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Hugo Manzato débarque sur le Supercross US


Tom Vialle ne sera pas le seul pilote Français à tenter l’aventure Américaine cette saison puisqu’il y aura bien un pilote tricolore présent sur la côte Ouest cette année, Hugo Manzato.

Cinquième du championnat de France SX Tour 250 en 2022 et actuellement 7ème du championnat de Supercross Allemand (ADAC), le pilote FB Racing Factory part à la conquête de l’Ouest à l’occasion de deux épreuves du plus réputé championnat national de Supercross. Avec l’aide de son copain suisse – Killian Auberson – Hugo Manzato a pu se concocter un programme pour participer aux épreuves de San Diego et d’Anaheim 2, en date des 21 & 28 janvier; comprenez donc une épreuve traditionnelle à l’Ouest, et une épreuve au format triple-crown.

Chauffé par un certain Anthony Bourdon à l’intersaison 2022/2023, Hugo Manzato s’est attelé à la réalisation d’un rêve en participant au championnat de Supercross Américain. Organisation, objectifs, budget, le pilote Toulousain raconte.

Hugo, tu m’avais parlé de ce projet de Supercross US à Lyon. Dernièrement, tu me disais que tu attendais la confirmation de la licence, de ton numéro, des assurances, etc. Tout est bon ?

Tout est validé, il ne me manque plus qu’un papier de la FFM qui doit être rempli aujourd’hui. C’est difficile de discuter avec les USA avec le décalage horaire. Quand il est 19h chez nous, eux commencent à travailler et autant dire qu’ils ne sont pas pressés pour répondre aux e-mails. C’est difficile de les avoir.

Du coup tout est bon, j’ai mon numéro, mes inscriptions de payées, ma licence AMA, tous les papiers sont prêts. Ce n’est pas comme en France où tu prends ta licence et tu t’engages sur Engagé-sport, c’est bien différent. Il y a des tonnes de paperasse à remplir et les documents Européens sont différents de ceux Américains donc c’est compliqué mais j’ai réussi à me débrouiller !

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Aux USA, il faut être considéré comme “pro” pour pouvoir rouler en Supercross. Vu que tu viens de France, comment ça se passe ? Tu as dû prouver que tu avais fait des résultats en Europe ?

Exactement. En fait il faut avoir la licence FIM MXGP, et pour avoir cette licence, il faut prouver un certain niveau pour que la FFM puisse te la délivrer. C’est justement ce papier de la part de la FFM que j’attends, celui qui atteste de mon niveau. C’est grâce à ça que j’ai été accepté sur le Supercross US.

Etant donné que le Supercross US n’est plus affilié à la FIM, il te faut quand même cette licence FIM ?

C’est là le couac. Le championnat américain était répertorié comme championnat du monde avant, alors qu’aujourd’hui c’est le championnat “Elite” des USA. Il est quand même répertorié par la FIM mais n’est plus considéré comme un championnat du monde. C’est le championnat national du pays répertorié FIM. Avec cette licence FIM, tu peux être assuré et ça te couvre si tu te fais mal. Ça te permet de pouvoir rouler chez eux en étant un étranger, sans avoir à passer par des courses amateurs là-bas.

Ce qui a failli me poser problème, c’était surtout les questions d’assurances. Sans la licence FIM, ça me coutait 2.000 ou 3.000€ la course, c’était impossible. J’ai pris une assurance Française de voyage avec Allianz pour la vie de tous les jours, et j’ai pris une assurance avec Assure Ton Sport en plus de l’assurance de la licence. Si tu te blesses, tu n’as pas idée de combien ça coûte, d’après mes contacts, mieux vaut ne pas se blesser …

Pourquoi ce départ aux USA, c’était quoi le projet ?

En fait, cet été, un  team Canadien (PRMX) m’a contacté sur Instagram pour faire des courses au Canada et aux USA. Le problème, c’est que les gars ne connaissaient pas mon niveau sur un championnat Américain, et moi non plus [rires]. Ça m’avait chauffé pour partir aux USA, c’était mon rêve depuis gosse. Je venais de passer un an et demi hors des circuits à cause de mes blessures et je recommençais à avoir un bon niveau. Dans un coin de ma tête, je me suis dit qu’il fallait que j’y aille un jour avant d’arrêter.

