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Taka Higashino “Dans ce sport, il n’y a pas de facteur chance”


Si vous avez vibré avec le Freestyle dans les années 2010, vous avez probablement vibré avec Taka Higashino. Pilote Japonais le plus décoré dans son domaine, Taka Higashino est considéré comme l’un des pionniers du FMX aux côtés de ses homologues d’époque que sont Jeremy Stenberg, Nate Adams, Travis Pastrana, Mike Metzger & compagnie. En 20 ans à arpenter le monde et à disputer les contests, Taka Higashino a vu le sport évoluer, flirté avec les sommets, mais aussi connu les moments les plus sombres. Présent au Supercross de Lyon, l’homme décoré de multiples médailles d’or aux X-Games nous a accordé un entretien entre deux démonstrations. Micro.

Taka, est-ce qu’on peut retracer ton histoire dans le sport, et comment le jeune Japonais que tu étais a réussi à percer dans ce dernier ?

Moi, j’ai commencé à rouler à mes 8 ans avec mon père. Au début, c’était un passe-temps, on roulait ensemble les week-ends et en grandissant, j’ai commencé à prendre ça au sérieux – bien plus que lui – et j’ai voulu devenir professionnel. Mon père, lui, ne le voulait pas. Il me disait que je ne me ferais pas d’argent dans ce milieu-là, qu’il fallait que je prenne du plaisir à moto et que ça n’irait pas plus loin. Lui prouver qu’il avait tort, ça m’a encore plus motivé. Quand j’ai eu 18 ans, j’ai commencé à faire du Freestyle et j’ai dit à mon père que je voulais me consacrer à ce sport; à partir de ce moment-là, il m’a laissé faire ce que je voulais.

L’histoire de ma transition vers le FMX est assez drôle. En fait, et pendant six mois, je n’ai plus parlé à mon père parce qu’on s’était engueulés. Je m’entraînais, en secret, pour le championnat de Motocross Japonais. Moi, je voulais arriver sur la première épreuve et être prêt, je voulais faire la surprise à mon père donc je ne lui en avais pas parlé. Du coup, je rentrais très tard le soir après mes entraînements. J’étais jeune, adolescent, et mon père s’inquiétait de me voir rentrer si tard, il pensait que je faisais des conneries dehors avec mes potes alors qu’on était à quelques mois du début du championnat. Un jour, il était tellement énervé qu’il m’a giflé et de là, on ne s’est presque plus parlé pendant six mois. Du coup, on a également arrêté de s’entraîner pendant ce temps-là parce qu’il m’avait confisqué mes motos. Le championnat de Motocross Japonais a débuté sans moi, je voyais mon rival de l’époque monter sur les podiums et ça m’énervait. Il fallait que mon père m’aide pour rouler. J’ai parlé avec ma mère qui m’a dit d’aller m’excuser auprès de mon père, ce que j’ai fait même si je n’avais rien fait de mal; ça faisait déjà 6 mois que je n’avais pas roulé. J’ai été parler à mon père, je me suis excusé et à partir de ce moment-là, j’ai enfin pu reprendre la moto.

La première fois qu’on est retournés sur un terrain de Motocross, quelqu’un avait installé une rampe; on ne l’a pas mesurée mais ça devait être un bon 22 mètres. Je venais de faire une manche de 30 minutes sur ma 125cc. Cette rampe, ça me faisait penser aux images que j’avais vues de Carey Hart. J’ai jeté un œil à la rampe et tout le monde a commencé à se rassembler autour de moi, car ils savaient que j’étais du genre à faire de gros sauts quand je m’entraînais. Ils disaient “Taka va sauter”. Je ne voulais pas qu’on me prenne pour une poule mouillée, j’ai fini par me jeter et j’ai pris la rampe. J’ai été carrément trop loin la première fois et je suis atterri à plat, après la réception [rires] mais heureusement, je ne me suis pas blessé. J’avais trouvé ça super fun en fait. J’ai sauté une seconde fois, parfaitement. De là, j’ai fait quelques can can, heel clicker, des trucs que je faisais déjà en Motocross; les figures à la Mike Metzger sur les petits sauts. Sur la grosse rampe, j’avais beaucoup plus de temps en l’air, je ressentais une adrénaline bien différente.

