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Jed Beaton “J’ai parcouru beaucoup de chemin depuis mes débuts”

Jed Beaton “J’ai parcouru beaucoup de chemin depuis mes débuts”

Encore inconnu au bataillon lorsqu’il débarque en Europe en 2017, l’Australien Jed Beaton n’aura eu besoin que de deux saisons pour se faire un nom – et une place en haut du tableau du mondial MX2 – avant de rejoindre la prestigieuse équipe Nestaan Husqvarna. Prétendant aux podiums de grand prix en 2020 et 2021 sur le mondial MX2, Jed Beaton s’apprête désormais à effectuer sa transition en catégorie reine dès 2022, une transition qu’entameront également les deux Français Maxime Renaux et Mathys Boisramé. De retour en Australie pour recharger les batteries auprès de ses proches – qu’il n’avait plus revu depuis plus de deux ans – Jed Beaton s’est prêté au jeu de l’interview à plus de 15.000KM de là. Micro.

Jed, avant de parler de la saison qui arrive, un petit mot sur 2021. Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie, mais ces 4ème et 5ème places ont dû être frustrantes à force. Tu signes 10 podiums de manche, pour 3 podiums de GP. Un bilan de 2021 ?

Evidemment, ce n’était pas la meilleure des saisons mais parfois, tout ne se déroule pas comme on l’avait prévu. J’avais fait une belle intersaison et je me sentais vraiment bien, capable d’être l’un des prétendants aux victoires et je me suis blessé juste avant le début de la saison. J’ai vraiment eu du mal à revenir, ça ne se goupillait pas comme je le voulais, et comme tu l’as dit, j’ai commencé à enchaîner les 4ème et 5ème places . Je faisais une bonne course, puis une mauvaise course, ça ne marchait pas super bien pour moi. Une fois que j’étais bien revenu de ma blessure pourtant, je me sentais plutôt bien, mais les 4 ou 5 premiers GP, c’était craignos. Une fois que tu te retrouves loin aux points, c’est vraiment difficile d’arrêter l’hémorragie et d’en reprendre.

Dirais-tu que le niveau en MX2 a augmenté entre 2020 et 2021 ?

Oui et non. Je ne pense pas que le niveau ait réellement évolué en 2021. J’ai plus eu l’impression que tout a été bien plus été pris au sérieux. Tout le monde s’entraîne toujours plus dur, tout le monde s’entoure d’un entraîneur, les équipes ont des coachs, et je pense que tout ça fait qu’il y a beaucoup plus de similarité entre les pilotes en terme de vitesse. Ce n’était pas plus difficile, mais par contre, vu qu’on fait désormais tous la même chose, c’est bien plus homogène et le départ est encore plus important qu’avant.

10 top 5 d’épreuve pour Jed Beaton en 2021, mais seulement trois podiums ! @Husqvarna

Si la limite d’âge en MX2 était de 25 ans, serais-tu monté en MXGP en 2022 ?

Je pense que la limite d’âge est une bonne chose, et si la limite d’âge était fixée à 25 ans, je pense que j’aurai quand même fait la transition en MXGP en 2022. C’est une catégorie très relevée, très compétitive, mais en fin de compte, je pense que j’aurais la possibilité d’être un meilleur pilote sur la 450 car je suis plutôt grand. Je n’ai toujours eu qu’une hâte, c’était d’enfin pouvoir rouler en 450 et après seulement quelques jours dessus à l’entraînement, je sens que je suis en mesure de la piloter bien plus facilement que la 250. Elle me convient beaucoup plus que la 250. Être un grand gabarit et rouler contre des mecs plus petits en MX2 c’est assez difficile car les départs sont vraiment super importants dans cette catégorie et c’était vraiment compliqué de faire un bon départ face à eux. Même s’il n’y avait pas eu cette limite d’âge, j’aurai tout fait pour monter en 450 la saison prochaine.

