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Jan Pancar, un pilote privé dans le top 10 du mondial MX2


Dans le top 10 provisoire du championnat du monde MX2, 9 pilotes factory et un pilote privé: Jan Pancar. Avec le temps, on aurait presque pris l’habitude de voir le Slovène intégrer le top 10 en mondial et on en oublierait quasiment que le garçon évolue dans des conditions bien différentes de celles de ses principaux adversaires. On a profité du Grand Prix de France pour aller à la rencontre de Jan Pancar, qui a connu un week-end difficile sur le tracé de Villars-sous-Ecot.

Pour trouver Jan Pancar dans le paddock du mondial MX2, c’est simple. Ils ne sont qu’une petite poignée de privés à être parqués au fond du paddock MX2. Derrière les semi-remorques des équipes officielles, un camping-car immatriculé en Slovénie. Celui de la famille Pancar.

C’est un garçon au visage bien balafré qui se présente à nous. Non, Jan Pancar n’a pas troqué le guidon de sa 250 SX-F pour des gants de boxe à Villars; le pilote Slovène a simplement fait une mauvaise chute le samedi et s’est salement amoché.

“En fait, la chute n’était pas si grosse que ça mais je crois que je me suis pris un caillou dans la tronche car j’ai le visage complètement égratigné, le menton en vrac et mal à l’œil.” nous explique Jan. “Après cette chute, je ne voyais plus très bien mais le dimanche, ça allait mieux. J’avais un peu mal, je ne me sentais pas vraiment à l’aise en première manche. En seconde manche, je savais qu’il fallait que je me reprenne, que j’attaque un peu plus. J’avais encore un peu peur après cette chute du samedi. Le tracé était vraiment dur mais j’ai quand même fait une meilleure seconde manche même si j’étais un peu en dedans en début de course. Je suis revenu neuvième mais je suis tombé dans un virage à deux tours de la fin et je me suis fait doubler par deux pilotes. Je termine 11ème en seconde manche après avoir fait 16ème de la première, et je fais de nouveau 10ème du GP c’est … intéressant [rires]. J’espérais faire de meilleurs résultats ici car ce type de tracé bien dur, c’est ce qui me convient bien.”

Son meilleur résultat de manche de la saison, c’est au Portugal que Jan Pancar le signera. Il finira 6ème de la première manche MX2.

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Si le tracé de Villars a bien évolué entre la journée du samedi et du dimanche après le travail réalisé par l’organisation, le mal était fait pour le pilote Slovène. Contraint à l’abandon lors de la qualif’ du samedi, le garçon héritera de la dernière place sur la grille pour les deux manches. Jan Pancar ne lâchera rien malgré des départs compliqués et ira chercher un nouveau top 10 d’épreuve en France, son cinquième cette saison, en 7 rounds disputés.

“Le dimanche, c’était similaire au samedi mais ils ont tout de même travaillé sur la piste quand ça devenait trop chaud. Ils l’ont préparé, c’était une bonne chose. Le samedi, ils n’ont pas touché au circuit de la journée et il est devenu brutal. De gros trous, des ornières partout, une petite erreur résultait en un gros crash. Dans les descentes, tu ne pouvais pas faire grand-chose. On a vu beaucoup de chutes ce week-end car c’était un tracé très compliqué; mais c’est la même chose pour tout le monde.”

Depuis l’an dernier, Jan Pancar a franchi un step certain, et a progressivement fait son apparition aux avant-postes sur le mondial MX2. Finalement, les résultats du pilote Slovène n’ont jamais été aussi bons qu’en endossant le statut de pilote privé. À chaque épreuve, Jan se tire la bourre avec les pilotes factory du championnat du monde MX2, qui disposent de moyens bien plus conséquents. 

“Je suis fier.” nous confie le Slovène. “Les usines investissent des millions pour être au top niveau et moi je suis là avec le plus petit budget possible et imaginable. En plus pendant l’hiver, je me suis blessé au genou et je n’ai pas pu faire de moto pendant un mois. Sachant ça, je suis vraiment content de mon début de saison et j’espère qu’on va pouvoir continuer sur cette lancée, continuer à s’améliorer et se rapprocher encore plus des pilotes usine. Ce week-end, ils étaient trop rapides pour moi mais ce n’est pas simple d’être tout le temps compétitif face à eux. Je pense que les motos se sont tellement développées qu’aujourd’hui, les différences ne sont plus aussi grandes qu’avant donc c’est quand même possible de se faire une place. Bien sûr, c’est difficile mais moi, je fais de mon mieux.”

