Autant le dire, rien ne prédestinait Romain Marie à finir dans le paddock du championnat du monde de Motocross, et pourtant. Après un parcours atypique au sein d’une industrie très fermée, Romain officie désormais en tant que mécanicien de course de Thibault Benistant chez Hutten Metaal Yamaha, du haut de ses 21 ans. Initialement mécanicien des jumeaux Coenen avec lesquels il mettra le pied à l’étrier, Romain accompagnera également Maxime Grau pendant une saison chez BT Husqvarna avant de finalement intégrer une équipe officielle aux côtés de l’un de nos meilleurs pilotes tricolores. Une vie menée à 100 à l’heure, toujours animée par la passion. Micro.
Romain, j’aimerais qu’on commence par parler de ton parcours dans ce métier. Comment ça s’est goupillé pour toi, toutes ces années ? Comment ça a commencé, et comment tu en es arrivé à devenir mécanicien chez Factory Yamaha ?
Quand j’étais petit – vers mes 8 ans – j’avais un cousin qui avait un petit quad; j’ai voulu en faire aussi. On m’a autorisé à en avoir un si j’avais de bonnes notes à l’école. Ça a commencé comme ça, par le quad, et c’est passé par le pitbike; toujours avec les cousins.
De fil en aiguille, je suis allé sur un terrain à côté de chez moi, un terrain qui a fini par être racheté par la famille Coenen. Du coup, je voyais souvent Lucas et Sacha; on s’entendait bien. Un jour, ils m’ont proposé de venir voir une course en Autriche, puis une autre, et encore une autre … puis j’ai commencé à les aider à droite à gauche.
À ce moment-là, j’étais à l’école en mécanique moto, dans le monde de la moto de route. Je ne savais même pas qu’être mécanicien en MXGP, c’était un métier. C’est la famille Coenen qui m’a mis le pied à l’étrier; ils sont passés dans dans un team «officiel» en 85cc – Yamaha Grizzly – et m’ont demandé de faire office de mécanicien. J’allais en cours la semaine, et le jeudi ou le vendredi, ma mère faisait 5 heures de route pour m’amener aux Pays-Bas. On disputait les courses, et elle revenait me chercher le lundi pour me ramener directement à l’internat, ou à l’école.
Ensuite, les Coenen ont fait une structure privée et familiale, tous les deux en 85cc. C’était en 2020. Puis en 2021, Lucas et Sacha ont signé chez Bud Racing Kawasaki et j’étais mécanicien de course de Sacha. J’allais toujours à l’école la semaine, et sur les courses le week-end.
De là, j’ai décroché mon dernier diplôme, et à partir de Janvier 2022, j’ai été mécanicien à temps plein – de course et d’entraînement – avec l’équipe BT Husqvarna. Après un an, Lucas et Sacha ont intégré des teams officiels et j’ai fait la saison 2023 avec Maxime Grau. De nouveau en tant que mécanicien de course comme d’entraînement.
En fin de saison 2023, plusieurs teams m’ont contacté. Et j’ai rejoint Hutten Metaal Yamaha.
Comment ça se passe, l’intégration au sein du team Hutten Metaal ? J’imagine qu’il y a eu plusieurs offres, et qu’il était aussi question de choisir ce qui était le mieux pour toi.
La saison 2023 n’était pas encore terminée que je recevais déjà des messages. Concernant Hutten, et vu que je bossais chez BT, c’étaient nos concurrents durant la saison d’Europe 250 en 2022 et 2023.
La personne qui préparait les moteurs chez Hutten – et donc qui s’occupe désormais des moteurs de Yamaha en MX2 – utilisait le banc d’essais chez BT; donc on se voyait souvent là-bas. Il a vu comment je travaillais, et quand il a appris que l’équipe BT fermait, il a parlé de moi au team-manager. Il lui a dit qu’il me connaissait, que je travaillais bien, que j’étais sérieux.