Un mois plus tard, mon pote Anthony Bourdon m’a appelé pour me dire “Hey, Lundi après Dortmund, on va aux USA, on fait deux courses et on rentre, les vols sont à 450€, chauffe-toi.” Il n’a pas fallu longtemps pour me chauffer, j’ai pris mes billets et je me suis dit que ça allait me pousser à me bouger, à m’organiser. De fil en aiguille, je me suis rendu compte que c’était faisable.

Le team PRMX guette les championnats Français ?

Je ne sais pas trop. En fait ils ont écrit à Killian Auberson qui est un ami à moi. À cette même époque, j’étais en discussion avec lui car il a une maison aux USA et il pouvait me filer un coup de main. Le team PRMX lui a demandé s’il ne connaissait pas un Européen qui était chaud de faire le Canada et les USA. Killian leur a parlé de moi et ils m’ont contacté, mais ça n’a pas abouti. C’est un team avec des partenaires, ils doivent rendre des comptes et je pense qu’ils ne pouvaient pas “miser sur le mauvais cheval”, pour ne pas prendre de risque, et prendre des mecs de chez eux pour mettre la moto en finale. Un mec qui roule bien en Europe, c’est bien mais pour eux l’Europe, c’est facile. Ils ne savent pas qu’en France, on n’a pas les mêmes moyens, on n’a pas 10 pistes d’entraînement, pas de chauffeur qui refait la piste le matin, etc, etc.

Un mec comme Brice [Maylin] pour sa seconde année de SX fait 3ème à Paris face à des mecs qui font des top 5 aux US comme Blose, je pense qu’on n’est pas trop ridicule en France.

Il est concocté comment ton programme sur place ?

Je vais à Dortmund là pour les 3 soirs. Après Dortmund, Brice me dépose à Paris et je prends l’avion le lundi matin pour les USA avec mon mécanicien. Killian viendra nous récupérer à l’aéroport et je vais dormir chez lui pendant 15 jours, c’est lui qui m’héberge.

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Killian a créé AKMX Holidays, et il fait venir beaucoup de pilotes Suisse. Il entraîne des pilotes chez lui car il a un terrain de Supercross en bas de sa maison. Grâce à ses contacts, il m’a trouvé une moto de location neuve, une 250 SX-F, et il va également me louer son van. Tout tourne autour de Killian, s’il n’était pas là, je pense que ça n’aurait jamais abouti.

De mon côté, j’ai géré les suspensions, mes partenaires, la paperasse.

Tu auras un pied-à-terre et tu vas pouvoir  t’entraîner avant de pouvoir débarquer à San Diego du coup.

Je vais découvrir, je n’y suis jamais allé de ma vie. Il va falloir que je fasse mes courses alimentaires, que je trouve ma salle de sport et que je me débrouille tout seul car Killian aura ses clients et il ne va pas passer tout son temps à s’occuper de moi.

D’après ce que j’ai compris, là-bas, c’est bien différent de chez nous. Il n’y a pas une piste de Supercross par région; autour de chez Killian, il y en a une quinzaine. Je vais aller rouler sur les pistes publiques, Lake Elsinore, Pala, etc.

Ce sera bien pour te jauger et te situer avant les courses.

C’est ça, même si l’entraînement et la course c’est différent. Là-bas, ils poncent les terrains depuis un mois et demi. Le petit Français que je suis, avec une moto que je ne connais pas et des suspensions que je ne connais pas, je ne vais pas arriver et leur mettre la grêle à l’entraînement. C’est moi qui vais me la prendre, mais du coup ça me permettra peut-être de moins me la prendre pendant les épreuves.

Dans ta valise, concrètement, il y a quoi ?

Mes orthèses, mon pare-pierre, mon casque, une paire de bottes, mon guidon, quelques transmissions, quelques couronnes, pignons, poignées, des leviers de rechange, des filtres à air et c’est parti. Sur place tout coûte cher et ici, on est tous aidé par des magasins ou des marques, on a des prix avantageux sur les pièces alors que là-bas, rien. Le prix, c’est x3 aux USA, donc j’ai préféré prendre quelques pièces plutôt que de les acheter là-bas. J’ai de la chance d’être aidé par O’neal qui s’occupera aussi de moi là-bas avec les tenues et les lunettes. Backyard Design m’envoie un kit-déco sur place pour la moto, et voilà.

Tu récupères une 250 SX-F du coup ?

