Interviews

Valentin Guillod “je commence à retrouver mon niveau de 2015”


Que de chemin parcouru pour Valentin Guillod ces dernières années. Le sympathique pilote Suisse est de retour chez Honda SR Motoblouz cette saison après avoir fait forte impression sur ses 5 piges en GP l’an dernier, soldées par 3 top 10 d’épreuve. Ayant retrouvé Yves Demaria la saison passée, Valentin Guillod est de nouveau bien entouré, paré physiquement et gonflé à bloc pour une nouvelle saison de grand-prix. Le garçon participait à sa première course d’intersaison à Sommières ce week-end et, sans une malheureuse rencontre avec une banderole en première manche, le podium de journée aurait eu des allures bien différentes. Micro.

Valentin. On va commencer par parler de ce retour chez Honda SR. En 2020, tu avais rencontré des pépins, ça ne s’était pas très bien passé sur le plan sportif. Ce retour auprès de Josse, il s’est fait comment ?

En fait, je n’étais pas au top en 2020, ni mentalement ni physiquement. En 2019, Honda SR avait fait une saison de mondial avec Van Horebeek. Gérer une saison avec un pilote c’est relativement simple. Ensuite, ils m’ont signé et on était deux pilotes sur le MXGP. La structure a dû rapidement s’adapter pour deux pilotes et ça devenait tout de suite plus compliqué à gérer pour le staff et après les deux premiers GP, on s’est pris le Covid, c’était une saison compliquée sur beaucoup de points. La différence entre 2020 et 2023, c’est qu’avant, Josse devait gérer les sponsors, les mécaniciens, l’organisation du team, les entraînements, tout le boulot quoi. Désormais, il peut se concentrer sur la recherche de sponsors et s’organiser avec les mécanos pendant qu’Yves [Demaria] gère les pilotes, le testing, tout cet aspect-là. C’est bon de voir que Josse est toujours motivé, chacun a un job défini et comme ça on peut être plus performant. Après le GP de Turquie en 2022, on a bien discuté avec Josse et il m’a proposé une belle offre qui m’intéressait vraiment. Ce qui est cool, c’est que les trois coéquipiers [Guillod, Rubini, Weckman] s’entraînent avec Yves, et ça aide vraiment.

Finalement, pourquoi ne pas avoir participé à l’international d’Italie ?

Le truc, c’est qu’on a roulé à Sommières et si tu regardes, on va rouler également les 11 week-ends suivants. La saison va se terminer mi-octobre pour nous donc commencer début février à faire des courses, ça fait vraiment une longue saison. Début Février, on n’était pas encore au top en terme de vitesse sur la moto donc c’est comme ça que ça s’est fait. Sommières, c’était à côté de la maison, j’ai pu dormir chez moi, c’était top.

Comment on gère cet aspect à l’intersaison. Il ne faut pas en faire trop et se retrouver cuit à la mi-saison, mais ne pas non plus sous-estimer la préparation pour ne pas débuter hors des clous.

C’est Yves qui sait gérer ça, avec ses 30 ans d’expérience. Il sait ce qu’il faut faire, il voit dans quel état d’esprit on est, où on en est physiquement et ce que ça donne sur la moto. Yves est vraiment bon dans la gestion de cet aspect. Je ne me pose pas de question, je suis juste le programme et c’est top comme ça.

Avec Yves, on s’est donné pour objectif d’avoir un bon pic de forme vers avril/mai. Ça va aller crescendo. Je ne sais vraiment pas à quoi m’attendre pour l’Argentine car c’est un terrain très spécial. Ce n’est pas du sable, c’est béton dessous, c’est glissant, une texture qu’on ne retrouve que là-bas. Mon objectif c’est de me donner à 100% et on verra le résultat dimanche soir. C’est sûr que je n’ai pas envie de faire 2 fois vingtième [rires], ce n’est pas pour ça que j’ai bossé dur ces 4 derniers mois mais si on peut être autour de la 12ème place dans les deux manches, ce sera déjà très bien.

