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Maxime Grau “Une très bonne saison d’apprentissage”

Maxime Grau “Une très bonne saison d’apprentissage”

Du haut de ses 15 ans, Maxime Grau s’est lancé dans sa première campagne en championnat d’Europe 250 pour le compte de l’équipe Nestaan Husqvarna cette saison. Encore engagé en 85cc en 2019, et après une très courte période au guidon d’une 125 en 2020, le jeune espoir Français a fait sa transition en 250 pour marcher dans les pas d’un certain Kay de Wolf, lui-même monté sur le mondial MX2 cette saison. Le jeune espoir Français a délaissé son soleil du sud pour s’installer en Belgique avec son père fin 2020 afin de goûter aux joies du statut de pilote factory; statut inévitablement synonyme de très nombreuses heures passées dans le sable de Lommel. Malgré son jeune âge, Maxime Grau n’a pas eu à rougir face aux cadors de la catégorie et n’est pas passé loin du top 10 final du championnat après avoir signé une poignée de belles performances en 2021. Micro.

Maxime, si je te demande quel bilan tu tires de ta saison 2021, que me réponds-tu ?

Ça n’a pas été la saison parfaite; mais ça a été une très bonne saison d’apprentissage. J’ai beaucoup appris sur chaque course, surtout dans le sable où c’était très dur pour moi. On a également bien avancé avec le team et la moto; à chaque course, on parvenait à s’améliorer sur quelques points pour aller de l’avant, et ça allait de mieux en mieux à chaque fois que je roulais.

Quand on est revenu sur la terre, j’ai parfois pris de mauvais départs mais je me suis quand même bien battu, j’ai donné le meilleur de moi-même. J’ai fait une belle course à Arco Di Trento; j’étais vraiment content de moi car je suis bien parti et j’ai réussi à vraiment me lâcher même si j’ai baissé de rythme en fin de manches.

Mentalement, comment s’est déroulé ton début de saison ? Tu as intégré une équipe usine alors que tu n’avais que 14 ans, tu devais avoir de la pression sur les épaules derrière la grille de départ à Matterley ?

Matterley, c’est une piste que j’apprécie beaucoup, je me sentais bien. Je savais que je pouvais faire quelque chose de bien donc je suis allé en Angleterre sans pression; je voulais m’amuser, prendre de l’expérience. Surtout que je me retrouvais dans un team prestigieux, et ça fait vraiment rêver. J’ai juste voulu me faire plaisir et en première manche, ça a plutôt bien marché, je termine 4ème. J’étais vraiment super content. Je n’ai pas eu de chance en deuxième manche avec une chute. Je ne me suis pas trop mis de pression pour la première course, et ça a payé.

Maxime a débuté sa campagne 2021 par une quatrième place à Matterley Basin @Husqvarna

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Et si je demandais à ton team-manager de me faire un bilan de ta saison 2021; qu’est-ce qu’il me dirait selon-toi ?

Honnêtement, je ne sais pas [rires]. Je pense qu’il dirait qu’il y a eu des hauts et des bas, et c’est vrai, mais c’était également une saison correcte. J’aurais pu faire mieux lors de quelques courses, il dira probablement que je me suis mis la pression tout seul. J’avais envie de trop bien faire et je ne me suis pas assez relâché cette année; je pense que c’est le petit truc qu’il m’a manqué pour faire de meilleurs résultats. Je vais travailler là-dessus pour l’année prochaine, je fais des séances de sophrologie pour ça et l’année prochaine, je veux également prendre du plaisir, mais avec l’objectif d’être présent à chaque course pour rouler devant.

Je rebondis là-dessus. Parle nous de cette histoire de sophrologie; en quoi ça consiste ?

C’est – en quelque sorte – de la préparation mentale, une façon de visualiser ta course pour que cette dernière se passe au mieux. Il y a toujours des petites chutes, ça peut arriver, mais ça permet de rester concentré et donc de réduire au maximum les erreurs. Ça m’a beaucoup apporté cette année et je vais continuer la saison prochaine; ça va payer !

Tu signes une magnifique quatrième place en première manche à Matterley, mais par la suite, ça a été plus compliqué pour toi; comment expliquer cela ? Entre cette première manche de Matterley, et la seconde manche de Lettonie, on ne t’a pas revu jouer devant avec la même facilité qu’en Angleterre.

