Propriétaire de la structure VRT, Mickaël Vrignon s’apprête à voir son staff endosser le bleu Yamaha en 2024. La structure Vendéenne a parcouru du chemin depuis ses débuts au niveau national en 2016. Un premier cap de taille était franchi à l’intersaison 2022/2023, VRT intégrant la famille KTM en tant qu’équipe officielle sur l’Europe 250 avec un duo Zanchi/Rossi qui animera les épreuves et s’adjugera des victoires. Un an plus tard, et dans un dénouement pour le moins inattendu, l’équipe VRT s’engage à reprendre le flambeau de la structure Hutten Metaal chez Yamaha Europe. Un contrat de deux ans en poche, 3 pilotes prometteurs, le team VRT de Mickaël Vrignon s’apprête à partir à la conquête du titre de champion d’Europe 250. Le boss nous en dit plus; micro.
Mickaël; j’aimerais revenir sur la saison 2022 où tu avais Brunet, Braceras et Guyon. À l’époque, tu avais déjà une aide de KTM il me semble ?
En fait, ça faisait déjà 6 ans que j’avais une aide de la part de KTM. Avec KTM France au début, et puis avec l’Autriche par la suite. L’année où Tom Guyon a été champion de France, vice-champion d’Europe et vice-champion du monde 125 – 2019 – on a eu une aide en direct de l’Autriche. On avait du matériel et quelques pièces.
Devenir team officiel, qu’est-ce que ça a changé concrètement pour 2023 ?
En gros, on avait des moteurs semi-factory, les pilotes étaient signés directement avec l’usine KTM et on avait encore un peu plus d’aide au niveau des pièces et des équipements. On avait Ferruccio Zanchi qui était basé en Italie et il était entraîné par Jacky Vimond. Pierre Alexandre Renet s’occupait de Marc-Antoine ici, en France.
Quel bilan on tire de cette saison 2023, c’était une première saison en tant que team officiel KTM pour VRT.
On a fait une grosse évolution l’année dernière avec la structure. Il fallait essayer de s’organiser un petit peu mieux, on a fait une hospitality plus propre sur les courses, on a mieux organisé nos camions, nos servantes, on a mis un chef d’atelier… On a structuré tout comme une équipe Factory en fait. Pierre Alexandre Renet a aussi pris son rôle d’entraîneur et ça a bien fonctionné. Il faut dire qu’on avait aussi des bons pilotes, donc les résultats sont arrivés très rapidement.
Quand on fait une saison d’Europe 250, on sait que c’est une catégorie de développement et que les pilotes ne restent pas très longtemps. T’attendais-tu à ce que Ferruccio & Marc-Antoine ne restent qu’un an ?
À la base, Marc-Antoine et Ferruccio étaient prévus pour deux ans chez nous mais forcément, et vu les résultats qu’ils ont ramenés, c’était obligé qu’ils partent au terme de la première saison. Je suis plutôt content car Marc-Antoine part dans un team Factory et Ferruccio devrait aller dans un autre team officiel normalement. C’est plutôt une bonne chose, ça veut dire que le boulot a été fait correctement avec nous. Pour nous, c’est même le but. Moi, c’est ce que j’avais proposé à KTM; on est là pour préparer des jeunes pour la marque et les faire évoluer.
Comment s’était fait ce rapprochement avec KTM en 2023 ?
À l’époque, vu que je travaillais avec KTM depuis longtemps et que Tom (Guyon) avait fait de bons résultats, je les avais contactés. On était sur la même longueur d’onde et d’année en année, on rediscutait un petit peu pour voir ce qu’on pouvait faire de plus, on leur proposait des choses; je voyais un peu ce qu’il se faisait chez Yamaha de l’autre côté et l’idée, c’était de faire pareil avec eux.
Corrige-moi si je me trompe, mais est-ce qu’on s’attendait à ce que KTM nous récompense un peu plus suite à cette belle saison d’Europe 250 ?
C’est un sujet qu’il est compliqué d’aborder. Aujourd’hui, je peux dire que ce changement n’était pas prévu à l’origine. Normalement, on avait un contrat jusqu’en 2024 avec KTM. Ce changement de marque, c’était de ma volonté.
Et finalement, comment ça s’est fait avec Yamaha ? On pensait que ça allait se faire avec JWR et peu avant les nations, on a entendu dire que c’était VRT qui allait reprendre le contrat chez Hutten.