Pssst ! l'article continue ci-dessous :)

Valentin Guillod s’est régalé à Sommières; nous aussi

À propos de Sommières. Je n’ai pas pu voir le (second) départ de la première manche; j’ai juste vu ta moto emmêlée dans les banderoles. Il s’est passé quoi ?

Au premier départ, j’étais sur la seconde grille exter’ et je fais le holeshot, le premier tour en tête et là, drapeau rouge. Je me remets sur la grille mais Thibault [Benistant] avait changé de place, il avait pris la seconde grille donc j’ai pris celle la plus à l’extérieur. Au tombé de grille, j’ai glissé à la sortie à cause de l’ornière qui était de travers et je suis sorti comme un gland. Thibault m’a serré, j’ai voulu forcer le passage mais la roue arrière a touché le filet, j’ai tout arraché, tout s’est emmêlé dans la roue arrière. Ma première manche de la saison s’est terminée 30 mètres après le départ, un super début de saison…

Battre un Vlaanderen dans les deux manches de Sommières, un gars qui a gagné des GP, c’est bon pour la confiance ?

C’est sûr qu’il vaut mieux le battre où être à sa vitesse que de se faire coller deux secondes. Ça montre que j’ai bien travaillé cet hiver et que ça va dans la bonne direction, donc c’est du positif.

Un mot sur le tracé de Sommières. Ils n’ont pas touché la piste de la journée, une bonne préparation pour les GP ?

C’était top, j’ai vraiment apprécié rouler à Sommières. Le matin, c’était de la boue, en fin de journée, c’était béton. On a eu de belles conditions toute la journée, changeantes. À chaque manche, il fallait se réadapter au circuit. Les ornières étaient carrées, profondes, truffées de trous; c’était des ornières de merde qu’on ne retrouve jamais à l’entraînement, mais tout le temps en grand prix donc c’était parfait pour bien travailler.

Tu as été le seul à allonger les deux sauts en descente toute la journée, à chaque tour, à chaque manche. Certains pilotes me parlaient du vent. C’était tendu ?

Non, même avec le vent, ce n’était pas tendu du tout [rires]. J’étais surpris que personne ne saute en seconde manche, et c’était pareil en troisième manche. Il n’y avait rien de spécial, il fallait juste viser pour bien atterrir sur la bosse. Est-ce que je gagnais du temps ? Je ne sais pas. C’était tellement normal pour moi de sauter que je ne me suis même pas posé la question. Pour le saut du milieu, je pense que je gagnais un peu de temps parce que je ne ralentissais pas autant avant le saut pour l’avaler, et j’arrivais aussi plus vite dans les trous au freinage pour le virage suivant.

En route vers la victoire en seconde manche

On en a parlé juste avant. Tu n’as plus évolué en Argentine depuis 6 ans. Les autres auront l’avantage de connaitre ce tracé plus que toi. Comment on se prépare pour le premier GP de la saison, étant donné que tu auras roulé à Sommières et Lacapelle, ce sont des tracés à la surface bien différente. Niveau réglages, on arrive avec quoi ?

Je pense que ce qui fait la différence, c’est si le pilote arrive et qu’il est bien mentalement, ou non. Cette texture de sable, on ne la retrouve nulle part. Ce n’est pas le sable de Hollande, ni le sable de Belgique, ni le sable d’Hossegor, c’est très spécial. Il faut surtout arriver en étant bien mentalement et adapter la moto tout au long du week-end pour faire du mieux possible pour les deux manches.

Tu vas débarquer à Neuquen avec les mêmes settings que Lacapelle ?

Pas tout à fait, on sait qu’on va modifier une ou deux petites choses au niveau du setup de la moto mais dans l’ensemble, on ne sera pas très loin de ce qu’on va utiliser à Lacapelle. On a notre base d’entraînement, et ensuite on ajuste un tout petit peu en fonction des conditions mais on n’est jamais très loin de cette base en question.

