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Stéphane Dassé “On peut être aussi bon que les Ricains en SX, à condition de s’en donner les moyens”

Images: Bud Racing Kawasaki

De l’Europe, du championnat de France, du World Supercross et bientôt, du Supercross US ? Pas impossible. Chez Bud Racing Kawasaki, l’ambition ne manque pas, et un programme AMA pourrait bien voir le jour prochainement; de quoi évoluer sur tous les fronts, ou presque. À la tête de la structure Bud Racing Kawasaki, on ne présente plus Stéphane Dassé, qui nous partage aujourd’hui son expérience en tant que patron d’équipe à l’orée de la saison 2023. Au programme: l’arrivée de Benjamin Garib, l’évolution du championnat d’Europe 250, le mondial de Supercross, le projet Américain, et bien plus encore. Micro.

Stéphane. Peut-on en savoir plus sur ce qui a porté au choix de la signature de Benjamin Garib pour la saison 2023; c’est un garçon encore inconnu en France, et plus généralement en Europe. C’est une grosse transition pour lui.

En effet, c’est un gros changement pour Benjamin qui a toujours roulé au Chili, avant de rejoindre la Californie pendant la période Covid afin de pouvoir continuer à pratiquer la moto. Au Chili tout a été stoppé pendant cette période Covid. Le Motocross au Chili n’est pas développé et le niveau général n’est pas aussi élevé qu’en Europe ou aux USA mais le responsable de BUD Racing USA a vu rouler Benjamin sur quelques circuits Californiens et m’a demandé de jeter un œil.

Lorsque je suis allé aux Mini O’s en Floride en novembre dernier, j’ai vu ce jeune pilote qui avait la « niaque » et de la volonté sur la piste, même s’il n’était pas au niveau de Quentin ou des meilleurs techniquement, il a su se faire remarquer. Quand j’ai parlé avec lui la première fois, il m’a paru ouvert d’esprit et sympathique, on voit que c’est un jeune qui a déjà voyagé et qui veut progresser.

Est-ce qu’on s’est fixé des objectifs avec Benjamin pour cette première saison ? J’imagine qu’il s’entraîne aux côtés de Quentin, qui est attendu devant sur l’EMX cette année; un bon point de repère pour Benjamin.

On n’a pas encore d’objectif précis avec Benjamin car il vient d’arriver en France, on le découvre. Les pistes de sables sont difficiles pour lui, c’est tout nouveau et il doit s’adapter à ces nouvelles pistes compliquées qu’il va rencontrer en championnat d’Europe ! Pour le moment il est loin de Quentin mais le but est qu’il progresse et fasse quelques belles performances afin d’être prêt à rouler devant pour 2024.

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Le Chilien Benjamin Garib intègre la structure Française pour faire ses débuts en championnat d’Europe 250 en 2023

Il y a cette question récurrente à chaque signature d’un pilote étranger au sein d’une structure Française. “Pourquoi ne pas avoir choisi un pilote Français ?”. Quelle réponse apporte-t-on à cette question ?

La réponse est simple. On a contacté Alexis Fueri l’été dernier mais il a fait d’autres choix. Ensuite, il n’y avait plus personne de disponible en France, Maxime Grau et Marc-Antoine Rossi étaient sous contrat, donc le tour a été vite fait en France pour espérer faire des résultats et travailler sur l’avenir en EMX250. Notre objectif est de rouler devant ou de faire progresser des pilotes qui peuvent faire progresser leur niveau afin d’atteindre les premiers rôles en travaillant avec nous et notre entraineur Thierry Van Den Bosch. Il y a quelques jeunes qui ne sont pas mauvais en France mais ils sont encore trop jeunes pour le niveau de l’Europe 250, qui est très proche de celui du mondial MX2. Il ne faut pas oublier que nous avons Quentin Prugnieres qui est Français !

Dans un avenir proche, est-il envisageable de voir Bud Racing Kawasaki tenter l’aventure Américaine en Supercross US, connaissant ton attrait pour les championnats AMA ?