J’ai su qu’il y avait une place qui se libérait chez Yamaha pour être team officiel sur l’Europe 250 et cette place m’intéressait. Aujourd’hui, je sais qu’on est un team sérieux sur l’Europe 250. Cette année, ça se jouait entre nous et Hutten; on était les deux seuls teams vraiment structurés pour pouvoir prétendre au titre. Sachant qu’Hutten reprenait le programme de Yamaha en MX2, il n’y avait plus que VRT sur la liste et j’ai fait en sorte de discuter avec les bonnes personnes, au bon moment.
Qu’est-ce qui t’a décidé à aller voir Yamaha, plutôt que de rester chez KTM ?
Là aussi, c’est un peu compliqué [rires]. C’est surtout au niveau des relations humaines. Chez Yamaha, il y a des gens avec qui je m’entends bien; il y a Loic (Le Foll) que je connais depuis des années. On roulait ensemble en moto à l’époque, et il n’est qu’à deux heures de chez moi; il y a beaucoup de choses qui font que j’ai pris cette décision. Chez Yamaha, c’est bien structuré avec l’Europe 125 via MJC, l’Europe 250, le mondial MX2 et le mondial MXGP avec des entités séparées. Quand tu vas dans le paddock, c’est propre, les quatre teams sont bien identifiés, tout est aligné. C’est comme ça depuis des années et il y a de la fidélité; Loic Le Foll est là-bas depuis une dizaine d’années. C’est ce qui m’intéressait le plus pour la suite, surtout qu’ils ont des motos qui marchent très fort. Il y a quelques années, ce n’était pas vraiment le cas mais aujourd’hui, ils ont de vraies motos de course et ils ont mis en place 4 teams officiels: ce n’est pas tout à fait pareil au sein des autres marques.
J’avais eu l’occasion de faire un sujet avec Tim Mathys de Standing Construct. Il disait qu’être team Factory, c’était surtout beaucoup de contraintes. Tu partages ce constat ?
Non, pas nécessairement. Aujourd’hui, être un team usine signifie forcément avoir des comptes à rendre car tu travailles pour une marque et non plus pour toi-même. Si on te demande de faire du développement, tu fais du développement. Si on te demande de faire du marketing à un moment donné, tu dois faire du marketing. Ça devient une entreprise et il faut gérer cela comme une entreprise.
Mon but, et à partir de l’année prochaine, c’est de voir Pierre-Alexandre prendre la place de team-manager à temps plein pour gérer l’équipe de A à Z. Moi, je serai présent en tant que propriétaire d’équipe pour organiser la structure, passer du temps avec les partenaires, donner un coup de main à l’atelier au besoin mais je veux que ce soit Pela qui gère. Aujourd’hui, sans partenaires, pas de team. J’aimerais pouvoir passer plus de temps avec mes clients, mes fournisseurs, mes partenaires, et les amener dans ce monde de la moto, leur expliquer comment ça fonctionne et pour faire ça, il me faut du temps.
Garder Pierre-Alexandre Renet, c’était une de tes exigences pour aller chez Yamaha ?
Oui. De toute façon, je ne voulais rien faire sans lui; j’avais un contrat qui durait encore un an avec Pela. Aujourd’hui, on s’entend bien et j’ai confiance en lui; je sais qu’il est sérieux. Pourquoi casser ça ? Ce n’était pas simple car Pela a fait presque toute sa carrière au sein du groupe Autrichien, mais ce nouveau challenge lui a plu. Les jeunes qu’on aura pour l’an prochain tiennent la route: les deux frères Reisulis et aussi Ivano Van Erp; ça reste de très bons pilotes. Cette filière chez Yamaha est en place depuis des années, et on voit que ça fonctionne. Ils décrochent des titres de champion d’Europe quasiment tous les ans. Aujourd’hui, le nerf de la guerre reste de gagner des courses. L’année prochaine, Loic Le Foll récupère aussi trois jeunes, ils ne casseront pas tout dès la première année mais d’ici deux ans, je suis certain qu’ils rouleront devant. Vu que Loic et sa structure ne sont pas loin, qu’on a Pierre Alexandre ici, l’idée est aussi de pouvoir tous se mettre autour de la table et d’observer les jeunes pour trouver de bons pilotes pour intégrer MJC pour les voir, à l’avenir, venir chez nous.
Tu as discuté du programme mis en place chez Yamaha avec Loic ? Est-ce que c’est aussi ce qui t’a amené à signer avec eux pour 2024 & 2025 ?
Oui. On est assez proches et on a pu discuter longuement. Il m’a expliqué comment ça fonctionnait chez Yamaha, et moi j’ai pu lui expliquer comment ça fonctionnait de l’autre côté. Naturellement, j’ai eu envie de saisir cette opportunité.