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En FMX, je me voyais progresser au fur et à mesure que j’apprenais des figures alors qu’en course, les progrès étaient difficiles à voir. Une fois que j’ai fait la transition au Freestyle, je ne suis pas revenu en arrière. C’est devenu une addiction; je passais mon temps à regarder des vidéos, à penser et à faire du Freestyle; on était en 2003. Il y avait un freestyler local bien connu dans le coin qui m’a appelé “J’entends dire que tu sautes sur des rampes ? J’ai demandé ton numéro à mon pote. Viens rouler avec moi la semaine prochaine”. De là, j’ai roulé avec lui mais aussi avec Eigo Sato qui était un ami à lui. De là, ils ont monté un show Freestyle un mois plus tard; j’avais dans les 17 ans et je n’avais que deux mois d’expérience en FMX. Tout le monde était présent, c’était les débuts pour moi. Je les regardais faire et je copiais; à chaque saut, j’essayais de nouveaux trucs. Je me disais que c’était de la folie, mais que ça ne serait pas vraiment pour moi. Ils avaient cette mauvaise image de bad boy, ils écoutaient du hard rock [rires].

Taka Higashino détient 3 médailles d’or en Moto X Freestyle, tout comme un certain Travis Pastrana

Quand est-ce que tu t’es rendu compte que tu pouvais faire de cette passion ton métier ?

Après avoir fait ce premier show, j’en ai enchaîné d’autres de façon plus régulière. Je me faisais un peu d’argent ici et là. J’ai décroché  mon premier sponsor au Japon, qui me payait tous les mois. Il m’a fourni une seconde moto mais il a arrêté de la payer rapidement, et c’est moi qui ai dû finir de la payer avec mes économies. Un jour, un ami de mon père est décédé d’un accident de motocross. Je suis allé à ses funérailles et j’ai revu un ancien ami de la famille, il cherchait à sponsoriser un pilote; il m’a demandé si j’étais intéressé. Le lendemain, je suis allé chez lui pour en discuter. Il m’a demandé quels étaient mes rêves et j’ai répondu “Participer aux X-Games, aux USA”. Il m’a demandé ce que je faisais encore au Japon si c’était mon rêve: je ne parlais même pas anglais, je n’avais pas un sou.

Il m’a demandé de combien j’avais besoin pour partir aux US, de lui détailler tout ça sur papier pour établir un budget. Je suis revenu le lendemain avec la liste, et il rayait les trucs un par un “trop cher, trop cher, pas besoin, ça non plus”. Il a réduit la liste au strict minimum et il m’a donné du cash – 6.000$ – pour 3 mois afin que je puisse tenter ma chance. “Soit tu t’en sers pour atteindre tes rêves, soit tu restes ici au Japon a faire ta poule mouillée”. Il m’a donné de bons conseils, il avait aussi tenté sa chance, il avait tenté de toucher son rêve du doigt mais ça n’avait pas fonctionné pour lui. Il s’était retrouvé au fond du trou et pour se remotiver il avait démarré un business et ça avait fonctionné. Ça avait pris de l’ampleur et il voulait aider quelqu’un à réaliser son rêve à son tour. Il m’a dit que si je voulais partir aux USA, il fallait que je laisse tout derrière moi: ma petite copine, mes amis, ma voiture, mes shows freestyle au Japon. “Si tu gardes une attache ici, tu reviendras. Il faut que tu laisses tout derrière toi pour partir aux US”. J’ai vendu ma voiture, j’ai quitté ma copine, j’ai appelé Eigo et je lui ai dit que je partais; il m’a souhaité bonne chance; on était en 2007.

Je n’avais que 3 mois grâce à mon passeport car je n’avais pas de visa. Je n’avais pas de carte de crédit non plus donc je me trimballais avec mon cash sur moi et si quelqu’un me volait mon enveloppe, j’étais mort [rires]. Grâce à mes connexions, j’ai pu acheter une voiture à un Japonais sur place, un truc à 800$. J’ai habité chez l’ami d’un ami à moi qui me louait une chambre à San Diego et tous les jours, je cherchais des endroits pour faire de la moto, ça me coûtait tellement cher en essence que j’ai fini par chercher des sauts sur Google maps [rires]. Un jour, je suis tombé sur un endroit qui ressemblait à une propriété avec des rampes et des sauts sur internet. Je me suis pointé à l’adresse et c’était chez Mike Metzger ! Je ne parlais pas très bien anglais mais il a compris que je venais pour rouler. Il m’a fait patienter car j’étais arrivé trop tôt – vers 13 h – et à 18h, Jeremy Stenberg, Jeremy Lusk, Nate Adams et d’autres sont arrivés et j’ai pu  rouler avec eux chez Metzger… Jeremy Stenberg, pour moi, c’était une véritable star. Il était déjà venu au Japon en 2005 pour une grosse compétition qu’il avait gagnée, et il m’avait reconnu de l’époque. Bref, j’ai roulé, j’étais tellement excité que je me suis satellisé sur un saut à cause du vent et je me suis mis un gros K.O. J’ai fait peur à tout le monde mais ça s’est finalement bien terminé [rires].

