Dylan Ferrandis & Romain Pape ne seront pas les deux seuls pilotes Français engagés sur l’outdoor 450 cet été, puisqu’un certain Scotty Verhaeghe répondra favorablement à l’appel du championnat US pour prendre un bol d’air, et un nouveau départ. Le pilote Français – coaché par Yannig Kervella – a d’ailleurs déjà pris ses quartiers en Californie après avoir participé à l’Elite de Romagné. Objectif, se préparer d’ici à l’ouverture du championnat de Motocross US, qui se tiendra à Fox Raceway le 25 mai prochain. On a passé un coup de fil à l’intéressé pour parler de son projet, mais aussi revenir sur la saison 2023; une année noire pour le pilote du team VHR GasGas.
On s’en souvient encore. En 2022, Scotty Verhaeghe avait participé à la seconde moitié du championnat d’Europe 250 et n’avait pas démérité. Le garçon avait intégré le top 10 à de nombreuses reprises en affichant une belle vitesse de pointe. Inéligible à la catégorie Européenne en 2023 compte tenu de son âge, Scotty avait décidé de se lancer dans sa première saison en championnat du monde MX2 l’an dernier. Une blessure au genou à l’entraînement l’empêchera finalement de prendre part à la première moitié du championnat, et la suite ne sera qu’une succession de mésaventures.
“Après la saison 2022 qui s’était vraiment bien passée, on comptait partir sur le Mondial MX2 en 2023 car je n’avais plus l’âge de faire l’Europe” nous explique Scotty. “Le problème, c’est que je me suis re-déboîté le genou à l’entraînement avant la saison. J’ai compris que ça n’allait pas le faire. La solution, c’était d’aller me faire opérer au Canada, avec un nouveau procédé qui te permet de reprendre en un mois. Dean Wilson était passé par ce même procédé à l’époque. Le truc, c’est que le chirurgien qui devait m’opérer rencontrait des problèmes de dos, donc on a dû retarder l’opération. Pour l’histoire, ce procédé te permet de te faire greffer un faux ligament artificiel, créé à … Dijon. Opération d’ailleurs interdite en France. Dans les grandes lignes, je suis allé me faire opérer au Canada, je suis rentré en France et le lendemain, je marchais déjà et je n’avais aucune douleur. J’ai repris le vélo deux semaines plus tard et je n’avais pas de douleur non plus. J’ai envoyé un message au chirurgien pour savoir quand je pouvais reprendre la moto. Il m’a répondu “Tu reprends quand tu veux, c’est à toi de voir maintenant.”
“Un petit mois et demi après l’opération au Canada, j’ai pu remonter sur la moto sans douleur, je ne sentais rien et mon genou tenait super bien. C’était incroyable. J’ai été rouler à Rauville-la-Place, pour faire au moins une course avant d’attaquer le mondial. Je savais que je n’étais pas à 100%, mais j’ai roulé sur l’Elite quand même pour reprendre du rythme et de là, je suis parti en Indonésie faire les deux grands prix; je termine 14ème à Sumbawa et 16ème à Lombok. De là, on est parti à Loket …”
Scotty revenait en piste à l’occasion du double GP d’Indonésie, en 2023. @Mediacross
Scotty ne gardera pas un bon souvenir du GP de République Tchèque; dans le dur le samedi – il terminera 28ème des chronos et 27ème de la manche qualificative – le pilote Français se battra pour intégrer les points en première manche le dimanche. En manque de physique et de roulage, il terminera 23ème du premier débat. De nouveau en bataille pour les points en début de seconde manche, Scotty Verhaeghe sera victime d’un problème mécanique et verra sa moto bloquée à fond à l’appel d’un saut.
“J’ai lâché la moto en l’air, et j’ai atterri sur les doigts de pied et le cul” se remémore Scotty. “Sur le coup, j’ai ressenti une grosse douleur au niveau du bas du dos. J’avais un peu peur pour mes jambes. Je les sentais, mais j’avais une grosse compression dans le bas du dos; je me suis dit que c’était fini. J’ai commencé à bouger mes jambes pour voir si tout allait bien. Quand j’ai bougé mes pieds, j’ai senti qu’il y avait un truc qui clochait dans ma botte à gauche. Sur le coup, je ne savais pas réellement ce que j’avais, mais je ne pouvais plus trop bouger. J’étais un peu bloqué, sur le dos. Ça a été compliqué parce qu’il y avait 10 médecins qui parlaient le tchèque autour de moi et un seul médecin qui parlait anglais. Moi l’anglais, je ne le parle pas couramment. Ils avaient peur pour mon dos, ils ne voulaient pas trop me bouger et je suis resté 20 minutes allongé sur la piste pendant que les autres pilotes sautaient à côté de moi. C’était la galère.”