La Lettonie, c’était Kegums non ?

C’est ça, tu pars devant, et tu te fais sauter dessus en première manche.

Ah oui je m’accroche avec Tom Guyon ! C’est vrai qu’il y a eu des passes un peu compliquées dans le sable avec OSS, Lommel et Kegums, même si ça a été à Kegums malgré quelques petites erreurs en première manche. De souvenir, je fais 8ème en seconde manche et ce n’était pas trop mal. C’est vrai qu’on s’était bien entraîné dans le sable avec le team avant la saison mais il me manquait encore l’intensité des courses dans le sable. La course est très différente de l’entraînement et le terrain se transforme en champ de mines lors des manches. Cette année, j’ai vraiment bien appris dans le sable, surtout dans les moments où c’était compliqué, et vraiment difficile, et ça me servira pour la saison prochaine.

Les nombreuses épreuves de sable n’ont pas facilité la tâche à Maxime Grau en 2021 @Husqvarna

Je vais devoir te poser la question qui fâche, que s’est-il passé à Lommel ?

J’étais très stressé, crispé. J’attendais vraiment l’épreuve de Lommel car je savais que c’était la plus difficile de la saison et je voulais vraiment bien faire car je me suis quand même bien entraîné là-bas. Je voulais faire quelque chose et je me suis mis la pression, je me suis renfermé et ça n’a pas payé. Malheureusement, j’ai complètement loupé ma journée. On a changé quelques petites choses après Lommel, et ça allait déjà beaucoup mieux.

Tu t’es imposé sur une épreuve de l’ADAC [le championnat Allemand] cette année. Est-ce que ton programme de 2022 comprendra le Dutch Masters, qui revient visiblement au calendrier, et avec beaucoup de sable [rires].

Honnêtement, je ne sais pas encore car la saison prochaine, ça va revenir à la normale avec un début de saison en Mars pour nous; on va quand même enchaîner les courses qui se disputeront sur deux jours avec une course le samedi, et une autre le dimanche matin, ce sera autre chose que 2021. Je ne sais pas encore exactement, mais pourquoi ne pas faire une course de préparation avant le début de la saison.

J’imagine que ce n’est pas toi qui décides, mais faire une course de l’Elite en 2022, ça te re-brancherait ?

Oui, c’est sûr, mais c’est surtout le team qui décide quelles courses je fais. Peut-être pourquoi ne pas rouler sur l’inter’ de Lacapelle-Marival pour faire une course de préparation ? C’est vrai que l’Elite, ce sera plus compliqué. J’en ai fait une cette année à Ernée pour me préparer avant le début de l’Europe mais je pense que la saison prochaine, ce sera plus difficile.

Maxime était présent lors de l’Elite d’Ernée en 2021 @Dailymotocross

Tu as fêté tes 15 ans cette année, tu roules contre des concurrents qui ont 3,4, 5 ans de plus que toi et à cet âge-là, le développement physique d’une année sur l’autre est important. Sans parler de la différence d’expérience dans la catégorie, est-ce que tu t’es senti en désavantage sur le plan physique cette saison du fait de ton jeune âge, et de ta – relative – petite taille ?

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C’est sur que ça a joué un peu. Ceux de devant sont un peu plus âgés et ont aussi plus de caisse mais il faut savoir être malin. Quand arrivent les 5 dernières minutes et que ça pousse derrière, il faut s’accrocher et ne rien lâcher mais je sais que ça va aller de mieux en mieux de ce côté-là. En 2022, on va mettre en place un bon programme pour que je sois prêt physiquement. C’est vrai que j’étais bien physiquement cette année, mais à 15 ans sur cette moto, en étant petit … [rires].

Remarques, Carmichael n’était pas très grand …

Et bien oui voilà, Carmichael n’était pas grand ! Et puis un pilote comme Tom Vialle n’est pas non plus très grand et il gagne en MX2.

Ta meilleure course cette année, c’était …. ?

