Interviews

Benoit Paturel “à l’intersaison, je me suis dit que le haut niveau et moi, c’était terminé”


Auteur d’une belle saison 2023 – sa meilleure en MXGP – Benoit Paturel n’est pas passé loin de se retrouver à pied à l’intersaison. 2024 a débuté sans le pilote De Baets Yamaha en Argentine, mais il était de retour en piste ce week-end pour le second GP de la saison, en Espagne. Compte tenu des complications rencontrées cet hiver, Benoit a loupé une grosse partie de sa préparation et ne comptabilise qu’une dizaine d’heure de moto dans les jambes à l’heure de revenir en grands prix. On a été prendre la température, et tenté d’en savoir un peu plus sur le contretemps rencontré à l’intersaison. Micro.

Benoit, l’an dernier on parlait d’une saison de reconstruction pour toi. Il s’est passé pas mal de choses depuis. Est-ce que cette saison 2023, c’était la fameuse année de reconstruction attendue ?

Franchement oui. Les objectifs ont été remplis dans l’ensemble. J’ai été dans le coup et ça a été ma meilleure saison MXGP. J’étais dans une structure familiale, on a rencontré quand même pas mal de soucis mécaniques et sans ces dimanches perdus j’étais 9 ou 10; l’objectif était d’intégrer les 10 donc c’est quand même rempli même si je fais 12 du championnat. 2023, c’était quand même une belle saison.

Celle-là, tu ne vas pas avoir envie d’y répondre mais je te la pose quand même. De Baets, pas de Baets, de Baets … Il s’est passé quoi à l’intersaison ?

Pssst ! l'article continue ci-dessous :)

Ca a été une intersaison très compliquée pour moi, et pas celle que j’attendais après avoir fait ma meilleure saison en MXGP l’an dernier. On attendait pas mal de choses, de soutien aussi. Fin novembre, début décembre, des choses ont été promises à droite à gauche et ça ne s’est pas emboîté. Certaines choses ont fait qu’on a malheureusement stoppé. De but en blanc, je n’avais rien du tout pour 2024; c’était trop tard. J’ai passé plus de deux mois très compliqués. Je n’avais pas prévu de repartir pour une saison. Ce que je veux, c’est le haut niveau. Faire un programme Français ou Allemand ou National n’est pas ma priorité. J’étais dans l’attente en quelque sorte. En gros, à l’intersaison, je me suis dit que le haut niveau et moi, c’était terminé.

Et comment ça s’est goupillé finalement ?

Comment dire ça [rires]. C’est forcément compliqué à dire. Disons que j’ai de bonnes relations avec Eric de Seynes et on a eu une conversation fin janvier. Après quoi, ça a pu aider le team de Baets à repartir, aussi grâce à un sponsor qui s’appelle Corpellets qui nous a bien aidé. Le team a pu se remettre en place. Au final, on a perdu du temps: trois mois d’hiver, mais on est là. Là, ça fait un petit mois que je roule donc je manque vachement d’heures de moto. J’ai roulé à Basly sur l’Elite pour me préparer un minimum, sans grandes ambitions. J’ai terminé 5ème mais je suis encore très loin de mon niveau. Physiquement, ça va mais il faut bouffer des heures de moto. J’ai une quinzaine d’heures sur tout l’hiver donc c’est vraiment minime. On repart, on prend le train en route mais ça va aller, ce n’est que le second GP. L’Argentine, on aurait pu y aller mais on a décidé de faire l’impasse dessus, car je manquais de roulage, on perdait 2 semaines avec le voyage. Je suis là, et je suis content.

À l’intersaison, quand tu te dis que le haut niveau c’est terminé pour toi, tu imaginais la suite comment ?

Honnêtement, je n’y ai pas vraiment réfléchi, je prenais les choses jour par jour. Je me suis quand même pas mal entretenu physiquement plus pour moi-même qu’autre chose, pour être bien dans ma tête. Je n’avais pas réellement d’entraînements planifiés. Cet hiver, c’était très compliqué. Dans ce sport, on sait qu’on peut passer du très bon au très mauvais très vite. Tu peux passer du top à rien d’un coup. Il faut faire les bons choix aux bons moments, être entouré des bonnes personnes, et aussi avoir un peu de chance car le sport devient ultra compliqué. C’est très sélectif, il y a de moins en moins d’argent et les places sont chères.

On est vendredi, tu es parti sur le pseudo test track faire quelques tours pendant quelques minutes. C’est quoi l’intérêt, ou le but, de faire ça ?