Scotty se fracturera le coccyx et l’orteil du pied gauche lors de sa chute en République Tchèque. Plutôt que de se faire opérer sur place, le pilote VHR GasGas préfèrera faire preuve de patience et attendra le lendemain – lundi – pour prendre l’avion en direction de la Belgique, malgré ses blessures.
“Quand j’ai su que c’était le coccyx, j’étais vraiment soulagé car même si j’aurais des douleurs à vie, il n’y a pas de risque pour le dos. Aujourd’hui, c’est encore compliqué; je n’arrive pas à rester correctement et complètement assis sur une chaise. Finalement, c’était le gros orteil qui posait le plus de problèmes et moi, je ne voulais pas me faire opérer sur place. J’ai pris l’avion en vrac comme ça le lundi pour me rendre en Belgique, mais personne ne voulait m’opérer. Je me suis fait aider par Joel Smets et Valentina Ragni de chez KTM, qui m’ont trouvé un chirurgien à la clinique d’Herentals où je me suis rendu le mercredi. Ils m’ont opéré en urgence dès le jeudi pour sauver mon orteil qui avait explosé. Mon orteil disait bonjour aux autres, il était complètement de travers et il devenait de plus en plus bleu à chaque jour; ça faisait peur. Jusqu’à l’opération, j’ai gardé le pied en l’air pour éviter au sang de trop circuler, j’essayais de tout faire pour qu’il ne pourrisse pas. L’opération s’est bien déroulée même si désormais, j’ai des douleurs à ce niveau-là, mais ça va. Avec toutes les opérations que j’ai eues, et notamment au niveau du genou, j’ai limite moins mal à faire de la moto qu’à marcher aujourd’hui. En fait, on est tellement concentrés quand on fait de la moto qu’on ne pense plus aux douleurs. Par contre en-dehors de la moto … Je ne peux plus courir et je me lève le matin avec les genoux qui craquent, je suis cassé de partout.”
Après 8 mois sans course, Scotty était revenu en piste sur l’Elite – en 450 – à Basly @Valex
En 2023, Scotty devait réaliser son premier – et dernier – mandat sur le mondial MX2; un mandat écourté. Ayant soufflé sa 23ème bougie l’an dernier, le pilote Français n’est plus éligible à la catégorie et devrait désormais évoluer en MXGP sur la scène mondiale. Après à sa blessure contractée à Loket l’année passée, le garçon laissera la moto de côté quelque temps pour se mettre au vert, avant que la passion ne le rattrape finalement.
“Voilà ma saison 2023 pliée. Trois courses du mondial avant de m’exploser, et le rêve d’enfant qui part en lambeaux. C’est comme ça. Je n’avais plus trop envie de rouler à l’époque. Un jour, j’ai pris une moto de Mathilde [Martinez] pour faire un tour, juste pour voir. Puis, je suis allé m’entraîner avec mon frère, pour m’amuser un peu et comme par hasard, j’ai perdu l’avant et j’ai posé le pied. Le genou a tourné. Je n’ai trop rien senti sur le coup mais en relevant la moto, j’ai senti que mon genou voulait partir … J’étais dépité “C’est pas possible, pas encore”. Le problème, c’est que mon croisé étant un faux ligament, on ne le voyait pas lors des IRM… Verdict: mon dernier bout de ménisque avait pété donc fin octobre, je passe par la case opération. Après l’opération, le chirurgien me fait savoir que mon genou est mort, qu’il faut refaire tous les ligaments à l’exception de celui que j’avais fait refaire plus tôt dans l’année. Je décide alors de retourner au Canada fin novembre, pour me refaire faire le genou au complet. On me pose un faux ligament externe et sur mon croisé, le chirurgien pose un ligament en plus pour protéger celui greffé plus tôt, pour le soutenir. En fait, j’ai un ligament de cadavre dans le corps, de quelqu’un que je ne connais pas. Voilà pour l’histoire. Le chirurgien a dû tout nettoyer car j’ai tellement d’arthrose dans le genou qu’à ce stade, il faudrait que je me fasse poser des prothèses, mais je suis encore trop jeune et tant que je ferai de la moto, ce n’est pas une option. Si je mets des prothèses aujourd’hui et que je pose le pied, le genou ne bougera plus mais ce sera le fémur ou le bassin qui pétera et là, ça peut créer de très gros problèmes.”
