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Romain Pape “Je n’ai plus rien à prouver, c’est juste l’accomplissement de ma vie sportive”

Images: DailyMotocross

La bonne humeur de Romain Pape est contagieuse. De retour d’une nouvelle saison de Motocross US, le pilote Breton a participé à son tout premier Supercross de Paris le week-end dernier. Une expérience inédite pour le garçon qui parvient à allier plaisir et performance ces dernières saisons. Un micro décontracté, comme toujours.

Romain, ça fait un bail ! Un mot sur l’outdoor pour commencer. Entre ta première année et ta deuxième année aux US, en quoi ta préparation a été différente, qu’est-ce qui a changé dans ton approche de la saison ?

Ben, il y avait moins de stress. Je savais ce qu’il fallait faire pour arriver là-bas en étant prêt sur le plan physique et logistique, donc ça a été quand même beaucoup plus facile. Surtout que je suis resté avec les mêmes motos, le même entraîneur et la même équipe, donc c’était vachement plus facile.

Et puis, qu’est-ce que j’ai changé ? Je me suis moins préparé pendant l’hiver en fait. J’ai fait un peu moins de moto, un peu moins de sport, parce que la première année, je voulais vraiment bien faire les choses, et j’étais arrivé un peu cramé au début du championnat.

Cette année, j’ai commencé un peu plus tard, je ne me suis pas trop affolé, pour arriver en forme début mai aux USA, et puis ça s’est super bien passé !

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Quand tu vois que t’es sur les rotules après l’outdoor, et que les mecs là-bas ont 31 courses sur la saison, tu te dis que ce sont des machines, non ?

C’est clair, et c’est là que beaucoup de gens on tort. On entend dire que les sportifs à moto, ce sont des branleurs, qu’ils ne foutent rien. Franchement et pour être honnête, moi aussi j’étais du genre à penser ça avant d’aller là-bas. Moi, quand je ne faisais de la moto que le week-end, et un peu la semaine, et que je bossais tout le temps, je me disais: «ils ont la belle vie, c’est facile pour eux». Mais non, ce n’est pas facile. Quand on est sportif de haut niveau en motocross, c’est vraiment très dur. Moi, je ne fais que l’outdoor, ça me prends 5-6 mois de l’année et quand j’ai terminé le championnat, je suis complètement sec. Eux, ils sont à fond depuis début janvier… Franchement, grand respect à eux.

17ème de l’outdoor l’an dernier, 17ème cette année. Quel bilan on tire de cette saison, et finalement, qu’est-ce qui te manque pour être en mesure de jouer régulièrement le top 10 aujourd’hui ?

Ouais, même résultat, 17ème. Je crois que c’est un chiffre qui me va bien [rires]. Ce résultat, ça me va, personnellement. Après, ce n’était pas la même saison. On dira ce qu’on veut, mais c’est vrai que l’année dernière, j’avais eu un peu de chance, le niveau n’était pas aussi homogène que cette année avec quelques absents. Cette année, franchement, ça roulait très fort. C’était un step au-dessus avec quasiment tout le monde qui était présent. Même dans le paquet, c’était vraiment homogène.

J’ai tenu mes places, souvent dans les 20, dans les 15, même quelques fois autour du top 10. Mais franchement, c’était vraiment plus dur que l’année dernière. Il fallait être plus régulier, et j’ai encore passé un bon cap cette année et surtout en fin de saison. J’étais un peu mieux, plus souvent dans les 15, entre 10 & 15. Il faut juste continuer comme ça, et puis j’espère pouvoir être dans les 10 l’année prochaine.

Un premier Supercross pour Romain Pape, et à Paris s’il vous plait @DailyMotocross

Techniquement, avec tes moyens, es-tu capable de te préparer une moto compétitive pour aller chercher ces tops 10 régulièrement, ou tu te dis quand même que ça va être compliqué face aux missiles du plateau 450 ?

Non, je pense que je peux avoir une moto qui me permette d’être dans les 10. J’avais une très bonne moto cette année. On a vu que je prenais de bons départs, j’étais souvent entre les 10 et 15 et c’est là qu’il faut être en début de manche si je veux être dans les 10 en fin de course. Franchement, je pense que je peux avoir le matériel qu’il faut pour rouler dans les 10. On l’a vu avec Harri Kullas. Il n’avait pas une meilleure moto que la mienne, et il était dans les 10, donc ce n’est pas impossible.

Est-ce que c’est possible de se préparer à l’outdoor US en roulant en France à l’intersaison ?

Non, ce n’est pas réellement possible. Après, on peut se préparer afin d’être prêt à s’entraîner là-bas. C’est sûr que je ne retrouve pas les mêmes pistes, je ne peux pas m’entraîner de la même façon ici que là-bas, ni dans les mêmes conditions. Mais maintenant, je sais à quoi m’attendre, je sais sur quoi je dois bosser pour ne pas être perdu quand j’arrive sur place, et ça se fait comme ça, parce que je n’ai pas vraiment d’autres choix.

C’est quoi la balance entre dépenses/recettes d’une saison outdoor, si on compare avec une saison d’Elite, ce que tu ne fais plus depuis quelques années désormais ?