Du coup, j’ai eu plusieurs offres de teams, pour bosser sur des marques différentes, des championnats différents. Forcément, ça voulait aussi dire des lieux de vie différents, donc j’ai dû bien réfléchir et me dire «Si je vais là, j’ai ça, mais je n’ai pas ça», etc, etc.
C’était un peu difficile de choisir, mais au moment où j’ai eu le rendez-vous avec Hutten, dans ma tête, je savais déjà que c’était là que je voulais aller.
Finalement, ce n’était pas du tout une vocation pour toi, ce métier ?
Non, je ne connaissais pas du tout le milieu. De base, je voulais juste m’occuper de moto de route, travailler dans une concession en quelque sorte.
C’est certes un métier passion, tu voyages quand tu es jeune, c’est cool. Mais quand tu vois les plus anciens dans les paddocks, ils n’ont pas vraiment de temps pour la vie de famille. C’est quelque chose que tu prends en compte aussi aujourd’hui ?
Forcément. C’est un travail qui prend énormément de temps. Voir les copains, la famille, la copine, c’est très compliqué. Dans les paddocks, il y a quelques personnes plus âgées, qui font encore ce boulot après toutes ces années. Il y a aussi des gens pour qui ça marche plus ou moins longtemps. Moi, j’aime vraiment ça, donc je pense que je pourrais le faire encore quelques années. Mais oui, je sais que c’est compliqué de concilier avec tout ce qu’il y a autour.
On différencie le mécanicien de course et le mécanicien d’entraînement. Le mécanicien d’entraînenement est finalement bien plus souvent avec le pilote que celui de course. Dans ces conditions, est-ce qu’on parvient tout de même à tisser des liens et à créer de la confiance ? J’imagine que c’est très important pour que ça se passe bien avec son pilote.
C’est sûr. Je trouve que c’est hyper important qu’il y ait bon feeling entre les deux. Le travail, ce n’est pas juste de dire au pilote «tiens, ta moto est prête, tu peux y aller». Pour moi, c’est beaucoup plus que ça.
Cette saison, c’était ma première année en tant que mécanicien de course dans un team usine, donc j’appréhendais quand même un petit peu au début. Je savais bien sûr qui était Thibault, mais on ne se connaissait pas. Au début, on n’avait pas le feeling qu’on a désormais, après une saison à travailler ensemble. C’est sûr que c’est plus compliqué de trouver le feeling quand on ne travaille que sur les courses avec le pilote.
Cette intersaison par exemple, on n’a fait qu’une seule course d’Intersaison – à Sommières – et ensuite, on est directement parti pour l’Argentine.
J’avais monté les motos à l’atelier, mais je n’avais pas vraiment eu l’occasion de faire tout ce qu’il fallait faire à côté lors des courses: la laver, faire le nécessaire entre les manches, etc. Pour moi, il y avait une pression en plus car je devais apprendre à travailler avec la moto, et avec le pilote.
Quand tu rejoins Hutten Metaal, finalement, tu n’as pas encore rencontré Thibault ?
C’était un peu spécial avec la réorganisation au sein de chez Yamaha. La première fois que j’ai vu Thibault, j’étais déjà dans le team depuis un petit mois. Il est venu à l’atelier, on s’est dit bonjour. C’est la première fois que je lui ai parlé. En dehors de ça, on a pu se voir quand il venait à la salle de sport du team pour s’entraîner, ici et là.
Cette intersaison, je n’ai pas forcément eu beaucoup le temps d’aller à l’entraînement car il fallait changer tout l’atelier avec la réorganisation, faire beaucoup de changements, de rangements, etc, pour passer du team EMX au team MX2.
Tu es dans une équipe factory aujourd’hui. Il y a des moyens, mais aussi des attentes puisque ton pilote est censé jouer la gagne ou le titre de champion du monde. Est-ce que tu dirais que c’est un métier où tu es sous pression ?
Oui, quand même. Comme tu l’as dit, dans un team factory, il y a des attentes. Ils mettent le budget pour, donc si on gâche tout l’argent investi sur une petite bêtise, il va forcément y avoir des conséquences. Mais, si tu es concentré sur le travail, théoriquement, tout se passe bien. Après, il y a aussi des gens autour de nous, qui nous aident en cas de besoin.