Je pense que c’était à Arco Di Trento, je termine 7ème. En première manche, je ne pars pas trop mal et j’arrive à bien me faufiler. Je tombe dans un virage assez bêtement alors que j’essaye de passer le 6ème et finalement, je termine 8ème. En seconde manche, je fais un très bon départ, je trouve un très bon rythme avec de bonnes traces et j’ai réussi à doubler Jeremy Sydow. Ensuite, j’ai un peu craqué en fin de manche dans les 5 dernières minutes et derrière, ils sont remontés forts. Il y avait Weckman, Everts, Toendel, et je crois que je termine 5ème de la seconde manche. Je me fais un peu reprendre en fin de course mais j’étais vraiment satisfait de moi lors de cette épreuve.

Maxime a réalisé une très belle épreuve à Arco Di Trento @ Husqvarna

Le tracé que tu as le moins apprécie cette année, et pourquoi ?

Bon …. Lommel … Ça a été compliqué [rires].

Le terrain que tu aimes le moins, c’est celui sur lequel tu passes le plus de temps à t’entraîner ?

C’est vrai que je passe pas mal de temps là-bas, mais honnêtement je ne saurais pas trop quel terrain choisir. J’ai bien aimé Kegums, j’ai aimé Teutschenthal, j’ai adoré Matterley, OSS c’était sympa même si je me suis fait pénaliser lors des essais en ayant sauté en présence du drapeau jaune. Normalement, je devais faire 9ème des chronos et du coup, j’ai été déclassé et je suis parti de très loin sur la grille et ça a rendu les choses difficiles. Bon, et puis il y a Lommel, ça reste le terrain le plus difficile, donc on va dire Lommel sans toutefois dire que je le déteste non plus. Quand tu ne te qualifies pas pour une épreuve, c’est difficile à avaler. Cet hiver, on a fait quelques changements sur la moto et dans le sable, ça va de mieux en mieux et je me sens de plus en plus à l’aise donc je suis assez pressé de prendre ma revanche à Lommel en 2022. Je vais tout donner.

Qui t’aide à faire la mise au point ? Tu passes pratiquement du 85 à la 250, tu arrives dans une équipe factory, tu n’as pas une grande expérience avec la cylindrée, qui t’aide au niveau du testing ? Ressentir les choses, et réussir à les exprimer, qui plus est en Anglais, ça n’a pas dû être simple au début.

C’est vrai qu’au début, ça a été un peu compliqué. Mon anglais n’était pas top au début, et c’était difficile d’exprimer ce que je ressentais. Essayer des choses dans le sable et faire des retours en Anglais, c’était dur pour moi. Je galérais un peu en début d’année mais ça va de mieux en mieux, avec l’expérience de cette année, j’arrive à mieux exprimer ce que je ressens, j’arrive à mieux savoir ce que j’attends de ma moto et ce que je veux ressentir donc en ce moment, je suis vraiment content de la direction qu’on prend et, petit à petit tout se met en place. On a des personnes autour de nous qui sont au top. Parfois, je leur demande des choses et ce n’est pas exactement ce qui est le plus adéquat, alors ils m’aident et me demandent si je suis sur, ils m’aiguillent dans la bonne direction avec leur expérience et mon ressenti, et on arrive à trouver le petit truc qui va bien.

Du haut de ses 15 ans, Maxime Grau n’a pas démérité en 2021, et engrange de l’expérience pour 2022 @Husqvarna

Un mot sur le format. Finalement, tu n’as pas vraiment connu d’autre format que celui de 2021. Tu préfèrerais rester sur le format un jour, ou sur deux jours ?

C’est vrai que quand j’avais fait le Junior, j’adorais le format sur deux jours car je me sentais souvent mieux le second jour. Je suis content que ce format sur deux jours revienne. À Matterley en 125, on a fait le format deux jours. Si tout ne se passe pas correctement lors de la première manche, tu peux trouver des solutions, tu peux avoir le temps de changer certaines choses et c’est une bonne chose. Tu peux regarder les pilotes du mondial MXGP, regarder leurs traces, et ça t’aide.

Qu’est-ce qui a été le plus gros challenge à relever pour toi cette année ?

Ça n’a pas été un très gros problème, mais le changement de vie, c’est quand même quelque chose. Quand tu passes du soleil du sur à la Belgique, et à Lommel, c’est quand même un choc [rires]. C’était le grand changement pour moi, la vie est différente, les personnes aussi. Tu parles beaucoup plus Anglais par exemple. Au tout début, les premiers mois étaient un peu difficiles mais après, en s’y habituant, on s’y fait et ça va super maintenant.

