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Jack Chambers “Je sens que j’ai gagné le respect des pilotes Européens”


Douzième en Argentine, treizième en Espagne, Jack Chambers se rapproche du top 10 sur le mondial MX2. Seul pilote Américain engagé en championnat du monde, le garçon avait débarqué en Europe à la dernière minute, la saison passée, pour remplacer Mikkel Haarup chez Kawasaki DRT mais une blessure en Allemagne avait compliqué les choses. Qu’à cela ne tienne, Jack a prolongé son contrat avec Steve Dixon pour la saison 2024, et espère être en mesure de se rapprocher du top 5 cette année. Le garçon a non seulement changé de discipline, mais aussi de continent ces derniers temps; on est allé s’entretenir avec le garçon au soir du GP d’Espagne pour recueillir quelques impressions. Micro.

Jack, 13ème de journée à Madrid, c’est mieux que l’an dernier sur ce même tracé, mais j’imagine que ce n’est pas exactement ce que tu attends. Comment c’était, ce second round pour toi ?

Je n’espère pas trop de résultats à ce stade, on fait quelques changements sur la moto durant les week-ends car on ne peut pas trop faire de testing durant les semaines. On revient d’Argentine et les motos étaient dans les caisses tout ce temps-là. J’espère que cette semaine, on pourra tester un peu; on va aller dans le sable, une surface sur laquelle je suis plus à l’aise. Étant originaire de Floride, on ne roule pas vraiment sur des tracés durs et truffés d’ornières comme celui-ci.

Je sais où je devrais être capable de finir, et c’est entre les 5-10 pour l’instant. Je ne vais pas dire que c’est plus simple à décrocher en signant de meilleurs départs, mais ça te facilite grandement la vie. J’ai pris un bon départ en manche qualificative le samedi, mais je n’avais pas le rythme suffisant pour accrocher un top 10. Je sais que j’ai la vitesse en moi, je l’ai déjà montré, mais il faut que je continue de travailler. J’ai signé 4 manches dans les points pour débuter la saison, j’ai juste besoin d’accrocher un top 10 avant de travailler pour aller chercher le top 5. D’ici la fin de saison, j’aimerais pouvoir aller chercher un podium, c’est l’objectif.

Tu t’es blessé en Allemagne l’an dernier, sur un incident vraiment bizarre (Jack s’est accroché – et fracturé – le pied dans une bannière publicitaire). Tu es rentré chez toi pour te soigner et tu étais également en Floride cette intersaison. Avec l’expérience accumulée l’an dernier, qu’as-tu fait de particulier pour te préparer pour la saison 2024 ? L’an dernier, tu ne t’étais pas préparé pour venir rouler en MX2; c’était un peu à la dernière minute.

L’intersaison a été bien différente cette fois-ci, car j’ai roulé en Motocross au lieu de rouler en Supercross. Je me suis entraîné avec mon entraîneur, Zach Osborne. On a fait quelques changements sur ma piste, on a fait en sorte de la laisser la plus défoncée possible. J’ai roulé sur des pistes défoncées à l’intersaison mais chez moi en Floride, c’est très mou, meuble, on n’a pas vraiment de pistes pour s’entraîner sur le béton et le dur. Je dois m’habituer à ces pistes. J’ai aussi une moto modifiée sur les épreuves, une transmission à 3 rapports, alors que j’ai roulé sur une moto à 5 rapports pendant toute l’intersaison, et pendant la semaine j’ai aussi une moto à 5 rapports. Il y a quelques ajustements à faire, mais je pense qu’on est dans une bonne position. La saison est longue, il y a 20 épreuves, j’ai scoré des points à chaque manche cette saison, et on n’a pas rencontré de problèmes mécaniques lors des premières épreuves donc c’est un week-end positif. J’ai mieux roulé ce week-end, mais il y a encore un écart à combler pour rouler avec les tops pilotes.

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Tu t’es préparé en Floride pour le GP d’Argentine. Est-ce que la piste sur laquelle tu t’es entraînée te permettait finalement de préparer les conditions que tu allais retrouver là-bas ?