C’est quoi l’aspect le moins plaisant de ton job, dont les gens n’ont pas forcément conscience selon toi ?
Très souvent on me dit «Tu as de la chance de voyager». Mais parfois, le voyage est vraiment très long.
On peut conduire 5 heures pour aller à l’aéroport, puis attendre à l’aéroport, voler pendant 14 heures, reprendre un transport de 2 heures, reprendre un avion pour quelques heures, après conduire encore 3 heures… Ça, les gens n’y pensent pas forcément. C’est sûr que c’est plaisant d’aller en Chine, en Indonésie, en Argentine mais on ne parle pas vraiment de tourisme. Parfois, tu dois aussi conduire le Sprinter pendant 15 ou 20 heures pour rentrer à l’atelier, et tu ne dors que 3-4 heures avant de retravailler sur la moto.
Il n’y a pas beaucoup d’heures de sommeil, surtout quand on enchaîne les courses. Quand il faut tout nettoyer, tout ranger, démonter la moto, la remonter, etc. Cette année, on a fait plusieurs courses d’affilée, pendant plusieurs semaines. On va dire que les nuits sont courtes; les gens ne pensent pas à ça non plus. Disons que tu ne comptes pas tes heures car sinon, tu arrêtes vite [rires].
Finalement et pour toi, c’est quoi la différence dans la préparation pour un GP Européen, et un GP Oversea ?
On va prendre l’exemple du GP d’Allemagne, qui n’est pas très loin de l’atelier. On charge la semi avec les motos le mercredi. Les pièces sont toujours dedans, on contrôle juste. On charge tout ce qui est essence, de quoi nettoyer les motos, l’huile, etc. On arrive sur la course le jeudi, on monte la structure, l’auvent, etc. Le vendredi, on fait le contrôle technique. En fin de GP le dimanche soir, on s’occupe des motos, puis on démonte toute la structure afin de reprendre la route pour revenir à l’atelier s’il n’y a pas de course le week-end suivant. Sinon, le semi-remorque part directement à l’épreuve suivante.
Pour l’Indonésie, on va dire que les caisses partent 2 semaines à l’avance. Donc par exemple, quand on était à Maggiora, on devait démonter la structure mais aussi prendre les pièces nécessaires dans le camion, conduire toute la nuit, revenir à l’atelier et charger les caisses le lundi matin avec les motos, la caisse à outils, les pièces, etc … Après, la différence c’est que nous, on utilise une moto oversea et une moto Europe, donc la moto pour les GP à l’étranger est déjà prête quand on rentre d’un GP Européen, et vice-versa. Pour un GP oversea, on arrive souvent sur place le mercredi. On est sous des tentes prêtées par l’organisation, tout va un peu plus vite à mettre en place. En une heure, tu es prêt à travailler sur la moto alors qu’en Europe, ça dépend de combien on est, mais le temps de monter la structure, l’auvent, de tout mettre en place, ça prend bien 5 ou 6 heures.
Un garçon comme Thibaut, il passe combien de motos en une saison ?
Difficile à dire, car on n’a pas de vraiment un nombre de moto défini. On a plutôt un cadre qui va faire tant d’heures, un bras oscillant qui va faire tant d’heure, etc, etc. En gros, on reçoit 30 motos pour la saison, 10 par pilotes, et on va dire que c’est moitié-moitié sur une saison. On en utilise 5 pour les entraînements, 5 pour les courses, mais quand on dit qu’on les utilise, c’est surtout qu’on récupère les pièces au fur et à mesure de la saison.
Est-ce que Thibault a des petites particularités bien à lui concernant les réglages de sa moto ?
Concernant les réglages, non, pas vraiment. On a forcément une base et on communique beaucoup avec le mécanicien d’entraînement. Si Thibault change quelque chose à l’entraînement et décide de passer l’inclinaison du levier à 16°, il faut que je change l’inclinaison sur la moto de course. On est au centimètre, au millimètre près. Au bout d’un moment, je connais aussi ses réglages par coeur.