Tu te considères comme un bon metteur au point ?

Yves Demaria, ouai [rires]. On discute, je me réfère tout le temps à Yves parce qu’il a un oeil extérieur de fou, il voit vraiment bien les choses et c’est en le concertant que je prends mes décisions. J’arrive à assez bien ressentir les choses sur la moto, je suis assez fin. Après, on se demande si on prend les bonnes directions, les bonnes décisions, et c’est là qu’Yves intervient. Je donne mon ressenti, il donne son avis extérieur et on prend des décisions. Bien sûr, il y a aussi le chrono qui parle ensuite. Tu peux te sentir bien après un changement mais rouler deux secondes moins vite sur un tour, il faut faire des compromis.

On note le retour du GP de Suisse à Frauenfeld, j’imagine que ce sera une étape qui te tiendra tout particulièrement à cœur ?

La pub' permet de rester indépendant, et gratuit !

C’est super cool. Je suis très content que des gens soient motivés à 200% et aient tout mis en place pour organiser ça, c’est la grande classe et ça fait vraiment plaisir. À mon goût, ce sera un poil trop tôt dans la saison pour moi [rires] mais je vais tout faire pour arriver au mieux de ma forme là-bas, pour donner le meilleur de moi-même et on verra le résultat. C’est un circuit que je connais bien car on dispute des courses de championnat Suisse à Frauenfeld, donc depuis la 85cc, je roule là-bas. En fait, j’ai envie de te dire peu importe le circuit, c’est juste cool de pouvoir rouler en Suisse !

Vues, les images capturées par notre GoPro à Sommières ?

Tu vis dans le sud de la France depuis l’an dernier, j’imagine que tu t’entraînes beaucoup chez Yves et sur des terrains bétons, on a vu que c’était vraiment ton point fort. Il y aura toutefois du Kegums, du Lommel, du Arnhem, du Riola Sardo. Comment on prépare ces épreuves en vivant dans le sud-Est ?

En fait, la saison 2022 était une saison pour me reconstruire et me sortir du trou. 2023, ce sera une saison pour consolider les bases où je suis bon, sur la terre, le dur et tout ça. Pour l’instant, on s’est concentré pour retrouver un gros niveau sur la terre et faire de bons GP, tout en essayant de ne pas trop passer à travers des GP de sable. Pour 2024, on sait qu’on devra passer un gros hiver dans le sable pour être également bon dans ces conditions. Comme ça, ensuite, les objectifs seront différents pour la saison prochaine.

Pour rouler dans le sable quand on est dans le sud, on va dans le sud-ouest. Avant la Sardaigne on va se déplacer à Ottobiano. Pour Kegums, on ira peut-être se préparer dans le sable du côté d’Hossegor, c’est à 5 heures de route de la maison. Il y a toujours quelques possibilités, on peut faire la route pour aller en Belgique, ou en Hollande.

Dans un coin de ta tête, tu te dis qu’il y a un guidon Factory Honda de libre à prendre si tu fais un beau début de saison ?

Non. J’ai arrêté d’espérer ces choses. Je me concentre sur moi, je me donne à fond le jour des entraînements et des courses. Si ça doit se faire, ça se fera. Moi, je suis très bien chez Honda SR Motoblouz. On verra comment ça se déroulera mais mon objectif est de me concentrer sur moi-même et de faire des résultats.

Je me souviens de ton retour en piste en pigiste avec KMP Honda en Allemagne en 2019. Quand on voit la vitesse affichée en fin d’année 2022 et même à Sommières ce week-end, c’est le jour et la nuit.

