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Quentin Prugnières « Je ne suis plus dans ma première année, donc c’est le moment de se bouger »

Images: DailyMotocross

Rookie en MX2 l’an passé, Quentin Prugnières réalise sa seconde saison sur le mondial avec le team WZ Racing cette saison. Fini la 250 KX-F; il évolue désormais au guidon d’une moto Autrichienne, et pour le compte d’un team Allemand. Alors que la mi-saison approche, le Français pointe aux portes du top 10 du classement général provisoire en ayant signé son meilleur résultat de carrière – et un premier top 5 – à Agueda. Attentes, bilan, impressions, objectifs, Quentin nous en dit plus sur sa première moitié de saison 2025. Micro.

Quentin. Tu pointes douzième du championnat MX2, après 7 rounds. Tu es le second meilleur pilote non-factory. C’’est quand même un bon début de saison pour toi, non ?

Un bon début de saison ? Je ne sais pas trop. Il y a vraiment eu des hauts et des bas. La semaine dernière au Portugal il y a vraiment eu un bon résultat, comme j’ai fait de très mauvais résultats. Donc ce n’est pas super régulier. Sur une moyenne, ce n’est pas encore le top, mais c’est sûr qu’il y a eu un peu plus de tops que l’année dernière sur le début de saison. Il faut regarder le positif.

L’objectif, c’est quand même de continuer d’évoluer, d’aller chercher un peu plus du résultat. Je ne suis plus dans ma première année, donc c’est le moment de se bouger. Je pense que ce n’est pas le début de saison que j’attendais, mais il y a quelques résultats qui sortent, donc ça reste quand même bien, mais il faut que je continue, et que je sois un peu plus régulier.

Sur le papier, c’est quoi le début de saison que tu attendais, ou pour lequel tu avais travaillé ?

Je voulais en tout cas être un peu plus souvent, sinon tout le temps, dans les 10; au minimum. Là j’ai fait des manches hors du top 10. Déjà, en Argentine pour commencer la saison, j’étais loin. En Suisse j’ai fait deux manches hors du top 10. Il y en a d’autres aussi; c’est sûr que j’en ai fait d’autres. Je voulais juste être plus souvent dans le top 10 que ça.

Tu fais 5ème à Agueda le week-end dernier, ton meilleur résultat de carrière. Tu avais aussi signé ton meilleur résultat de carrière là-bas l’an dernier. C’est un bon résultat. Finalement la question, c’est de savoir pourquoi il arrive seulement maintenant ce résultat, et aussi  pas plus régulièrement ?

Je ne sais vraiment pas comment te répondre là, tout de suite. Dans la boue, si on regarde, j’ai souvent été un peu plus présent que sur les autres courses. En première manche, j’avais fait une belle remontée. Je suis juste un peu plus resté sur mes roues. La deuxième manche a été un peu plus compliquée par rapport aux lunettes. Je me suis fait découper dans les premiers virages, puis j’ai mal géré mon début de manche. Agueda, comme tout le monde le sait, c’était un peu un coup de poker. J’ai su saisir ma chance, mais je me suis juste battu jusqu’au bout pour le faire.

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On peut te voir finir 7ème, ça ne nous surprendrait pas. On peut aussi te voir finir 13ème. Ça ne nous surprend pas non plus. Tu parles de régularité, mais sur le papier, comment on travaille là-dessus ?

Je pense que ça se travaille un peu plus au mental. Il faut se sentir bien tout le temps. En fonction des pistes, il y a vachement de haut et de bas. Sur les pistes un peu plus dures, comme Arco, qui ne sont pas forcément des textures que je kiffe vraiment, je galère un peu plus. Quand on arrive dans des conditions un peu plus difficiles, comme Riola, le Portugal ou l’Espagne en début de saison, on n’est pas surpris de me voir devant. Sur les pistes où je ne suis pas le plus à l’aise, on n’est pas surpris de me voir un peu plus derrière. Il faut travailler un peu plus sur les textures qui me posent problème, pour être bon partout.

Tu parlais de travailler un peu mentalement; c’est quoi le problème ?