J’ai recroisé Jeremy Stenberg chez Jimmy Fitzpatrick par la suite; il m’a demandé mon numéro et tous les matins, il m’appelait pour savoir si je voulais sauter sur les rampes avec eux. Après quelques semaines, il avait remarqué que j’avais des stickers sur ma moto. Il m’a dit “ce sponsor, il te paye ?”; “non”. “Et celui là, il te paye ?” “non”. Il m’a dit de tout arrêter, et qu’à partir de ce moment-là j’allais être son coéquipier, sur la même moto que lui, avec les mêmes sponsors que lui: Rockstar, Etnies, Metal Mulisha; il m’a donné une moto et il m’a dit qu’on allait faire le Dew Tour, c’était une grosse compétition à l’époque. Mon visa venait de terminer, et je suis rentré au Japon quelques jours pour faire un nouveau visa pour les US.

De là, j’ai participé à mon premier Dew Tour, j’ai terminé 11ème du premier contest sans parvenir à me qualifier pour la finale, et Twitch avait terminé 12ème [rires]. Au deuxième contest, j’étais vraiment stressé; j’avais loupé la qualif’ lors du premier contest parce que j’avais eu peur d’envoyer le backflip sur le gros saut et pour ce second contest, je m’étais dit que peu importe la taille du saut, il allait falloir l’envoyer. Arrivé au second contest, le jump était encore plus gros [rires]: “Putain”. Nate Adams et Twitch ont envoyé le backflip, mais ils étaient les deux seuls mecs à le faire. Je me suis lancé, j’ai fait le flip, et je suis atterri à plat après la réception. J’étais mieux sur la seconde tentative, puis je l’ai parfaitement posé la troisième fois. On m’appelait le kamikaze à l’époque. J’ai terminé second des qualifications cette fois-ci. Le jour de la compétition, il pleuvait, il y avait du vent, et tout a dû être annulé; ils ont pris les résultats des qualifications et j’ai fini deuxième sur le Dew Tour. De là, j’ai reçu une invitation des X-Games ! Tout était allé très vite, ma vie avait complètement changé rapidement.

Pour mes premiers X-Games, je n’avais pas énormément d’expérience. Les sauts n’étaient pas tous pareils et l’un d’eux avait un appel assez plat, c’est presque impossible de faire des variations de flip sur ce type de saut mais je ne le savais pas. Je voulais faire un Indy Flip sur ce saut et j’ai tenté plusieurs fois lors des essais mais je voyais que ça ne passait pas trop. J’ai quand même essayé de l’envoyer lors de mon run pendant la finale, et je suis tombé, je me suis fracturé la clavicule et je me suis fait une commotion cérébrale. Je me suis réveillé à l’infirmerie à côté d’un mec avec qui j’avais roulé lors des essais. “T’es tombé, toi aussi ?” [rires].

Le rêve Américain, Taka Higashino l’a accompli dans les années 2000

Tu as connu les belles années du FMX. Tu es l’un des athlètes les plus décorés en FMX, tu es aussi le premier Japonais à avoir décroché une médaille d’Or aux X-Games. Tu as affronté les meilleurs pilotes. Qu’est-ce qui te motive encore, à 38 ans, à faire du FMX ?

Je ne sais pas. Je suis accro. Pour les événements comme celui-là, les démonstrations, je suis encore à jour. Même quand je ne fais pas de show, je roule chez moi. Le temps passe vite, ça fait presque 21 ans que j’ai tout quitté pour m’installer aux USA; déjà …

Le sport a vraiment évolué rapidement. Le premier backflip, c’était quelque chose de dingue à l’époque. Tu as toi-même inventé quelques figures. Est-ce qu’on est en est arrivé au point où il est devenu difficile d’envisager de nouvelles choses en FMX ?

Difficile à dire. Avant, tu prenais des risques mais la récompense en valait la peine. Si tu lâchais de gros tricks, que tu décrochais une médaille, les sponsors affluaient, l’argent aussi. Tu passais à la télévision, tout le monde te connaissait, tu étais au sommet. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus dur pour la nouvelle génération parce qu’il n’y a plus vraiment de compétitions de FMX à l’exception des X-Games. Nous, on avait le Dew Tour, les X Fighters, les NRG Action Sports et d’autres compétitions. Une fois par mois, on savait qu’on allait avoir une grosse compétition. Dans les années 2008/2009, on se disait qu’on ne tiendrait jamais le rythme jusqu’au mois d’octobre sans se blesser tellement on faisait de shows ou de compétitions. C’était différent. Avant, on avait des terrains de FMX. Maintenant, on a un gros saut, peut-être deux et ça s’arrête là. Avant, le freestyle c’était de la technicité, et des figures.

