L’Electrique, doit-on y passer ? Pour l’heure, la transition semble lointaine et les réticences encore nombreuses au sein du cercle de passionnés, attachés au bruit, comme à l’odeur; une part de marché qu’il faudra toutefois parvenir à séduire pour les nouveaux acteurs de ce secteur.
Une fois les préjugés mis de côté, il est bon de s’intéresser aux nouvelles options qui s’offrent aux pilotes désireux de se pencher sur un sujet pour le moins … électrique. À l’heure ou le thermique n’a plus vraiment le vent en poupe, la sauvegarde de notre sport passera probablement par là, un jour ou l’autre, sous couvert d’un besoin de transition écologique. Justifié ? À chacun son avis sur la question.
On aurait du mal à vous cacher qu’en matière de Motocross électrique, notre premier réflexe est de penser à la firme Stark, qui a tapé du poing sur la table en décembre 2021 en dévoilant un premier modèle – VARG – plutôt séduisant. Pourtant, et depuis deux ans déjà, on avait eu vent de l’existence d’un prototype développé par EMX Powertrain en Hollande avec le soutien de Yamaha Motor Europe, et de la fédération Néerlandaise, la KNMV. L’objectif principal était d’explorer les opportunités de développer une alternative électrique ayant des caractéristiques similaires à son équivalence thermique, la 250 YZ-F Après ces deux années de développement, de conception et de tests, c’est au salon du deux roues de Lyon que la fameuse XF30 a fait sa première apparition au grand public. Voilà donc une occasion de rencontrer le propriétaire en personne, Elmar Dohms. Présentation.
“J’ai 50 ans, et je suis propriétaire de plusieurs sociétés, dont EMX Powertrain” nous confie Elmar. “J’ai débuté le Motocross à l’âge de 7 ans avec un Puch Magnum X 50cc et aujourd’hui, je roule aussi bien sur des motos thermiques que des motos électriques. J’ai 40 ans d’expérience dans le sport en tant que pilote, entraîneur, mais également en tant que président organisateur de courses et d’évènement autour du MX.”
Pilote, entraîneur, organisateur d’évènements, ingénieur de profession, Elmar Dohms est à la tête d’EMX Powertrain
“J’ai été témoin de l’évolution du sport aux Pays-Bas et en Europe, et il est évident qu’il est désormais au centre des discussions à cause du bruit et des émissions de CO2” nous explique Elmar quand on le questionne sur ses motivations à se pencher sur le sujet de l’électrique. “Le bruit, c’est une menace réelle et immédiate qui a contraint plusieurs terrains à fermer leurs portes. Des changements sont en cours en termes de bruit et de contraintes environnementales qui limitent l’adéquation des moteurs thermiques, ce qui est un problème à l’échelle mondiale. Une moto électrique qui ne fait aucun bruit rend la pratique du sport plus facile. Avec ma société d’ingénierie, j’ai entamé les premières démarche pour développer cette moto en 2018; le premier prototype est arrivé en avril 2021, et la XF30 en édition limitée est sortie en mai 2022.”
Si vous découvrez seulement la XF30 d’EMX Powertrain, pas d’inquiétude. Au contraire de son prédécesseur Suédois qui est également à la tête de la firme 24MX, le constructeur Néerlandais a adopté une stratégie moins agressive en matière de communication, afin de ne dévoiler qu’un produit fini et prêt à la commercialisation. “On a préféré ne la présenter qu’une fois le développement totalement terminé. Aujourd’hui, un client peut passer sa commande, et on est en mesure d’y répondre. On est en capacité de produire environ cent motos à l’année avec notre équipe d’ingénieurs. Produire plus que ça n’est pas notre souhait pour l’heure, mais nous avons les connaissances pour ce faire”
La XF30 a attiré l’œil de nombreux curieux au salon du 2 roues de Lyon; peut-être le votre ?
Sur le papier, qu’en est-il ? La XF30 affiche 40 chevaux, 720 Nm de couple à la roue arrière – 187Nm pour le moteur – une batterie de 4500 Wh et pèse 115 KG sur la balance (à titre comparatif, la 250 YZ-F 2023 affiche 106KG, tous pleins faits). Un commutateur de cartographie est intégré au guidon pour sélectionner l’un des trois modes disponibles (Ride/Explore/Race). Sur le mode “Ride”, l’autonomie annoncée dépasse les deux heures.