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Comment se déroule cette transition en 450 ? J’imagine qu’avec une intersaison aussi courte, tu vas pas mal bosser avant l’ouverture. Les avant-bras, ça va ?

La transition se déroule bien, j’ai fait quelques jours sur la moto et je me sens vraiment bien. J’ai roulé sur Kawasaki par le passé donc je connais la moto et ce n’est pas si dur de s’adapter à la nouvelle cylindrée. C’est une intersaison très courte, il n’y aura pas beaucoup de temps, on va aller en Sardaigne dès Janvier pour s’entraîner. Tout se passe bien pour l’instant; avec du temps et du testing, ça ne pourra qu’aller mieux et j’ai hâte de débuter la saison. Pour les avant-bras, ça va ! Je suis en mesure de rouler plus proprement avec cette moto donc ce n’est pas plus mal pour moi.

Jed Beaton en MXGP, Wilson Todd rentré en Océanie, aucun pilote Australien n’est pour l’heure engagé sur le mondial MX2 en 2022 @Husqvarna

Tu as roulé pour F&H par le passé, tu connais le groupe de personnes avec qui tu vas travailler. Par contre, le MXGP c’est nouveau pour eux, et la 450, c’est nouveau pour toi. Ce n’est pas comme si vous pouvais t’appuyer sur quelqu’un ou sur un coéquipier pour t’aider avec les réglages, utiliser des données des saisons précédentes.

J’ai roulé avec F&H oui, je connais bien les personnes de l’équipe. La 450, c’est tout nouveau pour eux et il y a beaucoup de choses nouvelles. Je ne vais pas te dire que ça m’inquiète car ces gars-là savent comment régler une moto, le technicien suspensions sait ce qu’il fait, peu importe la cylindrée. En ce qui concerne le moteur, pas de stress, c’est une 450 et je sais d’expérience qu’il faut simplement la régler à ses goûts, ce n’est pas la même histoire qu’en 250 où tu essayes de tirer le maximum de puissance de ton moteur pour faire la différence. Il y a Marc de Reuver chez F&H, il a roulé pendant longtemps en 450 pendant sa carrière et il connaît un paquet de choses en ce qui concerne les réglages, et comment faire en sorte de trouver les meilleurs pour moi donc pas d’inquiétudes de ce côté-là, j’ai surtout hâte de trouver les réglages qui me conviendront.

Être un bon pilote c’est une chose, être une bonne personne, s’en est une autre. Tu as fait face à l’adversité, tes débuts en Europe n’ont pas été faciles, mais tu n’as abandonné aucune équipe, tu n’as jamais critiqué, tu as su prendre tes responsabilités quand il le fallait et tu as travaillé comme un dingue pour en arriver là. En faisant le tour du paddock, on n’entend pas seulement dire que tu es un bon pilote, mais aussi que tu es un bon gars. On ne t’as pas appris à baisser les bras.

C’est sûr que les premières années en Europe n’ont pas été les plus faciles. Je pense que ça vient avant tout de la façon dont j’ai été élevé, de la façon dont j’ai grandi, qui a été bien différente de la plupart des autres pilotes. Ce n’est pas dans mes habitudes de plier bagage et de me barrer car j’ai toujours eu l’habitude que les choses soient un peu compliquées. C’est une bonne chose, car c’est également ce qui m’a permis de rester en Europe jusqu’à présent, et aussi longtemps. J’ai essayé de me frayer un chemin vers le haut niveau, j’ai eu l’occasion de rouler pour de nouvelles équipes, différentes équipes, et enfin de signer au sein d’une structure usine. C’était un objectif pour moi et c’était top de pouvoir enfin le cocher de ma “do to list”. Quand je regarde en arrière, je vois que j’ai parcouru beaucoup de chemin depuis mes débuts.

Infront vise un retour au format sur 2 jours la saison prochaine. Tu préfères quel format, un jour, ou deux jours ?