Par exemple, à Arco, j’étais parti derrière, et j’ai dépassé plein de bons mecs. Je m’étais vite retrouvé dans le top 10. J’étais devant, et j’avais passé plein de mecs qui sont devant d’habitude. Se dire mentalement que j’ai le bon rythme, que je vais le tenir jusqu’au bout et que je vais réussir à rester concentrer – sans faire de chute à la con comme à Arco – ce n’est pas toujours facile.

Au final, il y a plein de courses où je roule bien. On voit que j’ai la vitesse, mais je me mets par terre. C’est pour ça que j’ai loupé plein de top 10 encore cette année. C’est pour ça que je parle de travail mental, afin de pouvoir rester bien concentré sur ce qui se passe, et être dans le moment présent.

Finalement, on se sent plus à l’aise quand on part devant, quand on est tout de suite dans le groupe de tête, ou peut-être quand on est un peu plus derrière, quand on a le temps de prendre son rythme et qu’on voit qu’on est plus rapide que les mecs devant ?

Le truc, c’est que j’expérimente tellement des deux. Je ne saurais pas te dire dans quel cas de figure je me sens le mieux. En général, dans le passé, les situations qui m’ont le plus réussi, c’est quand je pars un peu plus derrière, et que je remonte les pilotes.

Mais quand on était dans les petites catégories, c’était beaucoup plus facile de le faire qu’aujourd’hui. Là, en MX2, on a un plateau qui est vachement homogène. Quand tu pars derrière, en général, tu y restes et si tu ne fais pas les dépassements dès les premiers tours, c’est mort.

Donc non, forcément, c’est toujours mieux de partir devant. Tu te facilites la vie même si – par exemple – tu n’as pas le rythme ou que tu n’as pas le physique pour rester devant. Au moins, tu apprends des choses. Tu améliores le rythme et à force de partir devant, tu finis par t’accrocher et ça devient habituel de rouler à ce rythme-là. Mais non, forcément, c’est toujours mieux de partir devant qu’autre chose.

Vous avez déjà eu deux gros GP dans la boue. Cozar, Agueda. Je suis curieux de savoir si ce sont des conditions dans lesquelles on travaille à l’entraînement. Quand tu arrives sur un GP comme ça, c’est un peu la loterie. Comme tu l’as dit, ça peut être un coup de poker. Est-ce que c’est un truc que vous travaillez, que ce soit pour la gestion des lunettes, la gestion de la course, de la moto, pour trouver de l’aisance dans ces conditions ou est-ce qu’on se dit «de toute façon, il arrivera ce qu’il arrivera, c’est la loterie» ?

Nous, de notre côté, en Allemagne, pour trouver des pistes qui ressemblent à ça, c’est un peu compliqué. On trouve parfois des pistes dans des conditions merdiques, ça arrive. L’hiver par exemple, tu vas à Lommel, quand il pleut ou qu’il gèle, et tu te retrouves dans des conditions compliquées. En fait, on s’entraîne peu importe la situation.

Après, des conditions comme on a retrouvé sur les deux derniers GP, en général, tu n’en trouves pas beaucoup à l’entraînement. Après, on ne se dit pas «aujourd’hui, on va dans la boue pour s’entraîner spécifiquement là-dedans». En fait, on veut aussi préserver nos motos d’entraînement. Les motos de course sont un peu plus délicates que les motos d’entraînement, aussi. Les mécanos vont avoir tendance à nous dire «tranquille, ne crame pas la moto pour la fin de manche». Dans ces conditions, personne n’est à l’abri, que ce soit une moto factory ou non. On sait simplement qu’il va falloir ménager la moto pour aller jusqu’au bout.

Est-ce qu’on est un bon metteur au point, et quel serait selon toi l’axe de travail pour améliorer cette 250 SX-F ?

Est-ce que je suis un bon metteur au point ? Je dirais que ça va. Je ne suis pas le meilleur, mais je ne pense pas que je suis le pire. J’arrive à peu près à développer et à exprimer ce que je ressens sur la moto en général. Forcément, ça m’arrive de dire des conneries. Personne n’est à l’abri de ça, j’en dis souvent d’ailleurs.

