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Lucas Imbert “Il y a eu des heures et des heures de rééducation pour revenir à ce niveau”


Il n’aura manqué que 5 petits points à Lucas Imbert pour décrocher son premier titre de champion de France SX2 cette saison. Leader du championnat après le second round, le pilote New Bike Sète Yamaha a concédé quelques points précieux à Brienon en début de saison. Malgré tout, le vice-champion Pro Hexis, actuel leader du championnat ADAC et troisième du SX Tour 250 coaché par Fabien Izoird tire du positif de cette année 2022 et sera assurément un client à suivre sur les championnats de France la saison prochaine. Après Lyon, Lucas Imbert se prête à son tour au jeu de l’interview. Micro.

Lucas, J’avais prévu de passer te voir samedi soir mais quand je t’ai vu dans les paddocks, je me suis dit qu’il fallait probablement te laisser un peu de temps. J’imagine qu’il y avait de la déception, mais visiblement, pas que… On peut mettre des mots sur ce week-end à Lyon et faire un bilan de ce championnat SX Tour 2022 ?

Forcément sur le moment il y avait de la déception, peut-être plus pour les personnes qui sont avec moi et qui me soutiennent et à qui j’aurais aimé offrir ce titre. Pour en revenir à Lyon, j’ai fait une belle première soirée en gagnant ma demi-finale. En finale j’avais vraiment un bon feeling et j’ai rapidement pris la tête mais dans le 5ème tour j’ai fait une petite chute dans un virage alors que j’avais pris quelques secondes d’avance, chute qui me reléguera en 7ème position, je n’ai pas eu le choix et je suis reparti à l’attaque pour finir second de la finale.

Lors de la deuxième soirée, je me sentais moins bien physiquement (je commençais à avoir les symptômes de la grippe qui me cloue d’ailleurs au lit depuis dimanche), je gagne tout de même ma demi-finale. En finale après un départ moyen, je reviens second en donnant le meilleur de moi-même. Je pourrai me dire que sans cette chute le vendredi … Si j’avais gagné vendredi et fait second le samedi, le titre aurai peut-être été pour moi … Mais, je préfère regarder le positif de cette saison 2022.

Au final au soir de Lyon, c’était plus de l’énervement que la déception au vu de la tournure de l’après finale, de l’attitude et du geste irrespectueux de l’un de mes adversaires. Pour ce qui est du bilan de la saison il est vraiment positif. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : seulement deux podiums de loupés et toutes les demi-finales gagnées sur l’ensemble des courses de Supercross.

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Cette saison, tu étais à mon sens le favori pour le titre SX2. En vitesse pure, c’est presque difficile à nier. Second à Agen, vainqueur à St Georges, tu avais la plaque rouge mais malheureusement, il y a eu une chute à Brienon, quelques chutes à Paris, une chute le premier soir à Lyon. Certains résultats de cette saison ne reflètent pas ton potentiel et en fin de saison, malgré ces pépins, il ne te manquait que 5 petits points pour le titre. Éliminer ces erreurs, c’est la clef pour décrocher, prochainement, ce titre de champion de France ?

J’ai toujours été rapide par le passé mais pas vraiment constant sur une manche. Cette année, c’était différent. J’étais prêt physiquement pour tenir toute une manche à ma vitesse, je pense que mes résultats l’ont prouvé. Oui, j’ai commis des erreurs qui me coutent surement le titre. Ma chute au départ dans le paquet à Brienon me coute très cher. Il y a eu Paris ou j’ai connu un week-end compliqué mais je suis quand même arrivé à sauver de bons points jusqu’à cette petite chute lors de la finale du vendredi à Lyon alors que j’étais en tête, sans quoi ça aurait pu tout changer… Au final il ne me manque que 5 petits points pour avoir ce titre. Ça fait partie de l’apprentissage.

Après une blessure et des complications au niveau du genou en 2020, tu revenais en piste en 2021. Leader du National 250, bien placé sur l’Elite et le SX Tour, tu te blessais malheureusement au poignet, un poignet déjà amoché par le passé. Revenir de ces blessures, ça laisse des traces physiquement, mais aussi mentalement ?

L’année dernière, j’étais en train de réaliser une belle saison de motocross, j’ai terminé troisième à Agen pour l’ouverture du SX Tour avec très peu de roulage en Supercross. Malheureusement, en rodant ma moto, j’ai fait une petite chute lors de laquelle je me suis gravement blessé au poignet; le même poignet droit déjà bien abimé 2 ans auparavant. Il y a eu de gros moments de doute, d’incertitudes, de multiples opérations, des mauvais pronostics qui ont posé problème pour mon avenir de pilote mais aussi pour ma vie de tous les jours.

