En signant Tom Guyon pour évoluer sur les championnats de France en 2024, Valentin Teillet a frappé un grand coup et s’est lancé un nouveau défi avec l’un de nos meilleurs représentants tricolores. Après avoir accompagné Mathis Valin jusqu’au titre de champion du monde Junior, à une couronne de vice-champion d’Europe 125 et à un titre national chez les Juniors cette année, le boss du team 737 Performance GasGas délaisse le programme Européen pour se concentrer sur Timoteï Cez, Sleny Goyer & Tom Guyon l’an prochain. On a passé un coup de fil à Valentin Teillet pour parler de ses nouveaux projets et de la proposition reçue par Fantic à l’intersaison. Micro.
Valentin, tu avais déjà bossé avec Tom quand il était plus jeune; tu en retiens quoi ?
À l’époque, on était associés au sein du team VRT avec Mickael Vrignon. On cherchait un deuxième pilote et j’avais un œil sur Tom; je trouvais qu’il avait du potentiel. Il roulait sur des TM dans ce temps-là. Voilà comment je me suis occupé de Tom Guyon pendant un an, j’étais encore pilote à ce moment-là. Ça avait hyper bien matché, Tom est quelqu’un de très assidu et qui est à l’écoute et dans le coaching, c’est très important. S’il n’y a pas la complicité, on ne peut pas faire le même boulot. Quand la confiance et la complicité sont là, on avance. À l’époque, on avait vraiment bien progressé pendant cette année et par la suite, on avait pris des chemins différents mais on était resté en bons termes. J’ai suivi Tom depuis et cette fois-ci, ça s’est fait naturellement. Ça m’a vraiment motivé de pouvoir reprendre le boulot qu’on avait débuté il y a quelques années, surtout que j’ai plus de bouteille et d’expérience. Je sais sur quels points on va pouvoir bien bosser, j’ai analysé un peu ses dernières saisons. Le challenge avec Tom est incroyable, et il me plaît vraiment.
Quel genre de travail on va faire avec Tom ? Quand tu signes Mathis Valin, il est jeune, il a encore beaucoup à apprendre. Je ne dis pas que Tom n’a plus rien à apprendre, mais il a déjà un gros niveau, et il est capable de jouer devant en mondial. L’approche est différente ?
Dès les premiers échanges, j’ai vu que Tom avait perdu confiance en lui à cause des blessures. Moi, j’ai cette “chance” d’avoir connu les blessures dans ma carrière, et de les comprendre. Je pense que Tom a besoin de reprendre du plaisir, de se sentir bien au sein de son team et c’est ce que je vais essayer de mettre en place en 2024. Je veux qu’il arrive le matin avec le sourire, et qu’il reparte le soir avec satisfaction. On va se construire tout l’hiver pour arriver gonflé au maximum de sa confiance en début d’année, c’est l’objectif. Tom a eu pas mal de galères dernièrement donc on va y aller crescendo, sans brûler les étapes. Il est encore jeune, les gens l’oublient mais il n’a que 21 ans et il est encore en construction. Si tu prends un Mickael Maschio, je crois qu’il a été champion du monde à 28 ans. L’avantage, c’est qu’il a la maturité maintenant. Cette maturité, couplée à mon travail, je pense que ça peut vraiment faire un bon mix.
De ton expérience, quels sont les facteurs qui rentrent en jeu pour un pilote dans la situation de Tom ? Ces dernières années, il s’est souvent blessé alors qu’il affiche un très bon niveau. Il y a des pilotes pour qui ça marche, qui ne se blessent pas, et d’autres pour qui c’est récurrent.
Le facteur lié à la blessure, c’est le mental. Quand je me suis blessé, c’était par exemple à cause d’un surplus de confiance. Je prends l’exemple d’une manche où je fais troisième en Bulgarie, j’étais gonflé à bloc pour la seconde manche et je me suis monté en l’air. C’est là que le rôle de l’entraîneur est important, il faut canaliser le pilote et rester concentré. L’autre cas de figure, c’est le doute. Si tu doutes avant un départ, avant de t’entraîner, tu n’es pas concentré sur ton pilotage. Une phrase que je dis souvent, c’est que le Motocross n’est pas dangereux, c’est nous qui le rendons dangereux. C’est totalement vrai car si on arrive à réunir tous les facteurs: la technique, le mental, le physique et la tactique; on élimine les risques. Certes, c’est un sport qui reste dangereux de nature, mais pas plus dangereux que le BMX, que la boxe ou la Formule 1. On n’a juste pas le droit à l’erreur et le facteur concentration est très important dans notre sport.