Non, ça n’avait rien à voir. J’aime les tracés rapides, mais je ne pense pas qu’une seule piste sur laquelle j’ai roulé à l’intersaison aurait pu me préparer pour l’Argentine. Le tracé Argentin a une surface très différente, comme de la cendre volcanique, c’est de la fine pellicule de terre, ça glisse, j’aime bien ça mais c’est très nouveau pour moi. À chaque fois qu’on se rend sur une nouvelle piste, j’apprends. Je n’ai jamais été en Sardaigne et j’ai hâte d’y être car c’est du sable; je n’ai toujours pas d’attentes particulières, j’ai juste quelques objectifs à atteindre chaque week-end et je pense qu’avec le temps, on sera là où on veut être.

Etant le seul pilote Américain en mondial, j’étais curieux de savoir si des Américains s’étaient rapprochés de toi pour en savoir un peu plus sur ton expérience en GP.

J’ai fait une interview avec RacerX l’an dernier, Davey Coombs gère RacerX et on a bien discuté de mon expérience. Quelques Américains ont roulé en GP avant moi, comme mon entraîneur Zach Osborne par exemple, d’autres ont tenté aussi. Les grands-prix, ce n’est pas fait pour tout le monde. Le style de vie, la nourriture, l’entraînement, c’est vraiment différent de chez nous aux USA. Aux US, tu roules le samedi et tu rentres parfois le soir-même. Tu as beaucoup plus de temps la semaine, et tu t’entraînes beaucoup plus entre les épreuves. Ici, tu ne peux pas t’entraîner beaucoup pendant la semaine, car les week-ends sont chargés, les voyages sont plus longs et tu dois gérer ton samedi, mais aussi ton dimanche. Désormais, on fait même des tests de départ le vendredi. Les week-ends sont longs, on passe beaucoup de temps sur la moto, et il faut rester concentré tout le temps pour être en mesure d’afficher son meilleur niveau à chaque fois.

L’an dernier, tu me disais – en Suisse – que tu ne connaissais absolument aucun des pilotes derrière la grille. Désormais, ils te sont plus familiers, tu sais à quoi t’attendre quand tu les retrouves sur la piste: leurs points forts, faibles. C’est quelque chose qui t’aide, d’en savoir un peu plus sur eux ?

Quand je suis arrivé ici, et bien qu’aucun pilote ne m’ait rien dit de particulier, je pouvais sentir que les autres se foutaient totalement de savoir qui j’étais. Ils ne savaient pas qui j’étais car ce n’était pas comme si j’avais gagné en Supercross chez moi. Désormais, je ne vais pas dire que j’ai prouvé ma valeur, mais ils savent que s’ils sont derrière moi, je ne vais pas m’écarter pour les laisser passer. Je sens que j’ai gagné le respect des pilotes Européens aussi. Quand on termine les manches, ils viennent me taper dans la main, me dire qu’on s’est bien battus, des trucs comme ça. C’est sûr que c’est différent pour moi car je suis le seul Américain mais heureusement, il y a beaucoup de personnes qui parlent anglais dans le paddock et il y a aussi des mecs qui viennent du Canada, que je connais. Ca reste très différent des paddocks Américains car là-bas, je connais tout le monde et tout le monde me connaît. Ici, ce n’est pas encore le cas.

Avec ton expérience en GP, est-ce que l’adaptation de Tom Vialle en Supercross t’impressionne ? Tu as fait le trajet inverse, venant du Supercross pour tenter les grands prix. Lui a fait les grands prix, et a tenté l’expérience en Supercross.

Oui. Il est double champion du monde MX2 et je me dis que si tu es capable de rouler sur les terrains de grands prix, tu n’auras aucun mal à t’adapter là-bas. Le concept du Supercross est bien différent, ça demande beaucoup de concentration. Je me suis entraîné quelques fois avec lui l’an dernier chez Aldon Baker quand je roulais sur une KTM, on peut voir qu’il a franchi un cap et c’est cool à voir. Même Prado y est allé à l’intersaison et je pense que les victoires qu’a décroché Jorge en ce début d’année, ça vient aussi du fait qu’il n’a pas passé tout son hiver à se tuer à l’entraînement en Motocross. Il s’est évidemment beaucoup entraîné en Supercross, mais je pense que ça l’a aidé et surtout sur ce genre de tracé avec beaucoup d’ornières où il faut être propre, avoir une bonne vitesse de pointe. Quand je suis aux US et que je m’entraîne dans le sable, c’est juste du gros volume, à fond pendant les manches. Tout ça, ça me fait dire qu’il faut peut-être que je me calme un peu, que je roule plus détendu, que je trouve un meilleur rythme en course.