Mon père est monté en Belgique avec moi, c’est super. Il m’aide beaucoup et m’accompagne sur tous les entraînements, me filme, me conseille; je ne suis pas livré à moi-même. Il s’est donné une tranche de 3 ans pour m’épauler, jusqu’à mes 18 ans.

Maxime Grau a bénéficié des précieux conseils de Rasmus Jorgensen cette saison @Husqvarna

Quelle est chose la plus importante que tu penses avoir apprise cette saison ?

Rouler dans le sable. Quand je suis arrivé au team les premiers jours, c’était un choc. J’ai passé mon temps par terre à me mettre cabane sur cabane, je suis vraiment beaucoup tombé. Rasmus m’a vraiment aidé avec le sable, et petit à petit les résultats vont arriver. En 125, dans le sud, je m’entraînais plus sur la terre. Bien sûr, on allait dans le sable d’Hossegor, mais peut-être juste une semaine par an. Là, c’est différent, on est tous les jours dans le sable.

La vie d’un jeune pilote factory de 15 ans, ça ressemble à quoi ?

Le matin je me lève vers 7h30 et je déjeune.

Fini le Nutella, te voilà cantonné aux flocons d’avoine ?

[rires]. Parfois, je mange des tartines à la confiture le matin, où ça m’arrive de manger du beurre, et de boire du jus d’orange au réveil. Sinon, ça m’arrive de manger des flocons d’avoine avec de la banane, du beurre de cacahuète ou des oeufs avec du bacon. Je me fais quand même plaisir le matin. Ça m’arrive de manger des tartines au chocolat, ça ne fait jamais de mal … Après le petit déjeuner, je pars rouler.

Si on va à Grevenbroich, c’est à deux heures de route, alors l’entraînement prend le plus clair de la journée.Une fois rentré, on fait souvent 45 minutes de cross-training. Si on a simplement roulé à côté de chez nous le matin, en rentrant, on fait une sortie à vélo. J’ai fait beaucoup de vélo avec Rasmus, Jed et Kay cette année.

En Janvier, on va vraiment attaquer la préparation pour la nouvelle saison, on roulera en général 3 à 4 fois par semaine. On fait aussi pas mal de sport, on roule, et on va pédaler une heure et demie ou deux heures.

On attend pas mal de changements au sein de la structure des équipes du groupe KTM, est-ce que pour toi, ça va changer quelque chose chez Nestaan Husqvarna ?

Pour nous, et c’est ce qui est bien, rien ne va changer. On va juste enlever le logo Rockstar et accueillir Roan Van de Moosdijk, sinon la structure du team ne va pas changer du tout. J’ai eu l’occasion de rouler avec Roan quand il a commencé à rouler sur la Husqvarna avant de descendre dans le sud.

Kay de Wolf, Maxime Grau, Roan Van de Moosidjk & Ramus Jorgensen @Husqvarna

En quoi va consister ton intersaison cette année ?

Là, je suis redescendu en France pour un mois, pour prendre du repos avant d’attaquer la préparation pour la saison prochaine. L’équipe m’a passé une moto, donc je peux aller rouler dans le sud. J’ai un peu de sport de prévu à mon programme également. J’ai fait une petite pause en fin de saison, j’ai repris un peu le sport, et par exemple, la semaine prochaine, je vais aller rouler à Beauvoisin, chez Gregory Aranda !

Je vais bien m’entraîner physiquement et sur la moto. Je veux vraiment me sentir bien dans le sable en 2022, on va rouler, rouler, rouler et encore rouler à Lommel et faire un peu de terre et manger des ornières.

Pour finir, quels sont tes objectifs pour la saison 2022 ?

Je veux essayer de me battre devant à chaque course, on verra ce que ça donnera mais je veux être présent et toujours donner le meilleur de moi-même. Il y aura pas mal de pilotes qui vont monter en catégorie l’an prochain et j’aimerais bien aller chercher un top 5 la saison prochaine, ce serait top pour moi de rouler devant. En enlevant Lapucci, Horgmo, Fredriksen ou Everts, ça enlève déjà 4 pilotes qui roulaient tout le temps devant; on verra et on fera le bilan fin 2022.
 

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