Pourquoi on décide de signer Tom pour faire du SX Tour alors que finalement, ce n’est pas sa spécialité ?
Pour un team Français, faire les grands prix à l’heure d’aujourd’hui, c’est un budget conséquent et ce n’est pas possible; il faut être réaliste. Je ne veux pas mettre en péril ma vie privée et financière pour le team, déjà que ce n’est pas facile. J’ai donc proposé ce programme à Tom et il aime le Supercross; on en avait fait à l’époque et il était déjà vraiment bien à l’aise. On a même envisagé aller plus haut. Évidemment, on va faire une première année ensemble en Motocross et en Supercross et si jamais il est à l’aise, que ça lui plaît, peut-être qu’on s’ouvrira à des projets différents, vers du SX ou du MX US en 2025 s’il est content. Tom n’a signé qu’un an mais j’aime me projeter vers l’avenir, ça peut être dans les tuyaux. Les US, ça m’a plu en tant que pilote, et ça me plairait aussi en tant que coach. Je ne suis pas fermé sur la question et Tom le sait. J’ai simplement été clair avec Tom: on ne descend pas d’un cran en 2024, on redéveloppe juste du plaisir, de la technique et de la confiance à travers le championnat de France et quelques GP. L’objectif, c’est qu’il rebondisse derrière, sa carrière est encore devant lui.
Pendant le live de présentation, tu as glissé qu’il n’était pas impossible de te voir partir sur une saison de mondial MX2 dans un horizon proche avec tes pilotes. Vu ce que tu viens de me dire, est-ce que c’est vraiment dans les plans ?
Ce serait un objectif de team mais quand je vois les retombées de la saison 2023… Il faut savoir qu’on n’a pas plus d’aides que l’année dernière mais comme on dit, l’espoir fait vivre. J’espère toujours qu’une personne ou qu’une marque qui aime bien le team 737 investisse avec nous. C’est aussi pourquoi j’investis encore dans des pilotes. Je pourrais très bien faire comme certains teams, prendre 3 pilotes et leur demander de ramener 50.000€ de budget. Là, je pars en GP, mais je ne veux pas rentrer là-dedans. J’investis encore, car j’y crois encore.
Une question qui revient souvent, c’est pourquoi ne pas avoir accompagné Mathis sur l’Europe 250 ?
Ça faisait quatre ans qu’on travaillait ensemble, et je pense qu’il est important que Mathis opère aussi du changement. Mathis est une belle personne, ça s’est super bien passé et je n’oublierai pas ces belles années. Le team avance également; en début d’année je lui en avais parlé. Je lui ai dit “Mathis, je vais bientôt être papa”; ce n’est pas qu’une histoire de budget, c’est aussi une histoire de temps. Avec Mathis, c’était à temps plein – tout le temps – et faire des saisons entières de championnat d’Europe, c’est difficilement soutenable. Avec mon team, je ne gagne pas d’argent, c’est une association. Certes, ça ramène du monde sur les stages, ça fait vitrine pour notre marque de vêtements, mais tout est réinjecté. J’ai presque mis 4 ans de ma vie personnelle entre parenthèses pour aider Mathis et aujourd’hui, je serai le premier à être fier s’il réussit en mondial ou aux USA plus tard.
Cette année, j’avais entendu parler d’un rapprochement entre Fantic et 737. Pourquoi ça ne s’est pas fait ?
La proposition de Fantic était vraiment conséquente. On passait vraiment un gros cap en devenant team officiel EMX125 Fantic. Il y en a plein qui vont se demander pourquoi je n’ai pas accepté. Il y a deux raisons. La première, c’est que je m’apprête à opérer un changement de vie et devenir team officiel, c’était prendre énormément de temps et il aurait fallu remettre ma vie personnelle entre parenthèses. Il y avait aussi des conditions en plus: il y avait un bon budget à la signature, mais il fallait encore trouver du partenariat par la suite. Le deuxième point, c’est que je suis fidèle à mes partenaires. Ça fait 8 ans que je suis avec Shot personnellement, ça fait 7 ans que je suis avec Scorpion, on va faire la quatrième année avec la GasGas en 2024; la fidélité est importante. C’est sûr qu’avec GasGas, ce n’est pas du tout les mêmes moyens mais en attendant, ils étaient là il y a trois ans et ils sont toujours là pour nous aider, année après année. On connaît les motos, elles sont appréciées des pilotes; il y a une continuité et une fidélité que je voulais garder. Il y a aussi OxMoto, qui vend des GasGas par rapport à 737 Performance. À mon école de pilotage, on voit beaucoup de GasGas car les pilotes veulent un peu avoir cette image, proche du team; il y a une synergie intéressante. J’espère toujours qu’un jour, KTM, Husqvarna ou GasGas Europe s’intéressera au team, qu’ils croiront en moi. Partir d’une marque, c’est bien mais revenir après, c’est plus compliqué. On a joué la carte de la fidélité et j’espère que ça paiera.