Certains pilotes Américains ont laissé savoir qu’ils pouvaient considérer une saison en MXGP une fois leur carrière aux US terminée. Parfois, on a l’impression qu’ils voient ça comme un championnat sur lequel tu peux performer une fois retraité. Est-ce que tu penses que les pilotes Américains apportent assez de crédit au championnat du monde ?

Non, pas du tout. C’est sûr que dit comme ça, ça semble même assez irrespectueux pour les pilotes d’ici. On a vu Ryan Villopoto venir en MXGP, il n’a pas dominé les courses. S’ils voient ça comme un projet pour la retraite, ce sera compliqué.

Tu sais moi, je n’ai pas énormément d’expérience en Motocross. Je dois déjà avoir 2 fois plus de courses de Motocross à mon actif en Europe qu’aux US. Tout ce que j’ai vraiment fait en Motocross aux US, ce sont des courses amateurs de 15/20 minutes, des courses où tu sprint, et puis du Supercross. J’ai été blessé à quelques reprises, je n’ai pas vraiment pu m’entraîner lors des épreuves d’intersaison donc je pense que maintenant que j’ai pu faire une préparation hivernale, je suis dans une bonne position. Après les deux manches, je n’ai pas le sentiment d’être exténué même si je me suis bien battu en seconde manche, et j’ai dépensé plus d’énergie. Le physique est mieux que l’an dernier, avoir Zach à mes côtés pour me pousser, c’est du positif. On a encore quelques steps à franchir avant d’être là où on veut être, mais je dirais qu’on n’est pas loin de mon niveau. Est-ce qu’on est loin de pouvoir jouer les victoires ? Oui. Ce dimanche, j’étais 4 ou 5 secondes moins vite que les meilleurs.

Tu pourrais te voir t’installer en Europe à temps plein pour finir ta carrière en MXGP, ou le plan est de retourner aux USA par la suite ?

Quand je suis arrivé en Europe, l’objectif était de vivre l’expérience, décrocher un contrat d’usine, et de rentrer à la maison. Clairement, ça ne va pas se passer comme ça, à moins que je ne gagne des courses. Si j’arrive à gagner, à décrocher des podiums, peut-être qu’alors j’aurais fait ce que j’avais à faire ici et je voudrais rentrer à la maison mais pour l’heure, j’aime être en Europe. C’est sûr que là, je préférerais être à la maison, à prendre du bon temps au bord du lac après un Supercross, mais la vie est différente ici. Mon objectif pour l’heure n’est pas de rester ici jusqu’en MXGP, mais j’ai encore une année – 2025 – d’éligibilité en MX2 avant de devoir monter en 450. D’ici là, si j’ai la vitesse et le niveau pour rouler en MXGP, pourquoi pas ?

Tu sais, il n’y a pas que l’argent dans la vie, mais l’argent joue aussi un rôle important. Si j’arrive à en vivre correctement ici, que j’arrive à progresser, ça pourrait se faire. Évidemment, l’objectif est aussi de rentrer à la maison un jour pour se mesurer aux meilleurs pilotes Américains, car c’est là-bas qu’on retrouve les meilleurs pilotes du monde en Supercross, mais tu ne peux pas écarter le fait que les meilleurs pilotes du monde se trouvent aussi ici, en MXGP. Je veux rouler contre tout le monde, et me mesurer avec les meilleurs ici ou aux US. J’ai un passé en off-road aux USA, en GNCC, sur les courses d’Endurance. J’ai roulé sur ces épreuves jusqu’à mes 15 ans avant d’être invité à la Monster Cup. C’est de là que je suis allé chez Tim Ferry pour m’entraîner pour la première fois en Supercross et j’ai terminé 4ème de la Monster Cup. C’est un peu de là que ça a changé pour moi, j’ai eu envie de faire de la moto mon métier, et j’ai eu envie de pouvoir jouer les victoires. Je n’en suis pas encore là, c’est évident, mais c’est le but de chaque mec qui s’aligne derrière la grille. Si ton objectif ultime n’est pas de pouvoir gagner un jour, tu ne fais pas le bon sport. On a tous un rêve en tant que gamin, c’est de devenir champion.

Jack Chambers “Je sens que j’ai gagné le respect des pilotes Européens”
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