Mais en général, j’arrive à peu près à me situer sur ma moto, même si je pense que sur la KTM, c’est vachement différent, parce que je n’ai eu qu’une seule base pendant beaucoup d’années. Donc, c’est sûr que c’était un peu plus compliqué en changeant de moto. Quand je suis arrivé chez WZ, je voulais faire des choses, mais on m’a dit «Non, Quentin, tu es sur une KTM, là, ça ne marche pas comme ça».

Concernant un axe d’amélioration sur la moto, je pense que la KTM est une très bonne moto. Moi, en tout cas, j’ai du travail à faire sur le châssis pour essayer de trouver un peu plus ce qui me correspond. Je cherche à avoir un peu plus de facilité à bouger avec la moto, à jouer avec on va dire. C’est quelque chose que je ressentais un peu mieux avec la 2024 que la 2025. Mais après, ça, c’est purement personnel; ce n’est pas un avis que tout le monde partage. Il y a beaucoup de pilotes qui adorent la 2025. Par rapport à mon pilotage, je pense que je suis en recherche d’un peu plus de facilité de ce côté-là.

Quand tu arrives jusqu’à ce niveau, on va dire que tu sais faire de la moto, et que tu as passé un paquet d’années à rouler. Il y a aussi des mecs qui se sont occupés de vous. Est-ce que, quand tu ressens des trucs sur la moto, tu es capable de dire «il faut faire ça pour régler mon problème».

Non, pas encore. Je me rappelle quand j’étais chez Bud, il y avait Lucien qui bossait sur nos suspensions. Je lui disais «je ressens ça, j’aimerais bien essayer ça». Il me disait «en fait, non, c’est totalement le contraire qu’il faut faire», et il avait raison. Du coup, on me demande de donner mon ressenti, et eux s’occupent de faire les changements. Je travaille un peu plus de cette façon-là. Par exemple, quand je ressens un truc, je vais me dire «il faut durcir» ou au contraire «il faut assouplir» et ça peut vite être faussé. Du coup, j’écoute. Il y a eu des moments où j’avais raison sur les changements à faire, et d’autres où j’ai eu tort. Du coup, je suis plus là à donner mon avis. Chez WZ, ils sont vachement ouverts et on essaye souvent les deux directions et, en fonction de ce que je préfère, c’est moi qui choisis en suite. Avoir un oeil extérieur, c’est super important pour aider à prendre la bonne direction. Je donne mon ressenti, on discute, et on avance;

Comprendre ces changements, c’est un sujet auquel tu t’intéresses ?

Oui, je m’y intéresse un minimum quand même. Je ne veux pas y aller à l’aveugle sur ma moto. Je ne suis probablement pas le mec qui s’y connaît le mieux du paddock, mais je m’y intéresse un minimum. Et il y a plein de petits à côté auxquels on ne pense pas, comme bien connaître et choisir son guidon, etc. Après, je commence tout juste. C’est encore assez récent car j’ai quasiment fait 4 saisons avec la même moto et du coup, je ne me posais pas vraiment la question pour ne pas te mentir.

Là, avec les changements de team, il m’arrive de recontacter mes mécaniciens de chez Bud par exemple, ou mes anciens entraîneurs pour savoir avec quoi on roulait, voir ce qu’il pourrait être intéressant de faire, etc.

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Comme tu dis, c’est ta deuxième année en MX2, la chose la plus importante que tu penses avoir apprise de ta rookie saison l’an dernier, c’était quoi ?

Prendre des bons départs. Point.

Le plus gros point fort, et le plus gros point faible de Quentin, c’est quoi ?

Les départs, c’est le plus gros point faible. Je me la mets souvent aussi; je tombe vachement. Point fort ? Je dirais la technique, je me démerde un peu sur une moto de temps en temps je pense.

Tu as fait ta première saison avec F&H, là tu es chez WZ Racing. Nouveau team, nouvel environnement, nouvelle moto, nouveau pays … Comment s’est déroulée cette adaptation, et finalement, est-ce que le fait de changer de team, ce n’est pas accepter de faire un pas en arrière ?