C’était un risque que tu n’étais pas prêt à prendre ? Dans le sens où tu pouvais signer avec Fantic, mais la suite n’était pas forcément assurée ?
Le contrat Fantic, c’était un contrat de trois ans. Je n’ai pas pris ce risque car j’étais déjà en discussion avec Tom Guyon en même temps. Il n’y a pas que le côté financier dans la vie et le challenge avec Tom m’a directement botté. Si je partais avec Fantic, je ne faisais que le team EMX125. Pas de Tom, mais pas de petits non plus car Fantic ne fait pas de 65 ni de 85. On aurait peut-être pu faire une partie Fantic, une autre GasGas, je ne sais pas… En tout cas ça aurait été très compliqué à gérer et je ne peux pas planter mes pilotes car j’ai eu une grosse proposition. Peut-être que 95% des gens l’auraient fait, mais pas moi. Je ne regretterai pas cette décision, peut-être que ça ne paiera pas mais en attendant, je veux aussi être heureux dans ma vie personnelle et vu mes effectifs pour 2024, je suis sur-motivé et ça me régale déjà.
Il faut aussi savoir que Fantic m’aurait imposé des pilotes, pilotes que j’aurais eus à temps plein. J’ai une école de pilotage à côté, c’est aussi mon plaisir et un gagne-pain et ce n’était pas compatible. Avec mon école de pilotage, c’est comme avec les pilotes de mon team, je vis le truc à 140% avec 737 School et 737 Boost. J’ai un objectif clair et net, c’est de faire progresser mes pilotes pour qu’ils soient fiers d’eux-mêmes. Je ne peux pas me diviser en 5 et beaucoup de choses étaient à prendre en compte.
Tu as également intégré Sleny Goyer au team 737 pour la saison prochaine. Qu’est-ce qui a fait que tu as porté ton choix sur Sleny ?
Ça s’est fait naturellement. Je le connais depuis pas mal de temps, je le suis. Je me suis un peu rapproché de lui l’an dernier à Rauville-la-Place. On a beaucoup discuté, j’ai tenté de le mettre en confiance dans la course et coïncidence ou non, il a gagné les deux manches ! Il était attachant. Sleny a quelques lacunes, notamment dans les virages, mais il a aussi un gros potentiel et je me suis dit qu’il fallait que je le prenne dans le team; il y a quelque chose à faire avec Sleny. Son père m’accorde beaucoup de confiance. On ne part pas d’une feuille blanche avec lui, Sleny a déjà un bagage technique intéressant; c’est un rocher à tailler et si on arrive à bien le tailler, Sleny peut devenir un très, très bon pilote.
Tu viens tout juste de lancer un programme physique; tu peux nous en parler ?
Je me suis rendu compte que les pilotes de Motocross n’avaient aucun suivi et ne savaient pas du tout comment se préparer. Le physique, je m’y suis énormément intéressé. J’ai eu des préparateurs physiques, des coachs mental, et je me suis beaucoup intéressé à ces sujets. Aujourd’hui, je propose trois types de programmes: amateur, confirmé axé ligue et confirmé niveau pro’. Le pilote qui achète ce programme dispose d’un plan pour 20 semaines et d’un programme à suivre tous les jours: que ce soit endurance, renforcement musculaire, récupération, programme d’entraînement moto. À chaque fois qu’un pilote va à l’entraînement moto, il sait ce qu’il a à faire. Il y a beaucoup de pilotes qui roulent pour rouler et il n’y a qu’en moto qu’on fait ça, ce n’est pas un sport très structuré à l’entraînement.
Dans mes stages, quand je demande à certains pilotes “tu as fait quoi mercredi ?”, ils vont me répondre “j’ai fait de la moto.” Combien de temps ? Il ne savent même pas et on ne va pas se le cacher, ça ne sert à rien. Il y a beaucoup plus de discipline dans les autres sports et j’ai voulu proposer un programme 2.0 poussé pour qu’on arrête de faire n’importe quoi, et qu’on se prépare correctement. Je fais un visio’ avec la personne qui achète le programme dès le départ pour lui expliquer ce que j’attends de lui, et il peut suivre ce dernier en toute autonomie. Je suis parti sur des bases que j’ai pu tester sur mes pilotes, et qui ont fonctionné. L’avantage, c’est que ce programme peut-être utilisé à chaque préparation hivernale, ce n’est pas que pour une intersaison.