La petite particularité de Thibault, sinon, c’est qu’il aime bien arriver pile au bon moment. S’il a une session à 10h30, il va partir de la structure à 10h28 pour ne pas attendre sur place, et ne pas avoir le temps de stresser [rires].
Dans les pits lors d’une manche, tu as deux écrans. Un pour les temps chronos, et un pour les images du live. Encore faut-il que ton pilote soit filmé. De quoi te sers-tu pour donner des informations à Thibault sur son pitboard ? Est-ce qu’il te demande d’écrire des choses en particulier ?
Non, il ne me demande pas forcément des choses en particulier. Je sais que les temps au tour ne l’intéressent pas forcément. Je mets plus souvent les temps de secteurs. Si je vois que ça bloque sur un secteur, qu’il se prend une ou deux secondes, je lui dis de faire attention, de trouver des solutions.
Après, on a aussi le casque pour communiquer. Le coach est sur le terrain et regarde comment ça se passe, le pilotage, voit ce qu’il manque ou ce qui ne va pas. Il va nous dire si le freinage est trop tôt dans un virage, s’il n’est pas assez agressif dans une portion, etc. De là, je lui mets sur le pitboard et Thibault voit le message. Après, forcément, je lui mets le temps qu’il reste, sa position, etc.
Quand on va sur un GP, vous êtes je ne sais combien sous les auvents; ça grouille de personnes. On se demande parfois qui fait quoi. J’aimerais qu’on parle de ces mecs qui sont sur la piste pendant les manches, avec les casques, et qui vous font remonter des informations en direct. Ça doit avoir une certaine importance.
Le casque, ça ne sert pas que pour les informations en course. S’il manque quelque chose avant le départ, on doit pouvoir te prévenir. Si Thibault chute pendant le tour de reconnaissance et qu’il rencontre un problème sur sa moto, il faut que tu sois prévenu le plus tôt possible. S’il tombe fort pendant la manche, il faut également que je sois prévenu le plus rapidement possible, pour préparer d’éventuels outils si jamais il passe par la pitlane, ou encore dans des conditions boueuses s’il enlève ses lunettes sur le terrain, que je sois prévenu pour préparer une nouvelle paire pour un éventuel arrêt dans la “google lane”, etc. Via ce système de communication, on est une petite dizaine de personnes à être en ligne. Les mécaniciens de course, les helpers, le coach, le boss du team s’il est là, le gars qui gère les moteurs, etc …
Est-ce que tu serais pour qu’Infront mette en place des communications radio avec les pilotes, ce qui se fait par exemple en Formule 1 ?
Oui, ça pourrait être quelque chose à tester. Après du coup, forcément, le panneautage deviendrait inutile, mais ce serait intéressant d’essayer. En tout cas, je sais que c’est interdit dans le règlement aujourd’hui, parce que sur l’Europe 85cc, ils ont déjà vérifié le casque de Sacha à plusieurs reprises. Ils pensaient que mon casque était relié au sien. Ils ont déjà vérifié s’il n’y avait pas un système de radio sur son casque.
Ton job, c’est purement mécanique ou es-tu aussi là pour ajuster la moto de Thibaut en fonction de son ressenti en piste ? S’il rentre d’une séance et qu’il dit qu’il ressent X ou Y, que ça tape trop fort dans les trous, que ça glisse trop quand il sort des virages; c’est toi qui t’occupes des ajustements ou ces informations remontent à quelqu’un d’autre ?
On a quelqu’un qui va s’occuper de la partie suspension, quelqu’un d’autre de la partie moteur. Moi, je sers plus d’intérmédiaire. Quand Thibault revient à chaud d’une séance ou d’un roulage, il va me dire ce qu’il ressent.
À moi de cerner son état d’esprit aussi. S’il est énervé, forcément, il aura plus tendance à dire que ça ne va pas, alors qu’en réalité, c’est peut-être lui qui n’arrive pas à trouver des solutions. Après, Thibault décide, et on fait en fonction des changements qu’il veut.