Au début et si tu prends un gars comme Twitch, ses figures n’étaient vraiment les meilleures mais il était très bon lors des compétitions parce qu’il savait aussi comment bien lire la piste, faire de beaux runs. Il y avait différents types de freestylers. Quand je suis arrivé aux US, j’ai compris qu’il fallait que je travaille sur cet aspect-là parce que moi au Japon, j’avais seulement travaillé sur les figures. Je savais que je pouvais améliorer mes scores sur les compétitions en faisant comme Twitch, en étant plus fluide, en faisant le show. Depuis, le sport a été poussé très loin donc pour la nouvelle génération, c’est sûr qu’il est difficile de faire de nouvelles figures; les risques à prendre sont énormes.

À bientôt 39 ans, Taka fait toujours partie des meilleurs freestyler

Que s’est-il passé dans ton sport, en 20 ans ?

Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé. On a encore des shows mais malheureusement, plus vraiment de compétitions. La compétition, c’est important pour les freestylers car ça amène aussi des sponsors, de la télévision, de la médiatisation. C’est devenu un sport de très haut niveau. J’ai commencé le freestyle en 2003, la marge de progression était importante. Si le Taka de 2003 avait débuté le Freestyle de nos jours, il n’aurait jamais réussi à percer. Quand je vois ce que les mecs font en comparaison avec ce qu’ils faisaient quand j’ai commencé … À mon époque, le trick ultime c’était le backflip. J’ai d’abord pu commencer par apprendre la plupart des figures basiques avant de me pencher dessus. Aujourd’hui, c’est différent.

Avant, on venait vous voir sur les contests pour admirer ce que vous faisiez. Maintenant, et avec les réseaux sociaux, on est dans notre canapé et un double backflip est devenu la norme. Les réseaux ont impacté ton sport ?

Ça a eu du bon, et du mauvais. Le bon, c’est que le sport a pu être promu un peu plus à un plus large public, ça a ramené des sponsors à certains mecs. Le mauvais côté, c’est que notre sport est devenu beaucoup plus banal qu’il ne l’était avant et certains en ont profité pour tricher. Je ne suis pas fan d’Instagram. À l’époque des X-Games, je ne postais pas grand chose, je n’ai jamais été un grand fan d’internet, je suis de l’ancienne école. Twitch m’a fait comprendre que je devais m’y mettre pour les sponsors et je m’y suis mis petit à petit. Moi, je voulais me faire connaître grâce à mes résultats, pas avec les réseaux. J’ai fini par comprendre qu’il fallait le faire et aujourd’hui, c’est même devenu obligatoire. C’est de la folie. Ce qui m’insupporte le plus, c’est que certains mecs vont s’acheter des followers et des like pour se faire plus gros qu’ils ne sont, c’est n’importe quoi. Faire ça, c’est du fake, ça ne sert à rien. Parfois je vois des mecs qui passent de 100.000 followers à 200.000 en un week-end. J’ai du mal à comprendre … Ce n’est pas juste pour les autres.

Quel serait ton meilleur souvenir en FMX ?

La médaille d’or aux X-Games. C’était mon rêve de gamin, mais je me disais que c’était un rêve impossible à atteindre et pourtant, j’y suis parvenu. Je me disais, peut être que j’arriverais à remporter une médaille sur le Best Trick, au mieux. Sur le Freestyle, tu ne peux pas te permettre de faire une seule erreur, un virage, un saut, une figure. Tu dois être parfait pendant 1 minute 30. Dans ce sport, il n’y a pas de facteur chance.

Quelques mois avant les X-Games, c’est Jeremy Lusk qui m’avait inspiré. Il avait fait un flip double grab en essayant de lâcher les mains. Je me disais que c’était dingue. J’ai tenté dans le bac à mousse, j’ai chopé le truc, le timing et tout ce qu’il fallait; ça marchait. Un mois avant les X-Games, j’avais un voyage de prévu en Australie pour le Nitro Circus Tour et avant de partir, je me suis dit que si je l’essayais sur la terre et que je chutais, j’aurais peut-être une chance d’être remis à temps pour les X-Games. Je l’ai donc tenté sur le dur, et je l’ai posé. De là, je suis parti faire le Nitro Circus en Australie pendant 4 semaines. Je voulais m’entraîner pour mon trick des X-Games mais je ne pouvais pas parce qu’on faisait une répétition le vendredi, et deux shows le samedi et le dimanche, et on se reposait le reste de la semaine. J’étais hyper nerveux, j’avais cette nouvelle figure que je voulais peaufiner pour les X-Games qui approchaient mais je ne pouvais pas. Du coup, pendant les essais du vendredi sur le Nitro Circus Tour, j’ai demandé au crew de ne pas filmer, de ne rien poster sur les réseaux sociaux et je l’ai posé plusieurs fois. Tout le monde a joué le jeu, ils ont gardé ça pour eux; je voulais surprendre tout le monde aux X-Games.