C’est simple, depuis octobre 2016 à janvier 2022, c’était compliqué. Maintenant, je commence à retrouver mon niveau de 2015/2016, je sors du trou. Je me donne comme objectif d’être capable de jouer les places d’honneur en MXGP en 2024/2025. J’aurai 32 ans, je ne suis pas encore fini, un vrai jeunot !

Tu vas prendre la direction de Lacapelle. J’imagine que les objectifs de titre sont assez clairs. Dans un coin de ta tête, battre Herlings à Lacapelle, c’est un des objectifs de ce week-end ?

Je ne sais pas comment répondre à ça [rires]. Je suis un compétiteur donc c’est sûr que j’ai envie de le battre, mais je vais surtout là-bas pour faire mon truc, pour rouler à mon meilleur niveau. Si on peut se tirer la bourre avec Jeffrey, ce sera vraiment cool et je vais prendre beaucoup de plaisir. C’est plutôt en grand prix qu’il faudrait pouvoir battre Jeffrey qu’à Lacapelle !

DNF-1-1, le pilote Suisse termine 4ème de ce 56ème International de Sommières

Pendant ces courses d’intersaison, comment on gère mentalement ? Ce ne sont que des courses d’intersaison, il y a beaucoup plus à perdre qu’à gagner. Est-ce qu’on garde dans un coin de sa tête qu’il faut être en mesure de temporiser ? On a vu ce qu’il s’est passé avec Gajser à Trentino.

Je pense qu’à chaque fois que tu montes sur la moto, il faut être à 100%. Que ce soit physiquement, mentalement, au niveau de l’attitude et de la concentration. À l’entraînement, on prend les mêmes risques et c’est finalement là qu’on dépasse le plus souvent nos limites. Quand je suis sur les courses, c’est pour gagner; que ce soit sur le championnat Suisse, pour la course à la saucisse, ou sur l’Elite. Quand je vais en GP, c’est pour donner le meilleur de moi-même et faire de mon mieux. Je pense que l’attitude est très importante, si tu vas sur une course d’intersaison en te disant “Ce week-end, on y va tranquille”, c’est là que ça peut devenir dangereux. C’est pareil à l’entraînement, si tu n’es pas dedans, que tu n’as pas l’envie, c’est souvent là que tu te fais mal.

Finalement, tu es dans le même état d’esprit à Sommières qu’à Trentino pour un GP ?

Oui. Sur la moto, je me dois d’avoir le même état d’esprit. Si ce n’est pas le cas, Yves me le fait remarquer tout de suite. Soit je me mets dedans, soit je rentre chez moi. C’est normal car à la vitesse où les 450 vont maintenant, vu les sauts qu’on fait, si on n’est pas dedans et qu’on tombe, on se fait mal directement.

C’est déjà arrivé qu’Yves te renvoie chez toi ?

Oh oui [rires]. C’est déjà arrivé qu’après trois tours de warm-up, Yves m’arrête au bord de la piste et me dise “tu te mets dedans, où tu rentres chez toi”. Ça m’est déjà arrivé de rentrer à la maison mais mieux vaut rentrer à la maison, que de rentrer en ambulance.

J’ai l’impression qu’Yves y est pour beaucoup dans les belles choses que tu as montrées ces derniers temps. C’est toi qui fournis le travail, qui te défonces à l’entraînement, mais il y a cet encadrement qui semble t’avoir aidé à te remettre sur des bons rails.

Pour moi, c’est la personne qui me convient le mieux dans ma carrière. On l’a vu par le passé de 2013 à 2016, on a également vu comment ça s’est passé quand je n’étais plus avec lui et désormais, on voit ce que ça donne depuis qu’on est de nouveau ensemble. Yves, c’est une personne qui me convient bien, qui a beaucoup d’expérience. Il n’y a pas que les entraînements physiques, les choix techniques sur la moto, c’est aussi quelqu’un qui arrive à me mettre en confiance mentalement, ce qui me permet d’être bien plus serein.

Valentin Guillod “je commence à retrouver mon niveau de 2015”

Retour