C’est pour se mettre un peu dans son week-end. Je fais ça depuis quelques années. Maintenant, on a aussi des tests de départs officiels le vendredi. Là, on essaye quelques petites choses sur la moto, pour la mise au point. On est un peu en altitude ce week-end donc on peaufine quelques détails. Après les voyages, ça permet aussi de se décrasser un peu pour le lendemain.

La catégorie MXGP électrique est annoncée à l’horizon 2026. Tu vois ça de quel œil ?

Pas d’un bon œil. Je pense que l’électrique arrivera dans notre sport et va le “tuer” que ce soit pour les spectateurs ou les pilotes. Je n’ai jamais essayé mais je pense que les sensations sont complètement différentes. Je ne suis pas trop pour mais on verra la suite, le monde évolue …

Un mot sur ce calendrier. Sur les 20 GP, on en a 15 qui reviennent pratiquement tout le temps. Avoir un calendrier plus diversifié, est-ce que ça permettrait selon toi de réinsuffler un peu de la nouveauté, de remotiver certains pilotes, d’en attirer d’autres ?

Peut-être mais, honnêtement, je ne me suis pas posé la question. Je prends les choses comme elles viennent. Ce qui est sûr, c’est qu’on a de plus en plus de circuits artificiels et c’est dommage car on a beaucoup de beaux circuits en Europe. Ce serait bien qu’ils puissent favoriser ces terrains là, plutôt que de favoriser le côté logistique – et business – de la chose, ce serait mieux pour les pilotes.

Si je te dis de te mettre à la plage d’un jeune qui est en MX2, qui doit bientôt monter en MXGP. Ce jeune là voit qu’en MXGP, il y a les mêmes pilotes depuis plusieurs années, qui ont plus de 30 ans, qui roulent encore devant. Est-ce que tu comprends que certains ne voient plus de débouchés en mondial après 23 ans ?

Oui, c’est exactement ça. J’en ai fait les frais et il faut être bien entouré comme je l’ai dit, faire les bons choix au bon moment et saisir l’opportunité quand elle se présente. Le train passe vite. En quatre mois, je suis passé du mec qui gagnait des grands prix à celui qui n’avait plus de guidon, à deux doigts d’arrêter la moto. Quand tu vois ça, tu te dis que ce sport est vraiment dur. Si cette règle de 23 ans est supprimée, je pense que ça changerait beaucoup de choses. Un peu à l’image des Etats-Unis. Ça ouvrirait des teams, des guidons, des pilotes qui se sentaient mieux en MX2 resteraient dans la catégorie. Pour moi, c’est ce qu’il faudrait changer en mondial.

Le projet de course hybride AMA/MXGP est toujours dans les cordes même si ça n’en parle plus trop. Tu en penses quoi, de ce projet d’épreuve mixte ou chaque pilote marquerait des points dans son championnat ?

Franchement, je trouve que c’est une bonne idée. D’ailleurs, s’il n’y avait qu’un championnat sur les deux continents, ça relèverait le niveau. Il y aurait plus de teams, plus de place. Je trouve que c’est une excellente idée.

Elite, on en a parlé. Il y avait une vingtaine de pilotes à Basly; je crois qu’ils étaient encore 16 engagés pour Castelnau quand j’ai regardé. Quand on voit qu’ils sont 70 en Italie ou sur le Dutch Masters, on se dit qu’il faut tirer la sonnette d’alarme, ou tirer des conclusions ?

C’est sûr que c’est inquiétant. À l’époque, sur le Cadet et le Junior on était dans les 120 aux qualifications. Là, ce sont des petits gabarits, ça ressemble à du Minivert. Les choses évoluent, positivement ou négativement. La conclusion, c’est qu’il n’y a plus que 20 pilotes, plus de primes, les engagements coutent une fortune. Même moi, j’ai été surpris de payer 170€ pour faire un Elite franchement. Au final, il ne faut pas s’étonner que les pilotes ne viennent pas. Je regarde sur le national, il y a plus de pilotes qui s’engagent et qui viennent rouler. Il y a des choses à revoir. J’ai connu, il y a une dizaine d’années, de grosses primes à la fin de championnat. Les deux catégories étaient pleines et c’était un vrai championnat de France. Ça donnait aussi envie aux pilotes de GP de venir sur l’Elite. C’est un sujet important et il faut réagir avant que le championnat de France ne s’éteigne.

Benoit Paturel “à l’intersaison, je me suis dit que le haut niveau et moi, c’était terminé”
Retour