Qu’est-ce que ça va nécessiter comme changement, au sein du team VRT ? Il y aura des pilotes étrangers: ils seront basés en France, VRT sera basé ailleurs ?
On va avoir l’atelier de compétition qui sera toujours basé aux sables d’Olonne, et on va aussi avoir un atelier en Hollande, un nouveau site. Il y aura les motoristes en Hollande et les pilotes viendront un coup en Hollande, un coup en France, un coup chez Pela, un coup en Espagne ou en Sardaigne pendant l’hiver en fonction de notre programme, etc. L’idée, c’est aussi de s’entraîner avec Hutten et les pilotes officiels MX2 au maximum, pour qu’il y ait une émulation importante. Nous, ça va nous demander de changer quelques petites choses, mais à part repeindre les camions, changer la déco de la semi-remorque … Ça reste de l’esthétique et un peu d’organisation. Le fait d’avoir un deuxième bâtiment en Hollande va nous aider.
Tu as réussi à garder ton staff pour la saison prochaine ?
J’ai gardé mes équipes. On a renforcé notre staff via Yamaha avec des motoristes, des gens qui connaissent déjà bien la Yamaha car je n’ai jamais eu de team Yamaha. La dernière fois que j’ai eu une Yamaha, c’était à l’époque où je roulais encore sur le sable. Autrement, on est accompagnés par Yamaha pour la transition.
Il n’y a pas d’Elite MX2 prévu pour tes pilotes en 2024 ?
Non. Aujourd’hui, on va faire des courses de préparation mais c’est Pierre Alexandre qui va décider si on fait l’ouverture du France, si on fait Lacapelle-Marival, si on fait l’ouverture du championnat Italien. J’ai vu le calendrier et je crois qu’entre Juillet et Août, il n’y a pas grand-chose donc entre deux Europe, peut-être qu’on fera quelques courses comme cette année avec Marc-Antoine. Tout dépend vraiment des besoins qu’auront les pilotes, de la nature des épreuves qui arriveront au programme. On adapte notre planning en fonction de l’Europe; notre priorité est d’aller chercher le titre à l’Europe.
Janis, Karlis et Ivano, ce sont des pilotes que tu suivais un peu déjà ? On a l’impression que cette nouvelle association s’est faite rapidement, et que tu t’es vite retrouvé avec 3 nouveaux pilotes.
J’ai pu côtoyer un peu le petit Van Erp, il était chez Loic Le Foll avant. J’ai déjà rencontré la famille Van Erp même si je n’ai jamais discuté plus que ça avec eux. Les frères Reisulis, je les côtoie comme ça dans le paddock mais je ne les connais pas personnellement. On va rencontrer tout ce petit monde bientôt et discuter avec tout le monde. On a pas mal discuté avec les entraîneurs, les agents … Les jeunes veulent une moto qui marche et aller à l’entraînement; à cet âge-là ils ne se posent pas trop de questions.
Les frères Reisulis sont basés en Lettonie, ils ont un mécanicien sur place. Tu sais, l’hiver passe vite, on est déjà mi-octobre. Mi-novembre, on va essayer de les faire rouler 3 semaines avec nous, puis ils vont rentrer chez eux avant de revenir un peu rouler avec nous autour de la période de Noël. En Janvier, on fera 3 semaines / 1 mois en Sardaigne ou en Espagne; ça dépendra de la météo, des conditions, du testing à prévoir. Tout se met en place à l’heure où l’on se parle; on a beaucoup de visio à organiser dans les semaines à venir, beaucoup de planification, de préparation et d’organisation. L’objectif est de faire ça au mieux.
Pour toi qui veux gérer tout ce qui est sponsors & organisation, tu te retrouves aussi à devoir gérer un changement de marque, à construire un nouveau shop en Hollande, à intégrer du nouveau staff, et à faire évoluer des pilotes vivant en Lettonie, aux Pays-Bas …
C’est pour ça que Pierre Alexandre va prendre le rôle de team-manager, il va travailler sur tout ça à 100%. Ce n’est plus la même chose pour moi. J’ai aussi un de mes anciens mécaniciens qui revient – Scott. Il a été aux USA, il a bossé dans des teams Factory, il travaillait chez Fantic l’an dernier donc il connaît bien la Yamaha puisque c’est la même moto. Aujourd’hui, je me suis réentouré de gens qui avaient de l’expérience. En fait, c’est comme mes maçons dans ma société. Aujourd’hui, je ne suis pas là à leur tenir la main quand il faut monter des parpaings; ils savent faire sans moi. Je leur dis d’aller monter une maison à tel endroit, et ils vont la monter. Un team, ça se dirige comme n’importe quelle entreprise; il faut s’organiser, discuter, trouver du temps car tout ne se met pas en place en cinq minutes. Je ne suis pas inquiet, que la moto soit bleue ou orange, il faut faire la même chose.