OUI, c’est une possibilité de participer au Supercross US 250 sur la côte Ouest afin de préparer nos pilotes au World Supercross. Si nous voulons rouler devant sur le World SX à l’avenir, et que les meilleurs pilotes Américains se contentent de rester aux USA, on devra faire monter le niveau Français/Européen et former nos pilotes. Dans ce cas, participer au championnat SX US est une évidence en plus du SX Tour et des différents SX Internationaux. On va d’ailleurs construire deux nouvelles pistes de Supercross au BUD Racing training camp afin de pouvoir être autonome dans nos entrainements et progresser, mais aussi pour tester les motos dans des conditions de course.

Matt Moss a décroché le titre de Prince Of Paris en 2022, sous les couleurs Bud Racing Kawasaki

Il y a encore peu, Bud Racing Kawasaki avait un programme sur l’Europe 125, ainsi que des pilotes qui évoluaient sur le mondial MX2. Nous en avons déjà discuté verbalement, mais peut-on expliquer aux lecteurs pourquoi avoir dernièrement décidé de ne plus poursuivre ces programmes ?

Le championnat d’Europe 250 est le championnat de motocross idéal pour les jeunes, c’est le tremplin avant de se battre contre les meilleurs pilotes du championnat du monde MX2. Il correspond bien car on représente Kawasaki en championnat d’Europe et Kawasaki ne fabrique plus de 125cc 2 temps pour l’EMX125. Le Mondial MX2 se déroule sur trop de courses actuellement et les trajets sont trop lointains. En EMX250, on doit travailler pour avoir des motos aussi performantes qu’en Mondial, c’est bien pour continuer d’évoluer dans le développement de pièces et préparations pour BUD racing. On se concentre sur la course et la performance, alors qu’en Mondial, on passe une grosse partie de notre énergie à gérer la logistique, les voyages… et il faut des moyens colossaux.

On a vu les usines Américaines mettre leur veto à une poignée de pilotes qui souhaitaient s’engager sur le WSX pour la première saison. En 2023, le championnat WSX s’étend sur 6 dates. Avec l’arrivée du nouveau “championnat” SuperMotocross qui étend la saison des pilotes AMA – pour faire barrage au WSX – est-ce qu’en tant qu’équipe, on rencontre d’autant plus de difficultés pour attirer des pilotes AMA sur ce WSX ?

Oui bien sûr. Les Américains ont mis des moyens pour faire en sorte que les tops pilotes US ne puissent pas venir sur le World SX en 2023 ! Ils ont vu que ce championnat pouvait vraiment être l’avenir et ils font de gros efforts pour que cela n’arrive pas, en bloquant et obligeant leurs meilleurs pilotes à rester aux USA. Ce n’est pas facile pour nous d’intégrer des Américains qui nous plaisent dans ces nouvelles conditions. C’est pour ça que je pense que les jeunes Français / Européens doivent saisir leur chance de progresser et rouler un maximum en Supercross afin saisir leur chance de rouler en WSX dans les années futures. Les Américains ne naissent pas meilleurs que les autres en Supercross, mais ils en font depuis toujours et s’entrainent dans la discipline. Si les autres font pareil, ils atteindront le niveau US. Regarde en MXGP, maintenant que le Motocross se pratique dans de nombreux « nouveaux » pays, on peut voir des Slovènes, Danois, Estoniens, Norvégiens, Lettons… rouler devant en mondial alors qu’avant on restait dans le cercle Belges/Néerlandais/Britanniques/Français/Italiens ! On peut faire la même chose en Supercross et être aussi bon que les Ricains à condition de s’en donner les moyens.

Avec Chris Blose, l’équipe Bud Racing Kawasaki a décroché une troisième place sur le championnat du monde de Supercross SX2, en 2022

Ces dernières années, une poignée d’équipes évoluant tant en mondial qu’en Europe ont mis la clef sous la porte. Les années Covid semblent avoir accéléré ce processus. Est-il plus difficile de nos jours de faire fonctionner une structure qu’il y a 6 ou 7 ans ?

