pilote privé parle, ça n’a forcément pas le même impact. Un gars comme Herlings, quand il parle, ça fait tout de suite écho. Tu aimerais que plus de tops pilotes prennent la parole ?

Oui. Si plus de tops pilotes commençaient à prendre la parole sur ces sujets, on aurait bien plus de poids dans la balance, et de pouvoir. D’un autre côté, je me mets aussi à la place du promoteur et de l’organisateur. Je comprends que ce n’est pas simple pour eux non plus. Ils ont aussi beaucoup de personnes à payer par exemple. Le truc c’est qu’aux USA, ils investissent beaucoup d’argent sur les pilotes, ils ont un système qui permet aux pilotes du top 20 de prendre de l’argent, pas seulement les trois premiers. Tout le monde gagne un petit quelque chose et je pense que c’est pour ça qu’on voit plus de pilotes sur les épreuves; c’est aussi bien plus facile pour les pilotes privés de couvrir leurs frais et je pense que c’est aussi ce qui fait que les grilles sont pleines.

L’an dernier, tu me disais que tu préférais être pilote privé et pouvoir gérer ton propre programme que d’être dans un team qui ne te convenait pas. Visiblement, tu espères vraiment intégrer un team pour l’an prochain. Est-ce qu’on est dans le même état d’esprit que l’an dernier, où est-ce qu’on se dit que vu la situation qui se complique d’année en année, on cherche un team coûte que coûte ?

Non. Si l’offre n’est pas assez bonne, ce serait stupide pour moi que de l’accepter. Évidemment être pilote privé c’est fatigant, et c’est beaucoup de boulot. J’en ai fini avec les études désormais, et j’ai un peu plus de temps. Malgré tout, c’est toujours aussi fatigant pour moi de faire tout ça, mais ça marche car je sais que tout ce que je fais, je le fais pour moi.

Oui, j’espère pouvoir intégrer une bonne équipe. L’an dernier, ce n’était pas simple d’en trouver une car évidemment quand tu montes du MX2 au MXGP, les teams ne savent pas vraiment ce que tu vas être en mesure de faire en catégorie reine. Ce sera peut-être plus simple pour moi pour l’an prochain désormais et puis aussi également car de nouveaux guidons s’ouvrent avec l’arrivée de Ducati et Triumph.

D’un autre côté, j’entends aussi que KTM va réduire son investissement, donc on verra comment ça se passera. Si j’ai une bonne offre, je serai plus que content de rejoindre un team.

Jan Pancar “être pilote privé, c’est fatigant et c’est beaucoup de boulot”
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