“Après cette nouvelle opération, j’ai décidé de partir aux Etats-Unis pour changer d’air, et voir autre chose.” poursuit Scotty. “Réellement, je ne voulais plus trop entendre parler de moto à ce moment-là. En clair, je donne ma vie pour ce sport, il n’y a rien de bien qui arrive, et je n’en peux plus. Pendant six mois, je n’ai rien fait, pas de sport, rien du tout. Sauf qu’au bout d’un moment et comme tout pilote, tu tournes en rond … J’ai donc repris l’entraînement physique en décembre avec mon entraîneur Yannig Kervella, et j’ai repris la moto en Janvier 2024. De là, j’ai eu envie de changer d’air et de me laisser tenter par les US. J’en ai discuté avec Yannig, avec mon entourage, et on a décidé d’arrêter le 250 pour passer en 450. J’ai roulé pendant un mois et demi aux US avec la 450, et je pense que c’est la meilleure moto que j’ai eue depuis très longtemps. C’est la moto avec laquelle je prends le plus de plaisir à rouler. Je ne me voyais pas rouler en mondial MXGP et vu que j’avais besoin de changer d’air, on a décidé de partir sur l’outdoor.”
“À la base, on hésitait quand même entre la catégorie 250 ou 450 mais en 250, il faut faire beaucoup de frais rien qu’au niveau de la préparation des moteurs et il faut souvent changer les motos.” répond Scotty quant au choix de la cylindrée pour son aventure Américaine. “Le 250,c’est un gros budget. Quand tu regardes le plateau 250 aux US cette année, tu vois 22 pilotes usine derrière les grilles et tu comprends vite que si tu n’as pas une moto performante et si tu ne lâches pas un billet de 15.000€ dans le moteur, ça ne servira à rien. Voilà pourquoi je suis parti sur la 450. Et puis il faut dire qu’une saison en Outdoor ne coûtera pas plus cher qu’une saison en Europe, ce sera même limite moins cher parce que tu vas pouvoir faire rentrer des ronds avec les primes, les contingency, etc. L’autre réalité, c’est qu’avec la météo aux USA tu n’uses presque aucune pièce. J’ai roulé 30 heures là-bas cet hiver et je n’ai presque rien usé alors que quand je suis revenu en France, j’ai fait 14 heures de moto et j’ai passé plus de pièces qu’en 30 heures aux USA. Quand tu mets tout bout à bout, ça te revient moins cher en finalité.”
À Castelnau, Scotty rentre dans le top 10 dans les deux manches @Valex
Vous l’aurez compris. La présence de Scotty Verhaeghe sur l’Elite MX1 cette saison n’est pas fruit du hasard. Présent à Basly, Castelnau-de-Levis et Romagné, l’intéressé a profité des trois premières épreuves du championnat de France pour se mettre en jambes avant d’attaquer le plus gros de la préparation sur le sol Américain. 11ème à Basly, 10ème à Castelnau, Scotty a été contraint de faire l’impasse sur les manches à Romagné.
“De base, je n’étais même pas trop partant pour faire de l’Elite cette année, mais arriver sur l’outdoor sans entraînement en situation de course, c’était tendu. Une nouvelle moto, une nouvelle catégorie, un nouveau championnat; tout va être complètement différent donc je me suis décidé de faire quelques courses de l’Elite pour me préparer. J’ai fait la première à Basly, ça ne s’est pas trop mal passé car je m’attendais à pire; je n’ai pas vraiment de physique, peu d’heures de moto dans les jambes et j’arrive dans une nouvelle cylindrée. Il y a eu du positif, du négatif. Je sais que j’ai une bonne vitesse mais je suis encore un peu trop fougueux à vouloir attaquer comme en 250 alors que la 450 te rappelle vite à l’ordre.”
Décomplexé et dans une nouvelle dynamique, Scotty cherche avant tout à se faire plaisir cet été après une passe difficile. Le pilote Français n’a pas encore posé d’objectifs précis sur le papier. Affronter la catégorie reine de l’autre côté de l’Atlantique relève du challenge; challenge que le garçon compte bien relever à bras le corps en donnant le meilleur de lui-même. Une aventure qu’on ne manquera pas de suivre attentivement.
“Désormais, je ne me fixe plus d’objectifs, et depuis longtemps. Ça m’a beaucoup joué des tours par le passé. Je me suis fixé des objectifs, je ne les ai pas atteints, il y a eu des chutes, etc. L’idée, c’est avant tout de prendre du plaisir, de retrouver un niveau correct, de bien rouler en course. C’est sûr que si j’arrive à rentrer dans le top 20/15 sur l’outdoor, ce serait vraiment bien, mais il y a encore du travail. Je ne me prends plus trop la tête pour le futur, je veux me focaliser sur cette saison, faire une année sans blessure et être content à la fin de l’année. Je veux pouvoir me dire que j’ai réussi.”