“Le plus gros challenge, c’était de développer un moteur électrique performant qui serait capable d’égaler les caractéristiques d’un moteur de 250 4 temps, tout en intégrant ce dernier dans le châssis déjà existant d’une Yamaha.” Nous explique Elmar. “L’espace disponible est limité et il est très important de conserver les caractéristiques techniques de la moto de base pour ce qui est du pilotage. Nous y sommes parvenus en développant une batterie à haute densité et nous avons pu conserver les qualités de pilotage d’une Yamaha. Le pilote retrouve instantanément cette sensation de pilotage familière et se sent donc en confiance avec la XF30 électrique.”
Plus de bruit, plus d’émission de CO2, plus de problèmes ?
N’étant pas encore passée entre les mains des médias, difficile d’avoir des retours sur la XF30 pour l’heure, mais Elmar Dohms nous a confié qu’un certain Julien Lieber avait eu l’occasion de tester cette dernière, et l’ex top pilote de GP Belge a été en mesure de nous donner ses premières impressions: “Ma première impression avec la XF30 a été très bonne, je me suis tout de suite senti très bien sur la moto car c’est un châssis complet de Yamaha, donc ça ne change rien de ce qu’on a l’habitude, en plus, elle a un beau look. L’accélération du moteur électrique est vraiment puissante, on atteint assez rapidement la vitesse maximale. En bas, la puissance est un peu on/off, il nous manque un peu le couple d’un moteur thermique mais je pense qu’il y a beaucoup de possibilités de réglage au niveau électronique, nous n’avons pas vraiment fait de testing donc il est probable qu’il soit possible de régler ça. Rouler sans le moindre bruit est un peu étrange au début, mais on s’y habitue rapidement. On entend des choses différentes, comme le bruit de la chaîne ou le travail des suspensions. Dans l’ensemble, je peux dire que la XF30 est une bonne moto, avec beaucoup de potentiel pour l’avenir.”
Entrons dans le vif du sujet. Cette XF30, combien coûte-elle ? Au niveau du tarif, comptez 14.500€ à l’achat (prix préférentiel salon, prolongé pour l’heure). C’est +/- 5.000€ de plus que le modèle thermique pour une 250 YZ-F 2023. Plus onéreuse que sa cousine thermique, La XF30 se veut néanmoins moins gourmande en entretien sur le long terme, ce dernier étant réduit à son strict minimum comparativement au thermique. Plus chère à l’achat, moins chère à l’entretien, de quoi retrouver un équilibre au fil du temps et des utilisations.
Fourche KYB 310mm, amortisseur KYB 318mm, refroidissement liquide, jantes Excel, pneus Dunlop Gemoax, un ratio 13/50, freins Nissin 270/240mm…
Au niveau de la batterie, l’autonomie varie forcément selon le niveau du pilote, de la même façon qu’un pilote de GP descendra un plein plus rapidement qu’un pilote régional dans les mêmes conditions. Sur le stand EMX Powertrain, on a rencontré Kévin Kotte, champion régional aux Pays-Bas et pilote test qui a eu maintes occasions de prendre en main la nouvelle XF30. En toute transparence, il nous avoue que pour l’heure, un Jeffrey Herlings à Lommel arriverait probablement au bout de l’autonomie de la batterie en une vingtaine de minutes, alors qu’un pilote amateur bénéficierait d’une autonomie de 40 minutes en situation de course. “Le pilote n’aurait probablement plus de jus avant la moto, de toute façon [rires]”. En utilisation loisir/balade, on peut espérer passer le cap des deux heures d’autonomie pour un temps de recharge d’une heure et demie une fois la batterie totalement déchargée.