J’ai vu qu’ils parlaient de faire revenir le format deux jours. Pour moi, peu importe car on doit être présent le samedi et le dimanche quoi qu’il advienne. La seule chose que j’aimerais voir changer – si on revient à un format deux jours – c’est le samedi. Ce serait top qu’il n’y ait que des essais qualificatifs le samedi, je ne vois pas trop l’intérêt de faire une manche qualificative, car ça rend justement les essais qualificatifs effectués plus tôt dans la journée sans intérêt. On doit faire cette séance, tout donner pour signer un bon tour, tout ça pour avoir une bonne place sur la grille pour la manche qualificative. Tu peux terminer dernier de ta manche qualificative alors que tu avais signé le premier temps lors des essais, je ne vois pas l’intérêt et ça n’a pas de sens. La journée du samedi pourrait être mieux pensée.

Jed Beaton de retour chez F&H Kawasaki en 2022, pour évoluer en 450 cette fois-ci.

J’imagine qu’il est encore trop tôt pour parler d’objectifs pour 2022, mais tu serais content avec quel résultat en quittant Matterley en février ?

C’est sûr qu’il est un peu tôt pour parler de mes attentes en MXGP; ce que je veux, c’est arriver en pleine forme physique pour le début de la saison, savoir que je me suis préparé du mieux que je le pouvais et on verra ce que je suis capable de faire. Je ne vais pas m’aligner sur les premières courses avec un chiffre en tête, je vais simplement essayer de décrocher le meilleur résultat possible, et ensuite, on verra à partir de là. Les attentes, ça peut vraiment impacter tes résultats donc j’y vais sans vraiment m’attendre à quoi que ce soit, je veux être en bonne forme physique et prêt pour la première épreuve et on verra ce qu’il adviendra.

La nouvelle de l’arrivée de la Stark VARG électrique a fait beaucoup de bruit cette semaine. Une opinion là-dessus ? Est-ce que le sport est prêt à entâmer une transition vers l’électrique dans un futur proche selon toi ?

J’ai vu beaucoup de posts sur les réseaux sociaux à propos de cette moto. Je trouve ça cool et c’est probablement le futur mais je n’aime pas trop ce genre de projet. Le motocross, les sports mécaniques, c’est censé faire du bruit, tout le monde aime ce bruit de moteur, ça nous fait vibrer. Ce serait vraiment étrange de rouler, d’être devant – ou derrière quelqu’un – et de pouvoir se gueuler dessus en entendant exactement ce qu’on se dit [rires]. Si c’est ça le futur, alors je pense qu’il faudra s’y faire et ce sera pareil pour tout le monde. Honnêtement, j’espère vraiment pouvoir finir ma carrière sur une moto thermique et ensuite, okay pour regarder les courses de motos électriques à la TV. Je ne suis pas vraiment super fan.

Le Covid-19 a foutu un sacré bordel ces deux dernières années, et je sais qu’il a été très difficile de voyager pour les Australiens. Est-ce que tu as été en mesure de voir ta famille, tes amis, recharger les batteries à la maison depuis que tout a commencé ?

C’est drôle que tu me demandes ça car je viens tout juste de rentrer en Australie et c’est la première fois que je suis en mesure de rentrer depuis que tout ce merdier a débuté, il y a déjà deux ans et demi. Les restrictions aux frontières ont été allégées et je me suis dit que c’était le moment ou jamais pour rentrer, tant que je le pouvais. Ici, ça a été très difficile avec le Covid, j’étais plutôt nerveux, donc dès que j’ai pu, j’ai booké mon billet d’avion pour rentrer voir ma famille, recharger les batteries, avant de revenir en Europe pour une nouvelle saison. Ça fait une semaine que je suis rentré en Australie, ça fait du bien, il y a du soleil, il fait meilleur qu’en Europe, en fait, je viens quasiment d’enchaîner l’été Européen avec l’été Australien, donc je ne peux pas me plaindre !

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