La blessure au genou avait été compliquée avec un staphylocoque et de multiples opérations mais ce n’était rien à coté du poignet. Je roule avec une orthèse en carbone qui me limite dans mes mouvements, j’ai un poignet qui n’a plus d’amplitude et j’ai dû adapter mon pilotage à cela surtout qu’il s’agit du poignet droit, là où se trouve la poignée d’accélérateur. Chaque blessure laisse des traces indélébiles physiquement et mentalement. Il y a eu des heures et des heures de rééducation avec mon kiné pour revenir à ce niveau. Mais je ne me plains pas et ne me plaindrai jamais, encore moins sur un podium ou sur les réseaux sociaux, si je suis là c’est mon choix et le reste ne regarde que moi !

Tu n’étais pas présent à temps plein sur les championnats de France de Motocross cette saison, contrairement à 2021. Pourquoi ce choix de te concentrer presque exclusivement sur les Supercross en 2022 ?

J’ai repris l’entrainement au début de la saison de Motocross à cause de mon poignet, j’ai fait quelques courses d’élite en 450 pour faire du roulage mais j’étais loin de mon niveau et le poignet était encore trop douloureux. J’ai arrêté après Villars-sous-Ecot car je travaille également à côté et je préférai privilégier ma préparation pour le Supercross – Pro Hexis et Sx Tour. J’ai tout de même continué le Motocross en participant au championnat d’Occitanie en 450, que j’ai d’ailleurs remporté face à de très bons pilotes.

Tu étais monté sur le tôt en 450 pour finalement redescendre en 250. Ton gabarit correspond probablement plus à la 450, mais ton style de pilotage me semble plus adapté à la 250. Est-ce qu’on peut parler de ces changements de cylindrée et de ce que tu envisages d’ici les prochaines années ?

Je suis monté en 450 en 2017 avec le team LR Motosport Moto17 managé par Adrien Lopes, c’était un choix des deux côtés. Financièrement, mes parents ne pouvaient plus payer des saisons en 250 et j’avais le gabarit pour rouler en 450. La proposition d’Adrien était donc le meilleur compromis. J’aime les deux cylindrées et j’aime alterner les deux, avec une préférence pour le 450 en Motocross et le 250 en Supercross. Pour l’instant, je ne sais pas de quoi sera fait mon programme pour la saison prochaine ni la cylindrée dans laquelle je roulerai, une chose est certaine, c’est que si je repars sur une saison en 250, ce sera ma dernière dans cette cylindrée. J’aurai 25 ans l’an prochain et ne compte pas y rester jusqu’à 30 ans !

Tu rejoignais Philippe Menichetti et l’équipe New Bike Sète en 2019. Tu rempileras avec eux en 2023 pour une cinquième année de collaboration. Il me semble qu’on te verra sur l’Elite et le SX Tour / Pro Hexis. Une collaboration de 5 ans à ce niveau, c’est assez rare. Qu’est-ce qui fait que ça marche si bien pour toi chez New Bike Sète ?

On habite près de la concession New bike Sète. Je connais Philippe Menichetti et sa famille depuis longtemps, j’avais roulé pour lui en 85cc en éducatif. Fin 2018, et alors que j’avais uniquement reçu des propositions pour partir en Enduro, Philippe m’a donné une chance de repartir en cross. Il a cru en moi alors que je n’avais pas eu de résultat. Je ne le remercierai jamais assez. Je lui dois tout; il s’est battu pour moi afin que Yamaha lui fasse, et me fasse confiance et ce, depuis 5 années maintenant.

Tu es l’un des meilleurs pilotes de Supercross 250 du moment, en France comme en Europe. Le World Supercross, c’est quelque chose qui te branche ? Est-ce que tu as – par exemple – entamé des discussions à ce sujet ? J’imagine que tu as suivi les courses cette année, qu’en as-tu pensé ?

Bien sur que le World Supercross me branche; qui pourrait dire le contraire ? Mais il y a peu de places et il faut faire ses preuves sur le championnat Français et les courses à l’étranger. C’était ça mon objectif cette saison. J’ai été en discussion pour y participer et même si ça n’a pas abouti, j’ai été très content que l’on pense à moi.

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Si l’an prochain un team me donne la chance de pouvoir y participer, je me préparerai au mieux et en conséquence afin de pouvoir faire le maximum sur ce championnat aussi prestigieux. J’ai bien évidemment tout suivi derrière mon ordinateur et cela m’a donné encore plus l’envie d’y participer. La création de ce championnat est une chance extraordinaire pour notre sport.

Tu travailles en étroite collaboration avec Fabien Izoird, qu’on ne présente plus. Quels sont les points sur lesquels il t’a le plus aidé ces dernières saisons ?

Fabien c’est avant tout mon beau-père donc notre relation est bien plus que celle que partagent un pilote et un entraineur. Depuis qu’il a arrêté sa carrière de pilote, il est avec moi quasiment sur tous mes entrainements et sur l’intégralité de mes courses. Il m’aide car il a un œil et une rigueur que seuls les pilotes comme lui peuvent avoir. Il m’a surtout fait évoluer en Supercross car c’était sa spécialité, et pas la mienne à la base. Fabien était un pilote fin et précis, il m’a fait travailler sur ces points-là tout en conservant mon pilotage.