Je récupère une 250SX-F chez un préparateur qui s’appelle DCR performance, je ne sais pas trop ce qu’il y aura sur la moto. AEO Motorsports vont s’occuper de mes suspensions. Avec mon préparateur Français, on a fait appel a eux car on n’a aucune expérience en SX US donc ce serait bête d’arriver avec mes suspensions et de me détruire sur place alors qu’il y a des gens qui font ça depuis des années, qui ont du matériel abouti et qui ira mieux pour moi. On préfère ne pas prendre de risques car je n’ai pas beaucoup de temps; j’aurais des suspensions préparées sur place.

Pourquoi San Diego et Anaheim 2 ?

C’était vraiment la faute d’Anthony ! Il a regardé les dates. Ça tombait pile après Dortmund, et avant l’épreuve d’Herning. Il a choisi ces deux dates-là et il m’a chauffé. Je n’ai pas regardé le format, les terrains, j’ai tout organisé. Cette semaine, en m’inscrivant, je me suis rendu compte qu’Anaheim 2, c’était une épreuve triple-crown … [rires]. Honnêtement, ce n’était pas voulu, mais ce n’est pas grave. La piste sera la même pour tout le monde, et dans tous les cas je ne connais pas là-bas donc il faut que je découvre. Le but ce n’est pas d’aller une fois là-bas et ne jamais y retourner. Je vais apprendre ce que c’est, apprendre des différences, rentrer chez moi et travailler dans le même sens qu’eux pour être meilleur en France et tenter de revenir plus tard pour faire plus de courses ou même une saison complète, essayer de se faire connaître tout simplement.

C’est quoi le budget prévu pour ces 2 semaines ?

Ce qui coûte très cher, c’est la licence. Elle est à 2.000$, en plus de la licence AMA à 150$. une course me coûte 225$. Il y a aussi la location de la moto, la préparation des suspensions, la location du van, l’essence, etc, etc. Pour vraiment n’avoir aucun problème et faire les choses bien, j’ai prévu 10.000$ pour deux semaines. Peut-être qu’on dormira dans le camion pour San Diego parce qu’à 300$ la nuit d’hôtel, c’est quand même tendu mais je veux essayer de faire les choses bien.

Ces 10.000$, je ne les avais pas à disposition comme ça donc je me suis débrouillé avec les entreprises locales qui me connaissent depuis que je suis petit. Ils ont vu que j’étais investi après toutes mes blessures, que je n’avais pas baissé les bras alors que j’avais failli arrêter la moto donc je les remercie de m’aider, mais également mon team FB Factory et ma famille qui me donne un bon coup de main. Sans ça, tu restes à la maison, donc un grand merci à FB Factory, FB Transport, FB truck, Distrifor, Alu Project, MAF roda, Neotech, Little Italy, Gudes Prod, O’neal, Backyard Design, Jet Suspension, AK MX Holidays & mes grands parents.

Réalistiquement, quels objectifs t’es-tu fixé?

Je veux gagner ! [rires]. Si je gagne au moins je suis sûr de rester là-bas ! Réellement, je n’ai pas d’objectif précis. Mon objectif est de me donner à 100%, de ne pas stresser, de rouler comme je sais le faire – pas comme à Paris donc. Je veux rouler comme je roule à l’entraînement et si je roule comme ça, je pense que je pourrais me qualifier pour la soirée même si ce n’est pas une chose facile; on n’y accède pas comme ça, au night show.

Ensuite, aller en finale serait le rêve ultime mais ce sera très dur, les autres connaissent bien ça, ils connaissent les terrains, leurs motos. Moi, je n’ai pas dribblé des whoops depuis ceux de Lyon donc tu ne peux pas arriver et tout casser, ce n’est pas réaliste.

L’objectif premier, c’est de se donner à fond. Les résultats seront là si je roule à mon niveau.

Il faut faire top 40 aux essais chronos pour parvenir au night show. Il y a un mec que tu connais bien qui y parvient ces derniers temps: Dominique Thury.

Il y a Thury, et il y a Woodcock qui a fait le SX Tour. Ils passent les qualif’. Thury est un bon pilote, il faisait proche du top 10 en finale l’an dernier et il connaît bien les USA. Woodcock est bon aussi. Thury n’était qu’à une place de se qualifier directement pour la finale à Anaheim 1 mais il est tombé en LCQ. Il y a des mecs comme Sanford, Schlosser, qui vont en finale et qui pourtant ont loupé la qualif à Stuttgart quand j’ai réussi à terminer 4ème. Je me dis que c’est faisable mais attention, c’est chez eux, les mecs connaissent bien le Supercross.