Il faut savoir qu’il est plutôt du genre à dire “La moto, ça va, c’est à moi de m’améliorer de mon côté”. Il est vraiment top de ce côté-là. Il n’est pas chiant. Quand il dit que la moto ne va pas, on sait que c’est le cas.
Ton pilote s’est blessé lors du GP de France cette année. Est-ce que ton rôle change au sein du team Hutten Metaal, à ce moment-là ?
J’ai continué à aller sur les courses pour monter la structure, et pour aider en cas de besoin. J’étais devenu un “helper” en quelque sorte.
Après, Karlis Reisulis est arrivé et je me suis occupé de lui pendant 4 ou 5 courses. Il a donc fallu tout préparer à la dernière minute pour l’Indonésie. Il a fait beaucoup de testing à l’entraînement, et donc il a aussi fait beaucoup de changements sur la moto lors des premières courses.
Quand Thibault était sur le retour, j’ai dû m’occuper de Karlis tout en préparant les motos de Thibault. C’était un peu short au niveau timing [rires].
Quand tu as du temps libre – ce qui a l’air finalement assez rare – tu fais quoi ?
Quand je suis à l’atelier et que je n’ai pas le temps de rentrer chez moi en France, je préfère m’avancer sur mon travail. Dans tous les cas, je suis sur place, alors autant en profiter pour avancer sur des petites choses. Si j’ai le temps, on va dire deux ou trois jours, je rentre chez moi en France pour voir ma copine, ma famille, mes amis. J’essaie de sortir au maximum pour profiter un peu du temps que j’ai.
En fait, ici, on est logé dans un appartement collé à l’atelier et à la salle de sport du team. Il y a deux autres mécanos avec moi. On se partage un grand logement avec deux cuisines, cinq chambres, etc. Je suis du genre à aimer me retrouver seul le soir, donc on arrive à trouver un équilibre tous ensemble pour se laisser respirer.
C’est quoi, la durée de vie des consommables sur un GP ? Tu changes un embrayage tous les combien, les plaquettes, les pneus, l’huile, etc … ?
Sur un Grand Prix, si rien d’anormal ne se passe, on reste sur des choses simples. On va changer l’huile moteur toutes les deux sessions, avec le filtre à huile.
Pour le filtre à air, ça dépend si on lave la moto. Si c’est le cas, on le change à chaque session et si on n’a pas besoin de laver la moto et qu’il n’y a pas de poussière, on peut garder le même.
Concernant l’embrayage, on le change à chaque session, mais ça ne veut pas dire qu’on en met un neuf à chaque fois. À l’entraînement, les pilotes rodent des embrayages, et on met un embrayage déjà rôdé pour les manches. Ils ont un meilleur feeling avec ça, surtout au départ. On peut mettre un embrayage neuf pour les essais et si on ne roule pas dans la boue ou du gros sable, on le réutilise pour les manches puisqu’il a déjà été rôdé le matin par exemple. Ça dépend vraiment des conditions.
Niveau plaquettes, ça fait tout un week-end et on les change pour le GP suivant, les plaquettes utilisées passent ensuite à l’entraînement, etc. C’est surtout beaucoup de contrôle, et on change aussi pas mal les pièces électroniques, les capteurs, etc. Par exemple à Agueda, on n’a pas pris de risques et on a changé les connecteurs, les capteurs, parce que garder les mêmes représentait un risque vu les conditions.
Au niveau de la logistique, est-ce que la gestion du stock de pièces que tu utilises fait aussi partie de ton job ?
Non. On a de la chance car quelqu’un s’occupe de ça à temps plein. On va dire que c’est un “parts manager”, il gère tout le stock, toutes les pièces, les équipements, même les outils, etc. C’est une personne attitrée qui s’occupe de commander en temps et en heure, afin de gérer le stock.
Dans un team qui fait l’Europe, on va dire qu’on doit gérer ce stock avec les autres mécaniciens. Ce stock est souvent moins conséquent pour un team qui fait l’Europe, et on aura aussi tendance à utiliser les pièces un peu plus longtemps, pousser l’usure un peu plus car les budgets sont plus limités.