Le pilote Slovène prouve qu’il est toujours possible de rivaliser avec les grosses structures en mondial en tant que pilote privé

Pilote privé, Jan Pancar reçoit bien de l’aide de KTM qui lui fournit des motos qu’il prépare du mieux qu’il peut pour être compétitif au possible sur les grands prix. Une moto que vous pourriez également vous préparer en moyennant quelques billets verts. Inutile de préciser qu’en comparant le budget de Jan à l’année à celui des teams factory, parvenir à rivaliser avec ces derniers relève presque du miracle.

“J’ai un coup de main de KTM, mais pas au niveau des moteurs. On me fournit des motos” continue Jan. “Elles sont très proches des motos d’origine. Je ne suis même pas certain qu’on puisse acheter des pistons haute compression sur le marché pour ces motos. Avec mon père, on fait quelques modifications et réglages sur le moteur pour que ça aille mieux, ça m’aide mais au départ on ressent quand même une grosse différence avec les pilotes factory, c’est dur de partir avec eux. Sur certains terrains, cette différence se ressent un peu moins quand même. C’est sûr que j’aimerais recevoir un peu plus d’aide de la part de KTM mais je suis quand même content du soutien que j’ai de leur part.”

Pilote Racestore KTM jusqu’en 2021, Jan Pancar a décidé de se lancer dans l’aventure en pilote privé dès 2022, avec l’aide de ses partenaires locaux. Vu son niveau, le garçon a bien reçu des offres de teams mais ce dernier a préféré rester libre de ses choix, afin de pouvoir garder le contrôle de son propre destin. Des teams aux belles devantures, il en existe une poignée sur le mondial; mais combien de bons teams retrouve-t-on réellement ? Signer un contrat pour intégrer une structure tierce n’est pas toujours un gage d’évoluer dans de meilleures conditions.

“Pourquoi je n’ai pas rejoint une équipe ? C’est une bonne question.” Nous répond Jan. “J’ai eu quelques offres pour cette année mais on a décidé de continuer en privé pour avoir un peu plus de liberté. On est vraiment bien soutenus par des sponsors locaux très loyaux et on a déjà un plan mis en place pour le mondial MXGP l’an prochain; on pourra probablement rester dans les mêmes conditions en 2024. Je ne voulais pas faire ma dernière année en MX2 avec un nouveau team, juste pour une saison. Il faut savoir qu’avec les offres que j’ai reçu, on allait perdre de l’argent au terme de la saison et en plus de ça, tu dois obéir à l’équipe, vivre aux Pays-Bas ou en Belgique. Je préfère être chez moi, à la maison. Pour une très bonne offre, c’est certain que je déménagerais mais quand il s’agit de teams plus modestes, on se rend assez vite compte qu’on peut réaliser la même chose en tant que pilote privé.”

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“Si je suis en mesure de faire une saison de mondial complète en tant que privé, c’est grâce aux sponsors privés. Sans ça, ça ne serait pas possible.” poursuit Jan “Je pense vraiment qu’Infront devrait faire comme aux USA, payer un peu les pilotes. Pas forcément leur verser de grosses primes, mais que les pilotes gagnent au moins un petit quelque chose. Là-bas, avec un top 15, tu peux rembourser les frais avancés pour te rendre sur les courses et ça semble bien plus simple. Mais bon, on ne peut rien y faire. On est les clowns du cirque, on fait le spectacle pour les gens, mais on prend quand même du plaisir donc c’est comme ça et on fait avec.”