On s’est également intéressé à la déperdition de charge de la batterie sur le moyen et long terme. Là encore, l’homme en charge d’EMX Powertrain a joué le jeu de la transparence. “Un pilote qui roule 100 heures par an peut viser 5 ans de vie avant de devoir changer sa batterie. Hors un pilote qui roule autant change généralement sa moto [thermique] avant cette barre des 5 ans. L’avantage, c’est que la technologie électrique se développe rapidement, et que d’ici quelques années, ces batteries auront encore évoluées et gagnées tant en autonomie qu’en durée de vie. D’ici 3 ou 4 ans, il sera intéressant pour un pilote de se procurer une nouvelle batterie avec les dernières avancées technologiques. C’est-à-dire que si un pilote achète une XF30 aujourd’hui, on sera en mesure de lui fournir une nouvelle génération de batterie dans un avenir proche.”
L’un des atouts de cette XF30, c’est que sa conception a été entièrement réalisée autour d’une partie cycle de 250 YZ-F. En cas de pépin ou de casse, le pilote n’est pas contraint de passer par un constructeur qui détient ensuite le monopole pour la distribution des pièces détachées, mais pourra se rendre dans n’importe quelle concession Yamaha.
Fini le design futuriste, et c’est probablement ce qu’on a le plus apprécie au premier coup d’œil. On est réellement sur une machine qui a une “vraie” gueule de Motocross et si la performance des batteries est encore le plus gros point d’interrogation (attendons les essais sur piste) le problème du look semble avoir trouvé une solution; la tante du voisin de votre copine aura bien du mal à faire la différence entre une 250 YZ-F et une XF30. Il est bon de noter que pour les moins initiés, une version avec le frein arrière au guidon est disponible.
Qu’en est-il de celui qui franchit le cap et investit dans l’électrique, en 2023 ? Soyons franc; un pilote désireux de passer à l’électrique se retrouvera confronté au problème de la recharge de sa batterie sur circuit, ces derniers n’étant pas encore adaptés pour recevoir une flotte de motos électriques au niveau des infrastructures. Elmar Dohms milite activement pour l’adaptation des tracés en Hollande avec des bornes de recharge, à l’image des nouveaux parcs de charge pour les véhicules électriques qui fleurissent avec l’augmentation du nombre de voitures électriques sur nos routes. Le sujet est à l’étude et l’adaptation se fera, mais toutefois progressivement.
Tout comme les pilotes et les paddocks, les règlementations des divers championnats et fédérations vont devoir s’adapter pour, dans un futur proche, voir ces nouveaux modèles électriques s’attaquer aux courses aux côtés des motos thermiques, ou devenir des catégories à part entières.
Franchirez-vous le cap de l’électrique ?
“Le plus gros avantage de l’électrique, c’est que les plaintes liées au bruit n’ont plus lieu d’être” conclut Elmar Dohms, bien conscient des nouvelles problématiques que rencontre le sport, mais aussi des réticences de certains face à l’arrivée de l’électrique dans le milieu. “De fait, il devient possible de rouler autant qu’on le veut, quand on le veut. La transition se fera graduellement, on roulera en moto thermique et aussi en électrique et puisque j’ai grandi en roulant sur du thermique, je comprends les sceptiques. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle nous utilisons le châssis déjà existant d’une Yamaha, pour garder le meilleur de la moto, qui est une moto performante. Rouler sur une moto électrique, c’est aussi exigeant physiquement qu’une moto thermique, et ça procure la même adrénaline. Il n’y a plus de rapports à passer ou d’embrayage à gérer, ce qui veut dire que tu peux plus facilement te concentrer sur le choix de tes trajectoires. Le moteur électrique de la XF30 délivre un gros couple dont vous aurez du mal à vous passer une fois que vous l’aurez essayé. On parle de 720Nm de couple sur la roue arrière et c’est sensationnel, un couple présent dès la première accélération et ce jusqu’à ce que la vitesse de pointe soit atteinte. La puissance attendue est toujours là pour signer des bons chronos, et l’équilibre entre la puissance et la maniabilité est parfait.”
Il est bon de noter qu’EMX Powertrain est désormais engagé en tant que constructeur sur la nouvelle coupe du monde FIM E-Explorer qui débutera en Espagne, le 13 mai prochain, une série qui servira de tremplin à de nombreux constructeurs de motos électriques dans le domaine de l’offroad.
Si vous êtes désireux d’en apprendre encore plus sur cette XF30 sortie des ateliers EMX Powertrain, on vous invite à vous rendre sur le site internet du constructeur Néerlandais.