J’étais super nerveux le jour J. C’était la chance de toute une vie, j’étais le seul à avoir ce nouveau trick dans ma poche. Je me suis mis en tête que ce n’était qu’une compétition sans intérêt, que si je ne le posais pas, ça ne changerait rien à ma vie alors qu’en réalité, ce trick pouvait tout changer pour moi. Finalement, j’ai posé mon run, j’ai posé mon trick, et j’ai gagné. Le lendemain matin, je me suis réveillé dans ma chambre d’hôtel et j’ai cherché ma médaille, je ne savais pas si j’en avais rêvé où si c’était vrai ! J’ai décroché une médaille d’argent au Best-Trick aussi, mais je m’étais vraiment concentré sur ce rock-solid flip pour cette édition.

Le bac à mousse, ça existait déjà a tes débuts en FMX ?

Oui. La première fois que j’ai essayé un backflip, on avait essayé de créer un appel dans une colline pour limiter la casse. J’ai fait un demi-flip et j’ai détruit ma moto [rires]. De là, j’ai pris les choses plus sérieusement et j’ai fait un bac à mousse. C’était les prémices. Je me souviens avoir cherché des magasins de literie aux alentours, et je faisais des aller-retour – ça me prenait parfois 2 heures – tous les jours pour remplir mon bac à mousse. De là, j’ai acheté un petit 80 KX pour apprendre le flip avec mes potes dans le bac à mousse. On devait être en 2005 ou 2006 et c’était avant mon départ aux USA. Il y avait une grosse compétition qui se préparait au Japon avec les meilleurs Freestylers mondiaux et on voulait être en mesure de poser un backflip. On s’est donc entraîné pendant un mois complet.

Est-ce qu’il y a une figure qui te rend plus nerveux que les autres ?

Elles me rendent toutes nerveux. Je suis nerveux à chaque saut. Chaque saut à sa propre personnalité, chaque figure a un timing bien précis, un piège à éviter, une façon particulière de faire. Il faut toujours être sur ses gardes et concentré. C’est un sentiment super étrange; tu as l’impression d’être en slow-motion pendant toute ta figure, tu analyses tout, et dès que tu te poses, tu reconnectes à la réalité.

Tu sais, quand tu tombes tu te dis que tu vas te fracturer quelques os. Puis la réalité te rattrape; est arrivé ce qui est arrivé à Jeremy Lusk. C’était difficile de rouler les premiers mois après l’accident de Jérémy, de ne pas penser à ce qui lui était arrivé quand on faisait la figure qui lui a coûté la vie. Je ne savais pas trop pourquoi Jeremy avait chuté sur ce fameux saut. Le temps est passé, puis mon ami Eigo est parti en chutant à l’entraînement aussi sur une erreur lors d’un flip … On voit des frontflip, des double backflip. Parfois, on a l’impression que les gens oublient à quel point ce qu’on fait est dangereux.

Ton trick favori ?

Toutes les variations de flip, j’adore ça. J’aime regarder les photos de moi à l’envers [rires].

Une figure dont tu ne veux pas entendre parler.

Le frontflip. C’est trop pour moi, c’est de la folie. Je peux le faire en bac à mousse, mais je trouve ça trop dangereux. Sur un frontflip, si tu lâches la moto, tu te retrouves éjecté vraiment très loin.

Tu te vois où et à faire quoi, dans 5 ans ?

À faire de la moto ! Mon objectif est de pouvoir rouler jusqu’à mes 50 ans, j’ai 38 ans, bientôt 39 et donc j’ai encore plus de 10 ans de moto. Je me sens toujours bien; je ne fais plus de compétitions, je n’ai pas trop abîmé mon corps avec ce sport. Je suis encore en mesure de faire des shows de qualité; peut-être pas de la compétition. Maintenant, c’est pour le fun et j’espère pouvoir continuer comme ça aussi longtemps que possible. Aujourd’hui, je dois faire deux shows par mois, parfois plus, parfois moins.

Taka Higashino “Dans ce sport, il n’y a pas de facteur chance”
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