Un camping-car, une remorque, une tonnelle, deux motos, et roulez jeunesse

Du haut de ses 23 ans, Jan Pancar réalise sa dernière saison en MX2 et espère bien chatouiller le top 5 et se rapprocher encore un peu plus des pilotes factory. La règlementation obligera le Slovène à monter en MXGP la saison prochaine, machine sur laquelle il n’a encore que très peu évolué et catégorie dans laquelle les places d’honneur sont d’autant plus difficiles à décrocher. Reste l’option USA qui en fait rêver une poignée, et Jan Pancar n’est pas insensible à l’idée …

“Je ne sais pas trop comment ça se passera en MXGP, c’est difficile à dire.” Commente Jan. “Je n’ai jamais vraiment roulé en 450. Cette transition peut très se passer, comme très mal se passer. Tu peux te sentir très bien tout de suite en MXGP ou galérer pendant un an ou deux C’est sûr que je préfèrerais rester en MX2 car depuis l’an dernier, je m’améliore vraiment. Le MXGP, ça demande de passer une étape supérieure, c’est bien plus dur et il y a beaucoup de bons pilotes.”

“C’est sûr que les USA, c’est dans un coin de ma tête mais je n’irais pas rouler là-bas en tant que pilote privé. Si j’avais une bonne offre des US, je la considèrerais vraiment. Je ne sais pas trop comment je m’en sortirais en Supercross mais Tom Vialle est parti là-bas et il a fait une belle saison de Supercross même s’il a eu un peu de mal dans les whoops. Le Motocross, ce n’est pas un milieu facile. Si tu es un pilote factory, tout va bien, sinon, tu galères.”

Le saviez vous ? Jan Pancar assure ses arrières, au cas où. En plus d’être le meilleur pilote privé du mondial MX2, le garçon est encore embarqué dans un cursus scolaire afin de décrocher un diplôme dans le génie mécanique. L’équilibre n’est pas toujours simple à trouver pour Jan, qui jongle entre ses études, son entraînement physique, son entraînement moto, et qui passe de longues heures à traverser l’Europe de part en part dans son camping-car pour se rendre sur les épreuves.

“Là aussi, ce n’est pas simple.” nous explique Jan au sujet de ses études. “Moi, j’ai pris une année supplémentaire au niveau des études car j’ai déjà passé tous mes examens, il ne me reste plus qu’à passer mon diplôme. Pendant l’hiver, c’était un peu trop pour moi de tout faire et là, il y a l’entraînement, les courses, tout ce qui va avec. C’est difficile à gérer mais c’est possible. Je me dois de le faire car j’ai déjà passé mes examens et c’est la dernière ligne droite pour moi avant d’en avoir fini avec les études. Ce n’est pas une situation idéale mais quand tu ne gagnes pas d’argent avec la moto, il te faut un plan de repli pour la suite. Je préfèrerais évidemment gagner ma vie en roulant mais bon, c’est comme ça.”

Comme de nombreux pilotes qui se font les dents sur les championnats Nationaux, Européens et mondiaux, Jan Pancar rêve de pouvoir un jour vivre décemment de son sport. Evidemment, le pilote Slovène se situe déjà dans le haut du panier compte tenu de ses performances sur le mondial MX2 mais même à ce niveau-là, rien n’est jamais assuré. Jan Pancar se laisse à rêver, lui aussi, à un guidon factory pour marcher dans les traces laissées par son homologue Slovène, un certain Tim Gajser.

“Mon rêve, ce serait de pouvoir bien vivre du Motocross. Devoir voyager partout en camping-car, c’est dur. J’aimerais bien, moi aussi, pouvoir prendre l’avion pour aller sur les courses. Un pilote comme Tim Gajser prend l’avion et retrouve son gros motorhome sur les courses. Tim peut se permettre de faire ça car il a le niveau pour, il faut donc que je travaille plus, que je m’améliore, et peut-être que j’y aurais le droit un jour, moi aussi.”

Sur ces derniers mots et après une chaleureuse poignée de main, Jan Pancar s’engouffrera dans son camping-car pour rejoindre ses parents et avaler, toute la nuit durant, le gros millier de kilomètres le séparant de son domicile, en Slovénie, avant de recommencer la même routine d’ici à la prochaine épreuve qui se disputera à Kegums, en Lettonie, début Juin.

Jan Pancar, un pilote privé dans le top 10 du mondial MX2

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