Si on demandait à Fabien de nous parler de ton plus gros défaut, et de ta plus grosse qualité, tu penses qu’il nous répondrait quoi ?

Ça, il faudrait le lui demander [rires]

Je ne sais pas exactement comment tu gères ton programme, mais de souvenir, en 2020, tu avais repris un boulot pendant ta convalescence et suite à l’arrivée du Covid. Faire un programme Elite + SX Tour + Pro Hexis – et même plus – quand on voit les calendriers revenir à la normale, ça te permettrait d’assurer tes arrières, financièrement parlant ?

Je travaille toujours pour pouvoir vivre seul, payer mes factures et tout le reste. Je cumule beaucoup d’heures pour pouvoir ensuite avoir du temps libre pour me consacrer à l’entrainement physique et moto. Heureusement, j’ai un entourage qui m’aide pour l’intendance et me facilite la tâche au quotidien. La moto ne me permet pas encore de vivre. Je ne me plains pas de ça non plus car c’est mon choix et ça ne regarde que moi. Si je roulais devant dans tous ces championnats en 450 alors oui, je pourrais surement en vivre et j’en vivrai surement même bien. On verra l’an prochain si j’ai l’opportunité de faire le world Supercross, j’arrêterai de travailler pour m’y consacrer entièrement.

Ta saison ne s’arrête pas là, puisque leader de l’ADAC, tu as un titre à aller chercher à Dortmund mi-Janvier. D’ici là, à quoi va ressembler ton programme et, décrocher ce titre ADAC, ça représenterait quoi pour toi ?

Déjà, place au repos car je suis grippé et malade depuis Lyon donc une grosse semaine de repos total, ensuite je vais repartir travailler la semaine prochaine et je reprendrai l’entrainement moto dans quelques semaines. Le titre ADAC ne faisait pas partie de mes objectifs pour cette saison. Avec mon entourage nous apportons autant d’importance à la manière qu’au résultat en lui-même.

J’ai été prince du Luxembourg cette année. Le deuxième soir, j’ai calé sur la grille. Je suis reparti 10 bonnes secondes derrière tous mes adversaires et je suis revenu second, proche du premier. Voilà un exemple d’une course qui pour moi vaut tous les titres, de par la façon dont j’ai roulé. Il a également eu le Supercoss de Lunel ou j’ai gagné la catégorie SX2 mais surtout réalisé une Superfinale de fou au milieu des pilotes 450.

Après, décrocher un titre avec la manière, bien sur que j’en ai envie. Ce ça serait la cerise sur le gâteau.

Il y a eu quelques polémiques autour de ce championnat SX2 cette saison, entre la redistribution des points à Paris et les rumeurs de protestation. Comme je l’ai proposé à Brice, Yannis & Julien, si tu souhaites t’exprimer à ce propos, faire passer un message, c’est à toi de jouer.

Pour Paris notre démarche – celle de 10 pilotes sur 12 –  était simple: faire appliquer le règlement. Nous n’avions pas reçu un règlement spécial pour cette épreuve et le matin même il était marqué règlement identique à l’outdoor. Après la soirée, on a vu qu’on nous avait compté les trois manches comme trois finales juste pour Paris.

Donc des sprints de 5 minutes comptaient comme des finales de 10 minutes. Honnêtement; bien rouler ou pas, ce n’est pas le problème; comment peut-on éthiquement trouver cela normal en tant que compétiteur? Pour ma part, j’ai dit que si on appliquait ce régalement à Paris, il fallait que ce soit pareil pour Lyon: distribuer les points de 3 finales chaque soir, ça me paraissait l’option la plus légitime pour tous. La FFM a tranché, et vu qu’ils n’avaient pas envoyé le règlement ils sont revenus à un schéma traditionnel; les gens tirent toujours la couverture de leur côté; derrière un clavier c’est facile de faire croire ce qu’on veut à des personnes qui ne sont pas là, ou qui ne sont pas au courant de la réalité.

Certains montrent des vidéos filmées sous un certain angle ou coupées à un certain moment pour s’arranger, se faire passer pour les victimes ou les mecs biens mais moi, je ne mange pas de ce pain là. De toute façon, il y aura toujours les fans et les détracteurs de tels ou tels pilotes. Je tiens juste à dire que ni mon entourage, ni mon team, ni moi-même n’avons jamais porté de réclamation pour quoi que ce soit, contre aucun pilote, ni contre la FFM. J’ai été l’objet d’une réclamation qui, malgré une vidéo (bien évidemment filmée sous un certain angle), a été jugée irrecevable par la FFM car non fondée et injustifiée (merci les autres vidéos, sur lesquelles on voit la réalité !!).

Je souhaite à ces personnes de pouvoir se regarder dans un miroir. Moi, je suis droit dans mes bottes et certainement pas prêt à tout pour un titre . Les choses se règlent sur la piste et pas derrière un clavier.

Lucas Imbert “Il y a eu des heures et des heures de rééducation pour revenir à ce niveau”
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