Oui, c’est très difficile de nos jours et ce n’est pas fini. Les trajets coutent plus cher, le nombre de courses augmente et les teams ne reçoivent aucune aide du promoteur. Ça ne pourra pas durer comme ça. Il n’y a pas d’échanges constructifs. Pour notre part, en 2023, l’EMX250 coutera 30% plus cher qu’en 2022 car ils ont encore augmenté le nombre de courses, on nous envoie en Turquie, en Sardaigne, en Lettonie, en Finlande, en Suède et en Angleterre entre autres, on aura 11 courses de mars à mi octobre, c’est beaucoup trop pour un championnat de « jeunes ».

On devrait commencer vers mars/avril et terminer fin aout, début septembre afin que les jeunes puissent reprendre l’école en septembre, la plupart sont des pilotes amateurs et ne vivront pas de la moto. L’an dernier le championnat s’est déroulé sur 6 mois et a terminé à St-Jean-d’angely fin aout, cette année ce sera 8 mois et des trajets de fou avec des bateaux à prendre en Semi. On roule en Finlande fin juillet et on repart en Suède 2 semaines plus tard ! On fait quoi avec la semi et le chauffeur pendant 15 jours dans les pays nordiques ? On redescend à Hossegor ? Tout ceci représente des frais logistiques énormes qui ne sont pas raisonnables. On faisait le mondial, puis le nombre est devenu intenable, on se concentre sur l’Europe 250 et à son tour ce championnat part dans la mauvaise direction. Les championnats d’Europe EMX 125 & 250 devraient se dérouler sur 8/9 courses maximum, afin de rester dans le raisonnable et pouvoir continuer à faire les championnats nationaux en parallèle…

Anthony bourdon rejoint l’équipe cette année, avec un programme pour le moins diversifié: le Touquet, l’élite, le Supercross, et même un peu d’Enduro. Rares sont les pilotes aussi polyvalents de nos jours. Quelles sont les attentes avec Anthony, et y a-t-il une option pour le voir évoluer sur le WSX cette année ?

C’est bien pour Anthony de pouvoir participer à toutes ces épreuves formidables et des disciplines variées. C’est le Thierry Bethys des temps modernes. Il aime tout mais devra peut-être se spécialiser à un moment donné, pour le moment il se tâte encore et teste tout. Il ne pourra pas être au top en Motocross au niveau international mais peut encore espérer gagner en Supercross ou dans le sable, voire en Enduro s’il se donne les moyens. Il gagne mieux sa vie en roulant en SX/MX/Sable que de nombreux pilotes de MXGP et ça compte aussi à un moment, il faut manger !

Anthony est sur notre liste de pilotes que l’on regarde pour le WSX mais il va falloir qu’il passe un cap en terme d’agressivité et d’implication pour s’imposer face aux anciens comme Soubeyras, Aranda qui sont encore devant en France. À 24 ans, c’est maintenant qu’Anthony doit passer un cap, il en a les moyens.

Le boss du team Bud Racing Kawasaki envisage la création d’un programme AMA, en plus de son implication sur le WSX, l’Europe 250 et les championnats Nationaux

À ce jour, est-il toujours prévu de voir Cédric Soubeyras évoluer sous les couleurs Bud Racing Kawasaki en 2023 ?

Cédric évoluera sous les couleurs Bud racing Kawasaki pour le championnat World SX 2023, comme il a pu le faire en 2022. Il aura plus de temps pour se préparer et on a déjà fait 2 courses ensemble en 2022, donc je pense qu’il sera encore plus performant et on compte sur lui ! De notre côté, on aura plus de temps pour le testing car Cédric s’est blessé juste avant le WSX 2022 et on n’a pas pu optimiser les réglages de la moto pour son pilotage.

Stéphane Dassé “On peut être aussi bon que les Ricains en SX, à condition de s’en donner les moyens”
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