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Une course, une histoire – Sulivan Jaulin


“Félicitations Sulivan, te voilà désormais éligible à la rubrique”. À 29 ans, Sulivan Jaulin a annoncé sa décision de mettre un terme à sa carrière de pilote. Vice-champion d’Europe 125 en 2010, vainqueur d’épreuves sur l’Europe 250 quelques années plus tard, détenteur de titres nationaux en Allemagne et en République Tchèque, Sulivan Jaulin a vadrouillé un peu partout en Europe pour vivre de sa passion, et le garçon n’oubliera jamais cette soirée de décembre 2013 lors de laquelle il s’imposait au Supercross de Genève au guidon de la Kawasaki Pro Circuit sortie des ateliers de Mitch Payton …

Sulivan Jaulin: “La course dont je me rappellerais toute ma vie, c’est le Supercross de Genève sur la Kawasaki Pro Circuit en 2013.

L’histoire, c’est que je connaissais très bien Yves Demaria – qui m’a entraîné quand j’étais plus jeune. À l’époque du Supercross de Genève, Yves entraînait Valentin Guillod. Je les avais accompagnés chez Thomas Do à l’entraînement. Moi, je roulais sur le championnat Allemand et je n’avais pas prévu de rouler sur le SX Tour. Yves me dit “Tu ne veux pas faire Genève ?”.

J’avais déjà roulé là-bas, j’avais bien aimé, je me suis chauffé, et on a fait la demande d’inscription. Je me suis fait recaler car je n’avais pas roulé sur le championnat SX outdoor, qui te permettait de te qualifier pour les épreuves indoor. Les gars ne voulaient pas de moi en wildcard non plus.

Le mercredi avant l’épreuve, je jouais à la Playstation chez moi et Yves m’appelle “alors, tu roules ce weekend ?”. Je lui réponds “Non, la FFM m’a gonflé”. Yves me lance “Tu ne veux pas rouler sur la Kawa Pro Circuit à Genève ce weekend ? Je ne te raconte pas de conneries, ce serait possible”. Je lui ai dit de ne pas se foutre de ma gueule, il me dit qu’il me rappelle une petite heure plus tard. Vincent Bereni – qui était l’ancien mécano d’Yves en GP – avait également été mécano aux USA chez Pro Circuit pour Tyla Rattray. Darryn Durham s’était explosé lors d’un photoshoot pour Kawasaki juste avant Genève et sa moto était déjà en caisse sur la route de Genève, mais ils n’avaient aucun pilote pour rouler à son guidon.

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Eric Peronnard cherchait un pilote pour cette moto; Vincent Bereni leur a dit qu’il me connaissait via le biais d’Yves Demaria. Ils ont vu que je roulais sur Kawasaki, ils ont appelé Yves, et voilà … Yves m’a filé le numéro de Vincent pour que je l’appelle et au final, on s’est mis d’accord. Mitch Payton voulait bien me laisser rouler sur la moto. Tout s’est finalisé le jeudi matin et on m’a accepté en tant que Wildcard sur l’épreuve. “Par contre, tu ne seras pas payé”. Je m’en foutais des 300 balles de l’épreuve, j’allais rouler sur la Kawasaki Pro Circuit.

Jeudi, Yves montait au SX avec Valentin Guillod donc je suis monté avec eux. On arrive au terrain, et la moto n’était toujours pas là. Jon Primo de Pro Circui était déjà là. “Si la moto arrive et que j’ai le temps de la remonter, on roule”. On fait une conférence de presse avec Marvin Musquin, Justin Brayton, Malcolm Stewart, je me demandais ce que je foutais là. Je n’avais jamais fait ça de ma vie. Au final, la moto est arrivée trop tard, donc je n’ai pas roulé avant le Supercross de Genève. Le vendredi, on a mis mon guidon dessus, j’ai essayé la moto sur le goudron devant le stadium, j’ai fait deux accélérations et j’ai freiné de l’avant pour voir si ça mordait bien, et je suis parti directement aux essais.

La Kawa Pro Circuit, ça restera la meilleure moto de toute ma vie. Moi, j’avais l’habitude de rouler avec des motos d’origines un peu modifiées … La Kawasaki Pro Circuit faisait 7 ou 8 kilos de moins que la Kawasaki d’origine, même le kit déco était plus fin pour peser moins lourd, toute la visserie était en titane, même les axes de roue. Je me souviendrais du bruit de la moto toute ma vie. Avec mon meilleur pote – qui m’avait accompagné – on était comme des dingues. Même Yves Demaria était comme un gamin, c’était de la folie.

Lors des premiers essais, il fallait que je m’habitue à la moto, mais je fais le second temps de souvenir. Le moteur, c’était un truc de malade; j’ai ouvert un enchaînement que j’ai été le seul à prendre en 250. Il y avait un triple avec réception sur table, et moi, en 250, je le passais en quadruple comme les 450. La moto était puissante, mais sans être violente. J’ai claqué 4 holeshots en 4 manches. Pour une raison ou une autre, l’organisation a décidé de me faire rouler lors de la finale 450 pour montrer la Kawa Pro Circuit. J’étais à l’extérieur pour le départ et au bout de la ligne droite, je me retrouve en tête avec Marvin Musquin qui roulait sur la KTM Factory.

Les suspensions étaient béton, des bouts de bâtons. Pourtant, Mitch Payton avait préparé un setting exprès pour moi, plus souple que celui de Darryn Durham aux USA. Debout sur les cales pieds, j’essayais, mais je n’arrivais même pas à enfoncer la fourche. “Je vais me tuer là-dessus”. Pourtant, les suspensions travaillaient super bien sur la piste. Ça m’a servi dans les whoops, j’étais le seul pilote 250 à les prendre pendant toutes les manches sans me faire un seul travers. Un truc de malade.

En première manche 250, j’étais en tête tranquille et je suis tombé tout seul en plantant l’avant dans un virage. Je suis parti avec un tour de retard, le souffle coupé, pour terminer loin. En seconde manche, holeshot et victoire nette et sans bavure. Le lendemain, j’avais mieux la moto en main et j’ai atomisé tout le monde avec la pole aux essais avant de gagner les manches facilement.

Je suis devenu Prince de Genève mais ça ne m’a pas ouvert la moindre porte. Si tu es vraiment un des meilleurs tops pilotes, on t’appelle, sinon, c’est toi qui dois appeler et faire la manche.

Si je m’étais pointé avec ma propre moto à Genève, ça ne se serait probablement pas passé de la même façon. J’aurais peut-être pu gagner une manche, mais 3 sur 4 ? Je doute. J’aurais fait des podiums, mais je n’aurais pas été au-dessus du lot de cette façon-là. Ce week-end-là, j’avais l’impression de rouler à 70%, je n’avais pris aucun risque et pourtant, j’étais loin devant.

La semaine suivante, ma copine – qui est devenue ma femme depuis – est venue me voir m’entraîner en France pour la toute première fois; je venais de remporter le Supercross de Genève. J’avais ma moto d’entraînement et dans le tout premier tour, j’ai planté l’avant et je me suis étalé devant ma nana dans un virage [rires].

Tu vois, il y a des mecs qui se demandent qui est Sulivan Jaulin sous ton article, tu pourras leur dire que je suis le dernier pilote Français à avoir roulé sur la Kawasaki Pro Circuit [rires].”

Une course, une histoire – Sulivan Jaulin

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