Je n’ai pas pensé à la chose de ce point de vue. Je ne me suis pas réellement posé la question. En fait, moi, j’essaie toujours de voir le côté positif. Est-ce que c’était faire un step back ? Non, pas forcément. Aucun argument ne montre que c’était un step back.

Je me suis vite adapté au team, et aux personnes qu’il y avait autour, comme à l’environnement. Je vis juste dans un endroit un peu plus paumé mais en soi, je m’en fiche, de là où je vis. Je vais rouler, je fais mon sport, je me concentre sur ce que je dois faire, plutôt que sur là où je suis.

Un petit mot sur l’ADAC vu que tu es engagé dessus cette année. C’est sur trois manches, sur de belles pistes, il y a un bon niveau sur ce championnat. C’est idéal pour préparer les GP, aussi ?

Oui, surtout du côté des pistes. Parce que ce sont des pistes qui sont franchement physiques. Il y a des trucs, le samedi, que je n’avais jamais vus sur une piste de moto. Genre de gros trous, des marches énormes. En fait, ils ne refont pas beaucoup la piste, donc il faut être vraiment accroché. En plus, on prend des départs sur grille en métal. En termes de roulage, on fait pratiquement autant qu’un GP, à part que les manches, c’est 20 ou 25 minutes. Il y a une manche le samedi qui compte, ce n’est pas une manche qualificative, mais du coup, ça revient à la même chose qu’en GP. C’est cool d’avoir des terrains comme ça, et le même format qu’un grand prix.

J’ai vu qu’il y avait un petit Français en 85cc, Conrad Pinchon. C’est cool de voir qu’il ne s’intéresse pas qu’au championnat de France. Attention, on a souvent de belles pistes en France et pour les jeunes, c’est top; je ne critique pas. Mais l’ADAC, ça te prépare vraiment.

À l’époque du 85cc, je me souviens être arrivé sur des pistes à l’étranger et me demander ce qu’il m’arrivait. Des terrains avec des rails énormes, des trous. Physiquement, je péchais. L’ADAC, ça t’habitue vraiment à des trucs assez chauds, aux grosses ornières, aux kickers de partout.

En plus, je crois qu’à part pour le petit Leok, du deuxième au quarantième, les pilotes 85cc se tenaient en 3 secondes à la première épreuve; c’était dans un mouchoir de poche. Les jeunes roulent vraiment bien là-haut. Ils se la donnent, ces petits ! Ça leur apprend déjà pour les grands prix. Quand tu as passé ton temps à rouler sur ce genre de circuit et que tu arrives sur les pistes des GP, ça ne te choque pas.

Après, nos jeunes en France roulent aussi vraiment fort, mais c’est cool de voir qu’ils s’intéressent à autre chose, qu’ils n’hésitent pas à faire des changements.

Ce serait quoi, le truc le plus important que tu as appris jusqu’ici, et que tu aurais aimé savoir plus tôt ?

En soi, on va plutôt dire que j’ai pris conscience des choses. Depuis que je suis petit, j’ai eu des entraîneurs avec beaucoup d’expérience, mais  je n’ai pas réellement appris; j’ai juste pris conscience, et j’ai vu les choses de mes propres yeux. C’est différent.

Quand tu es petit, tu n’as pas envie de faire ci, tu n’as pas envie de faire ça. Et puis, quand tu es vraiment confronté à la réalité des choses, tu te dis «peut-être qu’en fait, il faut que je me bouge le c*ul».

Tu te rends compte qu’en fait, toutes ces personnes avaient raison. J’ai juste pris conscience des choses, parce que j’ai eu la chance d’avoir des entraîneurs qui avaient énormément de connaissances. J’écoutais beaucoup, aussi, et j’ai pris conscience par moi-même, que ce soit par des claques ou de bonnes expériences.

Pour être franc, ils avaient raison à 99.9% du temps. Le 0.1% du temps où j’avais raison, c’était juste des coups de chance [rires]. Si tu as un entraîneur qui a de l’expérience, écoute-le, car il a raison.

Quentin Prugnières « Je ne suis plus dans ma première année, donc c’est le moment de se bouger »
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