C’est quoi, la plus grosse galère que tu risques de rencontrer dans ton boulot ?
Devoir changer un moteur alors qu’on n’a pas beaucoup de temps, c’est un peu le truc que tout le monde redoute, surtout en Oversea car il n’y a pas de catégories supports. Donc on n’a qu’une heure entre les manches. C’est vraiment là que c’est le plus critique pour nous au niveau du timing.
Cette année, j’ai dû faire un changement de moteur en Sardaigne. Malheureusement, le moteur a cassé 3 virages avant la fin de la première manche, et j’ai dû le changer pour la deuxième manche. Heureusement, j’avais assez de temps. J’ai pu changer le moteur, remettre un embrayage déjà rôdé, faire les contrôles, etc. Ce n’est pas comme si j’avais mis la dernière vis et que Thibault était parti à l’arrache.
Petite curiosité. Vous avez tous un sac bien rempli en vous rendant sur la grille. Est-ce que tu peux me dire ce qu’il y a dedans ?
Côté pilote, il y a deux paires de lunettes pour les manches, une de rechange après le tour de reconnaissance et une seconde au cas où. Souvent, il y a une ou deux paires de gants de rechange si les siens sont pleins de boue. Après, on a de l’eau pour le pilote.
Côté mécanique, on va dire, il y a les chiffons pour le pitboard, les marqueurs, et tous les outils pour toute la moto: roue arrière, roue avant, T de 8, T de 10, T de 12, T de 14. Les petits outils, par exemple clé BTR, toutes les tailles, tournevis, cruciformes. Par exemple, s’il part au tour de reconnaissance et qu’il tombe, il faut avoir tous les outils pour remettre la moto en état pour la manche si quelque chose est décentré.
Chaque vendredi, je fais un check-up de mon sac, pour vérifier qu’il ne manque rien. Ça peut paraître bête, mais si tu dois remettre de l’essence après un drapeau rouge et que tu n’as pas la bonne clé pour enlever le bouchon de la selle, tu te retrouves vite avec un gros problème. Ça fait partie des petits trucs auxquels il faut penser.
Selon toi, quelles sont les trois qualités les plus importantes pour être un bon mécanicien ?
Forcément, il faut avoir la passion du métier. Je pense que si tu n’as pas la passion, au bout de deux mois, tu auras envie de rentrer chez toi.
Il faut aussi être minutieux, parce qu’il faut avoir un œil sur tous les petits détails qui pourraient causer un problème sur la moto. Ça peut être un petit fil qui passe au mauvais endroit, un truc mal serré, ou trop serré, etc …
Enfin, je dirais qu’il faut savoir être concentré sur ce que tu fais. On travaille beaucoup la journée et parfois le soir, on a bien envie d’aller boire un petit coup, faire autre chose, et c’est là que finalement, tu risques de te déconcentrer et ça peut créer des problèmes. En fait, tu penses beaucoup au métier. Je sais que moi, sept jours sur sept, je ne pense qu’à ça. Que je sois en France, à l’atelier, ou sur les courses. Je cherche toujours à m’améliorer, à trouver un moyen pour éviter les problèmes, pour que les choses se passent bien, pour être plus rapide ou plus efficace.
Finalement et pour terminer, c’est quoi ton meilleur souvenir en tant que mécanicien ?
Le meilleur souvenir, je pense que ce serait le titre de champion de France 85cc avec Sacha. On a passé deux mois en France avec le Sprinter, Lucas, Sacha et leur père à s’entraîner, et je m’occupais des deux motos. Je préparais tout à chaque fois pour les courses avec leur père. On a été champion de France en 85 avec Sacha. C’était l’année du Covid, donc forcément, il n’y a eu que trois courses. On a gagné cinq manches sur six avec souvent 30 secondes d’avance sur le deuxième. Je pense que c’était l’un de mes meilleurs souvenirs jusqu’à présent.