Hutten Metaal a fait le job avec des titres Européens avec Benistant (2020), Elzinga (2022) et Bonacorsi (2023). Ton rôle, ce sera de ramener le titre l’an prochain, pas de faire troisième.
C’est sûr, le but l’an prochain, ce sera de ramener un titre mais avec nos trois jeunes pilotes, il y a un potentiel énorme et je n’ai pas de doute quant à leurs capacités. Quand on en aligne trois, ce n’est pas non plus la même chose.
Janis était impressionnant aux nations sur la 250.
Oui, et attention car il faut savoir qu’il n’avait roulé que trois fois avec la moto avant. Il n’a pas eu le temps de rouler, de faire du testing et il est arrivé aux nations comme ça du haut de ses 15 ans. Ça promet, je pense que c’est un futur champion. Maintenant c’est comme tout; il va falloir prendre le temps d’apprendre à le connaître, de préparer une moto correctement pour lui. On a bien vu cette année ce qu’il était capable de faire … Il suffit de regarder la dernière manche de l’année en Angleterre, on voit bien que c’est un garçon très déterminé. Derrière lui, ça roulait quand même pas mal, mais lui roule très, très vite.
Tu as débuté l’aventure VRT en 2016. Quel regard portes-tu sur le chemin parcouru avec ta structure ces dernières années ? Peu de structures Françaises ont été en mesure de décrocher un soutien usine, et de gagner des courses.
Je pense que j’en suis arrivé là car j’ai aussi su prendre des risques. Aujourd’hui par exemple, je change de marque. Beaucoup de gens auraient dit “non,non, on est bien là et on continue”. Changer, ça me faisait envie, j’avais envie d’aller chez Yamaha. C’était aussi un nouveau challenge. Dans la vie, si tu ne te lances pas de nouveaux challenges, si tu restes toujours dans ton confort, tu n’as plus cette adrénaline que tu recherchais au départ. Quand je vois le parcours de l’équipe depuis les débuts, je me dis que j’ai investi quand il fallait investir. J’ai pris des risques, j’ai embauché des gens et c’est pour ça que j’en suis là aujourd’hui. N’importe qui peut le faire, mais il faut oser.
Il y a des années, j’ai embauché une coordinatrice, un entraîneur, un manager, un chef d’atelier, j’ai fait construire un bâtiment, j’ai acheté un semi-remorque. J’ai investi énormément d’argent pour en arriver là et aujourd’hui, l’objectif est de gagner les courses. J’aime cette compétition et c’est uniquement ce qui me motive. Mon plaisir, ce n’est pas de faire le beau dans le paddock quand je me promène; je veux gagner des courses.
Sur le moyen, voir le long terme. C’est toujours les jeunes l’objectif où tu viserais éventuellement une montée en mondial ?
Non, je n’ai pas la prétention de pouvoir rouler en mondial financièrement. Les budgets sont beaucoup plus importants sur le mondial et le travail qu’on fait avec les jeunes, ça me va bien. Il faut savoir que c’est déjà beaucoup de boulot. 15 courses par an entre les épreuves de l’EMX et l’intersaison, c’est déjà pas mal. On va déjà faire ça quelques années et on en rediscutera plus tard mais pour l’instant, ce n’est pas prévu au programme. Moi, je veux faire du long terme avec Yamaha et suivre le mouvement, c’est à dire faire ce que MJC a fait, ce que Kemea a fait, ce qu’Hutten a fait.
Avant que j’entende que VRT allait passer chez Yamaha, j’avais entendu que Cas Valk était destiné à finir chez VRT KTM en 2024. Tu peux commenter ?
Oui, c’était prévu comme ça. On avait poussé avec KTM pour qu’il se fasse signer; et on l’avait fait signer chez KTM. On devait faire la saison 2024 ensemble mais du coup … [rires]. J’ai pris la décision de changer de direction au dernier moment et ça ne s’est pas fait. Je sais que Cas est parti chez Shaun Simpson, je savais qu’il avait une solution de repli de ce côté là; c’est dommage mais c’est comme ça. Cas Valk est un très bon pilote, et en 2024, on va finalement devoir se battre contre le garçon qu’on avait trouvé pour notre équipe [rires].