Pour être transparent, les 5/6 mois aux USA, ça me coûte 60.000€. Cette année, j’en ai empoché 30.000$. Le calcul est vite fait, il y a un trou de 30.000$. Après, j’ai des sponsors extra sportifs qui m’aident à faire cette aventure-là. Sans eux, je ne le ferais pas, ce n’est pas possible.

Après, si je faisais l’élite, combien ça me coûterait, combien j’empocherais ? Difficile à dire, mais je pense que dans tous les cas, ce serait pareil, je perdrais de l’argent. Après, c’est un choix personnel, d’aller là-bas. C’est sûr que je ne gagne pas ma vie en faisant ça, mais je suis hyper épanoui dans ce que je fais, et je suis très content.

Il y a de nombreux Français qui songent à, ou qui rêvent d’aller tenter leur chance aux US. Quel conseil pourrais-tu donner à un pilote qui voudrait s’attaquer à l’outdoor ?

De trouver du budget, de faire les choses bien, de ne pas venir en n’ayant que 10.000 $ en poche et devoir compter ses sous à chaque fois. Ce serait dommage de ne pas pouvoir profiter pleinement du moment et de l’expérience. Je ne vais pas dire que ce serait mettre de l’argent à la poubelle, mais ce serait de l’argent gâché, un petit peu. Il vaut peut-être mieux en faire moins, mais le faire bien et dans les bonnes conditions. C’est mon avis.

Tu as participé au championnat SuperMotocross cette année. Tu as dû passer par les repêchages et, à chaque fois, ce n’est pas passé bien loin. Il t’a manqué quoi ? Un peu d’expérience en Supercross, j’imagine ?

Oui, il ne m’a pas manqué grand-chose.

Lors de la première épreuve, j’étais parti devant, j’avais fait le boulot. Clairement, je devais passer et j’ai chié dans le dernier tour. J’ai fait deux erreurs de merde et je ne suis pas passé pour les manches. Je pense que si j’étais passé à la première, j’aurais pu faire les deux manches et ça aurait été différent pour les autres épreuves du SMX. Je pense que c’est à ce moment-là que je suis passé à côté, mais bon, ce sera pour la prochaine fois.

Romain Pape termine 11ème du Supercross de Paris 2024 @DailyMotocross

Est-ce que tu te dis “si l’an prochain, je passe lors des épreuves du championnat SMX, il y a moyen qu’il n’y ait plus de trou de 30.000$ à la fin de l’année” ?

Oui, mais je ne fais pas ça en regardant le côté financier. L’argent, ce n’est pas ma source de motivation. Ma motivation, c’est de pouvoir profiter tant que je peux être à ce niveau-là en motocross, et de vivre ces expériences. C’est comme ce week-end, ici à Paris, c’est juste un accomplissement. Je n’ai plus rien à prouver, c’est juste l’accomplissement de ma vie sportive les US; je veux juste profiter au maximum de cette vague, tant qu’elle durera.

Là, on est au Supercross de Paris, ton premier Supercross de Paris, mais je crois aussi ton premier Supercross, concrètement, l’expérience en SX avant de te débarquer ici, ça résume à quoi ?

Rien ! Le néant [rires]. J’avais fait un Supercross quand j’étais en junior, ça date de 10 ans. C’est un truc de fou. L’atmosphère est complètement différente. C’est grandiose d’être à Paris, dans le stade de l’Arena; il est gigantesque. Le show va être fou. Il faut que j’arrive à rester concentré sur moi-même, à profiter au maximum des gens qui vont être là, et à kiffer.

Là, c’est quand même une grosse piste. Je me suis entraîné un petit peu sur des pistes de Supercross par chez moi, mais c’était du miniature par rapport à ce qu’on retrouve ce week-end. Là, les enchaînements sont gros, les whoops aussi; je ne sais même pas si je peux appeler ça des whoops tellement ils sont énormes [rires]. Il va falloir y aller, on ne va pas s’énerver. L’avantage, c’est que je suis sûr de faire toutes les manches; il n’y a pas de qualifications, donc j’ai le temps. Il y a deux soirs, on va aller neuf fois sur la piste. Le but, c’est de prendre son temps et juste le faire au feeling. Je vais voir comment ça se passera, mais surtout, je veux prendre du plaisir.

Est-ce que, dans un coin de ta tête, il y a une envie de te spécialiser en Supercross qui pourrait germer par la suite ?

Dans un coin de ma tête, j’aimerais bien finir ma carrière sur une saison de Supercross aux USA, c’est dans ma tête. Après, le Supercross de Paris, ça va être bien pour voir où j’en suis avec un petit mois de préparation. On verra tout ce que je suis capable de faire, sans parler de résultat, mais juste en termes de capacité technique et tout ça, voir ce que ça dit, et puis on verra pour la suite.

Un mot sur 2025. J’ai cru comprendre qu’il y aurait peut-être des opportunités là-bas, pour toi ?

Ouais, il y aura peut-être des opportunités. Ce qui est sûr – quoi qu’on n’est jamais sûr de rien – c’est que je compte tout faire pour repartir sur une saison en championnat de Motocross US. Après, avec qui et comment ? Tout ça, c’est encore trop tôt pour en parler. Il y aura peut-être des opportunités qui pourront se présenter à moi, et si je peux les saisir, je les saisirai et je ferai en sorte que l’aventure continue !

Romain Pape “Je n’ai plus rien à prouver, c’est juste l’accomplissement de ma vie sportive”
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