On a déjà roulé avec Woodcock au championnat de France à Agen, Briennon ou Saint Georges de Montaigu par exemple. Il roule très bien mais il ne sautait pas tous les enchaînements en France, et tu le vois tout passer aux USA et du coup, tu as un peu de mal à comprendre. À Stuttgart, Thury n’était pas impressionnant, il a loupé la finale le premier soir et pourtant il roule très fort en SX US. Schlosser et Sanford n’ont pas fait la finale à l’ADAC et pourtant, ils sont en finale aux USA à Anaheim 1.

Je ne regarde pas trop les autres car c’est difficile de se comparer. Si c’était le cas, je prendrais l’exemple de Justin Starling contre qui je me suis battu tout le week-end au Supercross de Paris; le gars se qualifie en finale en Supercross 450 aux USA. Alex Ray et Joan Cros ont eu du mal à Paris et ne dribblaient pas les whoops à Paris, et pourtant ils les dribblent aux USA; c’est vraiment différent.

D’un autre côté, c’est mieux de voir qu’en Europe tu roules devant un gars qui se qualifie pour le night show, plutôt que de le voir te mettre deux tours à Stuttgart.

C’est un peu pour ça que j’y vais maintenant et que je n’y suis pas allé avant. Je sentais que je n’étais pas prêt. Je ne dis pas que je suis prêt maintenant, mais je sens que c’est le bon moment. Pour une première, je pense que j’ai le bagage technique. Côté physique et vitesse, je suis au mieux de ce que j’ai connu jusqu’ici donc c’est maintenant qu’il faut y aller pour découvrir. Enjoy ! Il faut y aller !
Je serai dans le groupe C, dans le groupe des chèvres aux essais [rires]. Avec un peu de chance, si je roule bien dans ce groupe, je serais pas mal filmé, ce sera le seul moment où on pourra me voir à la TV [rires].

Et si tu as une opportunité de partir sur le World Supercross l’an prochain, c’est quelque chose qui te brancherait ?

Carrément. Mais il ne faut pas se faire d’illusions. Le World Supercross est vachement prisé, c’est le rêve de tout pilote qui fait du Supercross. Les teams Français ont plus tendance à prendre des étrangers. Thomas Do a pu en faire l’expérience en 2022, tant mieux pour lui. On a deux teams Français, et un team géré par une Française, sur le World Supercross mais je n’ai pas trop l’impression qu’ils font appel à des pilotes Français. Presque tous les Français qui ont été convoités pour le World SX, ce sont ceux qui ont été aux USA et qui ont bien roulé. Dans la tête des gens, il y a un monde entre faire cinquième en SX Tour et se qualifier pour une finale aux USA; je ne suis pas sûr qu’il y ait un si gros gouffre. Si on me propose de faire le WSX et que je n’ai pas de concurrence de date avec le SX Tour, je suis chaud d’y aller, je suis ouvert à toute proposition.

On va terminer par un bilan de ta saison 2022, qui finalement s’achève – en 2023- avec cette épreuve de l’ADAC ce week-end.

Je suis très content de moi. J’ai passé un an et demi sans faire de courses. Ma dernière course, c’était en 2021 à Calatayud avant que je ne me blesse, on était encore à moitié dans le covid. Je me suis fait mal au genou et j’ai enchaîné les problèmes pendant un an et demi. J’ai failli arrêter la moto pour passer au vélo. Quatre mois avant l’ouverture du SX Tour 2022 je ne savais même pas si j’allais y aller, et 10 jours avant Agen j’ai été opéré du genou une nouvelle fois, j’ai roulé avec des points de suture sans savoir où j’en étais. J’ai eu de la chance de m’entraîner avec Brice Maylin tous les jours donc je savais où j’en étais, ça s’est bien passé cet été même si j’en ai vraiment chié. Je me suis accroché.

J’étais bien en vitesse mais je n’ai pas pu concrétiser en montant sur le podium. On a pas mal bossé dernièrement, on a changé de moto, pris la 2023, changé quelques trucs sur la moto donc je me sens mieux. Je vais faire attention à Dortmund, mais on va se faire plaisir. Je suis content de ma saison, et c’est vraiment le principal.

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